Les limitations implicites imposées au débiteur 

Les limitations implicites imposées au débiteur

L’indivisibilité du paiement, le bénéfice du terme et l’abus de droit. Nous ne pouvons pas interpréter les règles relatives à l’imputation des paiements en vase clos. Il faut toujours garder à l’esprit que ces règles ne sont en fait qu’une particularité des règles générales du paiement. D’ailleurs, si nous lisions seulement l’article 1569 du Code civil du Québec sans autre considération, nous pourrions prétendre à un droit inébranlable du débiteur à l’imputation du moment où il est redevable de plusieurs dettes envers un même créancier. Par exemple, dans son acception la plus extrême, il faudrait admettre qu’un débiteur pourrait toujours imputer son paiement sur la dette de son choix alors même que le paiement serait inférieur à chacune des dettes et que les dettes ne seraient pas échues. Or, tel n’est pas le cas. L’imputation du débiteur est assujettie à plusieurs limitations implicites très importantes. Nous analyserons donc ces règles phares du paiement qui ne doivent pas être sous-estimées : l’indivisibilité du paiement (2.1) et le bénéfice du terme et l’abus de droit (2.2).

L’indivisibilité du paiement

Le principe. La règle de l’indivisibilité du paiement est contenue à l’article 1561 du Code civil du Québec : 1561. Le créancier ne peut être contraint de recevoir autre chose que ce qui lui est dû, quoique ce qui est offert soit d’une plus grande valeur. Il ne peut, non plus, être contraint de recevoir le paiement partiel de l’obligation, à moins qu’il n’y ait un litige sur une partie de celleci, auquel cas il ne peut, si le débiteur offre de payer la partie non litigieuse, refuser d’en recevoir le paiement; mais il conserve son droit de réclamer l’autre partie de l’obligation.

L’interdiction de forcer le créancier à recevoir un paiement partiel est un principe important en droit des obligations. Il repose sur le postulat que le créancier est en droit d’exiger que l’obligation « soit exécutée entièrement, correctement et sans retard. » . Le débiteur ne peut donc pas forcer son créancier à recevoir un paiement partiel : c’est l’indivisibilité du paiement. Il doit en être de même en matière d’imputation des paiements. Ainsi, le débiteur ne peut être autorisé à imputer un paiement partiel sans le consentement du créancier. Or, si un tel consentement est nécessaire, nous ne pouvons plus véritablement parler de choix, mais seulement de discrétion de la part du créancier.

L’indivisibilité du paiement : une amputation majeure à l’applicabilité des règles. Nous constatons rapidement que cette règle peut devenir une barrière majeure à l’application des règles relatives à l’imputation des paiements, car elles supposent, d’une part, que le débiteur fasse un paiement parfait à l’encontre de l’une des dettes, et d’autre part, qu’il existe au moins une autre dette qui soit du même montant. Or, dans les faits, de telles situations sont plutôt rares . Ainsi, il nous semble important de mettre une certaine emphase sur cette réalité. C’est pourquoi nous tenterons, dans un premier temps, de définir et de conceptualiser la réalité qu’est le paiement partiel dans le droit des obligations (2.1.1), pour ensuite nous demander si le paiement partiel est un empêchement en soi à l’application des règles relatives à l’imputation des paiements (2.1.2). Par après, nous analyserons chacune des situations possibles dans un contexte de paiement partiel pour en comprendre les conséquences sur l’applicabilité des règles relatives à l’imputation des paiements (2.1.3).

Le paiement partiel dans la théorie des obligations

Le sort de l’obligation originelle à la suite d’un paiement partiel. Comme nous l’avons vu, le paiement partiel, contrairement au paiement intégral, n’est pas un moyen utile pour éteindre l’obligation. En effet, en édictant que le créancier n’est jamais tenu, sauf exception, de recevoir un paiement partiel, le législateur indique que le paiement partiel est inefficace à lui seul pour équivaloir à l’extinction de l’obligation originale. Le législateur aisse par contre en suspens les cas où le paiement partiel est accepté par le créancier. Qu’advient-il alors? Le paiement partiel devient-il un parfait paiement pour la partie de l’obligation acquittée? Est-ce que cette partie de l’obligation s’éteint? Par conséquent, le créancier doit-il donner une quittance à son débiteur? Est-ce qu’une nouvelle obligation naît? Voici quelques questions qui peuvent avoir une importante incidence sur les différentes règles relatives à l’imputation des paiements. L’auteur Vincent Karim explique ainsi la raison d’être de l’indivisibilité du paiement :  […] Le débiteur doit exécuter son obligation en une seule et même fois de façon à ne pas fractionner son paiement. Le contraire dénaturerait la convention liant les parties et, ainsi, permettrait au débiteur de substituer à une dette unique autant de dettes qu’il y aurait de paiements partiels. Or, permettre au débiteur d’acquitter le paiement de son obligation en plusieurs versements sans le consentement du créancier aurait pour effet de remettre en question certains principes fondamentaux en droit civil, notamment celui relatif à la force obligatoire du contrat prévu à l’article 1439 C.c.Q. Ce principe de l’indivisibilité du paiement se retrouve d’ailleurs consacré dans d’autres dispositions du Code civil du Québec. Le consentement du créancier est exigé en toutes circonstances dans le cas où le débiteur voudrait modifier les modalités de paiement en remplaçant celles prévues par plusieurs versements.

Les différents cas d’application

La pertinence. Bien que le principe de l’inapplicabilité des règles dans un contexte de paiement partiel soit simple, nous nous sommes aperçus à la suite de notre analyse jurisprudentielle que celui-ci est rarement appliqué dans la pratique. Il convient donc d’étudier les différentes situations possibles dans lesquelles pourrait se présenter un paiement partiel dans un contexte d’imputation des paiements pour clarifier définitivement la question et pour ainsi bien comprendre toute l’étendue de la règle . Nous étudierons les trois grands pans qui peuvent se présenter, les autres situations pouvant par la suite se résoudre avec les adaptations nécessaires.

Le paiement étant égal à l’une des dettes, toutes les dettes étant égales par ailleurs. Dans une telle situation, comme nous l’avons mentionné précédemment, le débiteur est évidemment libre d’imputer son paiement sur la dette de son choix. Il s’agit finalement du contexte idéal pour appliquer les dispositions relatives à l’imputation des paiements. En effet, comme le paiement est suffisant pour acquitter entièrement l’une des dettes et que toutes les dettes sont de la même quotité, l’imputation ne pose alors aucun problème puisque nous sommes assurés dans une telle situation que le créancier sera obligé d’accepter le choix du débiteur et qu’il n’y aura pas de surplus quant au paiement. Quant aux cas où le débiteur n’aura pas indiqué sur laquelle des dettes il désire que son paiement soit imputé, le créancier aura alors le loisir d’imputer lui-même le paiement de son débiteur comme le lui permet indirectement l’article 1571 du Code civil du Québec. Et finalement, si le créancier néglige également d’imputer le paiement, c’est l’article 1572 du Code civil du Québec qui décidera de l’imputation : il sera alors question de l’imputation légale.

Le paiement inférieur à n’importe laquelle des dettes. Dans cette situation, qui est finalement le contraire de la précédente, il va sans dire que nous aboutirons toujours avec un paiement partiel. Par conséquent, deux évidences s’imposent : le débiteur ne détient aucun choix quant à l’imputation et la suite des choses dépendra de l’acceptation ou non par le créancier d’un tel paiement. Le débiteur ne détient aucun choix, car avec l’application du principe voulant que le créancier ne puisse être contraint de recevoir un paiement partiel, cela implique que le débiteur n’est pas en droit de faire un paiement. Ainsi, par la force des choses, cela fait que le créancier devient le seul décideur quant au sort du paiement que lui propose son débiteur. Or, par ce droit, le créancier pourra soit refuser purement et simplement le paiement que lui offre son débiteur ou soit l’accepter. Dans ce dernier cas, il ne s’agira pas d’une imputation au sens du Code civil du Québec, mais d’une imputation bilatérale que chacune des parties accepte. Ce choix bilatéral devrait d’ailleurs être considéré comme une composante essentielle de l’acte juridique qu’est ce paiement. Donc, dans un tel cas, c’est l’acceptation du créancier qui rend parfait le paiement. Le débiteur n’impose alors aucun choix, il profite plutôt de la bonne grâce de son créancier qui, par ailleurs, peut avoir intérêt à accepter un tel paiement. Si le débiteur ne propose aucune imputation quant à son paiement partiel, le créancier est alors en droit de refuser le paiement ou encore de l’imputer sur la dette de son choix. Ceci nous mènera par contre à une autre difficulté : quels sont les droits du débiteur qui s’aperçoit que l’imputation faite par le créancier ne correspond pas à celui qu’il voulait au moment où il a fait le paiement? Comme nous l’avons expliqué précédemment, le débiteur ne pourra se prévaloir dans un tel cas de l’article 1571 du Code civil du Québec. Il ne lui restera comme seule option que de tenter de présenter une des causes de nullité des contrats. Cette option demeure ouverte puisqu’en n’indiquant pas sur laquelle des dettes il voulait que le paiement soit imputé, nous ne pouvons pas soutenir qu’il y a eu une acceptation bilatérale. Par conséquent, du point de vue du débiteur, l’imputation du créancier demeure attaquable sous le régime de la nullité des contrats pour vice de consentement.

Le paiement suffisant pour acquitter l’une des dettes et dont il restera un reliquat. La solution est quelque peu plus complexe dans de tels cas. Trois situations peuvent se présenter, soit que le débiteur indique entre autres dettes une ou plusieurs des dettes pour lesquelles le paiement est suffisant pour offrir un paiement complet, soit qu’il n’indique qu’une ou d’autres dettes pour laquelle le créancier n’est pas tenu de recevoir un paiement partiel ou finalement, soit qu’il n’indique aucune imputation.

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Table des matières

INTRODUCTION 
PREMIÈRE PARTIE : L’IMPUTATION PAR LE DÉBITEUR : UNE COURTE
RÈGLE AUX GRANDES RÉPERCUSSIONS 
1. LE CHOIX DU DÉBITEUR
1.1. Lorsque le paiement est fait par le débiteur et qu’aucun tiers n’est
impliqué
1.2. Lorsque le paiement est fait par le débiteur et qu’un tiers est
impliqué
1.3. Lorsque le paiement est fait par un tiers
2. LES LIMITATIONS IMPLICITES IMPOSÉES AU DÉBITEUR
2.1. L’indivisibilité du paiement
2.1.1. Le paiement partiel dans la théorie des obligations
2.1.2. Les conséquences d’un paiement partiel en matière
d’imputation des paiements
2.1.3. Les différents cas d’application
2.2. Le bénéfice du terme et l’abus de droit
3. LES LIMITATIONS EXPLICITES IMPOSÉES AU DÉBITEUR
3.1. L’interdiction d’imputer sur une dette non échue de préférence à
une dette échue
3.2. Le délai accordé au débiteur pour imputer
DEUXIÈME PARTIE : L’IMPUTATION PAR LE CRÉANCIER : LA
VOLONTÉ RÉELLE DU DÉBITEUR 
1. LES MODALITÉS ENTOURANT L’IMPUTATION PAR LE CRÉANCIER 71
2. LE DROIT DU DÉBITEUR DE FAIRE CONNAÎTRE SA VÉRITABLE VOLONTÉ AU
CRÉANCIER
3. LE DROIT D’UN TIERS DE CONTESTER L’IMPUTATION DU CRÉANCIER
TROISIÈME PARTIE : L’IMPUTATION LÉGALE : UNE APPLICATION
D’APPARENCE SIMPLE 
1. LE PAIEMENT EST D’ABORD IMPUTÉ SUR LA DETTE ÉCHUE, ET ENTRE
PLUSIEURS DETTES ÉCHUES, L’IMPUTATION SE FAIT SUR CELLE QUE LE
DÉBITEUR A, POUR LORS, LE PLUS D’INTÉRÊT À ACQUITTER
2. À INTÉRÊT ÉGAL, L’IMPUTATION SE FAIT SUR LA DETTE QUI EST ÉCHUE LA
PREMIÈRE, SI TOUTES LES DETTES SONT ÉCHUES EN MÊME TEMPS,
L’IMPUTATION SE FAIT PROPORTIONNELLEMENT
3. QU’ARRIVE-T-IL LORSQU’IL N’Y A AUCUNE DETTE ÉCHUE?
QUATRIÈME PARTIE : LES CAS PARTICULIERS : L’IMPUTATION PAR
LE DÉBITEUR SUR UNE DETTE UNIQUE ET LA
PROBLÉMATIQUE DU COMPTE COURANT 
1. L’IMPUTATION PAR LE DÉBITEUR : LE CAS PARTICULIER DE LA DETTE UNIQUE
1.1. L’utilité de l’article dans le régime de l’imputation des paiements
1.2. Le champ d’application
1.3. Quelques difficultés pratiques
2. LE CAS PARTICULIER DU COMPTE COURANT
CONCLUSION

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