Les journalistes et Twitter : entre logique promotionnelle et création d’un microcosme 

Le travail du journaliste dans un contexte de développement de Twitter

Les médias et Twitter : entre encadrement et orientation d’usage

Un encadrement différent selon le média

Que l’on soit présent ou non sur Twitter, c’est quelque chose que l’on ne peut pas ignorer en étant journaliste dans le sens où, au sein d’une rédaction, c’est un sujet qui revient sans cesse, animant les discussions entre ceux qui y sont accros, ceux qui l’utilisent avec parcimonie et les réticents. Certains le pensent indispensable au métier de journaliste, notamment pour dénicher certaines informations ou contacts, ou pour échanger avec le public. D’autres voient cet outil comme un danger, qui peut porter atteinte à la qualité de l’information en poussant les journalistes à être les premiers sur tel ou tel fait et ainsi négliger les fondamentaux du métier, tout en prenant une place trop importante dans les choix éditoriaux. Pour les dirigeants des groupes médiatiques, en tout cas, il est devenu impératif d’encadrer la pratique par des textes (les fameuses chartes), ou des consignes, car Twitter offre de grandes possibilités et surtout une grande liberté d’action aux journalistes, et les risques que cela comporte peuvent porter préjudice aux médias en question. Cela dépend aussi du média dans lequel on travaille, de sa taille et/ou de sa ligne éditoriale.
Par exemple, lorsque j’étais en stage à Afrik-foot , un pureplayer centré sur le football africain, la liberté d’action était presque totale, étant donné que le journaliste présent occupait également les fonctions de rédacteur en chef et de community manager. Cela était dû autant à la structure du média (assez jeune avec une équipe de trois journalistes) qu’à la volonté de laisser des libertés au journaliste de la part de la direction. Aucune consigne n’était donnée de la part de la direction pour ce qui est de son compte personnel. C’est au journaliste de se fixer ses propres limites, de juger de ce qui est « bon » ou pas, tout en sachant que cela peut se répercuter sur son employeur. L’image renvoyée par le média peut entrer en jeu pour définir comment le journaliste va utiliser Twitter. Par exemple, un magazine au ton décalé comme So Foot peut se permettre d’avoir des journalistes qui adoptent un ton fondé sur l’humour, les blagues, voire l’humour noir, et avec beaucoup de subjectivité, car cela ne détonne pas avec l’image du média. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons de son succès. Mais, pour la majorité des médias, cela peut comporter des risques, celui notamment de perdre le lectorat habituel, et surtout de réaliser ce qu’on appelle un badbuzz, c’est-à-dire susciter de nombreuses critiques suite à un propos déplacé ou choquant. Ce cas de figure se présente notamment lorsqu’un fait majeur se produit, comme un attentat ou une catastrophe naturelle.
Beaucoup de comptes Twitter liés aux sites d’informations utilisent ce qu’on appelle des feeds automatiques, c’est-à-dire faire en sorte que le flux twitter du compte poste automatiquement les derniers articles publiés. Or, lorsque ces faits majeurs arrivent, les médias ne pensent pas toujours à couper ce f il, engendrant la publication d’articles hors sujet et qui peuvent paraître déplacés à un moment de l’actualité qui ne s’y prête pas. Cela s’est notamment vérifié avec les attentats de Boston où le gouverneur du Texas Rick Perry a tweeté sur les taxes trop élevées, créant de vives réactions de la part des internautes, mais aussi et surtout le compte de Slate avec une chronique légère hebdomadaire , comme l’indique le journaliste de Slate Jeremy Stahl dans une analyse de l’utilisation que devrait faire les médias de Twitter dans ce genre de situation : « Il n’est pas forcément très bien vu de tweeter sur les impôts au Texas pendant que des gens se font amputer à Boston, que vous soyez le gouverneur Perry ou […] que vous soyez Slate, avec la dernière chronique en datede Dear Prudence, par exemple.»

Des ratés nocifs en termes d’image, et l’émergence des community managers

Parfois, malgré toutes les précautions possibles, des ratés peuvent se produire. J’ai pu observer, lorsque j’étais en stage à Ouest-France, les conséquences que peut avoir un « incident » sur Twitter. Le service des sports dispose d’un compte dédié et certifié , assez réputé dans le milieu de la presse sportive (comme peut l’être le titre Ouest-France pour la PQR). Un soir, un message insultant envers un footballeur (en l’occurrence, Bafétimbi Gomis, ancien joueur de Lyon et de l’équipe de France) a été posté depuis ce compte, entraînant de fortes réactions sur Twitter de la part des internautes. Cela est remonté jusqu’au chef du service sports, qui a organisé une réunion le lendemain pour rappeler comment se servir de Twitter, et notamment du fort enjeu qu’il pouvait y avoir pour un média comme Ouest-France, dont la réputation n’est plus à faire et qui ne peut pas se permettre ce genre de dérapage. Bien qu’il ait été impossible de trouver qui était à l’origine de cela, j’ai trouvé cette « affaire » intéressante, car elle a permis de souligner, au sein même d’une rédaction, les différences d’avis et de pratique sur Twitter. Les échanges ont été instructifs, car ils montrent bien les craintes que peuvent avoir certains journalistes sur le développement de ce réseau social, et surtout de la place qu’il peut prendre dans un média. Certains se sentaient peu concernés, puisqu’ils n’utilisaient pas Twitter, mais regrettaient de subir les critiques du public envers leur employeur pour un message posté sur un réseau social, et quine reflétait pas la pensée des journalistes.

Une organisation spatiale et temporelle modifiée

Pour ce qui est de l’organisation de la rédaction, là aussi Twitter a quelque peu modifié les usages. La progression du numérique a, de fait, réorganisé spatialement les rédactions, qui n’hésitent plus à regrouper les services web et print, ou à créer de grandes newsroom, ces salles de rédaction dernier cri donnant une large place aux technologies. Dans beaucoup de titres de PQR, il existe encore une vraie frontière entre ces deux services, mais cela tend à disparaître. J’ai observé cela à La Provence lors d’un stage : le service web, en charge notamment des tweets postés sur le compte officiel, est placé au cœur de la rédaction. Cela permet une meilleure communication, et un gain de temps, ainsi qu’une meilleure veille d’information en détachant des journalistes à cette tâche. Sur un territoire local et riche en actualité, comme peut l’être une grande ville comme Marseille, il est nécessaire d’effectuer ce travail, sous peine d’être devancé ou d’oublier une information, ce que les médias veulent à tout prix éviter dans un environnement très concurrentiel.
L’un des intérêts majeurs qu’offre ce réseau social est de pouvoir dialoguer avec le public d’une manière différente que sur le site du média. En effet, lorsqu’un article posté est ouvert aux commentaires, il suscitera l’intérêt des lecteurs sur une période relativement courte, quelques jours au maximum, avant que ces derniers ne basculent sur une autre actualité. Or, sur Twitter, les échanges peuvent s’étendre sur une durée plus conséquente comme l’explique l’ouvrage Internet et pluralisme de l’information de la revue Réseaux : « Alors qu’une information peut assez vite chasser l’autre à la surface des médias traditionnels, il apparaît que les échanges autour d’un même sujet sur Twitter peuvent durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines ou plusieurs mois comme dans le cas des conversations autour de la légitimité de l’Hadopi. Ce dernier exemple vient lui même illustrer un autre résultat de cette étude, concernant cette fois la comparaison entre les sujets d’actu abordés sur le web et ceux discutés sur Twitter : les sujets majeurs sont souvent identiques, hormis les sujets qui concernent la technologie avec une résonance politique, sujets beaucoup plus présents sur Twitter. Si ce résultat peut s’avérer difficilement extrapolable en raison des particularités sociodémographiques des twittonautes, un autre pourrait en revanche posséder une portée plus générale : les échanges sur ce réseau socionumérique conduisent le plus souvent à remettre en perspective l’actualité dans une posture critique, quitte à parfois manier l’ironie et l’humour, et constituent en cela bien un complément à la publication d’informations sur le web » (Revue Réseaux, 2012, p. 112).
Le feedback, pour un journaliste, est quelque chose d’important. Au -delà de savoir si l’article posté contient des fautes factuelles (ce qui n’échappe pas aux internautes, de plus en plus adeptes du fact-checking), Twitter permet également de pouvoir avoir un ressenti sur l’avis d’un public plus large et plus varié (jeunes, travailleurs, citoyens, associations, politiques, etc.), et d’échanger plus facilement avec lui. Avoir la vision des citoyens sur un fait d’actualité peut changer l’approche d’un papier ou d’un reportage, et l’enrichir. Twitter se place ainsi comme un courrier des lecteurs 2.0, où l’échange se fait en temps réel et de manière permanente.
Auparavant, les plaintes et réactions des lecteurs arrivaient sous deux ou trois jours après la parution de l’article, alors qu’avec Twitter, cela est devenu immédiat et dans un flot ininterrompu. Ce peut être aussi un moyen de déconstruire l’image du journaliste éloigné de la réalité et des lecteurs, qui peuvent désormais lui envoyer un message à n’importe quelle heure et n’importe où, en espérant une réponse rapide.
Cette proximité avec l’internaute engendre un effet pervers : elle ouvre la porte à l’injure. En effet, le phénomène des trolls, ces personnes qui postent des messages tendancieux sur internet afin d’alimenter les polémiques, a pris une ampleur considérable, notamment dans ce qu’on appelle la fachosphère, cet ensemble de blogs et d’internautes proche de l’extrême droite. Si l’on prête attention aux comptes des journalistes les plus suivis en France, ou ceux des principaux médias, on se rend compte qu’à chaque publication, une part importante des réponses contient des propos injurieux, des détournements ou des messages remettant en cause l’intégrité du journaliste en question. Sa tâche est alors de ne pas rentrer dans ce jeu, sous peine de se décrédibiliser et d’offrir un visage différent de ce que l’on peut attendre d’un journaliste sur les réseaux sociaux. Pour les comptes d’informations, beaucoup d’entre eux décident de tourner cette situation à leur avantage, en répondant avec un ton décalé et humoristique, ou en compilant les meilleures réactions . Mais la solution peut être plus simple : bloquer l’utilisateur, qui ne peut plus voir les messages postés par le compte, ni y répondre. C’est une pratique qui demande toutefois beaucoup de temps, puisqu’il faut bloquer les utilisateurs au cas par cas.
Par ailleurs, la gestion de Twitter est de plus en plus intégrée au travail journalistique. Par exemple, lorsque j’étais à Ouest-France, cela tombait à la période de la coupe du Monde de Football. Il fallait, lors de l’écriture d’un papier, penser au futur tweet que l’on allait publier sur le compte du journal, tout en sachant qu’il devait contenir des mots-clés, être attractif, mais sans tomber dans le caricatural ou dans l’humour de mauvais goût. Cela peut nuire au travail journalistique, puisque l’on n’est plus totalement concentré sur l’écriture et que cela relève plutôt du travail du webmaster. J’ai pu observer cela également lors d’un travail à France Bleu Isère, où l’on devait prévoir un premier tweet pour le papier que l’on venait d’écrire, et un deuxième pour une nouvelle publication le lendemain, ce qui rajoute une charge considérable de travail, car trouver un titre pertinent et accrocheur n’est pas toujours facile, notamment lorsque le rythme de travail est élevé.

Twitter et journalisme : un rapport aux sources qui change

Une émergence progressive dans les faits d’actualité

L’une des hypothèses majeures de ce mémoire est la modification du rapport aux sources qu’engendre l’importance croissante prise par Twitter. En effet, cet outil d’échange instantané de messages a fortement changé l’approche qu’ont les journalistes par rapport à leurs sources. Au fil du temps, les citoyens se sont toujours pressés pour distribuer de l’information aux médias, que ce soit par téléphone, par courrier ou en se déplaçant physiquement dans les rédactions. Dans ce sens-là, Twitter n’a rien inventé, les émissions mettant même à disposition des numéros de téléphone dédiés (fonctionnant comme des hotlines) pour que les citoyens puissent prévenir directement les journalistes. En revanche, ce qui a changé, c’est la rapidité avec laquelle cela se propage. Le premier exemple remonte en 2007, avec la fusillade ayant eu lieu sur le campus de l’université Virginia Tech, à Blacksburg dans l’État de Virginie (32 morts et 25 blessés), qui fut l’un des premiers gros scoops à être révélé sur Twitter. L’influence du site de micro-blogging sur un fait d’actualité aussi dramatique qu’une fusillade en cours peut aussi avoir des effets bénéfiques au niveau de la sécurité. L’exemple le plus frappant se situe encore au campus de Virginia Tech, en 2011, frappé par une nouvelle fusillade. Alors qu’en 2007, il avait fallu beaucoup de temps (deux heures) avant que les élèves ne soient informés de ce qu’il se passait étant donné que la direction n’avait pas d’idée claire des événements, en 2011 Twitter a joué un rôle majeur. En effet, les premiers messages faisant état de coups de feu ont été postés sur les réseaux sociaux, favorisant l’envoi rapide d’un message d’alerte de l’université à ses étudiants appelant à la prudence, un processus souligné par le Dailypress dans un article montrant le renforcement l’intérêt de ces outils numériques lorsque ce genre d’événements se produisent : « When reports of a gunman on the campus of Virginia Tech first surfaced on Thursday, the news was not broken on cable TV outlets, but on social-media websites Twitter and Facebook. The instantaneous nature of the social-media websites made them the go-to resources for the developing story in Blacksburg. The news first broke on the university’s website via a campus alert at 12:37 p.m.: « Gun shots reported- Coliseum Parking lot. Stay Inside. Secure doors. Emergency personnel responding. Call 911 for help. » Afterward, the shooting alert was reported on various Twitter accounts, including the Daily Press and the Collegiate Times, Virginia Tech’s student newspaper, with this tweet: « A VT Alert was just sent, statingthat gun shots were heard near Coliseum parking lot. »»
Ce processus s’est fortement accéléré avec un fait marquant : l’atterrissage d’un Airbus A320 le 15 janvier 2009 dans l’Hudson, fleuve situé à deux pas des tours de Manhattan à New York, sans faire de victimes. À cette époque, les premiers smartphones commençaient à émerger sur le marché, offrant la possibilité aux citoyens de prendre photos et vidéos et de les poster en ligne. Dans ce cas-là, Twitter a permis la diffusion des premiers clichés de l’avion, mais aussi de l’évacuation des passagers ainsi que des éléments de l’affaire, devançant tous les médias, comme l’indique Claudine Beaumont dans un article du Telegraph : « Twitter, the increasingly popular microblogging service, was, as ever, leading the pack. When dozens of New York-based Twitter users started sending ‘tweets’ about a possible plane crash in the city, the news spread like wildfire across the Twitterverse. Indeed, Twitter users broke the news of the incident around 15 minutes before the mainstream media alerted viewers and readers to the crash. The first recorded tweet about the crash came from Jim Hanrahan, aka Manolantern, four minutes after the plane went down, who wrote: « I just watched a plane crash into the hudson riv [sic] in manhattan » And it wasn’t just text messages that were telling the story; photos, too, were playing their part ». La personne ayant pris le cliché avec son téléphone depuis son bateau (cliché repris dans tous les médias du monde), un certain Janis Krums, était en direct sur la chaîne MSNBC 34 minutes après son post, montrant le potentiel énorme que peut avoir Twitter.

Un accès à des sources introuvables

Au-delà d’un rapport aux sources qu’il modifie et complexifie, Twitter permet également aux journalistes d’avoir un accès à des sources qui seraient introuvables par un autre moyen. Avec plus de 200 millions d’utilisateurs, le panel est très large, et si l’on sait bien manier l’outil, on peut se mettre en relation avec des acteurs et des interlocuteurs beaucoup plus rapidement. Par exemple, si l’on co uvre une région éloignée ou compliquée d’accès (par exemple le Moyen-Orient, l’Afrique centrale, etc.), Twitter permet d’être en contact régulier avec les journalistes, les politiques ou encore les acteurs locaux qui sont présents sur place. Comme mentionné ci-dessus, cela ne remplace pas le travail sur le terrain, mais permet de le faciliter grandement, et d’aiguiller les recherches du journaliste. Sa place prépondérante dans le travail journalistique permet aux médias de couvrir une zone géographique beau coup plus grande à moindres frais, puisqu’il n’est parfois pas utile d’envoyer un journaliste sur place, étant donné que Twitter fournit toutes les informations nécessaires. Cet accès à des sources nombreuses et variées peut aussi permettre aux journalistes de se spécialiser sur une thématique précise, en suivant les bons comptes et en pratiquant une veille d’informations efficace, qui trouveront plus rapidement dans Twitter des ressources plus nombreuses et intéressantes que celles qu’ils pourraient trouver dans des magazines ou dans des conférences.
J’ai pu vérifier cela lorsque j’étais en stage à Afrik-foot. Traiter du football africain sans être sur place est difficile, car beaucoup d’éléments d’informations sont difficiles à avoir dans un territoire complexe comme peut l’être l’Afrique, et surtout parce que l’on ne peut pas être sur le terrain. C’est pourquoi l’utilisation de Twitter devient presque indispensable pour avoir accès à ces informations (scores, déclarations, transferts) ou à des interlocuteurs (entraîneurs, joueurs, membres de la fédération), qui permettent ensuite d’assurer une information de qualité et authentique. Twitter agit comme un véritable moteur de recherche où le journaliste dispose d’une multitude de profils qui correspondent ou non à l’interlocuteur qu’il recherche. Tous les médias ne disposent pas d’envoyés spéciaux sur place, et joindre par téléphone des personnes vivant dans une zone difficile d’accès peut avoir un coût considérable, auquel il faut ajouter le risque humain que peut représenter l’envoi d’un reporter dans une zone dite dangereuse. Cela permet aussi d’être en contact avec la presse locale, qui sera toujours une source d’information sûre pour les médias nationaux ou internationaux qui ne peuvent pas être présents partout. De nombreux pureplayers, qui représentent une grande partie des médias présents sur Twitter, peuvent effectuer leur travail en s’appuyant presque exclusivement sur du desk, avec des informations tirées de Twitter, qui remplace alors le traditionnel fil de dépêches de l’AFP. Enfin, Twitter est un bon moyen de se constituer un carnet d’adresses, en créant une relation de confiance avec certaines sources, mais aussi avec d’autres journalistes qui traiteraient de la même thématique. Twitter se place comme un outil facilitant ces échanges, en supprimant la distance entre les interlocuteurs. Avec le développement du journalisme citoyen évoqué précédemment, le journaliste est souvent confronté à une situation où il doit rapidement trouver un intervenant pour son papier ou son émission. Cela se produit par exemple lorsqu’une catastrophe naturelle a lieu, ou lors d’une fusillade. Un journaliste sachant bien manier les réseaux sociaux, et Twitter en premier, sera capable de trouver un Français vivant, par exemple, au Japon après le tsunami ou un habitant vivant à proximité du lieu d’une fusillade ou d’une prise d’otages (comme l’on a pu le voir lors des attentats de Charlie Hebdo et de la prise d’otages à l’Hyper Cacher). Il ne faut cependant pas tomber dans le risque de dépendance de certaines sources, dans le sens où si cette même source est en position de force par rapport au journaliste (ce peut être son unique source dans cette zone), elle va inverser le rapport de force et contraindre le journaliste à accepter diverses conditions pour obtenir une information, ou se servir de lui pour faire passer des messages qui s’apparenteraient à de la communication, voire de la propagande.

Un travail du journaliste court-circuité

Comme mentionné ci-dessus, le journaliste voit son rapport avec ses sources changer avec le développement progressif d’un outil offrant autant de possibilités que Twitter. En effet, la classe politique et les grands acteurs de l’actualité ont tout intérêt à y être présents, et ont souvent recours à des community managers pour gérer leur compte. Ils postent leurs réactions face à un fait d’actualité ou font un livetweet de leur apparition dans une émission, afin « d’offrir » à leur base de suiveurs le compte-rendu de leur propos étant donné que l’AFP, principal fournisseur de contenus aux médias, ne peut pas retranscrire toutes les apparitions médiatiques des principales personnalités, notamment dans les périodes électorales où le temps de parole est compté. La différence est que, parfois, ces mêmes acteurs se servent de Twitter pour faire passer un message, une opinion ou une réaction sans passer par un journaliste, créant un flou entre ce qui relève de l’information et de la communication et devenant de fait leur propre média, comme le souligne Eric Scherer, directeur du département des technologies d’avenir pour France Télévisions : « Aujourd’hui, tous les acteurs de la société ont la possibilité de devenir des médias. Les mondes politique, économique, culturel, sportif, se sont mis sur le web et court circuitent les médias traditionnels ». Ces nouveaux canaux de communication, pas ou peu régulés, mettent le journaliste dans une position complexe en inversant le rapport de force. Par exemple, en 2013, le Premier ministre belge annonçait sur Twitter avoir trouvé un accord sur le budget, comme l’indique un article de la RTBF : « C’est le Premier ministre lui-même qui sur son compte Twitter et dans les deux langues, a annoncé donc cet accord, accord sur le budget 2013 et sur des mesures supplémentaires pour l’emploi et la compétitivité ». Le caractère instantané de l’outil fait qu’il est souvent choisi pour commenter un fait d’actualité, car on sait que son impact sera plus important. Lorsque j’étais en stage à Ouest-France, au service des sports, j’ai souvent été confronté à ce genre de cas de figure. Par exemple, l’information que la France allait organiser le mondial de handball en 2017 est tombée sur Twitter, plus précisément sur le compte de la fédération française de handball. Cela n’a rien d’anormal dans l’absolu, car c’est le rôle de la fédération d’informer par tous les moyens existants, mais le journaliste doit être vigilant en permanence, car la personne qui est abonnée au compte Twitter du journal attend une information rapide, sous peine de se désabonner ou de la trouver chez un concurrent. Dans ce cas-là, ce n’est pas l’authenticité de l’information qui est en doute, mais le fait que l’on ne dispose pas d’informations complémentaires (notamment les villes choisies, ce qui est très important pour un titre de PQR qui peut en avoir une dans sa zone de diffusion), la contrainte de 140 caractères ne permettant pas de beaucoup développer. Twitter a donc servi de base pour le travail du journaliste, qui a ensuite appelé ses contacts à la fédération pour connaître les détails de cette nomination, pour pouvoir ainsi fournir aux lecteurs un article complet dans un délai rapide.
Cela force le journaliste à traiter avec l’imprévu de cette annonce, et surtout à réaliser un article ou un reportage vidéo/son à partir d’un message de 140 caractères, alors qu’il aurait sans doute pu recueillir une réaction plus longue et complète par le passé. Le journaliste, face à ces nouveaux moyens de communiquer, se retrouve dans une situation où son rapport de fo rce est inversé : l’homme politique, le sportif ou l’acteur n’a plus besoin de le contacter pour faire part de sa réaction ou d’une quelconque déclaration, puisqu’il a un outil à sa disposition pour le faire. Mais ce peut être aussi un moyen rapide de faire un article : les tweets émanant de personnalités peuvent être pertinents, et offrir un panorama rapide des différents avis, notamment en ce qui concerne la politique (par exemple les tweets de réaction après une élection constituent une base que le journ aliste peut utiliser). Le journaliste n’est plus le détenteur de l’information exclusive face à ce fluxd’informations, et cela nécessite d’adapter sa pratique.
Mais le développement de Twitter n’engendre pas de perte de légitimité des journalistes, dans le sens où le public attend d’eux qu’ils hiérarchisent, trient, vérifient et recoupent l’information parue sur Twitter. Lorsque les différents scoops célèbres sont apparus sur le réseau social, c’est le travail journalistique qui a suivi qui a eu son importance, pas le fait que la nouvelle ait émergé en premier sur Twitter. Pierre Haski, fondateur du pureplayer Rue89.com, cite l’exemple de Wikileaks pour corroborer ce dernier point d’analyse : « Quand Wikileaks a sorti ses documents secrets appartenant au gouvernement américain, son patron, Julian Assange, aconsidéré qu’il avait besoin de journalistes pour légitimer ces informations. Donc, s’il y a du nouveau sur la manière de recueillir les données, l’analyse s’est faite de manière relativement classique : ordonner, classifier, hiérarchiser ». Le lecteur, qui est aussi souvent l’internaute, attend en effet du journaliste qu’il développe l’information qu’il a vue circuler sur Twitter, qu’il réponde à ses interrogations dans un article ou une analyse précise et complète puisque cela constitue l’essence même de son métier. Sa démarche, lorsqu’il prend le cliché d’un avion qui vient de s’écraser ou celle d’un bâtiment qui vient de s’effondrer est autant celle de vouloir informer les gens que de mettre à disposition des professionnels des médias une ressource brute qui a besoin d’être travaillée et vérifiée, car il n’a pas forcément les compétences nécessaires pour comprendre et décrypter ce qu’il vient de voir, ni les contacts pour le faire. Le concept de curation prend alors tout son sens : le journaliste est celui qui est capable de savoir ce qu’il peut garder et développer, et ce qui n’est que rumeurs,information infondée ou volontairement mensongère.

Faire connaître un nouveau média

Dans une ère où la presse est en pleine mutation, les nouvelles initiatives se multiplient. À intervalle régulier, de nombreux nouveaux médias se créent, et ont donc besoin de se faire connaître du public. Twitter est l’outil idoine pour, au début, se constituer une base fidèle de suiveurs, qui partageront les premiers pas du nouveau média pour que le nombre de followers augmente. Bien souvent, ce travail préalable se fait en amont du lancement réel du média, afin de créer une base suffisamment solide pour diffuser les messages d’annonces et de teasing à l’approche du commencement du nouveau média en question. Pour cela , le journaliste à l’origine du projet identifie des « relais », c’est à dire des professionnels du métier disposant de nombreux followers et qui seraient susceptibles d’être intéressés par la ligne éditoriale du média. Twitter permet d’entrer facilement et gratuitement en contact avec ces relais dont on ne dispose pas toujours du contact direct, notamment s’il s’agit d’une personnalité du journalisme exerçant dans un média prestigieux. En mentionnant directement ces journalistes, le média en question gagne en visibilité (à condition d’être retweeté) et en followers. Cela permet de gagner un temps considérable dans cette phase cruciale préalable au lancement, et de s’éviter un fastidieux travail de démarchage.

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Table des matières
Introduction
I. Le travail du journaliste dans un contexte de développement de Twitter
A. Les médias et Twitter : entre encadrement et orientation d’usage
a) Un encadrement différent selon le média
b) Des ratés nocifs en termes d’image, et l’émergence des community managers
c) Le recours aux chartes
d) Une organisation spatiale et temporelle modifiée
B. Twitter et journalisme : un rapport aux sources qui change
a) Une émergence progressive dans les faits d’actualité
b) Un flux d’informations brutes à vérifier
c) Un accès à des sources introuvables
d) Un travail du journaliste court-circuité
II. Les journalistes et Twitter : entre logique promotionnelle et création d’un microcosme 
A. Twitter comme mise en avant du travail journalistique
a) Un moyen pour le journaliste de partager son travail
b) Faire connaître un nouveau média
c) Les journalistes comme vecteurs de promotion pour les médias
B. Twitter comme élément de création d’un microcosme journalistique
a) Un clivage médiatique et générationnel
b) Une impression de proximité illusoire
Conclusion
Bibliographie 
Annexes

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