ÉTUDIER LE MANAGEMENT DE L’ENVIRONNEMENT À TRAVERS SES INSTRUMENTS

Dès le début des années 1970, avec la prise de conscience de la pression exercée par l’Homme sur son environnement, s’est posée la question de l’évaluation de ses actions en termes d’impacts environnementaux. Rapidement, institutions publiques, entreprises, laboratoires de recherche et ONG ont proposé des outils et des méthodes pour modéliser et évaluer les interactions de la société industrielle avec son environnement.

Avec le développement du recours à l’évaluation, et la recherche de la performance environnementale par un nombre d’acteurs de plus en plus important, on observe une prolifération des normes et l’apparition de nouveaux métiers. Par exemple, différents prescripteurs, dont des consultants, se chargent de la diffusion des évaluations environnementales, notamment auprès des entreprises. Ce foisonnement s’est accompagné de tentatives pour homogénéiser les pratiques et créer un langage similaire pour les praticiens. L’ensemble des instruments d’évaluation, des systèmes de mesure, des communautés scientifiques et des réseaux d’experts qui travaillent sur ce thème constituent ce que nous appellerons les dispositifs d’évaluation environnementale. La genèse de ces dispositifs, leur géométrie variable, les expérimentations dont ils font l’objet et leurs effets sont largement méconnus car les recherches en gestion ont eu tendance à se focaliser sur l’étude d’instruments ou de situations de gestion élémentaires. L’évaluation de la performativité de ces dispositifs, c’est-à-dire de leur capacité à transformer effectivement les pratiques des entreprises, est également difficile à mener. Comme nous le verrons au cours de cette thèse, la performativité de l’évaluation ne saurait être réduite à la diffusion des outils d’évaluation environnementale dans les entreprises. Ainsi, la diffusion importante d’outils tels que l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) ou le Bilan Carbone ne doit pas masquer un déficit d’appropriation de ces derniers dans les organisations. Pour comprendre les difficultés d’appropriation et d’apprentissage collectif auxquelles sont confrontés les entreprises et les experts qui y sont associés, il est nécessaire d’analyser en profondeur les dynamiques d’action collective des entreprises.

Un dispositif d’action environnemental centré sur l’évaluation

Évaluer des impacts environnementaux pour piloter les interactions avec l’environnement, ou la mesure pour agir ? 

L’entreprise se dote de nouveaux discours sur les actions qui sont menées en faveur de l’environnement, dont l’honnêteté est parfois discutée : on parle alors de Greenwashing (Laufer, 2003). Cependant, si les discours et les actions des entreprises semblent parfois manquer d’éléments concrets (Libaert, 2006), c’est qu’apporter une réponse unique aux enjeux environnementaux est plus complexe qu’il ne le paraît à première vue. Les connaissances scientifiques dans ce domaine sont encore limitées et il est difficile d’évaluer avec précision l’évolution des substances nocives dans l’environnement. L’évaluation environnementale est une expression générique qui fait référence à une démarche pour évaluer les effets d’une action sur son environnement. Elle émerge dans les années 1970 et se développe notamment dans le sillage de travaux du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), dont un des axes de travail est de développer des instruments environnementaux. Afin d’agir sur les impacts environnementaux des entreprises, celles-ci ont de plus en plus recours à des outils d’évaluation environnementale normalisés. Parmi les outils les plus répandus au sein des entreprises, on retrouve en France l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) et les Bilans des Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) qui évaluent les différents impacts environnementaux engendrés par leur activité. Pour les tenants de l’évaluation environnementale, le primat de la mesure est incontestable : celle-ci fait ressortir des points clés sur lesquels il faut agir afin de diminuer une empreinte environnementale, d’évaluer les marges de progrès à venir, et de rendre des comptes auprès de différentes entités, que celles-ci soient situées au sein de l’entreprise ou non, qu’elles aient un rapport d’autorité ou non. Au-delà de la mesure, les outils de mesure d’impacts environnementaux, sont censés servir à guider de manière «éclairée » les choix des décideurs pour la mise en place d’actions de réduction d’impacts environnementaux, et sont, pour cette raison, souvent décrits comme des outils « d’aide à la décision ». Cependant, ces outils reposent sur une idée reçue très simple diffusée par les pouvoirs publics : la mise en place d’une évaluation environnementale est une condition nécessaire pour enclencher des démarches environnementales comme l’écoconception d’un produit ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise. Or, mener un diagnostic n’est pas suffisant pour engendrer une dynamique collective de réduction des impacts environnementaux. Ce dernier point est pourtant rarement mis en évidence et discuté par les pouvoirs publics ou les acteurs privés, dont les efforts se concentrent sur l’amélioration et la diffusion des outils d’évaluation afin de permettre l’action, alors même que ceux-ci n’ont pas fait la preuve de leur performativité, c’est-à-dire de leur capacité à transformer effectivement les pratiques des entreprises. Voilà pourquoi nous souhaitons proposer un nouveau regard sur le dispositif d’action environnemental, qui s’affranchirait du mythe que l’efficacité du dispositif résiderait dans le perfectionnement des outils pour s’intéresser aux conditions sous lesquelles les acteurs s’en emparent pour enclencher une dynamique d’action collective.

L’évaluation environnementale : de fortes attentes de la part des acteurs publics et privés 

Les politiques environnementales, qu’elles s’appliquent au niveau européen ou national, s’appuient souvent sur la diffusion d’outils d’évaluation environnementale. Par exemple, au niveau européen ont été mis en place la Politique Intégrée des Produits et ainsi que des labels énergétiques, qui s’appuient sur des Analyses de Cycle de Vie. Au niveau national, la France a rendu obligatoire la réalisation de Bilans d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) pour certaines entreprises. Ces outils évaluent des impacts environnementaux pour un système donné : produit de l’entreprise, service d’une entreprise ou la totalité de son périmètre d’activité, ce qui permet ainsi aux managers des entreprises d’agir en diminuant ces différents impacts. Les instruments s’inscrivent dans un contexte global de managérialisation de l’environnement, qui entraîne la création d’un marché au sein duquel les prescripteurs (Aggeri, 2010; Hatchuel, 1998) jouent un rôle très important. Parmi ces prescripteurs, les consultants en environnement sont impliqués notamment dans la diffusion des bonnes pratiques environnementales et d’accompagnement des entreprises pour engager des dynamiques d’action collective. Il s’agit par exemple de guider la mise en place de stratégies environnementales (achats responsables, écoconception des produits, valorisation des déchets, etc.). Dans le cadre de prestations de conseil, les consultants s’appuient sur différents outils promus par les institutions publiques et notamment des outils d’évaluation environnementale. Experts en évaluation environnementale, les consultants apportent aux entreprises des compétences précises dans ce domaine (connaissance des différentes méthodes, des normes, etc.), qu’elles n’auraient pas développées en interne. Les consultants en environnement sont ainsi les garants d’un « savoir-faire », codifié au niveau institutionnel, notamment par des normes et enrichi de nombreux travaux de recherche ; ainsi que d’une déontologie de la réalisation des évaluations. Ces deux aspects sont censés garantir une certaine homogénéité des pratiques en termes d’évaluation d’une entreprise à l’autre.

Les entreprises, sont, de leur côté sujettes à des pressions sociétales et souhaitent répondre à quatre enjeux différents qui sont l’éthique, la durabilité, l’adhésion et la réputation (Porter & Kramer, 2006). En effet, gouvernements, ONG, consommateurs, les enjoignent de plus en plus à réduire leurs impacts environnementaux et à davantage de transparence au cours de ces démarches. La diffusion des outils d’évaluation environnementale dans les entreprises s’est opérée par vagues successives : souvent externalisée, la réalisation d’évaluations environnementales est confiée aux consultants. Cependant, d’autres entreprises ont pu faire le choix de l’internalisation des évaluations environnementales en créant par conséquent de nouvelles compétences. Les entreprises s’appuient sur des directives, orientations et lois de la part des agences publiques pour améliorer leur performance environnementale. Elles s’appuient sur les consultants pour la réalisation d’études d’impacts environnementaux à partir d’instruments d’évaluation environnementale et attendent des consultants qu’ils formulent des préconisations d’actions de gestion environnementale.

Les agences environnementales comme l’ADEME en France, ou le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) au niveau international, ont joué un rôle clé dans la promotion et la diffusion d’outils d’évaluation environnementale auprès des entreprises, des PME en particulier. Ce faisant, elles formulent des consignes d’usage autour des outils d’évaluation environnementale en direction des entreprises, les engageant à utiliser des outils pour mesurer des impacts environnementaux afin d’améliorer leur performance environnementale. Notre recherche s’inscrit dans ce contexte, dans lequel sont présents une multitude d’acteurs, qui formulent chacun des prescriptions réciproques les uns vis-à-vis des autres, ont des intérêts hétérogènes, et promeuvent ou utilisent des instruments qui encapsulent des doctrines d’usage. L’ADEME est par exemple l’une de ces institutions publiques qui propose conseil, expertise et aide à la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’environnement, énergie et développement durable auprès des entités privées et publiques ainsi que du grand public.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
LES INSTRUMENTS D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE :L’ENJEU DE L’APPROPRIATION DES CONNAISSANCES PAR LES ENTREPRISES
1. UN DISPOSITIF D’ACTION ENVIRONNEMENTAL CENTRÉ SUR L’ÉVALUATION
2. ANALYSER LES LIMITES DES DISPOSITIFS D’ACTION ENVIRONNEMENTAUX : PROPOSITION D’UN DÉPLACEMENT DU REGARD
3. ORGANISATION DU DOCUMENT
PARTIE 1. ÉTUDIER LE MANAGEMENT DE L’ENVIRONNEMENT À TRAVERS SES INSTRUMENTS
CHAPITRE 1. L’ACTION COLLECTIVE : UN IMPENSÉ DE LA LITTÉRATURE SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
CHAPITRE 2. DEUX INCONTOURNABLES DE LA BOÎTE À OUTILS DU MANAGEMENT DE L’ENVIRONNEMENT : L’ACV ET LE BILAN CARBONE
CHAPITRE 3. PROPOSITION D’UN CADRE D’ANALYSE SUR LE DISPOSITIF POUR ÉTUDIER L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
CHAPITRE 4. MÉTHODOLOGIE ET MATÉRIAU DE RECHERCHE
PARTIE 2. LES LIMITES DU MODÈLE D’ACTION FONDÉ SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE : MISE EN ÉVIDENCE EMPIRIQUE DES MÉCANISMES DE L’ACTION COLLECTIVE
CHAPITRE 5. LA PRESTATION : UN EXERCICE CODIFIÉ QUI LIMITE LA MISE EN PLACE D’UNE DYNAMIQUE D’ACTION COLLECTIVE
CHAPITRE 6. CONTOURNER LES LIMITES DE LA PRESTATION : L’ÉMERGENCE DE COMMUNAUTÉS INTERMÉDIAIRES
CHAPITRE 7. L’INTÉGRATION DE NOUVELLES CONNAISSANCES À L’ENTREPRISE : LA CONCEPTION DE DISPOSITIFS ÉVOLUTIFS
PARTIE 3. AU-DELÀ DE L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE, CONSTRUIRE LES CAPACITÉS D’APPRENTISSAGE ET D’INNOVATION
CHAPITRE 8. APPORTS THÉORIQUES ET EMPIRIQUES DE NOTRE RECHERCHE
CONCLUSION GÉNÉRALE
1. PRINCIPALES ÉTAPES DE NOTRE RECHERCHE : DE L’INSTRUMENT D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE À LA CATALYSE DE L’ACTION COLLECTIVE
2. APPORTS THÉORIQUES DE NOTRE RECHERCHE : DES OUTILS AUX DISPOSITIFS – INSCRIRE L’APPROPRIATION DANS DES TRAJECTOIRES PLUS LONGUES
3. APPORTS EMPIRIQUES DE NOTRE RECHERCHE : LA MISE EN ÉVIDENCE DE PRATIQUES D’ÉVALUATION INSTRUMENTÉES AU CONCRET
4. LIMITES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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