Les infections communautaires

L’avènement des antibiotiques et des vaccins a changé le pronostic des infections chez l’enfant. Cependant celles-ci sont toujours présentes dans notre quotidien. Bien que la population pédiatrique partage les mêmes facteurs de risque d’infections que la population adulte, il existe des particularités chez l’enfant. En effet, l’immaturité du système immunitaire contribue à une rapidité de l’évolution de l’infection, à une incidence plus élevée de la dissémination bactérienne, à une fréquence des localisations secondaires et à une résolution plus lente des processus infectieux surtout chez le nouveau-né et le nourrisson [11,39].

Ainsi les infections sont responsables d’une morbi-mortalité plus importante chez les enfants avec un taux de mortalité variant entre 3 et 23% dans la littérature [2,39]. De plus, elles ont des conséquences en termes de santé publique avec un absentéisme professionnel pour les parents. Les infections peuvent être d’origine communautaire ou associées aux soins. Ces dernières sont le reflet de la qualité des prestations de soins dans un système de santé. Leurs fréquences, leurs conséquences et leurs coûts sont suffisamment élevés et graves pour qu’elles soient considérées comme une problématique à prévenir. En Afrique subsaharienne le taux d’infection associée aux soins représente 40% des hospitalisations [11,47]. Cependant il existe peu de données sur le profil épidémiologique des infections en chirurgie pédiatrique, surtout dans les pays en développement. En effet, dans les pays en développement, les difficultés dans le diagnostic étiologique des infections en rapport à l’accès limité aux équipements et au coût de la prise en charge sont autant d’obstacles qui compliquent l’évaluation des infections. Néanmoins, l’évolution des pratiques et des techniques chirurgicales, la modification de l’épidémiologie et des résistances bactériennes, et la vulnérabilité des enfants face à l’infection, justifient une étude sur ces infections en milieu chirurgical pédiatrique. De plus, la surveillance régulière de l’écologie microbienne au sein d’un milieu chirurgical revêt un intérêt capital dans la lutte contre les infections associées aux soins. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre travail qui s’est fixé comme objectifs d’étudier l’écologie bactérienne des infections d’origine communautaire et des infections associées aux soins, tous sites infectieux confondus, au service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital d’enfants Albert Royer, d’étudier les aspects diagnostiques et pronostiques de ces infections et de réaliser un état des lieux de la prise en charge médico-chirurgicale.

Définitions

Un agent infectieux désigne tout micro-organisme ou macro-organisme capable de provoquer une infection ou une maladie infectieuse [8]. Une maladie infectieuse désigne une maladie causée par un agent infectieux spécifique, ou ses toxines, et qui résulte de la transmission de cet agent ou ses produits par une personne infectée, un animal ou un réservoir à un potentiel hôte directement ou indirectement par un vecteur ou par l’environnement [8]. Une infection désigne l’envahissement puis la multiplication d’un agent infectieux au sein d’un organisme vivant provoquant une maladie infectieuse, ou non, par lésion des cellules locales, libération de substances toxiques ou par réaction intracellulaire germe- anticorps [8].

Une infection est dite associée aux soins (IAS) si elle survient au cours ou au décours d’une prise en charge (diagnostique, thérapeutique, palliative, préventive ou éducative) d’un patient, et si elle n’était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge. Lorsque l’état infectieux au début de la prise en charge n’est pas connu précisément, un délai d’au moins 48 heures ou un délai supérieur à la période d’incubation est couramment accepté pour définir une IAS. Toutefois, il est recommandé d’apprécier dans chaque cas la possibilité de l’association entre la prise en charge et l’infection [11]. Une infection nosocomiale (IN) fait partie des infections associées aux soins et désigne, selon une définition stricte, une infection acquise dans un établissement de soins, alors qu’elle n’était ni présente, ni en incubation au moment de l’admission [8]. Une infection du site opératoire (ISO) est considérée nosocomiale lorsqu’elle survient dans les 30 jours suivant l’intervention, ou, s’il y a mise en place d’une prothèse ou d’un implant, dans l’année qui suit l’intervention. Toutefois, et quel que soit le délai de survenue, il est recommandé d’apprécier dans chaque cas la plausibilité de l’association entre l’intervention et l’infection, notamment en prenant en compte le type de germe en cause [11].

Une infection communautaire (IC) survient en dehors d’un établissement de santé et n’est pas liée à des soins.

Infections communautaires 

Infections ostéo-articulaires

Les infections ostéo-articulaires de l’enfant incluent un large spectre de pathologies en fonction de la localisation de l’infection : ostéomyélite, arthrite, ostéo-arthrite, spondylodiscite [12]. L’infection peut être primaire d’origine hématogène ou secondaire par infection contiguë ou par inoculation directe lors d’un traumatisme ou d’une chirurgie.

Ostéite et Ostéomyélite
Dans la littérature française, le terme ostéite est un terme générique qui définit une infection de l’os, quelle que soit la nature du micro-organisme et quel que soit le mode de contamination du tissu osseux. Le terme d’ostéomyélite est réservé aux infections osseuses par voie hématogène. Cependant, dans le reste de la littérature scientifique, essentiellement anglophone, le terme « osteomyelitis » désigne, comme le terme français ostéite, l’ensemble des infections osseuses, quel que soit le mécanisme de contamination [22].

Physiopathologie
L’ostéomyélite est une infection hématogène faisant suite à une bactériémie et une fixation de la bactérie sur la métaphyse hyper-vascularisée au contact du cartilage de conjugaison. Plusieurs stades ont été décrits par Trueta :
Stade 1 : Un organisme pyogène transporté jusqu’à l’os à partir du sang s’y installe et se multiplie. L’organisme est généralement le staphylocoque doré, mais peut être un streptocoque, un pneumocoque ou un staphylocoque albus. Le site est généralement la métaphyse d’un os en croissance, bien qu’il puisse faire partie de n’importe quel os à n’importe quel âge. La bactériémie initiale est généralement asymptomatique, mais il peut y avoir une septicémie franche. Au fur et à mesure que l’organisme se multiplie dans l’os, un foyer septique se développe. Cette « ébullition» peut disparaître, elle peut former un abcès de Brodie, pour le moment asymptomatique, ou elle peut passer au stade 2.
Stade 2 : L’infection surmonte la résistance locale et se propage à travers les tissus voisins :
(a) dans l’espace médullaire.
(b) à travers le cortex dans l’espace sous-périosté.
(c) à travers ou autour de l’épiphyse dans l’articulation. Heureusement, c’est la voie la moins courante ; les signes et symptômes sont ceux de l’arthrite septique. Si l’infection se propage dans la moelle ou sous le périoste, le pus a tendance à s’y accumuler. Ainsi, il a tendance à remplir la moelle avant d’envahir l’espace sous périosté, et il a tendance à remplir l’espace sous-périosté avant de perforer dans les tissus mous ou l’articulation. Le périoste est aussi résistant à l’infection de l’intérieur qu’à l’extérieur et le pus peut le décoller de toute la diaphyse avant qu’il n’y ait soit une tension suffisante pour la rupture, soit une nécrose suffisante pour la perforation.
Stade 3 : Le pus atteint les tissus mous, se propage le long des plans tissulaires et atteint finalement la peau. On verra que jusqu’à ce que le troisième stade soit atteint, l’infection reste dans le périoste ou même dans le cortex, et le pus peut donc être relativement inaccessible pour l’examen clinique. Pourtant, si l’on veut obtenir des résultats parfaits, la maladie doit être reconnue alors que le pus est ainsi caché. Heureusement, même au premier stade, un signe et un symptôme ensemble suggèrent fortement le diagnostic.

Par la suite une autre classification a été décrite par Essaddam – Dargouth :
– Stade 0 : C’est le stade de la bactériémie ; il correspond à la pénétration du germe dans l’organisme. La porte d’entrée est muqueuse ou cutanée. En pénétrant dans l’organisme, une partie des germes est phagocytée et détruite sur place, une autre partie va échapper à cette phagocytose et circuler librement jusqu’au site osseux ; elle est retrouvée par les hémocultures. Enfin, la dernière partie est phagocytée par le polynucléaire sans être détruite ; les germes vont rester quiescents jusqu’à la mort naturelle du polynucléaire qui va donc les libérer. Ils vont alors pouvoir se manifester. Cela expliquerait l’intervalle de temps libre entre la pénétration du germe et les premières manifestations cliniques.
– Stade 1 : C’est le stade de l’infection osseuse qui commence par une thrombophlébite au niveau des veines métaphysaires, ce qui va avoir pour conséquence un arrêt du flux artériel en amont et une inflammation avec un œdème. Cet œdème inflammatoire entraîne une hyperpression intra-osseuse qui complète l’arrêt de la vascularisation endostée [38]. L’hyperpression explique la douleur de l’ostéomyélite [38]. L’évolution du stade 1 dépend de la précocité et de l’efficacité du traitement médical.
– Stade 2 : Le pus formé à l’intérieur de l’os ne peut plus être contenu dans le fût diaphysaire et va sortir à l’extérieur de l’os à travers les canaux de Havers et de Wolkmann. Ce pus va soulever le périoste et commencer à arracher la vascularisation périostée pour former l’abcès sous-périosté [22]. L’évolution de ce stade dépend de la précocité du traitement chirurgical.
– Stade 3 : Il se caractérise par l’extension de l’abcès et donc de la dévascularisation périostée qui va déterminer l’étendue de l’ischémie osseuse. L’abcès va finir par se rompre dans les parties molles et définir l’abcès souscutané. La différence entre abcès sous-périosté et abcès sous-cutané est double : sur le plan anatomique, les abcès sous-périostés sont limités par le périoste alors que les abcès sous-cutanés rompent le périoste et s’épanchent dans les tissus sous-cutanés. Sur le plan physiologique, l’os de l’abcès sous-périosté est encore vascularisé par les vaisseaux du périoste non décollé, alors que l’os de l’abcès sous-cutané a perdu ses deux vascularisations.
– Stade 4 : C’est le stade de la nécrose osseuse qui peut évoluer vers la résorption de la zone mortifiée ou vers son détachement avec constitution de séquestres. Les petits séquestres sont généralement englobés ou évacués spontanément par une fistule cutanée. Les plus grands doivent être évacués chirurgicalement. Le siège des séquestres conditionne le pronostic fonctionnel du membre. Un séquestre sur un segment de membre à un seul os est plus grave que sur un membre à deux os. Ce stade portait, dans l’ancienne classification, la dénomination d’ostéomyélite chronique.

Un autre élément important concernant la physiopathologie est le rôle potentiel d’un traumatisme initial. Celui-ci est retrouvé dans 30 à 40 % des cas selon les études [44,45]. Son rôle comme facteur déclenchant d’une ostéomyélite est encore débattu [45]. Les études expérimentales chez l’animal montrent qu’il est très difficile d’obtenir une infection osseuse expérimentale par voie hématogène simple [38,45]. La plupart des modèles nécessitent d’associer à l’injection intra vasculaire d’un germe un traumatisme osseux préalable pour créer l’infection in situ [45,62]. L’hypothèse qui en découle est que, par le biais des micro-hématomes créés et des processus inflammatoires de réparation post-traumatique, un traumatisme initial pourrait aboutir à une majoration du ralentissement circulatoire localisé au niveau des boucles sinusoïdales et favoriser ainsi l’ensemencement bactérien [45].

Classification

De nombreuses classifications ont été décrites. La classification de Waldvogel fait également la distinction entre les formes aiguës (durant depuis moins de 1 mois) et les formes chroniques (durant plus de 1 mois). La classification de Cierny améliore cette classification en y ajoutant le statut de l’hôte, en particulier au plan général :
➨ Classification de Walvogel (1970)
Elle comprend quatre types :
-Type 1 : Ostéomyélite (OM) hématogène
-Type 2 : OM focalisée de contiguïté avec atteinte vasculaire
-Type 3 : OM focalisée de contiguïté sans atteinte vasculaire
-Type 4 : OM chronique.
Les types 2 et 3 sont post-chirurgicaux, post-traumatiques, post-infectieux localisés et volontiers poly-microbiens ;
➨ Classification de Cierny et Mader (1985)
Elle prend en compte les types anatomiques et les classes physiologiques.
Les types anatomiques comportent quatre stades :
-Stade 1 : OM médullaire ;
-Stade 2 : OM superficielle ;
-Stade 3 : OM localisée ;
-Stade 4 : OM diffuse.
Les classes physiologiques différencient trois statuts fonction de l’hôte :
-Hôte A : hôte normal ;
-Hôte B : compromis (facteur systémique) (Bs) ; compromis (local) (Bl) ;
-Hôte C : traitement pire que la maladie.
Dans la classe « hôte B », les facteurs systémiques ou locaux affectant l’immunité, le métabolisme et la vascularisation locale sont les suivants :
-Facteurs systémiques (Bs) : malnutrition, insuffisance rénale, hépatique, diabète, hypoxie chronique, maladies des systèmes, néoplasie, âges extrêmes, déficit immunitaire, tabagisme ;
-Facteurs locaux (Bl) : lymphoedème chronique, stase veineuse, altération des gros vaisseaux, artérite, fibrose post-radiothérapie, maladie des petits vaisseaux, perte totale localisée de la sensibilité.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Définitions
2. Les infections communautaires
2.1. Les infections ostéo-articulaires
2.1.1. Ostéite et Ostéomyélite
2.1.2. Arthrite et ostéo-arthrite
2.1.3. Spondylodiscite infectieuse
2.2. Infection des tissus mous
2.2.1. Physiopathologie
2.2.2. Classification
2.2.3. Agents pathogènes
2.3. Infection urinaire
2.3.1. Physiopathologie
2.3.2. Facteurs favorisants
2.3.3. Agents pathogènes
2.4. Infection intra-abdominale
2.4.1. Physiopathologie
2.4.2. Classification
2.4.3. Agents pathogènes
3. Les infections nosocomiales
3.1. Micro-organismes hospitaliers
3.1.1. Les bactéries
3.1.2. Les autres agents
3.1.2.1.Les levures
3.1.2.2.Les parasites
3.1.2.3.Les virus
3.2. Mécanismes d’acquisition des germes
3.2.1. Voie endogène
3.2.2. Voie exogène
3.3. Particularités des infections du site opératoire
3.3.1. Infection superficielle de l’incision
3.3.2. Infection profonde
3.4. Enjeux de la résistance bactérienne
3.4.1. Type de résistance bactérienne
3.4.2. Mécanismes
3.4.3. Evolution des résistances au cours des années
4. Particularité pédiatrique de l’infection
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Cadre d’étude
1.1. Description du site de l’étude
1.2. Description du service de chirurgie pédiatrique de l’Hôpital d’Enfants Albert Royer
1.2.1. Les lieux
1.2.2. Le personnel
1.2.3. Les activités du service
2. Patients
2.1 Critère d’inclusion
2.2 Critère d’exclusion
3. Méthode
3.1 Type d’étude
3.2 Période d’étude
3.3 Paramètres étudiés
3.4 Collecte et analyse des donnés
4. Résultats
4.1. Résultats descriptifs
4.1.1. Caractéristiques socio-démographiques
4.1.2. Caractéristiques du patient
4.1.3. Outils diagnostiques
4.1.4. Traitement
4.1.5. Morbi-mortalité
4.2 Résultats analytiques
4.2.1 Comparaison de la durée d’hospitalisation entre les infections communautaires et les infections nosocomiales
4.2.2 Comparaison du taux de mortalité entre les infections communautaires et les infections nosocomiales
5. Discussion
5.1 Aspects descriptifs
5.2 Aspects analytiques
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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