Les indices du développement de l’agriculture biologique en Afrique

Les indices du développement de l’agriculture biologique en Afrique

L’agriculture biologique a émergé sur le continent africain à la fin des années 1980. Plusieurs décennies plus tard, la crise alimentaire de 2007-2008 a marqué le retour des débats autour des enjeux de sécurité alimentaire sur le continent et, incidemment, du type d’agriculture capable d’y répondre. Dans ce contexte, l’agriculture biologique suscite de plus en plus d’intérêt, en attestent la publication de plusieurs rapports internationaux marquants, parmi lesquels celui de l’International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Development (IAASTD), datant de 2009 et intitulé « Agriculture at a Crossroads »  ; ou encore les rapports de la FAO faisant suite à la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire , et celui de 2013 intitulé Organic Agriculture : African Experiences in Resilience and Sustainability . Ces différents rapports insistent tous sur la nécessité de revoir le modèle de développement agricole dans le monde, du fait de ses conséquences sociales et environnementales, et sur le potentiel de l’agriculture biologique pour nourrir la population. L’agriculture biologique est définie par la Fédération internationale des mouvements en agriculture biologique (Ifoam) comme :

« Un système de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes. Elle s’appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l’utilisation d’intrants ayant des effets adverses. L’agriculture biologique allie tradition, innovation et science au bénéfice de l’environnement commun et promeut des relations justes et une bonne qualité de vie pour tous ceux qui y sont impliqués. » .

Aperçu statistique de l’agriculture biologique en Afrique

Les premières initiatives explicitement consacrées à l’agriculture biologique en Afrique datent de la fin des années 1980. Depuis cette période, la situation a évolué. Tout d’abord, la production agricole biologique africaine certifiée ne cesse de s’accroître. Les surfaces agricoles biologiques certifiées sont passées de 0,05 million d’hectares en 2000 à 1,8 million d’hectares en 2016 (Willer, Kilcher, 2009 ; Willer, Lernoud, 2018). Entre 2015 et 2016, la hausse est de 7 %, soit 119 000 ha en plus (Willer, Lernoud, 2018). À l’échelle mondiale, les surfaces agricoles africaines certifiées biologiques représentent 3 % des surfaces totales dédiées à la production biologique certifiée (Willer, Lernoud, 2018). Si cette part est faible, elle renvoie néanmoins à un nombre très important de producteurs. En effet, sur les 2,7 millions de producteurs pratiquant l’agriculture biologique certifiée en 2016 à l’échelle mondiale, 27 % d’entre eux se situaient sur le continent africain, derrière l’Asie (40 %) (Willer, Lernoud, 2018). Parmi les pays comprenant le plus grand nombre de producteurs certifiés biologiques, on trouve en première position l’Inde avec 835 000 producteurs, suivi de l’Ouganda avec 210 352 producteurs, et du Mexique avec 210000 producteurs. La marge de progression du continent africain semble importante, puisque la production agricole biologique certifiée ne représente que 0,2 % des surfaces agricoles africaines disponibles (Willer, Lernoud, 2018). Les surfaces agricoles dédiées comptabilisées se répartissent en plusieurs zones biologiques .

L’étude du développement de l’agriculture biologique en Afrique

Plusieurs pans de la littérature ont cherché à comprendre et à caractériser le développement de l’agriculture biologique en Afrique et dans le monde. Depuis la fin des années 2000, ces travaux sont de plus en plus nombreux (Gibbon, 2006; Jacobsen, 2008; Goldberger, 2008; Bolwig et al., 2009 ; ; Rubino, 2012 ; Pophiwa, 2012 ; Glin, 2014 ; Adebiyi, 2014 ; Schwindenhammer, 2015a ; Tankam, 2015 ; Fouilleux, Loconto, 2017a). L’agriculture biologique est souvent étudiée sous son prisme le plus évident et visible, à savoir sous sa forme certifiée.

Lesdits travaux montrent d’une part que ce développement est le fruit d’un transfert de standards publics et/ou privés étrangers, qui, étant établis ailleurs, contraignent les acteurs du pays récepteur. Ils sont contraignants dans le sens où, s’ils veulent exporter vers les marchés européens, américains ou japonais, les producteurs et les acteurs de la filière biologique ont l’obligation de se conformer aux standards stipulant les caractéristiques à respecter pour voir leurs produits qualifiés de biologiques. Dans ce cadre, il existe deux types de travaux : ceux qui montrent les mécanismes de l’apparition de filières certifiées (Pophiwa, 2012 ; Rubino, 2012 ; Glin, 2014 ; Adebiyi, 2014 ; Schwindenhammer, 2015a ; Fouilleux, Loconto, 2017a) ; et ceux qui montrent les conséquences de l’existence de ces filières, pour les producteurs africains principalement (Gibbon, 2006; Jacobsen, 2008; Bolwig et al., 2009). Dans le premier cas, les travaux portent plutôt sur les causes et les mécanismes d’introduction des normes en question. La structuration et le développement de l’agriculture biologique à l’échelle internationale sont parfois étudiés comme la mise en place d’un organizational field. Du fait de ce choix conceptuel, l’introduction de l’agriculture biologique sur le continent africain est appréhendée comme le résultat d’un processus d’isomorphisme (qui s’apparente à un transfert ou une forme de convergence). Cet élargissement géographique à l’Afrique aurait induit le développement d’un modèle d’agriculture biologique plutôt commercial (Fouilleux, Loconto, 2017a ; Schwindenhammer, 2015a). Ainsi, le développement de standards régionaux en Afrique de l’Est soutient aussi son développement autour d’un modèle commercial (Schwindenhammer, 2015a). Ce modèle s’institutionnalise surtout via des formes de régulations publiques, celles des pays importateurs, autour d’un système de certification par tierce partie, et donc principalement comme opportunité de marché : « in Africa, particularly, it is supported and developped as a business opportunity and its promoters are very weakly – if at all – related to the peasant movement » (Fouilleux, Loconto, 2017a, p. 13). Dans le second cas, les travaux s’intéressent plutôt aux conséquences de l’introduction de ces normes extérieures pour les producteurs africains. La principale critique à l’endroit du développement des filières certifiées biologiques – qui n’est pas spécifique à l’Afrique mais est valable pour tous les pays en voie de développement – porte sur les conséquences négatives que cause l’introduction de normes étrangères dans un contexte totalement différent de celui où le standard a été développé en premier lieu. Les travaux dans ce domaine montrent par exemple que les filières sont parfois non équitables du fait de déséquilibres dans la répartition du pouvoir en leur sein, avec des producteurs qui ont très peu d’influence sur l’aval (Vogl et al., 2005). L’introduction de standards et les changements de pratiques agricoles induisent par ailleurs des modifications sur le plan de l’organisation sociale des ménages agricoles, puisque, par exemple, les femmes – souvent plus nombreuses en agriculture biologique – se retrouvent à améliorer leur revenu, amélioration que les chefs de ménages agricoles peuvent percevoir comme négative (Lyon et al., 2010). Néanmoins, il est aussi question d’aspects positifs, comme l’amélioration du revenu induite par l’adoption de l’agriculture biologique (Bolwig et al., 2009).

Finalement, rares sont les travaux sur l’agriculture biologique qui renseignent sur les conséquences de la réception de ces standards extérieurs sur les dynamiques sociales locales et sur la part des facteurs endogènes dans ces processus. De plus, la lecture de travaux issus de la littérature grise nous montre qu’empiriquement, le développement de l’agriculture biologique certifiée ne s’est pas fait au même degré selon les pays . Il y a donc forcément des phénomènes endogènes favorisant ou, au contraire, freinant son développement. Ensuite, rares (Pophiwa, 2012) sont ceux qui décrivent les mécanismes de la diffusion, voire de la stabilisation de ce modèle dans le contexte africain. En effet, une fois ces normes extérieures introduites, comment expliquer leur diffusion et leur stabilisation dans le temps ? Enfin, malgré des évidences empiriques attestant du développement de formes différentes du modèle commercial d’exportation dans le contexte africain (présenté comme like-minded movement) , seuls quelques travaux les évoquent ou les étudient. De plus, ces travaux reposent sur une étude empirique peu ancrée dans le terrain (Pophiwa, 2012) ou se concentrent sur la diffusion de techniques biologiques sans qu’elles soient certifiées (Goldberger, 2008 ; Hauser, Lindtner, 2016).

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Table des matières

Introduction générale
Les indices du développement de l’agriculture biologique en Afrique
Chapitre 1 : Étudier l’institutionnalisation de l’agriculture biologique en Afrique : cadre d’analyse
Chapitre 2 : Les grands déterminants de l’institutionnalisation de l’agriculture biologique en Ouganda et au Bénin
Chapitre 3 : L’institutionnalisation du coton biologique au Bénin et en Ouganda : les promoteurs de projets face aux filières de coton conventionnel
Chapitre 4 : L’exportation d’ananas certifié biologique au Bénin et en Ouganda : des entrepreneurs locaux à la recherche de débouchés lucratifs
Chapitre 5 : Les dynamiques biologiques locales pour nourrir les consommateurs africains
Conclusion générale
Vers un modèle bio africain ?
Bibliographie
Annexes
Table des matières détaillée

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