Les idées novatrices des Ateliers de Maîtrise d’œuvre urbaine

Le développement des ZAEC en France

Il me semble dans un premier temps essentiel de revenir rapidement sur l’origine des ZAEC sur le territoire français.
L’ère préindustrielle a été marquée par « un rapport dual entre une campagne productive en périphérie de la ville et des unités urbaines » (Les Ateliers, 2016). A cette époque, ville et campagne vivaient en harmonie et étaient complémentaires. On trouvait en campagne les produits agricoles alors que la ville concentrait les activités artisanales. Ces activités faisaient partie prenante de la ville. Le tissu urbain était mixte. Cela dit, l’apparition des premières manufactures au XVIIème siècle va venir perturber cette organisation territoriale.
Les activités sont regroupées par corps de métier dans les manufactures : porcelaine, horlogerie, chaussure etc. (Ibid.). Ce sont les prémices de la séparation des fonctions dans la ville.
Au XIXème siècle, la France connaît la première révolution industrielle.
Les manufactures sont de plus en plus grandes, les usines fleurissent partout sur le territoire. Ces activités ne peuvent pas prendre place au sein des villes.
Elles ont besoin d’espace pour s’étendre. Elles nécessitent une main d’œuvre importante et s’installent donc en périphérie des villes. Le développement exponentiel des activités industrielles pousse à l’exode rural. Pour accueillir les ouvriers, les industriels vont dans un premier temps construire des « utopies urbaines paternalistes » (Ibid.) comme la cité Michelin à Clermont-Ferrand. Cependant, très rapidement, les industriels vont cesser de produire du logement. Les unités urbaines à proximité vont alors connaître un développement archaïque car les ouvriers ont besoin de se loger rapidement. La ville et l’espace productif se distancent durablement. On distingue dans le tissu urbain des espaces d’habitat et des espaces de production, d’emplois. Ces espaces sont interdépendants mais ne communiquent pas d’un point de vue urbanistique.
Après la Seconde Guerre Mondiale, le visage de notre société va considérablement changer. La France entre dans ce que l’on appelle les trente glorieuses, le fordisme a ouvert la porte à la production et la consommation de masse. Dans le même temps, l’économie connaît une tertiairisation. « Aux zones monofonctionnelles d’abord industrielles et artisanales s’ajoutent des zones commerciales, des parcs technologiques, des plate-formes logistiques […] mais aussi des zones résidentielles » (Ibid.). La démocratisation de la voiture et la consommation de masse ont été les vecteurs exponentiels de la périurbanisation. Le territoire ne cesse de se fragmenter en zones monofonctionnelles. Cette époque est également le témoin des premières problématiques que posent les zones d’activités. De grandes usines ferment, laissant derrière elles d’immenses friches dont personne ne sait quoi faire.
Parallèlement, l’État ne cesse de décentraliser ses compétences. Les collectivités locales se voient alors dotées d’outils leur permettant d’accompagner le développement économique de leur territoire. Ces outils permettent également de tirer parti (financièrement) de l’installation d’activités économiques.
Les collectivités vont naturellement inciter les entreprises à venir s’installer, notamment en constituant des ZAEC en périphérie des villes.
La décentralisation et la multiplication des zones d’activités vont progressivement mettre en concurrence les territoires. Plus encore, les territoires vont se diviser en différentes typologies. On trouve alors des territoires actifs (productifs, bassin d’emplois), des territoires servants (les campagnes, les espaces agricoles) et des territoires passifs (zones commerciales, zones résidentielles) (Ibid.). Le visage du territoire français a considérablement évolué.
Le développement des zones d’activités a été exponentiel durant les décennies qui ont suivi. On recense aujourd’hui en France entre 24 000 et 32 000 ZAEC. Elles représentent, en terme de surface, 10% du territoire national et 30% des surfaces urbanisées (Cerema, 2014). Le système sur lequel se base les ZAEC correspond à une demande rendue nécessaire par les deux premières révolutions industrielles, par la production et la consommation de masse. Aujourd’hui, la troisième révolution industrielle est basée sur une société de services qui s’appuie sur l’information, la communication et le numérique. Les ZAEC ne sont pas toujours adaptées à cette nouvelle révolution. Par ailleurs, notre société tend à mettre en place un développement durable auquel les ZAEC ne répondent pas en l’état actuel. « A l’ère post COP21, quelles perspectives, évolutions et résilience de ces enclaves économiques que sont les ZAE ? » (Op. Cit.). C’est à cette interrogation que tente de répondre mon travail.

Une défaillance dans la production de la ville

Les ZAEC sont remises en question sur de nombreux points. Elles interrogent notamment sur la production de la ville. Comment ces espaces économiques sont pensés ? Comment sont-ils intégrés à la ville ? Bien souvent, les ZAEC ne sont ni pensées, ni intégrées à l’espace urbain. Du moins, d’un point de vue urbanistique.

Le fonctionnalisme et le zonage en question

Les ZAEC sont un des témoins du fonctionnalisme, omniprésent sur nos territoires depuis le début du XXème siècle. Cette manière de penser l’espace, la ville, est très largement répandue dans l’urbanisme. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder un Plan Local d’Urbanisme (PLU). Une des composantes de ce document est le plan de zonage : il découpe le territoire par fonction. Poussée à son paroxysme par la Charte d’Athènes, le fonctionnalisme et le zonage sont aujourd’hui vivement critiqués.
Effectivement, un espace urbain ne fait ville que lorsqu’il y a du lien social c’est-à-dire des échanges, des rencontres etc. En d’autres termes, quand les Hommes et les fonctions dialoguent entre eux, sur un même espace. L’addition d’espaces urbains monofonctionnels ne constitue donc pas une ville.
Les projets urbains de ces dernières décennies démontrent de la part des acteurs de l’aménagement une volonté de renouer avec la mixité des fonctions. Il n’y a pour cela qu’à observer la ZAC de Bonne à Grenoble ou le quartier Confluence à Lyon qui proposent sur un même espace : habitat, commerces, services, bureaux etc. Cela dit, les ZAEC sont aujourd’hui encore construites sur le principe du fonctionnalisme. Ce sont des espaces qui répondent à une seule fonction, un seul usage et qui ne fonctionnent qu’à certains moments de la semaine.
On comprend toutefois ce choix. Ces zones présentent souvent des nuisances qui seraient problématiques en ville : trafic, pollution, bruit, odeurs etc. Il semble donc nécessaire de les éloigner des lieux de vie des habitants. D’autant plus qu’en s’éloignant des centres urbains, l’espace disponible est plus important et moins onéreux. Cela laisse plus de souplesse aux entreprises souhaitant s’implanter sur le territoire. Malgré tout, pourquoi les ZAEC échapperaient elles à cette volonté de tourner la page du fonctionnalisme ?
En effet, les ZAEC sont aujourd’hui de véritables enclaves au sein de nos territoires. Elles ne font pas véritablement partie de la ville, elles en sont spatialement et socialement détachées. Leur constant développement interroge alors même que beaucoup d’entre elles ont perdu les avantages qu’elles pouvaient offrir aux entreprises à l’origine : foncier à bas coût et liberté d’implantation. La situation devient inquiétante aux vues du nombre de ZAEC qui ne sont plus attractives et se vident. Elle est d’autant plus préoccupante que de nouvelles zones sont créées chaque jour, plus attrayantes, pour « remplacer » les zones moins attractives. Ainsi, les ZAEC se déplacent, de site en site, en laissant derrière elles des milliers de M² inutilisables.
De plus, ces espaces monofonctionnels peuvent hypothétiquement être déplacés d’un territoire à un autre sans que cela dérange les activités qui s’y trouvent. Elles marquent de ce fait une certaine standardisation et homogénéisation de nos territoires. Il serait pourtant pertinent de les penser autrement.

Une production d’espace dictée par l’économie

Les ZAEC, monofonctionnelles, ont pour vocation de répondre aux besoins des entreprises. De ce fait, elles s’implantent très souvent en périphérie des villes, à proximité d’axes routiers importants. L’accès de la zone y est facile et le prix du foncier faible. L’espace disponible permet également à l’entreprise de concevoir un bâtiment qui convient au mieux à ses besoins. Dans le cas d’un hypermarché, l’enseigne va choisir de construire un parking immense pour accueillir un maximum de clients et construire un bâtiment le plus simple et le plus économique possible. Les zones techniques et de livraisons seront quant à elles dissimulées à l’arrière du bâtiment. Tout est fait pour capter le client le plus facilement possible et dépenser un minimum d’argent dans les travaux. Au final, cette recherche de rentabilité à tout prix pousse les ZAEC à être construites selon une logique économique uniquement.
La production des ZAEC exclusivement par une logique économique pose toutefois question. On ne parlera pas ici d’urbanisme. En effet, l’urbanisme est une science sociale dans laquelle l’Homme est au centre des préoccupations. Dans les ZAEC, il n’y a pas de prise en considération de l’Homme.
Pourtant, depuis une décennie, de nombreuses études sont venues démontrer l’importance du cadre de travail sur la productivité des salariés. De même, les récentes évolutions du tissu économique français et les évolutions sociétales ont poussé les entreprises à prendre en considération le bien-être de leurs salariés.
Cependant, les zones d’activités monofonctionnelles offrent un cadre de travail très peu qualitatif pour les salariés qui sont employés dans ces espaces. Le midi, lors de leurs pauses, ils doivent se contenter d’un bout de parking avec vue sur d’immenses grillages verts. L’absence totale de lieux de vie et de loisirs (boulangerie, restaurants, salles de sport, espaces verts etc.) montre à quel point leur cadre de travail est stérile. Il l’est d’autant plus car ces zones se trouvent généralement éloignées de tout et sont presque exclusivement accessibles en voiture. Se rendre chez soi, à sa salle de sport ou aller chercher ses enfants à l’école est particulièrement peu agréable et pratique. L’utilisation de la voiture peut parfois être anxiogène mais c’est l’unique option qui leur est offerte.
Actuellement, les entreprises cherchent à fournir à leurs salariés un cadre de travail agréable et dynamique. C’est une solution pour augmenter le bien-être des salariés et donc, leur productivité. Cela permet également de créer du lien entre les entreprises. Les ZAEC, dans leur configuration actuelle, ne répondent pas à cette attente. Elles n’ont pas su évoluer pour satisfaire les nouvelles demandes des entreprises. Il ne s’agit plus seulement de fournir des espaces pratiques et peu coûteux mais bel et bien de proposer un lieu de travail dynamique et vecteur de lien social. On retrouve là encore les méfaits du fonctionnalisme et de l’enclavement des ZAEC. Il semble urgent d’agir pour une meilleure intégration de ces zones dans un tissu urbain mixte.

Des espaces publics de substitution

Il peut paraître étrange de citer un rappeur français dans un tel travail, pourtant, certain textes sont le témoignage de représentations spatiales et sociales, d’usages et de pratiques de la ville. Orelsan, originaire de Caen (une ville moyenne), nous dit ainsi dans sa chanson Dans ma ville on traîne : « Tu t’réveilleras sur les bords de la ville, Là où les centres commerciaux sont énormes, Où on passait les samedis en famille, Où j’aimais tellement m’balader, Même quand on avait que dalle à acheter ». On comprend à travers ces paroles que les zones commerciales, bien identifiées comme étant « sur les bords de la ville » deviennent de véritables centralités, des points de rencontres, d’échanges, des « espaces publics » structurants pour les villes. On ne les fréquente pas seulement pour consommer, pour faire ses courses mais aussi pour s’y retrouver et flâner, comme nous pourrions le faire dans un parc métropolitain. Cela nous pousse à nous questionner sur la production de la ville, pourquoi ces lieux sont devenus des « espaces publics » ? N’y-a-t-il pas d’autres lieux pour aller se promener et flâner?

Une défaillance dans la production de l’espace

Si les zones d’activités démontrent une défaillance dans la production de la ville, elles montrent aussi de nombreuses défaillances dans la production de l’espace. En effet, la conception de ces zones et leur mise en œuvre laissent à désirer.

Des espaces enclavés

Les zones d’activités sont des espaces enclavés au sein de nos territoires. Lorsqu’on s’intéresse à elles de manière plus précise, à une échelle plus réduite, on constate véritablement l’échec de leur conception à ce propos.
Les ZAEC ne communiquent que très peu avec l’environnement qui les entoure. Elles « tournent le dos » aux espaces agricoles, résidentiels et urbains à proximité. Rien n’est fait pour qu’une connexion existe entre ces lieux. Cela est particulièrement déconcertant dans certains cas. Les salariés et les clients de ces zones d’activités peuvent potentiellement habiter tout proche mais pourtant, aucun accès direct, à pied ou à vélo par exemple, ne leur est offert. Il en va de même dans le fonctionnement des zones. Elles pourraient potentiellement profiter d’échanges de ressources avec une zone proche mais pourtant, elles ne le font pas. Un magasin alimentaire, à titre d’exemple, pourrait vendre les produits cultivés tout près et tirer un bénéfice marketing de ces ventes.
Les zones d’activités sont spatialement et socialement détachées de l’environnement qui les entoure. Mais au sein de ces zones, les entreprises sont également détachées spatialement et socialement les unes des autres.
Il existe dans la manière dont sont conçus ces espaces une logique de chacun chez soi. Chaque parcelle, chaque entreprise est minutieusement enfermée par de grands grillages, généralement verts. Chacun possède son parking et pour passer d’une parcelle à l’autre, il vous faudra très souvent reprendre votre voiture. Aucune connexion, aucun accès ne permet de passer d’une entreprise à une autre.

Une imperméabilisation importante des sols

Les nombreux aménagements routiers, servant aussi bien pour les clients, les salariés et les livraisons sont autant d’espaces imperméabilisés. Il en est de même pour les immenses bâtiments qui abritent les activités.
Pour se rendre compte de la surface concernée par l’imperméabilisation des sols, j’ai étudié précisément trois zones commerciales. Il s’agit de l’étude de cas de Montluçon que je développe en partie II de ce travail. Sur ces zones, les parcelles se composent en moyenne de 30% d’espace bâti et de 50% d’espace imperméable (parking, zone technique etc.). Le reste de la surface correspond, quant à elle, à des espaces plantés, enherbés ou avec des revêtements perméables. Quoi qu’il en soit, cela signifie que 80% des parcelles sont imperméables. Elles affectent indéniablement l’environnement;autant plus, quand on sait la démesure de ces zones d’activités. A Domérat, le Leclerc de la zone de Châteaugay s’implante sur une parcelle de 110 000m² dont un peu plus de 80 000m² sont imperméabilisés.
L’imperméabilisation de ces surfaces est « compensée » par d’immenses bassins de rétention. Ils sont réalisés de la façon la plus économique possible et sont peu qualitatifs.

Un modèle très consommateur d’espaces

Comme vous vous en doutez, les ZAEC consomment énormément d’espaces. C’est d’ailleurs cet espace, à bas coût, qui attire les entreprises. Elles peuvent ainsi installer leur activité à moindre frais et construire le bâtiment qui correspond le mieux à leurs besoins. Généralement, on construit les bâtiments de plein pied avec d’immenses parkings et zones techniques. Pour les zones commerciales, c’est même une des raisons de leur attractivité auprès des clients. La consommation dans ces lieux demande un effort minimum : il y a toujours de la place pour stationner, on trouve tout sous le même toit et la circulation dans les rayons est fluide, sur un seul niveau.
Cette surconsommation d’espace a un impact indéniable sur nos territoires.
Chaque jour, ce sont des milliers de mètres carrés qui sont artificialisés aux bénéfices des zones d’activités. Pour rappel, les ZAEC représentent 30% des surfaces urbanisées en France (CERTU, 2013). Sur la zone d’activités de Châteaugay, à Domérat, la surface des bâtiments représente seulement 16% de la surface totale. On observe clairement une surconsommation de l’espace due aux innombrables voiries et parkings. Ces espaces sont directement gagnés sur les terres agricoles, naturelles et forestières à la lisière de nos villes. Alors que la population ne cesse de croître et que nos besoins de production agricole augmentent, les terres agricoles reculent. Il est d’ailleurs difficile d’inverser cette tendance. L’installation de zones d’activités augmente le prix du foncier et les propriétaires agricoles cèdent naturellement leurs terres aux aménageurs. La situation devient critique.

Un paysage qui se dégrade

Les ZAEC sont « le symbole de la mort du paysage, ou plutôt de la naissance d’un nouveau paysage, d’un paysage moderne, marqué par la saturation des signes, la rationalisation des formes architecturales, l’omniprésence de l’infrastructure et l’absence de l’humain » (Point Virgule, 2016). En effet ces zones, notamment pour les raisons que nous avons évoquées précédemment, marquent fortement le paysage de nos territoires.
Leur situation, en entrée de ville et à la lisière entre ville et campagne, font d’elles des espaces très visibles. Elles sont une rupture brute entre les espaces agricoles et naturels, non construits, et l’espace urbain. L’étendue des aménagements routiers, le gigantisme des bâtiments et les innombrables clôtures et portails en sont la raison. Les panneaux publicitaires et les enseignes, eux, ne font qu’accentuer cet effet de rupture. Le paysage proposé par les zones d’activités n’est pas qualitatif. Les espaces végétalisés sont anecdotiques et le patrimoine, qu’il soit naturel ou historique, est relégué au second plan.
Ces paysages peu valorisants sont ceux que l’on croise généralement sur nos routes dès notre arrivée sur un territoire urbanisé. Ils sont peu attractifs et peu valorisants pour le territoire.
Par ailleurs, le gigantisme et la saturation de ces paysages rend l’espace incompréhensible, peu appréhendable. Il est très inconfortable ; notamment pour le piéton ou le cycliste qui risquerait de s’y aventurer. Ce paysage est un frein pour l’usager et dessert les entreprises et le territoire. Tout le monde gagnerait à produire un paysage plus agréable et plus lisible. Généralement situés entre ville et campagne, ces espaces ont un rôle déterminant de lisière. Ils doivent permettre de faire le lien entre les espaces.

Un désastre écologique

Les éléments que je vous ai exposés précédemment montrent à quel point les ZAEC sont une menace pour l’environnement et la biodiversité. Malheureusement, ce ne sont pas les seuls éléments qui contribuent à ce désastre écologique.
Les zones d’activités polluent considérablement les sols, l’air et l’eau.
Certaines activités productives génèrent diverses pollutions : particules fines, produits chimiques, dépôts d’ordures etc. Par ailleurs, les immenses surfaces imperméabilisées que nous évoquions précédemment, sont le réceptacle de nombreux produits polluants. Lors des épisodes pluvieux, l’eau se charge de ces polluants, ensuite elle s’infiltre dans le sol naturel. Ces eaux vont alors contaminer les nappes phréatiques. La pollution des sols est un véritable enjeu, notamment pour la mutabilité de ces espaces.
D’autre part, les ZAEC sont très gourmandes en énergies. Les bâtiments sont généralement de véritables passoires thermiques. Il faut une énergie considérable pour les chauffer l’hiver et pour les refroidir l’été. Dans les zones commerciales, réfrigérateurs, congélateurs et éclairages consomment continuellement de l’énergie. Il en est de même pour les enseignes qui sont bien souvent allumées toute la nuit. La consommation énergétique des ZAEC représente un véritable enjeu pour l’avenir de nos territoires.

Un système difficilement mutable

Outre l’ensemble des problématiques que nous avons évoquées jusquelà, les ZAEC posent question quant à leur mutabilité. Que faire de ces espaces lorsqu’ils ne sont plus utilisés ?
Il n’est pas impossible de trouver des réponses à cette question mais les solutions sont très difficiles à mettre en œuvre. Les zones d’activités se sont construites selon un système complexe d’acteurs et de propriétaires. Il faut distinguer le propriétaire du foncier, l’aménageur qui construit, l’opérateur qui gère les surfaces et l’entreprise qui utilise l’emplacement. A ce système complexe s’additionne les collectivités qui viabilisent parfois des terrains pour inciter l’installation des entreprises. A l’inverse, il arrive aussi régulièrement qu’un acteur privé aménage des terrains avant de rétrocéder la voirie aux collectivités. La simple lecture d’un cadastre montre à quel point les zones d’activités sont complexes. Il est difficile de savoir quel terrain appartient à qui et de comprendre quels acteurs sont concernés par un hypothétique projet. Faire muter ces espaces est donc très difficile d’autant plus que les collectivités ont très peu de pouvoir sur ces zones. Elles ne possèdent presque rien, les acteurs privés sont omniprésents. Selon les chiffres obtenus sur les zones d’activités de Montluçon seulement 20% de l’espace est aux mains des collectivités, parfois beaucoup moins.
La difficulté de la mutabilité des zones d’activités provient également des éléments évoqués plus haut dans mon travail. Les surfaces imperméables, la pollution des sols, les bâtiments adaptés à une activité spécifique etc. rendent difficile le changement de vocation de ces espaces. Les projets qui pourraient voir le jour seront confrontés à un coût très élevé. Sur d’anciens sites portuaires comme confluence à Lyon ou deux rives à Strasbourg cela n’est pas un problème. Les opérations menées seront rapidement rentabilisés car le foncier, au cœur de ces métropoles, est rare. Mais qu’en est-il des zones d’activités en périphérie de petites villes, au centre de la France? Très souvent les espaces délaissés ne retrouveront pas preneurs et se transformeront en friches.

Retour d’expérience : les contraintes d’un projet de conceptionréalisation

A mon arrivée chez Urbalab, j’ai été missionné pour concevoir une zone d’activités économiques sur une commune de 3 700 habitants en périphérie de Lyon. Ce projet, pas forcément attrayant à première vue, se veut pourtant très intéressant.
La zone d’activités s’implante sur une poche non urbanisée de la commune, aux portes du centre ville et à proximité d’un grand parc périurbain.
Des habitations et d’autres entreprises jouxtent le site du projet. Sa situation nécessite une attention particulière pour qu’elle soit intégrée au paysage local.
C’est pour penser cet espace dans son intégralité que le conseil municipal a fait appel à un bureau d’études. La vente de lots sans réflexion globale aurait probablement abouti à un patchwork de parcelles et une rupture du tissu urbain.
La présence du siège mondial d’une firme pharmaceutique à proximité rendait la question de l’intégration paysagère essentielle au projet. Il me fallait penser une zone d’activités qui s’intègre à son environnement tout en donnant une plus-value à ce futur espace de travail.
Suite à de nombreuses réflexions et réunions, la municipalité s’est accordée sur un plan d’aménagement qui présente de nombreux avantages : intégration paysagère par la végétation, cahier des charges strict pour la forme urbaine, les bâtiments, cheminements piétons valorisés etc. Malgré toute la bonne volonté du conseil municipal, on pouvait ressentir une certaine crainte de la part des élus de ne pas répondre aux attentes de leurs administrés, les entrepreneurs. Cette crainte a d’ailleurs été le fruit de certaines « marches arrières » sur le projet. Lors de la première présentation publique en présence des futurs entrepreneurs de la zone, le comportement de l’adjoint à l’urbanisme était particulièrement intéressant à observer. A la fin de la présentation, il attendait la réaction des entrepreneurs pour, à son tour, se positionner sur le projet. En clair, si les entrepreneurs critiquaient le projet on sentait qu’il était prêt à revenir sur le plan d’aménagement; alors même qu’il l’avait validé en amont.

Une défaillance face aux attentes actuelles et futures des entreprises

Les défaillances dans la production de la ville et de l’espace ne sont pas les seules raisons de la remise en cause des zones d’activités. Elles montrent aujourd’hui une certaine défaillance face aux attentes des entreprises qui recherchent plus qu’un simple terrain à bâtir. En effet, comme nous avons déjà pu l’évoquer, l’économie a énormément évolué depuis cinquante ans. Alors qu’elle était presque exclusivement basée sur l’industrie elle est, de nos jours, principalement tertiaire. Plus que la tertiairisation, l’économie est actuellement encline à une diversification. « On ne parle désormais plus d’économie mais des économies » (Point Virgule, 2016). « Les dynamiques en faveur d’un certain retour vers des économies locales » (Ibid.) et la numérisation ont fait évoluer le rapport des entreprises au territoire. Elles recherchent aujourd’hui plus qu’un simple bout de terre où se développer extensivement. Elles souhaitent un lieu d’implantation dynamique qui leur donne accès à des services, à des marchés, à un bassin d’emploi et à un réseau économique. Ce n’est pas ce qu’offrent les ZAEC. « L’heure semble propice à un redéveloppement, cette fois-ci, intensif » (Ibid.).
Les zones d’activités telles qu’elles sont conçues aujourd’hui ne répondent pas aux attentes des entreprises. Pour proposer une offre adaptée, il est indispensable d’avoir une connaissance précise des besoins spécifiques de chaque type d’activité, aussi variés soient-ils. La tâche est particulièrement complexe car il faut répondre à ces besoins spécifiques tout en produisant un tissu urbain et économique adaptable et intégré au territoire. Les ZAEC de demain devront être en capacité de satisfaire les besoins des économies à venir. A défaut de pouvoir satisfaire ces besoins, elles devront être facilement mutable, trouver une nouvelle vocation. Le défi est immense.

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Table des matières

Introduction 
Partie I / De la modernité à la crise territoriale: les raisons de la remise en cause des ZAEC 
A/ Le développement des ZAEC en France
B/ Une défaillance dans la production de la ville
a) Le fonctionnalisme et le zonage en question
b) Une production d’espace dictée par l’économie
c) Des espaces publics de substitution
C/ Une défaillance dans la production de l’espace
a) Des espaces enclavés
b) L’omniprésence des aménagements routiers
c) Une imperméabilisation importante des sols
d) Un modèle très consommateur d’espaces
e) Un paysage qui se dégrade
f) Un désastre écologique
g) Un système difficilement mutable
h) Retour d’expérience : les contraintes d’un projet de conception-réalisation
D/ Une défaillance face aux attentes actuelles et futures des entreprises
E/ Une multiplicité d’enjeux entoure les ZAEC
Partie II / Zones d’activités économiques et commerciales: un outil paradoxal pour les villes moyennes 
A/ Montluçon, une ville en déclin
B/ Une surproduction d’espaces commerciaux en périphérie, un centre-ville en péril
a) L’omniprésence des activités commerciales dans l’agglomération Montluçonnaise
b) L’agglomération montluçonnaise au rythme de trois zones commerciales
C/ «C Montluçon»: les prémices d’un projet de territoire ?
Partie III / Pistes d’actions pour le renouveau des ZAEC 
A/ Orientations générales
a) Fédérer les acteurs
b) Revaloriser les zones existantes
c) Reconquérir l’espace public
d) Penser les mobilités
e) Limiter les constructions
f) Accompagner la décroissance
B/ Les idées novatrices des Ateliers de Maîtrise d’œuvre urbaine
a) Les ZAEC comme réponse à l’étalement urbain
b) Révéler le patrimoine des zones d’activités
c) Des espaces de production d’énergies renouvelables
et vecteur de lien social
d) Un espace adaptable et réactif face aux changements
e) Le sport comme levier d’action
f) L’artisanat, acteur du renouveau des villes
g) Limiter l’impact des ZAEC en repensant la logistique urbaine
h) Valoriser les déchets des ZAEC pour limiter leur impact environnemental
i) Un espace de rencontres entre le monde agricole et urbain
C/ Se saisir des outils existants
a) L’intercommunalité comme échelle d’action privilégiée pour la planification
b) L’urbanisme opérationnel
c) L’aménagement des villes moyennes, une problématique émergente
Conclusion 
Bibliographie

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