Les grandes questions philosophiques

Thomas Nagel est né le 4 juillet 1937 d’une famille juive en Serbie, en ex-Yougoslavie et plus précisément à Belgrade. Il enseigna dans plusieurs universités avant de s’installer définitivement à l’université de New York en 1980 où il est admis comme professeur de Droit et de Philosophie. En Philosophie il va surtout se spécialiser en Ethique, en Epistémologie, en Philosophie Politique et en Philosophie de l’Esprit .

Ainsi Nagel est surtout connu pour être un fervent défenseur de l’antiréductionnisme en prônant l’idée selon laquelle la conscience ou la subjectivité ne se résume pas à la simple activité du cerveau. Cette vision va être développée dans bon nombre de ses écrits parmi lesquels on peut citer « A quoi ressemble t-il à être une batte » édité en 1974. Mais c’est principalement dans le texte « what is a like to be a bat ? » de la revue philosophique numéro 83 et traduit de l’anglais au français par le philosophe Pascal Engel sous le titre de « Quel effet cela fait, d’être une Chauve-souris ? » qu’on va avoir une plus nette appréciation de sa pensée sur le sujet. Cet extrait de l’ouvrage Mortal Questions ou Questions Mortelles de l’édition Presse Universitaire de France (PUF) publié en 1983 va constituer un tournant dans les discussions de la philosophie de l’Esprit. Nagel va d’abord soulever l’une des interrogations les plus importantes de la tradition philosophique à savoir la question de la relation entre l’âme et le corps. Ce problème est très ancien et a quasiment vu le jour en même temps que la philosophie. En effet depuis le début de la réflexion philosophique des théories ont été formulées en ce sens avec des auteurs comme Parménide, Pythagore etc. Mais c’est véritablement avec Platon que la question du problème corps-esprit va pour la première fois être traitée dans toute sa profondeur. Ainsi Platon va faire la dichotomie de l’âme et du corps qui, selon lui relève, de deux entités totalement distinctes. Il va être suivi dans cette lancée par René Descartes qui prône un dualisme entre les substances pensantes et corporelles. Descartes va ainsi radicaliser la séparation entre le corps et l’esprit qui, nous dit-il, relève de deux natures différentes. Même si le cartésianisme conçoit que c’est l’union de l’âme et du corps qui fait l’homme, il est clair qu’il existe entre les deux entités une très grande différence qui s’explique par le fait que chacune peut exister indépendamment de l’autre. Cependant cet aspect substantiel de la différence entre le corps et l’esprit va être remis en cause par des philosophes contemporains au cartésianisme qui y verront plutôt une différence de catégorie et non de substance. C’est ainsi que des penseurs comme Malebranche explique le rapport du corps et de l’esprit par une causalité transcendantale. Leibniz quant à lui parle d’une Harmonie Préétablie relevant d’une organisation du monde par Dieu ou le Grand Horloger.

Plusieurs autres explications du problème corps-esprit vont suivre, mais à partir du 20e siècle le sens même du questionnement du problème va prendre un nouveau tournant avec les neuroscientifiques. Cette période qui coïncide avec le développement de la biologie, de la médecine, de la linguistique, de l’informatique, de l’intelligence artificielle etc., va consacrer une nouvelle formulation du problème. En effet il ne s’agit plus de se demander comment deux entités par nature totalement différentes peuvent mutuellement interagir comme le démontrait Descartes et les idéalistes. Mais simplement de se demander comment est-ce que des états ou processus mentaux peuvent provenir de processus physiques ? Et plus clairement comment du physique peut-il engendrer du mental ? C’est ainsi qu’on assiste à un processus de naturalisation de l’esprit qui stipule que le mental qui est la cause des comportements de l’individu tire son origine du physique et n’est en fait qu’un stimulus sensoriel. Cela signifierait que le mental émerge des processus physiques qui lui donnent naissance.

Cependant cette réduction mécaniste du mental au physique est fortement critiquée parce qu’elle ne fait pas état de l’entière activité de la cognition ou de l’expérience consciente de l’esprit. C’est en ce sens qu’intervient la critique de Thomas Nagel pour qui les sciences cognitives sont passées à coté de l’essentiel de la relation entre le corps et l’esprit en écartant de leurs recherches la subjectivité du sujet empirique. En effet, l’expérience constitue l’élément déterminant du problème corps esprit puisqu’il est le facteur qui rend à la fois le problème intéressant et insoluble comme le pense Nagel lui-même. Cette conscience qui différencie l’être humain des choses et qui le rend supérieur aux animaux est très difficile à traiter puisqu’elle se refuse à la naturalisation. Elle ne se laisse pas expliquer par les méthodes objectives des scientifiques car elle présente des caractéristiques spécifiques, inaccessibles à l’explication physique. La conscience présente une nature privée qui ne peut être appréhendée qu’à partir du point de vue du sujet conscient. Ce caractère phénoménal ou subjectif du sujet va être défini par Nagel comme l’effet que « cela fait à un organisme d’être cet organisme » .

QUELQUES GRANDES QUESTIONS PHILOSOPHIQUES

LE CONCEPT DE CONSCIENCE

Le texte « Quel effet cela fait, d’être une Chauve-souris ? » de Thomas NAGEL extrait de l’ouvrage QUESTIONS MORTELLES, constitue un grand tournant dans le champ de la réflexion philosophique des temps modernes. En effet l’auteur y développe plusieurs thèmes qui ont tout au long de la tradition philosophique connu des fortunes diverses. Nagel commence par aborder un concept clé dans le jargon de la philosophie à savoir celui de la conscience. Elle a longtemps suscité un grand intérêt chez les philosophes qui ne s’accordent pas toujours sur la définition qu’il faudrait lui donner. Toutefois, il est à signaler que le terme renferme deux significations tout à fait différentes qu’il faut bien dissocier. D’abord il y’a la conscience posée comme la voix morale de l’esprit, qui permet de distinguer le bien du mal, qui mesure la valeur des actions de la vie et qui pose les règles de bonne conduite. Ensuite la conscience du point de vue de sa fonction théorique et de sa fonction de connaissance qui fera ici l’objet d’étude et qu’on définira au regard des théories formulées en ce sens.

Tout d’abord du point de vue de son étymologie, on peut dire que le mot conscience vient du latin « cum » qui signifie « avec » et de « scienta » qui veut dire science. Avoir conscience ou être conscient signifierait alors avoir pleinement connaissance de ses actes et pensées. Ainsi avec la conscience on a une claire appréhension du monde qui nous entoure à travers la sensibilité mais également une conscience de soi même, de son intériorité propre. Etymologiquement elle renverrait à la faculté humaine permettant d’avoir une connaissance de soi et du monde extérieur.

A part le sens étymologique, c’est la définition que le philosophe français René Descartes donne au concept de conscience qui a constitué une grande révolution philosophique.

Descartes dans sa quête de vérité indubitable va douter de tout ce qui l’entoure comme il l’affirme lui-même dans La Première Méditation « je crois que le corps, la figure, l’étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit ». Et c’est au terme de ce doute à la fois méthodique et hyperbolique qu’il découvre la conscience comme fondement de la philosophique en utilisant le terme cogito. Avec sa fameuse assertion « je pense donc je suis », il pose la conscience ou le cogito comme la seule réalité indubitable qui échappe au doute et qui ne saurait être l’œuvre du malin génie. Toute sa philosophie va alors reposer sur sa première vérité qu’est l’effectivité du cogito qu’il exprime ainsi : « je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit ». Le concept de conscience s’est ainsi développé avec la philosophie classique de Descartes qui en a fait la faculté mentale de connaissance de son monde et de son existence. La conscience renvoie aussi bien à la perception du monde extérieur qu’à la perception interne de soi-même et de son propre subjectivité. L’importance de la subjectivité qui sera posée comme préalable à toute forme de connaissance apparait nettement avec la fameuse consigne que l’oracle de Delphes avait adressée à Socrate en lui demandant de se connaitre soi-même. La conscience de soi suppose ainsi une claire appréhension de l’esprit sur ses perceptions, ses représentations, ses intuitions, ses états mais également à son moi. Le moi renvoie ainsi à cette entité intérieure réflexive et intuitive qui renferme l’ensemble de nos états, nos souvenirs, nos sensations et qui est totalement transparente à elle-même. Elle présente ainsi un caractère immédiat et une évidence absolue, ce qui en fait la première vérité chez Descartes dans l’ordre de la connaissance certaine et dans sa quête d’une science constante.

LE PROBLEME CORPS-ESPRIT

La conscience constitue d’après Thomas Nagel l’élément déterminant dans la relation entre le corps et l’esprit. Elle rend, selon lui, le rapport du corps et de l’âme complexe et « difficile à résoudre ». Le niveau de complexité de ce problème se comprend avec les explications qui en ont été données tout au long de l’histoire de la philosophie. Ce problème qui est plus connu aujourd’hui sous l’appellation anglo-saxonne « The mindbody problem » reste une question primordiale dans le domaine de la philosophie des sciences. La question a été abordée de différentes manières depuis l’antiquité grecque, mais elle demeure encore toute entière et est très présente dans les discussions du monde moderne. Avec le développement fulgurant des sciences et des techniques, la question de la relation corps-esprit prend de nouvelles dimensions avec les neuroscientifiques qui intègrent dans leur démarche les avancées technologiques. On assiste ainsi à une reformulation même du problème par rapport à ce qui se faisait dans l’antiquité. C’est ainsi que déjà chez Pythagore l’âme, posée comme principe immortel, va être présentée comme étant la solution du problème. En effet, pour Pythagore l’âme diffère bien du corps car elle présente une origine d’essence divine. Sa présence dans le corps résulte seulement d’une déchéance, d’un exil qu’elle effectue dans le corps ainsi qu’un prisonnier dans une geôle. D’où l’expression « Soma, Sema » qui signifie que le corps est un tombeau, une prison de l’âme. L’enseignement pythagoricien prône une ascèse par une purification de l’âme afin d’atteindre le bonheur, de retrouver son origine par la séparation d’avec le corps. En effet l’âme qui est posée comme vie, comme mouvement, est selon Pythagore immortelle. Et par la métempsycose on entend la réincarnation des âmes dans un corps, humain, animal ou végétal. C’est la théorie de la transmigration des âmes qui veut qu’une âme passe d’un corps à un autre tout en restant le même âme. Cette théorie de la transmigration des âmes va fortement marquer Platon et inspirera sa théorie de la réminiscence.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I- LES GRANDES QUESTIONS PHILOSOPHIQUES
1- Le concept de conscience
2- Le problème corps-esprit
3- Les théories réductionnistes
II- LA GRANDE PROBLEMATIQUE DE NAGEL
1- L’expression « l’effet que cela fait d’être… » chez Nagel
2- Le caractère subjectif de l’expérience
3- Le physicalisme
4- Le point de vue unique
DEUXIEME PARTIE
I- L’EXEMPLE DE LA CHAUVE-SOURIS
1- Les raisons du choix de la chauve-souris
2- Le système sensoriel de la chauve-souris
II- L’EXTRAPOLATION PAR L’IMAGINATION
1- L’hypothèse des martiens et des chauves-souris intelligentes
2- La relation entre les faits et les systèmes conceptuels
3- Le point de vue particulier
III- COMPARAISON ENTRE PHENOMENES PHYSIQUES ET EXPERIENCES
1- Rejet du réductionnisme
2- Le traitement du physicalisme
TROISIEME PARTIE
I- LA SOLUTION SPECULATIVE DE NAGEL
1- La nouvelle méthode
2- L’expérimentation
II- COMMENTAIRES
III- CRITIQUES
CONCLUSION

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