Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie

Les enfants du voyage et l’Ecole

Le mode de vie 

Je me rends chaque semaine sur une aire d’accueil des gens du voyage depuis 5 ans. Je connais surtout une famille, mais je visite les autres familles, les autres caravanes sur le terrain. Les enfants sont scolarisés à l’école T. et sont semi-sédentaires sur une aire d’accueil officielle. Cependant, généraliser à partir d’un seul lieu d’observation est impossible, étant donné la diversité des populations du voyage et des contextes de vie. J’ai également posé des questions aux enseignants et plus particulièrement à une enseignante qui est en contact direct avec une famille depuis 8 ans pour avoir son témoignage. J’ai aussi complété avec des lectures scientifiques.

Le rapport à l’Ecole 

J’ai utilisé l’entretien semi-directif auprès d’une dizaine d’enfants du voyage et de leurs parents sur plusieurs aires d’accueil (annexes 2 et 3). J’ai décidé de cibler une population bien précise : les gens du voyage semi-sédentaires, c’est-à-dire qui vivent en caravane mais dont les enfants sont scolarisés à l’année dans la même école. J’ai utilisé volontairement le tutoiement pour les entretiens avec les enfants et leurs parents. En effet, le vouvoiement est très peu utilisé et a une image négative auprès des gens du voyage. A mon arrivée, on m’a dit que le tutoiement était de rigueur et j’ai respecté cette règle. Les témoignages d’enseignants permettent également de comprendre le rapport à l’école des enfants et des familles, en croisant les différents points de vue.

Les réussites ou difficultés scolaires rencontrées par les enfants du voyage

L’adaptation à la forme scolaire 

Les entretiens avec les enseignants vont m’être utiles afin de rendre compte des réussites ou difficultés de ces enfants. Les enfants et les parents m’ont aussi fait part de leur vécu.

Les enfants allophones

J’ai pu m’entretenir avec un enseignant de maternelle qui accueille un enfant allophone en petite section de maternelle. Les lectures scientifiques ont pu m’aider à comprendre ce qu’est un enfant allophone et les réussites ou difficultés rencontrées par ces enfants. Madame D., conseillère académique au CASNAV, m’a également expliqué les enjeux du plurilinguisme.

La maîtrise de la langue française

J’ai pu observer l’entrée dans l’écrit d’un enfant du voyage du CP au CM2, ainsi que l’acquisition d’une culture écrite. J’ai également demandé à d’autres enseignants qui accueillent des enfants du voyage s’ils ressentaient des difficultés ou des réussites particulières.

Les dispositifs mis en œuvre pour favoriser la réussite de ces enfants

Le lien avec les familles 

J’ai effectué un entretien avec une directrice d’école maternelle qui a mis en œuvre un projet dans l’école et invité les familles afin de créer du dialogue. Je me suis renseignée auprès des parents pour savoir s’ils avaient déjà été invités à l’école et à quelle occasion. J’ai demandé aux enseignants s’ils établissaient un lien avec les familles, s’ils les invitaient à l’école et pour quelles raisons.

Une pédagogie différenciée

J’ai pu avoir un compte rendu par une directrice d’un projet mis en œuvre par une école de Tourcoing qui a créé un partenariat avec une école en Roumanie et des échanges entre élèves et enseignants. Lors des entretiens, j’ai demandé aux enseignants si une pédagogie différenciée était possible afin de faire progresser les enfants du voyage.J’ai également procédé à des lectures scientifiques qui m’ont permis de compléter mes connaissances surla question.

Les aides possibles 

J’ai obtenu un entretien avec Madame D., conseillère académique au CASNAV, pour savoirs’il existait des aides spécifiques du CASNAV auprès de ces enfants. Je me suis renseignée sur les aides possibles, auprès des enseignants, des enfants et dans les lectures scientifiques.

ANALYSE DES RÉSULTATS

Nous allons dans un premier temps nous intéresser aux principaux acteurs qui nous intéressent dans ce mémoire. Tout d’abord à l’école, à son rôle et ses finalités ainsi qu’à l’équité scolaire ; puis à la population des gens du voyage, à leur mode de vie et à leur culture. Nous confronterons ensuite les deux afin de comprendre quel rapport les enfants du voyage entretiennent avec l’école. Rappelons que la population de l’étude regroupe des ensembles de familles semi-sédentaires habitant en caravane. Nous analyserons alors les réussites ou difficultés scolaires que peuvent rencontrer ces enfants au long de leur scolarité. Pour terminer, nous envisagerons différents dispositifs qui peuvent être mis en œuvre pour favoriser leur réussite et restaurer l’équité scolaire.

L’équité et l’Ecole française

Nous allons en premier lieu nous questionner sur les missions et les finalités de l’école française.

Une école pour tous les élèves

Le système éducatif français a été en évolution tout au long de son histoire. L’objet de ce mémoire n’est pas l’étude du système éducatif mais il me paraît important de passer en revue les lois les plus importantes et leurs influences sur notre école française actuelle.
Le débat sur l’école a commencé après la révolution française et la parution de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette Déclaration stipule en effet que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Le rapport Condorcet de 1792 propose un projet d’organisation générale de l’Instruction publique. Il présente le but premier de l’Instruction publique.
Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs.
Assurer, à chacun d’eux, la facilité de perfectionner son industrie, de rendre capable des fonctions sociales, auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue de talents qu’il a reçus de la nature ; et par là établir, entre les citoyens, une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi. Tel doit être le premier but d’une instruction nationale et, sous ce point de vue, elle est, pour la puissance publique, un devoir de justice. (Condorcet, 1792)
De grandes lois vont fonder l’école française. La loi Guizot porte sur la liberté d’enseignement des instituteurs et impose aux communes de plus de 800 habitants l’ouverture d’une école. L’instruction devient plus facilement accessible aux élèves d’un point de vue territorial, même si elle n’est pas obligatoire. Ce sont les lois Ferry promulguées de 1881 à 1886 qui rendent l’école publique gratuite, laïque et obligatoire pour tous les enfants. Elle a pour but d’acquérir les savoirs fondamentaux et de former des citoyens. L’instruction primaire est devenue accessible à tous les élèves. Cependant, il n’est pas encore question d’un désir de justice et d’équité pour tous les élèves, mais d’une instruction qui développe les talents naturels des enfants, talents inégaux au départ.

La réussite pour tous les élèves

Le plan Langevin-Wallon, publié après la seconde guerre mondiale, est précurseur d’une pédagogie centrée sur l’intérêt de l’enfant et son désir de réussite.
La loi d’orientation sur l’éducation de 1989 relaie cette pensée et formule clairement les objectifs de l’école en plaçant l’élève au centre du système éducatif : « pour assurer l’égalité et la réussite des élèves, l’enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité ».
L’école française se veut explicitement une école juste, qui fasse réussir tous ses élèves, indépendamment de leur origine sociale et culturelle. Elle veut « l’égalité deschances », dans le refus de toutes les discriminations.
La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapés vise la scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire, afin de favoriser l’inclusion.
La loi pour la refondation de l’Ecole de 2013 réaffirme ce désir d’« une école juste pour tous et exigeante pour chacun ». L’un de ses principaux objectifs est de « réduire les inégalités sociales et  territoriales pour tenir sa promesse républicaine de la réussite éducative pour tous ».
L’école de la République multiplie donc les missions : elle accueille tous les élèves (de toutes les classes sociales, en situation de handicap, à besoin éducatif particulier…) et doit être juste en permettant à chacun d’eux de réussir.

Quelles finalités pour l’Ecole de la République ?

L’école est ainsi supposée servir un ensemble de finalités sociales non seulement par la transmission de savoirs et compétences, mais aussi par la préparation informelle aux futurs rôles sociaux. (Bulle, 2005).
L’école a pour but de faire acquérir des compétences relatives à la vie en collectivité, à devenir citoyen, mais aussi des compétences disciplinaires, relatives aux matières d’enseignement. L’ensemble de ces compétences forme le socle commun de connaissances et de compétences de 2006, mis à jour en 2015 : les « indispensables » à maîtriser à la fin de la scolarité.
La deuxième finalité très importante, et qui tend à être de plus en plus mise en avant, est celle de l’insertion dans le futur milieu socio-professionnel. En effet, l’école et les différentes structures d’éducation forment des futurs professionnels, comme développédans les propos suivants.
La domination actuelle d’une certaine idéologie « économique » tend souvent à la réduire à la préparation des nouvelles générations à l’entrée sur le marché du travail. Le système scolaire devrait avant tout préparer l’insertion professionnelle future de ses élèves actuels, et devrait être jugé sur la bonne conduite de cette mission.
Peur du chômage et montée des attitudes consuméristes des familles, comme des élèves eux-mêmes dans l’enseignement secondaire et supérieur, contribuent solidairement à la montée en puissance d’une telle approche. (Calin, 2006)

Des missions trop ambitieuses ?

Les différentes lois d’orientation ou de refondation ont fait s’accumuler les missions confiées à l’école. Ce discours institutionnel lui demande de faire réussir tous ses élèves, en leur faisant acquérir à tous les compétences du socle commun, en les préparant implicitement à l’insertion socio-professionnelle et ce, en faisant ainsi disparaître les inégalités sociales à différentes échelles (celle de la classe, mais aussi entre les écoles, communes, les régions…). Une utopie que chacun des acteurs du monde de l’éducation aimerait voir se réaliser. La transposition de ce discours dans la réalité s’avère beaucoup plus complexe.
L’école juste est beaucoup plus difficile à définir que ce qu’il paraît au premier abord. Ainsi, il n’y a pas une justice, mais des justices qui doivent se compenser au sein du système éducatif, de façon plutôt à le rendre le moins inégalitaire possible.
Le premier principe de justice, selon Dubet et Duru-Belat (2004), est le mérite. En effet, il est normal que les élèves qui fournissent des efforts pour progresser réussissent.
Une école juste serait donc celle qui permet de créer une compétition scolaire juste dans laquelle les plus méritants réussiront grâce à leurs efforts. Rappelons qu’il y a cinquante ans, le statut social était déterminant : les enfants des classes sociales très favorisées étaient inscrits dans les « petites classes » des lycées, ils étaient ainsi directement orientés vers desétudes longues et reproduisaient ainsi le schéma social.
Or le mérite seul n’est pas suffisant, car les élèves qui arrivent à l’école ne démarrent pas la compétition avec les mêmes chances. Les études en sociologie de l’éducation ont ainsi prouvé que « plus les parents sont dotés de capital scolaire, plus les enfants ont une chance de rester durablement (et avec bonheur) dans le système scolaire » (Lahire, 1998). En effet, les élèves qui auraient une culture familiale plus proche de la forme scolaire seraient ainsi plus enclins à comprendre les exigences de l’institution. La compétition scolaire s’en retrouve faussée, car certains élèves auraient alors beaucoup moins d’efforts à fournir pour décoder et s’approprier les savoirs scolaires que d’autres.
Pour rendre cette compétition juste à nouveau, « l’école doit tenir compte des inégalités réelles et viser à compenser tout ce qui échappe à la responsabilité individuelle afin d’atteindre à un juste mérite. C’est le principe de la discrimination positive » (Dubet et Durut-Belat, 2004).
L’école doit alors compenser les inégalités de départ entre enfants afin de garantir l’entrée dans les apprentissages de tous. A l’arrivée, tous les élèves n’arriveront pas égaux : l’école ne peut pas garantir que tous les élèves auront acquis exactement les mêmes compétences. Cependant, il paraît impératif que l’école soit là pour transmettre les savoirs les plus fondamentaux, on pense directement au « lire, écrire, compter », mais également des compétences liées à la vie collective et républicaine. C’est en ce sens qu’a été instauré le socle commun, un « SMIG scolaire » comme le dira Dubet et Duru-Bellat.
Une école juste qui permette à tous ses élèves d’acquérir exactement les mêmes compétences au fil de leur scolarité obligatoire ne peut pas exister en France. Les inégalités sociales sont importantes et c’est à l’école de prendre en charge ses élèves de façon à ne pas discriminer un enfant de par son origine socio-culturelle mais au contraire, de compenser les inégalités liées à l’environnement social de l’enfant. C’est en ce sens que l’école française doit s’efforcer de tendre vers l’équité scolaire. Cependant, ce n’est pas à l’école seule d’effacer toutes les inégalités sociales et elle ne doit pas être perçue commeproductrice de toutes les iniquités.

Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie

J’ai récemment entendu une jeune enseignante se plaindre dans les couloirs d’une nouvelle Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education. Tels étaient ses propos : « Oh non, je suis dégoutée… J’ai une nouvelle élève qui arrive dans ma classe la semaine prochaine… A trois mois de la fin de l’année ! Qu’est-ce que je vais en faire ? Et le pire…
Devinez quoi ? C’est que c’est une enfant du voyage… Alors là je sais pas quoi faire… J’ai vraiment de la chance moi ! ». Il serait simple d’analyser ces phrases comme discriminatoires envers les gens du voyage, mais cet analyse ne serait que réducteur. Le plus remarquable est en fait la méconnaissance de ces populations, des spécificités liées à l’accueil de ces enfants et surtout le sentiment de peur, la peur de mal faire, la peur de l’inconnu et de l’étranger.
Avant d’analyser le rapport entre les enfants du voyage et l’école, il me paraît primordial de collecter des observations et des savoirs scientifiques sur ces populations. Le plus important est d’éviter les stéréotypes et les généralisations : chaque individu reste unique et possède son identité propre, chaque parcours individuel est un cas particulier.

Explication de la terminologie employée

Le terme employé principalement sera « gens du voyage ». Cette terminologie est apparu en 1972, dans les circulaires n°72-186 du 20 octobre et n°78-202 du 16 mai. Il apparaît également dans la loi Besson de 2000. C’est un terme administratif préconisé par le Conseil de l’Europe. Il désigne l’ensemble des populations non sédentaires, et pas l’appartenance à une ethnie ou une communauté : c’est un terme plus neutre.
L’expression « gens du voyage » regroupe un ensemble de populations très vaste.
C’est un terme que l’on utilise dans l’administration, et qui regroupe l’ensemble des populations qui ne sont pas sédentaires.
Or, contrairement à ce que l’on pense, tous les gens du voyage ne sont pas nomades.
Seuls 15% de cette population sont aujourd’hui itinérants d’après les statistiques du conseil de l’Europe. Le reste est semi-sédentaire : ils habitent dans des résidences mobiles (caravanes ou mobil-homes) mais occupent un lieu de résidence fixe.
Les gens du voyage seraient 400 000 en France d’après les statistiques du Conseil de l’Europe datant de juillet 2009 et représentent 0,62% de la population.
Les autres termes sont relatifs à l’origine géographique ou à l’appartenance à une ethnie de ces populations.
Deux groupes principaux constituent la grande famille des gens du voyage :
D’une part les Voyageurs, d’origine européenne.
D’autre part, les Tsiganes est un nom qui regroupe l’ensemble des populations originaires du Nord l’Inde, qu’ils ont quitté au X ème siècle.
Trois sous-groupes se sont ensuite formés au sein des Tsiganes : les Roms, les Manouches et les Gitans. La distinction tient au fait que les Roms ont séjourné en Europe orientale, les Manouches dans des pays germaniques et les Gitans en péninsule ibérique (Faure, 2004, p. 515). Les mots « Gitan » et « Roms » seront employés en temps qu’ethnonymes, c’est à dire le nom que se donnent les communautés elles-mêmes (Spinelli, 2003).
Les gens du voyage que j’ai interrogés lors des entretiens sont semi-sédentaires, de nationalité française, voyageurs ou tsiganes, se revendiquant de culture gitane. Ils habitent à l’année sur une aire d’accueil officielle. Ces aires d’accueil existaient parfois et sont devenues obligatoires depuis la loi Besson de 2000 dans les communes de plus de 5000 habitants. Des aires se sont créées mais toutes les communes ne sont pas dans le respect de cette loi aujourd’hui encore. Certaines des familles interrogées ont pu obtenir une place sur une aire d’accueil officielle, ce qui n’est pas le cas de toutes, étant donné la rareté de ces aires.

Cultures et identités : des stéréotypes à éviter

Une vision politique et médiatique dominante

Les premières impressions qui nous sont véhiculées relatives aux populations du voyage sont les premiers écueils auxquels nous sommes confrontés. Les gens du voyage ne sont complètement inconnus à personne. Chacun exprime une opinion, souvent bien tranché sur la question des gens du voyage. J’ai eu l’occasion d’aborder le sujet avec des personnes plutôt éloignées de cette culture et à ce mode de vie, en leur expliquant que j’ai choisi ce sujet pour mon mémoire. J’ai entendu ces préjugés divers : ce sont « ceux qui mendient aux feux rouges, avec leurs bébés, qui volent », qui élaborent de vastes réseaux de prostitution et qui « prennent l’argent des français pour le ramener dans leurs pays ».
Certains ont une vision idéalisée, les gens du voyage deviennent des « bohémiens » nomades qui jouent de la guitare. Bien sûr, aucune de ces visions n’est véridique. J’ai compris que ces écueils étaient dus à deux choses.
Premièrement, ces conceptions sont celles que l’on voit en apparence : celui qui n’aura jamais échangé réellement avec des familles pour comprendre leurs situations, n’aura en effet vu que les enfants des feux rouges et n’aura entendu que le bouche à oreille du « je me suis fais voler mon portable par un Rom » et en arrivera à la conclusion que ces populations sont mauvaises de nature.
Deuxièmement, il faut prendre en compte les médias. Les gens du voyage sont en effet déformés par une vision politisée. On peut citer pour exemple les politiques de reconduite aux frontières menées en France ces dernières années, largement critiquées par le Conseil de l’Europe. Elles amènent à juger à tort que le tsigane est un « parasite » en France, une vision fausse mais simpliste et justifiée par les dirigeants du pays. Je me suis également intéressée aux documentaires sur les populations tsiganes transmis sur les ondes françaises qui sont un deuxième facteur de préjugés. Ils ne sont en aucun cas objectifs et insistent sur une représentation négative : les réseaux de prostitution, les altercations avec la police, la détérioration de biens publics…

Le statut de l’enfant

Dans la culture gitane, les enfants sont très vite autonomes, « débrouillards » (Faure, 2004, p512). Les enfants doivent apprendre la vie et les parents leur laissent une liberté importante. Dans l’article de Pascale Faure, un homme de la communauté gitane nous explique le statut de l’enfant : « On ne les considère pas comme un enfant comme vous que l’ont doit dresser. Ils sont laissés plus libres, un peu livrés à eux-mêmes, ils doivent en fait acquérir l’expérience à travers les situations ». Une mère me dit : « Des fois je sais pas où est mon fils, mais il peut pas aller bien loin. Alors je crie quand j’ai besoin de lui ».
Les exigences de l’école leur sont donc étrangères, il y a des règles et des obligations, des droits et des devoirs. Au contraire, les enfants habitués à rester assis et à répondre aux demandes et exigences de l’adulte n’auront pas à effectuer cet apprentissage, qui peut être difficile chez certains enfants. J’ai pu observer un enfant du voyage en classe de CP, l’enseignante m’a dit qu’il ne tenait pas en place et qu’il avait beaucoup de mal à rester assis et à se concentrer sur les tâches à effectuer.

Le rapport à l’écrit

En allant dans les caravanes des familles, j’ai posé des questions aux parents et j’ai remarqué que peu d’entre eux savaient lire et écrire. Ce n’est pas une généralité, j’ai également rencontré des parents qui ont appris à lire à l’école. Cependant, le rapport à l’écrit n’est pas le même. Les supports écrits sont très peu nombreux : il n’y a pas de livres ni de journaux. Les parents, même s’ils savent lire, ne lisent pas pour le plaisir. Je n’ai jamais vu de bibliothèque, d’album ou de livre de jeunesse hormis ceux empruntés à l’école. Or l’accès permanent à une culture écrite et la sollicitation des parents hors de l’école permettent de réinvestir les savoirs acquis dans la classe et de créer un lien entre la famille et l’école. Les savoirs de l’école sont réinvestis à la maison, ils prennent sens et ne sont pas isolés. Lorsque les parents ne sont pas eux même lecteurs, ils ne peuvent pas lire de livres de littérature de jeunesse à leurs enfants ou les aider dans leurs apprentissages.
Lire et écrire, pour de nombreuses familles, c’est pouvoir se débrouiller avec les « papiers », c’est à dire l’administratif. Lorsque j’ai demandé lors des entretiens à quoi cela sert d’apprendre à lire et écrire, la majorité des parents comme des enfants m’a répondu que cela servait à « faire les papiers ». En aucun cas cet apprentissage est vu comme un accès à la culture écrite, au plaisir et à l’épanouissement personnel. L’apprentissage de la lecture écriture s’en trouve entravé. Les motivations des élèves deviennent complètement différentes : la lecture-écriture n’est pas vu comme un plaisir d’accéder à la culture écrite, mais comme un apprentissage formel qui permettra de « se débrouiller » dans la vie, parce qu’on en a besoin.
Il ne s’agit pas ici de faire des généralités ou de stigmatiser une communauté ou un mode de vie, mais au contraire d’observer et d’analyser afin de mieux comprendre ce qui peut provoquer des difficultés. Le but est de pouvoir ensuite les prendre en compte afin de répondre au mieux aux besoins des enfants du voyage et de favoriser leur réussite, aumême titre que tous les élèves.

Le rapport à l’école

A la lecture des articles (Faure, 2004 ; Strauss, 2001), j’ai pu constater que les enfants vont à l’école dans le but d’acquérir les savoirs fondamentaux et de réussir leur entrée dans la vie professionnelle. En aucun cas l’école n’est vue comme une source de développement personnel, de plaisir, d’apport d’une culture commune.
Des apprentissages utiles.
J’ai demandé aux parents et à leurs enfants pourquoi ces derniers allaient à l’école.
Les parents m’ont répondu que le but de l’école était d’apprendre à lire, à écrire et à compter et trouver du travail. Une mère que j’ai interrogée, F., explique : « Maintenant la vie est dure, il faut savoir lire et écrire, parce que maintenant il faut des diplômes. Sans diplômes c’est dur de trouver du travail, et il faut bien de l’argent, il tombe pas du ciel ! »
Certains sont allés à l’école, d’autres pas. Pour R., c’est l’école qui lui a permis d’avoir du travail, elle est maintenant agent d’entretien dans une école, et elle pense que sans avoir appris à lire, elle n’aurait pas réussi à avoir son travail. C. veut que ses enfants réussissent à l’école, elle n’a pas pu être scolarisée « à cause de la police qui évacuait les camps et des voyages », mais elle aimerait aujourd’hui avoir appris à lire et écrire pour pouvoir aider ses enfants et être autonome dans ses démarches administratives. Elle espère que ses enfants puissent l’aider, et qu’ils soient eux-mêmes autonomes dans leurs démarches. Les parents ont donc conscience de l’utilité de l’école dans la vie de tous les jours. Ils voient en l’école un vecteur de réussite professionnelle, ce qui nuance mon hypothèse de départ.
Du côté des enfants, le lien entre l’école et le monde du travail est beaucoup plus flou. Ceux qui veulent travailler m’ont quasiment tous répondu que l’école ne leur servirait pas à avoir un travail plus tard. Seule F., en CM1, pense que « l’école ça peut m’aider, on fait de l’anglais et moi je veux devenir caissière. Comme ça, si j’ai un anglais à la caisse, je pourrai bien lui parler. » Le reste des enfants m’a répondu par un non catégorique. Par contre, tous vont à l’école pour apprendre à lire et écrire. Ils ajoutent parfois pour apprendre à compter. Q., en CP, apprend pour aider son petit frère. F, veut apprendre pour « faire les papiers si je me marie à un gitan et qu’il sait pas lire ». Les enfants veulent acquérir des savoirs utiles pour leur vie quotidienne, mais ne voient pas de finalité sur lelong terme.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Choix du sujet, questionnement de départ
Problématique : Quelle scolarité pour les enfants du voyage ?
Hypothèses
Méthodologie
1) L’équité et l’Ecole française
2) Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie
3) Les enfants du voyage et l’Ecole
4) Les réussites ou difficultés scolaires rencontrées par les enfants du voyage
5) Les dispositifs mis en œuvre pour favoriser la réussite de ces enfants
Analyse des résultats
1) L’équité et l’Ecole française
a) Une école pour tous les élèves
b) La réussite pour tous les élèves
c) Quelles finalités pour l’Ecole de la République ?
d) Des missions trop ambitieuses ?
2) Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie
a) Explication de la terminologie employée
b) Cultures et identités : des stéréotypes à éviter
Une vision politique et médiatique dominante
Cultures et identités
Une culture des gens du voyage ?
3) Les enfants du voyage et l’Ecole
a) Spécificités liées à la culture et au mode de vie
Les spécificités de la vie sur une aire d’accueil
Le statut de l’enfant
Le rapport à l’écrit
b) Le rapport à l’école
Des apprentissages utiles
La question des différences entre garçon et fille
Le rapport aux autres enfants, les « gadge »
4) Les réussites ou difficultés scolaires rencontrées par les enfants du voyage
a) L’adaptation à la forme scolaire
Le respect des horaires et l’assiduité
L’entrée en petite section et le « devenir élève »
L’amélioration au fil des générations
b) Les enfants allophones
c) La maîtrise de la langue française
Les prémices de la lecture et de l’écriture
La construction d’une culture écrite
5) Les dispositifs mis en œuvre pour favoriser la réussite de ces enfants
a) Le lien école-familles
b) Une pédagogie et une scolarité adaptée aux besoins des élèves
L’aide du CASNAV et les publics concernés
Le PPRE et l’aide du RASED
La mise en place de différenciation
La pédagogie de projet
Favoriser l’interculturel
c) Les aides possibles
L’AREAS gens du voyages, médiateur famille-école
L’AFEV
Conclusion
Bibliographie et sitographie
Annexes

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *