Les fractures supracondyliennes de l’humérus chez l’enfant 

Les fractures supracondyliennes de l’humérus chez l’enfant 

La fracture supracondylienne (FSC) de l’humérus est une fracture métaphysaire extraarticulaire de l’extrémité inférieure de l’humérus, dont le trait de fracture passe au dessus de la ligne joignant l’épicondyle médial à l’épicondyle latéral [1]. Elle représente la fracture la plus fréquente du coude de l’enfant [1-9]. Les premières publications sur la fracture supracondylienne de l’enfant remontent à la fin du 18ème siècle avec Mouchet en 1898. En 1904 Kocher différencie les FSC en extension des FSC en flexion. Puis plusieurs auteurs se sont intéressés aux différentes options thérapeutiques : Broca en 1899, Levoeuf et Godard en 1935, Judet en 1947. En 1986, lors du symposium de la SOFCOT qui a permis de mettre le point sur la pathologie et codifié sa prise en charge [1,8]. Les FSC posent le problème de l’absence d’un consensus codifiant le choix de la modalité thérapeutique. Les indications thérapeutiques dépendent de l’expérience et les habitudes des équipes Les séquelles orthopédiques peuvent engager le pronostic fonctionnel du coude qui représente l’articulation la plus importante de la fonction du membre supérieur chez l’enfant Certains critères de réduction sont importants à connaître, ils doivent tenir compte de l’ossification du coude de l’enfant et être appréciés sur les radiographies de face et de profil [1]. Notre étude porte sur soixante cas de fractures supracondyliennes du coude colligés pendant une période de un an et demi de janvier 2009 à juin 2010 au service de traumatologieorthopédie pédiatrique à l’hôpital Mohammed VI de Marrakech. Le but de notre étude est d’analyser les aspects épidémiologiques, anatomopathologiques et de comparer nos résultats à ceux de la littérature.

Il s’agit d’une étude rétrospective de 60 cas de fractures supracondyliennes colligés au sein du service de chirurgie pédiatrique du CHU Mohammed VI de Marrakech entre janvier 2009 et juin 2010. Nous avons retenu pour cette étude les fractures métaphysaires de l’extrémité inférieure de l’humérus sans trait de refond articulaire. Nous avons donc exclut les fractures diaphysométaphysaire et les décollements épiphysaires. L’étude concerne toutes les fractures supracondyliennes de l’humérus, récentes et négligées (admis >72h), survenues chez les enfants de moins de 15 ans.

La collecte des données s’est faite à partir de dossier (observation médical, imagerie, compte rendu opératoire). Pour chaque patient les éléments analysés sont :
− L’âge, le sexe.
− Circonstance de survenue.
− Mécanisme.
− Membre concerné et délai d’admission.
− Les signes physiques et complications immédiates.
− Le stade selon la classification de Lagrange et Rigault.
− La méthode thérapeutique utilisée.
− Les complications tardives.
− Le recul.
− Les résultats selon le score de Flynn.

Classification:

Les classifications proposées dans la littérature sont nombreuses. Elles sont basées sur le type et l’importance du déplacement. La littérature française fait référence à la classification de Lagrange et Rigault [12] qui est basée sur l’analyse de type de déplacement et de son importance, elle permet aussi de prévoir la stabilité après réduction. Elle comporte quatre stades : • stade I : fracture sans déplacement, parfois seule la corticale antérieure est atteinte. Le diagnostic peut être difficile, la découverte d’une hémarthrose à la radiographie peut être la simple traduction radiologique. • Stade II: les deux corticales sont intéressées, avec faible déplacement, dans un seul plan élémentaire, le plus souvent bascule postérieure. • Stade III : le déplacement est plus important dans plusieurs plans, mais les surfaces fracturées restent en contact. Il existe également un arrachement du périoste postérieur et interne. Le décalage est constant, habituellement interne se traduit sur le cliché de profil strict par un aspect concave du bord antérieur de la métaphyse et convexe du bord postérieur. A l’inverse, un décalage externe donne un aspect biconcave à la métaphyse véritable image en « queue de poisson ». La fracture est assez instable après réduction. • Stade IV : fractures à déplacement important avec perte de tout contact entre les fragments. La littérature anglo-saxonne, quant à elle, fait référence à la classification de Gartland. Elle comporte trois types : • Type I : fracture peu ou pas déplacée. • Type II : fracture déplacée mais avec intégrité du périoste postérieur et le déplacement se fait dans deux plans : le plan frontal ou sagittal associée à un déplacement rotatoire. • Type III : fracture à déplacement important et perte de tout contact inter-fragmentaire. Ce type comprend la forme IIIa en rapport avec un déplacement postéro-interne et IIIb en rapport avec un déplacement postéro-externe.

Lésions associées: 

Lésions cutanées : 

Elles sont surtout représentées par des ouvertures cutanées punctiformes ou par des hématomes sous cutanés qui peuvent parfois gêner la réduction et le traitement orthopédique. Elles se voient surtout dans les fractures à grand déplacement (stade IV). Dans notre série, 3 patients présentaient une ouverture cutanée ce qui représente 5% de nos malades, 2 classées stade I de la classification de Cauchoix et Duparc et une classée stade II avec issu du fragment osseux proximal de l’ouverture cutanée (figure 26).

Lésions vasculaires: 

Leur diagnostic nécessite un examen préalable à tout geste thérapeutique. Il comprend la recherche minutieuse du pouls radial et cubital mais doit aussi apprécier le réseau collatéral du coud . L’absence du pouls radial est la circonstance la plus fréquente révélant un traumatisme vasculaire, mais il n’est pas synonyme de lésion vasculaire puisqu’il peut s’agit d’un spasme vasculaire transitoire [40]. La qualité du pouls capillaire et la chaleur des doigts sont autant de critères cliniques importants à noter [17]. Une insuffisance vasculaire peut être déduite à partir de certains signes cliniques, notamment la douleur localisée au niveau de l’avant-bras, une douleur à l’extension passive du coude. L’incidence de la lésion du l’artère brachial dans les fractures supracondyliennes de l’humérus est de 3 à 12% . Pour G.K. Akakpo-Numado et al , l’atteinte vasculaire est fréquente dans les FSC déplacées, elle a atteint dans sa série 25% des patients. 90% avaient une abolition du pouls radial et 10% une ischémie du membre. L’atteinte vasculaire peut être due à [39]: • Une thrombose de l’artère brachiale avec lésion de l’intima. • Une incarcération de l’artère entre les fragments fracturaires. • Une compression de l’artère suite à la déformation du coude, par un hématome ou l’œdème. • Une section de l’artère qui est extrêmement rare (0,9%), et qui nécessite une intervention en urgence pour sauver la vitalité du membre. • Un spasme artériel qui peut avoir la même apparence clinique qu’une lésion artérielle vraie. Les fractures supracondyliennes peuvent être responsables d’une abolition du pouls sans entraver la perfusion de la main avec une incidence de 2,6%, ceci grâce à l’importance de la circulation collatérale [30]. Cependant l’absence du pouls radial avec une main blanche impose une exploration chirurgicale urgente .

La réalisation de l’angiographie a été sujette de controverse. Certains auteurs la considèrent comme un geste invasif, et qu’elle risque de retarder une exploration qui doit être urgente. Pour d’autres auteurs, l’angiographie permet de confirmer l’atteinte vasculaire et précise le type de lésions et ainsi guide le chirurgien dans le geste à entreprendre . L’étude de P. Konstantiniuk et al. , étudiant l’impact de l’insuffisance vasculaire sur la croissance du membre, a prouvé que le retard de prise en charge de l’atteinte vasculaire dans les fractures supracondylienne entraîne un retard de croissance du membre, et augmente le risque de survenue du syndrome de loge par l’installation de nécrose musculaire, entraînant une fibrose de la musculature de l’avant-bras. Les FSC peuvent entraîner une ischémie du membre dans 1% des cas [38].

Lésions nerveuses : 

Les atteintes nerveuses associées aux fractures supracondyliennes de l’humérus chez l’enfant sont le plus souvent bénignes et d’un pronostic dans l’ensemble favorable [43]. Leur fréquence a été diversement appréciée par les différents auteurs. Elle varie selon les séries entre 2 et 19 % [43,44]. Cette fréquence est souvent sous-estimée à cause du caractère souvent discret des troubles neurologiques [43]. Leur mise en évidence nécessite un examen clinique soigneux qui n’est pas toujours possible chez le petit enfant traumatisé, angoissé et non coopérant [6]. Il faut chercher un déficit dans les territoires moteurs ou sensitifs du nerf médian, du nerf radial, du nerf cubital et du nerf interosseux antérieur, branche terminale du nerf médian. Pour J.C. Babal [28], le nerf interosseux antérieur est le plus souvent atteint (tableau XXI). Pour S Guillard et al. [1] et G.K. Akakpo-Numado et al. [11], c’est le nerf médian qui accompagne le plus souvent les FSC.

Les fractures associées:

Les fractures supra condyliennes de l’humérus surviennent dans la majorité des cas suite à des traumatismes de faible énergie. Dans notre série la fréquence des accidents domestiques expliquent la rareté des lésions associées. L’association la plus fréquente est FSC et fracture des os de l’avant-bras homolatérale, réalisant le coude flottant [48-51]. Dans notre série, on a trouvé deux cas de fractures décollements épiphysaires du radius epsilatérale, et un cas de coude flottant. Pour ne pas aggraver les lésions périostées lors des manipulations de l’avant-bras, la fracture supracondylienne est en général réduite en premier, et stabilisée par deux broches, la fracture de l’avant-bras est ensuite traitée orthopédiquement. Cette stratégie thérapeutique reste discutée .

Traitement: 

Les méthodes thérapeutiques sont variées, le propos n’est pas d’opposer ces méthodes, le point essentiel réside dans la rigueur des indications portées, ainsi que dans la qualité de la réalisation du geste. Pendant que certains auteurs préfèrent la réduction à foyer fermé avec embrochage percutané selon judet, d’autres opte pour la réduction à ciel ouverte avec embrochage en croix .

But:

Le traitement des fractures supracondyliennes doit être le moins invasif possible, avec moins de complications et une restitution du membre sur le plan fonctionnel et esthétique. Les principaux buts du traitement sont :
• Obtenir une réduction parfaite.
• Obtenir une stabilité solide.
• Eviter les cals vicieux, la déviation axiale et la raideur du coude.

Moyenset indications et indications et indications: 

Traitement orthopédique :
Réduction :
Il s’agit d’une manœuvre orthopédique visant à obtenir une réduction parfaite de la fracture. Elle requiert une technique rigoureuse car elle conditionne le résultat du traitement . La réduction passe par 3 temps :
• 1er temps : traction, douce, continue et progressive dans l’axe longitudinal du bras, coude en extension voir en légère hyper extension afin d’abaisser le fragment épiphysaire distal et de détendre le périoste postérieur dont l’intégrité est indispensable pour obtenir une bonne contention en flexion (figure 28).
• 2èmetemps : la correction de la translation se fait par petites pressions latérales soit en dedans, soit en dehors sur le fragment distal. Les troubles rotatoires sont compensés par la pronation ou la supination, si le fragment distal a été déplacé en interne, l’avantbras doit être amené en pronation. En revanche, si le déplacement est externe, l’avantbras doit être positionné en supination (figure 29).
• 3ème temps : mise en flexion progressive de l’avant-bras sur le bras. On effectue une pulsion d’arrière en avant sur l’olécrane à l’aide du pouce en maintenant la palette en arrière, ceci s’il s’agit d’un mécanisme en extension, si par contre le traumatisme s’est fait en flexion par généralement une chute sur le coude, la réduction doit être faite en extension comme l’a bien décrit Williamson (figure 30). Un contrôle radiographique de face et de profil est effectué à l’aide de l’amplificateur de brillance. Il est essentiel de mobiliser l’amplificateur et non le membre lésé. Quand la réduction est totalement effectuée, il est impératif de vérifier:
• L’intégrité des pouls distaux.
• La qualité et la stabilité de la réduction.

CONCLUSION :

La prise en charge des fractures supracondyliennes est très disparate. Chaque chirurgien a ses préférences tout en respectant les contre-indications des différentes méthodes thérapeutiques possibles. On propose la prise en charge : • Pour les FSC stade I, un plâtre brachio-antébrachio-palmaire avec coude en flexion à 90° et une pronation neutre pendant 4 semaines. Le pronostic reste bon. • Les FSC stade II non déplacée, peuvent être traitées par plâtre thoraco-brachial ou par méthode de Blount. • Les fractures de stade II déplacées et toutes les fractures de stades III et IV bénéficient d’une réduction à foyer fermé et d’une stabilisation par embrochage percutané. • Pour les fractures supracondyliennes ouvertes : Si l’ouverture cutanée est classée stade I de Cauchoix et Duparc, on préconise une suture de la plaie avec un traitement orthopédique. Si la lésion est de stade II ou III, on propose une traction trans olécranienne seule ou associée à un embrochage différé au 5ème jour. • Pour les fractures avec lésion vasculaire : Si l’aspect de la main est rassurant : chaude, bien vascularisée avec un pouls capillaire satisfaisant. Que le pouls radial soit palpé ou pas, une simple surveillance de l’enfant pendant 48 heures suffit. Si l’aspect clinique de la main reste inquiétant après une attente d’une demiheure : la qualité du réseau collatéral est médiocre et le pouls radial n’est pas palpé. Il est alors légitime d’explorer chirurgicalement l’axe vasculaire à la recherche de la lésion. • Pour les lésions nerveuses associées aux FSC, on propose d’attendre la récupération nerveuse, vu qu’il s’agit le plus souvent d’une neurapraxie. Une surveillance rigoureuse est entreprise si la réduction selon judet est parfaite, sinon une réduction chirurgicale s’impose. En absence de récupération après 6 mois de surveillance, une exploration chirurgicale avec éventuelle réparation nerveuse est à réaliser. • Pour les FSC associées à une fracture de l’avant epsilatérale, on propose un traitement concomitant des deux lésions, en assurant d’abord la stabilité de la FSC par deux voir trois broches de Kirschner, par la suite un embrochage de la fracture de l’avant bras. • Le traitement chirurgical sera indiqué chaque fois qu’on est devant l’irréductibilité, l’instabilité après réduction orthopédique et un déplacement secondaire après réduction orthopédique.

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthodes 
Résultats et analyses  Epidémiologie
1-Selon l’âge
2-Selon le sexe
3-Selon circonstance de survenue
4-Selon mécanisme
5-Selon le côté
6-Selon le délai de prise en charge
II. Etude clinique
1-Œdème
2-Douleur
3-Déformation
4-Raideur
5-Lésions associées
III. Imagerie
1-Selon la classification de Lagrange et Rigault
2-Selon la classification de Gartland
IV. Traitement
1-Orthopédique
2-Chirurgical
V. Délai de consolidation
VI. Complications
1-Court et moyen terme
2-Long terme
VII. Résultat du traitement
1-Méthode d’analyse
2-Résultat global
3-Résultat des FSC récentes
4-Résultat des FSC négligées
Discussion
I. Epidémiologie
1-Fréquence
2-Circonstance de survenue
3-Age
4-Sexe
5-Le côté
6-Le mécanisme
7-Délai de prise en charge
II. Imagerie
1-Etude radiologique
2-Classification
3-Trouble de rotation
III. Lésions associées
1-Lésions cutanées
2-Lésions vasculaires
3-Lésions nerveuses
4-Fractures associées
IV. Traitement
1-But
2-Moyens et indications
3-Traitements des lésions associées
V. Complications
1-Complications précoces
2-Complications tardives
VI. Résultats du traitement
Conclusion

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