Les formes verbales surcomposées en français

La présente recherche vise trois objectifs principaux. Le premier est de réunir un grand nombre d’occurrences de formes surcomposées authentiques, écrites et orales, produites entre l’époque des premières attestations (fin du XIIe siècle) et l’époque actuelle. Ce travail de collecte,  nous a semblé fondamental pour permettre un regard nouveau sur les surcomposés. En effet, la difficulté de collecter des exemples authentiques explique qu’un certain nombre d’auteurs recourent à des exemples fabriqués, une démarche qui rend les analyses, qu’elles soient sémantiques, morphologiques ou syntaxiques, peu fiables sur le plan scientifique. On trouve notamment, dans certaines études, des exemples indiqués comme «régionaux », qui, forgés pour la démonstration, ne peuvent que sembler dissonants aux oreilles des locuteurs qui possèdent ces formes dans leur « grammaire ». Même lorsqu’elles s’appuient sur des exemples authentiques, nombre de recherches se contentent de reprendre les exemples déjà cités dans des études précédentes. À titre d’illustration, la phrase « Quand Dieu m’a eu donné une fille, je l’ai appelée Noémi », tirée des Souvenirs d’enfance et de jeunesse de Renan (1883), est citée dans plus d’une vingtaine d’études pour illustrer le type dit « standard ». Et l’on compte presque autant de textes qui mentionnent, pour illustrer les emplois «régionaux », le fameux exemple de Foulet (1925) : « Il a eu coupé, ce couteau. » Ainsi, seul un corpus riche, varié et comportant des exemples inédits nous a semblé à même de renouveler le débat existant. Après six années de recherches, nous avons collecté 5442 exemples de surcomposés en français, auxquels s’ajoutent 368 exemples de formes dialectales (dialectes d’oïl, d’oc et francoprovençaux), le total s’élevant à 5810 occurrences.

Le deuxième objectif de notre travail a été de parcourir de la manière la plus systématique et la plus complète possible la littérature existant sur les surcomposés. Pour ce faire, nous avons systématiquement relevé, dans les travaux que nous avons lus, les études précédentes qui s’y trouvaient mentionnées. Nous les avons ensuite toutes consultées, en notant à chaque fois les références nouvelles. Nous avons ainsi pu dresser une « carte » des écrits scientifiques, des grammaires, des manuels scolaires ou des articles de presse qui ont traité, étudié ou simplement mentionné les surcomposés. Une fois ce réseau de références établi (plus de 500 sources différentes) , nous les avons relues dans l’ordre chronologique, de L’éclaircissement de la langue française de Palsgrave (1530) aux études les plus récentes, pour comprendre l’évolution des approches, des théories et des discussions. Cette recherche nous a permis de cerner au plus près l’histoire du traitement des surcomposés. Nous en proposons une synthèse dans la partie II de cette recherche .

Enfin, notre troisième et principal objectif a été de réaliser une étude sémantique et morphologique des formes surcomposées présentes dans notre corpus, des plus répandues (j’ai eu fait, j’avais eu fait, etc.) aux plus « exotiques » (j’eus eu fait, que j’eusse eu fait, etc.). Cette analyse, que proposons dans la partie III de ce travail , constitue le cœur de notre travail et de notre réflexion. Nous montrerons qu’il existe deux paradigmes distincts de surcomposés. Il existe d’un côté un paradigme de formes surcomposées à valeur résultative, qui sont construites par composition de l’auxiliaire : avoir eu + fait ; et de l’autre, un paradigme de formes surcomposées à valeur expérientielle, qui se construisent par l’insertion d’un eu dans le syntagme verbal composé : avoir (+eu) fait. Selon nous, les formes contenues dans ces deux paradigmes doivent être considérées comme des formes verbales distinctes, car non seulement leur sémantique mais également leur morphologie sont différentes. Nous présentons ci-après (point 1.3) plus en détail la thèse que nous allons défendre.

Pour la présente étude, nous avons, par commodité et par souci de clarté, gardé la nomenclature « traditionnelle », c’est-à-dire la nomenclature la plus souvent adoptée par les chercheurs avant nous. Ainsi, même si d’autres étiquettes ont été proposées, nous utiliserons le terme « surcomposé » pour désigner les formes verbales qui constituent l’objet de notre recherche. Cette notion désigne d’une part des formes verbales à la voix active comportant un auxiliaire (« avoir » ou « être »), le participe passé d’un de ces deux auxiliaires (eu ou été) ainsi que le participe passé du verbe conjugué. Par « surcomposé », nous désignons de fait des formes aussi diverses que : j’ai eu fait, j’avais eu fait, j’ai été parti, je suis eu parti ou je me suis eu battu. Cette notion désigne également des formes à la voix passive comportant une forme surcomposée de l’auxiliaire « être » (« j’ai eu été », « j’avais eu été », « avoir eu été», etc.) et le participe passé d’un verbe transitif. Sont donc également qualifiées de « surcomposées » des formes telles que : j’ai eu été jugé, j’avais eu été licencié, avoir eu été appelé, etc. Enfin, nous appelons « hypercomposées » les formes qui comportent deux participes passés auxiliaires, par exemple : j’ai eu eu fait, j’avais eu eu fait, j’ai eu été parti, etc. Les termes « surcomposé » et « hypercomposé » sont des notions génériques, que nous utilisons pour désigner l’ensemble des formes correspondant à la description morphologique que nous en avons donnée. Ils ne renseignent ni sur le sens ni sur la fonction de ces formes.

Concernant les différents tiroirs surcomposés, nous avons également décidé de travailler avec les étiquettes « traditionnelles ». Même si nous sommes consciente que ces étiquettes ne sont, à de nombreux égards, pas pleinement cohérentes et même si certaines propositions pour renouveler cette nomenclature ont été faites (notamment Wilmet 2009), nous avons décidé, par souci de clarté et pour réduire les risques de mécompréhension, d’utiliser les étiquettes les plus usitées dans la littérature scientifique. Nous nommons ainsi les formes suivantes :
– J’ai eu fait : passé surcomposé
– J’avais eu fait : plus-que-parfait surcomposé
– J’aurai eu fait : futur surcomposé
– J’aurais eu fait : conditionnel surcomposé
– J’eus eu fait : passé antérieur surcomposé
– Que j’aie eu fait : subjonctif passé surcomposé
– (Que) j’eusse eu fait : subjonctif plus-que-parfait surcomposé
– Avoir eu fait : infinitif surcomposé
– Ayant eu fait : participe surcomposé .

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Table des matières

PARTIE I : INTRODUCTION
1. Présentation de la recherche
1.1. Objectifs
1.2. Précisions terminologiques
1.3. Thèse défendue
2. Collecte des données et composition du corpus
2.1. Données écrites
2.1.1. Google
2.1.1. Frantext
2.1.2. Littérature scientifique
2.1.3. Lectures personnelles
2.1.4. Sms4science
2.1.5. Remarque : exemples non intégrés dans le corpus
2.1.6. Tableaux de présentation des données écrites
2.2. Données orales
2.2.1. Conversations spontanées
2.2.2. Littérature scientifique
2.2.3. Corpus oraux
2.2.4. Émissions de télévision et de radio
2.2.5. Transcriptions en ligne
2.2.6. Films, sketches, chansons
2.2.7. Enregistrements Unifr
2.2.8. Tableaux de présentation des données orales
2.3. Présentation des données écrites et orales
3. Discussion : formes surcomposées et conscience linguistique
3.1. La conscience linguistique des « surcomposeurs »
3.2. L’exemple de « ça a eu payé »
3.3. Le cas des « caricatures littéraires »
PARTIE II : HISTOIRE DU TRAITEMENT DES FORMES SURCOMPOSÉES
4. XVIe – XXIe siècles : comment approcher le paradigme surcomposé ?
4.1. Nommer le paradigme : choix terminologiques
4.1.1. Des formes sans nom
4.1.2. Les formes « tresparfaites » (Masset 1606)
4.1.3. Les formes « redoublées » (Maupas 1607)
4.1.4. Les formes « surcomposées » (Dangeau 1694)
4.1.5. Les formes « comparatives » (Beauzée 1765)
4.1.6. Les formes « de 2e degré d’antériorité » (Thurot 1796)
4.1.7. Les formes « bisantérieures » (Damourette & Pichon 1936)
4.2. Essais de définitions
4.2.4. Un auxiliaire « employé deux fois » ou « redoublé »
4.2.5. Un auxiliaire « de plus »
4.2.6. Un auxiliaire composé
4.2.7. Un auxilié composé
4.2.8. Conclusion
4.3. Un paradigme surcomposé complet ?
4.4. Formes possibles et formes attestées
4.5. Le problème de la rareté
4.5.1. La rareté des besoins : des formes rarement nécessaires
4.5.2. La rareté des usages : à chaque forme sa fréquence supposée
4.5.3. La rareté des attestations : le manque de données
4.6. Le cas des tableaux de conjugaison
4.6.1. Des tableaux complets
4.6.2. Des tableaux complets mais parsemés d’étoiles
4.6.3. Des tableaux qui assument les cases vides
4.6.4. Des tableaux de conjugaison sur un autre modèle ?
4.6.5. Des tableaux sans formes surcomposées
4.6.6. Conclusion : de l’usage des tableaux de conjugaison
4.7. Un choix dans les surcomposés
PARTIE III : CONCLUSION

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