Les fondements du droit de résistance chez John Locke

LES FONDEMENTS DU DROIT DE RESITANCE CHEZ JOHN LOCKE

De la conception de l’état de nature à la théorie du contrat social impliquant l’acte de naissance des sociétés politiques, en passant par l’idée d’état de guerre, le souci majeur était de donner à l’homme un environnement propice à la jouissance d’une vie de bonheur. La nature a mis l’homme dans un état de liberté et d’égalité naturelles. L’homme n’est pas un être déplumé de valeur au moment de la création. L’exigence et la nécessité de l’Etat ne sont pas une manière de créer à l’homme des valeurs qu’il n’avait pas. L’homme est de tout temps doté de certains éléments essentiels à sa subsistance que rien ne peut empêcher. Car vivre c’est aussi et surtout conserver sa vie. La conservation de cette vie implique à l’évidence la possibilité d’accéder aux moyens de subsistance.

En effet, cette conception laisse entrevoir la question du droit naturel. Le droit naturel occupe une place très importante dans la pensée politique de John Locke. L’opiniâtreté de sa position par rapport à la possibilité du droit de résister à l’injustice, à l’oppression, est largement déterminée par l’idée d’un droit naturel irréfragable propre à tout homme pour assurer sa conservation. Alors, parler des fondements du droit de résistance chez Locke, implique que l’on s’intéresse à la notion du droit naturel.

En avançant l’hypothèse d’un état de nature pour fonder la société politique sur des bases rationnelles et non sur un principe qui échappe à toute maîtrise humaine, les théoriciens du contrat social reconnaissent à l’homme un certain nombre de droits précédant l’Etat. Car la supposition du pacte social suppose à son tour que la constitution de la République n’est pas tant faite pour la création de droits que pour la recherche de garantie à la paix, à la sécurité et au bonheur. En ce sens, Locke dit que : « L’homme est né (…) muni d’un titre à la liberté parfaite et en pleine jouissance de tous les droits et privilèges de la loi de nature, à l’égal de n’importe qui d’autre sur terre, individu ou groupe ; il tient donc de la nature (…) le pouvoir de préserver ce qui lui appartient, c’est-à-dire sa vie, sa liberté, ses biens, des déprédations et des entreprises des autres hommes (…). » .

Dans l’état de nature, l’homme jouit de droits imprescriptibles. Ces droits, consubstantiels à la nature humaine, doivent être garantis par n’importe quelle institution politique. C’est pourquoi, dit Nicolas Tenzer : l’« (….) insurrection est possible lorsque le gouvernement ne respecte pas la loi : c’est alors lui qui est le rebelle. Lorsqu’on est dans un état de non-droit, seule l’insurrection peut rétablir le règne de la loi et mettre fin à l’état de guerre que la tyrannie a créé. » Ainsi, constate-t-on que c’est l’attitude des princes par rapport aux droits et aux lois qui est la source susceptible de déclencher l’insurrection.

De ce fait, on peut dire avec Jean Ives Calvez que l’homme est un être « (…) dont les attributs caractéristiques et par conséquent universels sont la liberté et l’égalité mutuelles. (…) la liberté et l’égalité existent par nature, elles sont le fait de l’homme en tant qu’homme (…) » quand bien même c’est « (…) dans la vie politique, sous la protection de l’Etat, que ces qualités intrinsèques sont garanties, étendues et sauvegardées » . Cette phrase de Calvez traduit de manière remarquable l’aspect inviolable des droits naturels inhérents à la nature humaine et la mission protectrice de l’Etat par rapport à ces droits.

Les notions de liberté et d’égalité sont des éléments dont l’étouffement constitue un motif de révolte contre un pouvoir établi. Locke conçoit la liberté comme étant à la base de tous les autres droits. Quant à la notion d’égalité, source de conflit entraînant par là l’état de guerre total entre les hommes selon Hobbes, est, pour Locke, le lien même qui doit leur permettre de réaliser le bonheur. Car, par l’égalité, les hommes se reconnaissent comme n’étant pas supérieurs les uns aux autres en nature. Ils savent qu’il n’y a pas de différence ontologique entre eux ; aucun homme n’étant plus ou moins homme qu’un autre.

Dans la Lettre sur la tolérance, Locke soutient que : « (…) la naissance rend les princes supérieurs en pouvoirs aux autres, mais par la nature ils sont égaux (…).» L’égalité naturelle des hommes fait qu’ils doivent avoir les mêmes traitements au regard des lois. En effet, traiter les sujets différemment en favorisant certains, constitue un acte pouvant déclencher l’état de guerre, c’est-à-dire le droit de défendre les droits. Car, dit François Châtelet : « (…) un homme vaut un autre homme (…).» .

A tout bien considérer, la supposition de l’Etat comme tributaire du contrat entre des individus, rompt avec une conception traditionnelle de principes excluant la possibilité de remise en cause, de critique des idées reçues. C’est là l’idée même qui constitue la sève nourricière de la tradition. La volonté des princes, leurs ordres étaient considérés comme des impératifs venant directement d’un être supérieur. Une autorité ayant pour assise de tels principes, ne saurait être remise en cause par de simples sujets de nature inférieure à celle d’hommes que Dieu a lui-même choisis. La preuve en est que les penseurs estimant comme principe fondateur de la société politique le consentement populaire, l’ont avancé à leurs risques et périls. Locke n’en a pas échappé, lui qui était obligé de fuir son pays pour aller s’installer dans le pays des philosophes persécutés, pour ne pas dire la Hollande.

Avec l’idée de contrat social, donc du rejet des fondements traditionnels du pouvoir politique, « (…) avec l’avènement de la mise en question, de la critique, du rendre compte, dit Cornélius Castoriadis, surgit une position humaine fondamentale impliquant qu’il n’y a pas d’instance extra-humaine responsable en dernier lieu de ce qui se passe dans l’histoire, qu’il n’est pas de vraie cause de l’histoire ou d’auteur ( non humain) de l’histoire ; autrement dit, que l’histoire n’est pas faite par Dieu ou par la phusis, ou par des lois quelconques. » L’homme a donc l’entière responsabilité de ce qui se passe dans l’histoire. Toute cause extérieure, toute cause extra-historique est écartée. En sapant ainsi les fondements de la conception traditionnelle du pouvoir politique, les théories du contrat social admettent les hommes comme étant : « (…) la source de la création, le dépositaire principal de l’imaginaire instituant et qui doivent devenir sujets actifs de la politique explicite. »  En partant de cette idée, nous pouvons dire que, contrairement aux thèses du droit divin, les sujets sont les principaux auteurs puisqu’ayant le pouvoir de désigner ceux agissent, donc les acteurs, en lieu et place de tous les membres de la République.

Cette idée qui colle bien avec la conception lockéenne du pouvoir, donne donc aux peuples la possibilité d’avoir un droit de regard sur leurs gouvernants. Ce qui donne une très grande actualité à la pensée de Locke. Puisque l’on constate aujourd’hui plus que jamais la nécessité pour les Etats de rendre effectif ce droit de contrôle des citoyens sur l’activité des dirigeants. Encore que la seule puissance d’un homme n’a jamais été en mesure de lui fournir le pouvoir de régner sans appel sur un Etat. Il y a toujours d’une manière ou d’une autre la complicité des sujets. Un roi n’est jamais rien sans sujets, au lieu que ces derniers garderont toujours le droit de choisir un autre homme pour les diriger. Les dérives actuelles des gouvernants sont dans une large mesure imputables à l’inexistence ou à la faiblesse du pouvoir de contrôle des sujets.

Il faut dès lors rendre tout son éclat à la thèse lockéenne du droit de résistance, pour au moins limiter les dégâts, à défaut de les éliminer totalement. L’Etat est né dans le but de sauvegarder le bonheur que l’état de nature donne mais n’a pas les moyens de garantir. Il va sans dire que le dépassement de la condition naturelle n’est pas dû à l’état de guerre total. Car dans le système de Locke, cet état peut être propre aussi bien à l’état de nature qu’à la société politique. C’est « la violence injuste et soudaine (…) qui produit l’état de guerre (…).»  Tout dépend de l’attitude des hommes et de leur volonté de se laisser guider par les directives de la raison. Car tant que les hommes prennent la raison pour guide dans leurs actions, la condition humaine sera meilleure. Si au contraire ils n’en ont cure des impératifs de la raison en mettant en avant leurs passions très peu éclairées, la condition humaine n’en sera que misérable autant dans l’état de nature que dans l’Etat politique.

En outre, la reconnaissance par les hommes que la situation heureuse de leur sort commun est en partie liée à l’idée qu’ils se font également des rapports qu’ils ont entre eux, est cruciale. Ils doivent comprendre qu’ils ont besoin les uns des autres et qu’aucun homme ne saurait se passer de ses semblables. La vie elle-même a marché et marche toujours sur l’inévitable interaction entre les hommes. Car ce ne sont pas des plus hommes et des moins hommes qui interagissent, mais des égaux en nature, en espèce, et donc en dignité. Comme le dit Locke lui-même : « (…) il est très évident que les créatures d’une même espèce et d’un même ordre, qui sont nées sans distinction, qui ont part aux mêmes avantages de la nature, qui ont les mêmes facultés, doivent pareillement être égales entre elles, sans nulle subordination ou sujétion, à moins que le seigneur (…)n’(…)ait(…) conféré, par une évidente et claire ordonnance, un droit irréfragable à la domination et à la souveraineté. » .

En ayant toujours à l’esprit que le sort de tous les membres de la communauté politique dépend de l’idée qu’il leur faut aussi avoir conscience que c‘est de concert qu’ils doivent en décider, les hommes parviendront à atteindre l’objectif qu’ils se sont fixé quand il leur fallait dépasser leur condition naturelle. Le pacte social n’est pas un contrat entre supérieurs et inférieurs. Dans le contrat qui les lie, le principe premier est que les hommes traitent d’égal à égal. La conscience que le pouvoir des uns sur les autres n’est pas dû à une quelconque supériorité de nature mais seulement au fait que tous ne peuvent pas diriger en même temps, est l’un des principes que les hommes ne doivent pas perdre de vue.

LE DROIT DE RESISTANCE COMME ANTIDOTE A LA FAIBLESSE HUMAINE

De l’optimisme d’un monde apaisé, fondé sur la supposition de l’usage de la raison dans toute activité, à la réalité que présente la nature humaine, le clivage est loin d’être minime. Si la conception lockéenne de l’état de nature n’a pas abouti à son dépassement à cause d’un état de guerre total, c’est dû au caractère raisonnable des hommes qui le composent. Tant que les hommes suivent les directives de la raison dans leur conduite, l’optimisme d’une vie paisible n’est pas une utopie. La raison donne accès aux lois mais également aux droits consubstantiels à la nature humaine pour sa subsistance. La connaissance des lois permet aux hommes d’agir toujours dans le bon sens. Car elle permet de prendre conscience de l’existence de l’autre qui m’est semblable et égal ; de comprendre qu’en tant qu’homme, il n’est pas établi de différence ontologique entre nous. A partir des développements précédents que nous avons faits des fondements du droit de résistance, nous pouvons nous poser la question de savoir : à quoi bon revendiquer un droit ou un devoir de résistance ? Comment faudrait-il envisager l’effectivité d’un tel droit ? De la réponse à ces questions procède, dans un premier temps, la nécessité d’une étude conceptuelle des principales notions qui entourent la problématique du droit de résistance. Cette définition de concepts permet d’éviter la confusion entretenue autour de la question du droit de résistance. Ce qui permettra de montrer que la défense du droit de résistance n’est pas de nature à semer la subversion dans le corps social.

En principe, on peut dire que la constitution même de la société politique avec ses lois et ses instances de régulation, semble exclure ou en tout cas écarter un quelconque droit de révolte. Ce qui fait que certains juristes sont réticents à lui accorder une valeur juridique croyant qu’un tel acte légitimerait les révolutions et les révoltes. Pour ces juristes, avec l’idée d’un droit de résistance, les sociétés politiques seraient comme basées sur du sable mouvant, toujours en proie à des situations instables.

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Table des matières

INTRODUCTION
I) Les fondements du droit de résistance chez John Locke
II) Le droit de résistance comme antidote à la faiblesse humaine
III) Les problèmes de l’usage du droit de résistance
CONCLUSION
Bibliographie

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