Les fondements de la notion d’enfant victime de sa famille

L’autorité parentale. – En principe, les prérogatives parentales doivent être exercées dans l’intérêt de l’enfant . Cette notion est la seule finalité de l’autorité parentale. Elle en constitue la clé de voûte étant donné qu’elle est sa condition, son critère, sa mesure et sa fin . L’autorité parentale est un droit-fonction octroyé à tous les père et mère dont l’accomplissement est uniquement orienté vers la satisfaction de cet intérêt. C’est une fonction particulière qui « appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » . Chaque droit appartenant aux parents a son corollaire consistant en un devoir vis-à-vis de l’enfant. Ainsi, « les droits de l’enfant exigent des parents des obligations positives : protéger, nourrir, éduquer. L’autorité parentale se fonde et dérive de l’obligation où sont les parents, de par la loi naturelle, de protéger et d’éduquer leurs enfants. Plus qu’un pouvoir, l’autorité parentale est un devoir de satisfaire les droits naturels de l’enfant » . L’autorité parentale permet de soumettre le mineur à « un gouvernement familial » en raison de sa vulnérabilité naturelle. La famille occupe donc une place fondamentale dans la protection de l’enfant. Les parents ont une propension naturelle à l’éduquer et le protéger.

La persistance des situations d’enfants victimes de leurs familles . – L’autorité parentale permet de responsabiliser les parents. Elle met l’accent sur les pouvoirs qui leur appartiennent afin de mener à bien leur mission à l’égard des enfants, des tiers ou d’eux même . Par principe, il est permis de penser que les parents sont libres d’exercer leur autorité. En réalité, les père et mère ne sont jamais totalement libres . L’exercice des prérogatives n’est pas absolu, car ce droit-fonction demeure « susceptible d’abus s’il est détourné de sa finalité, qui est la protection de l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité » . C’est la raison pour laquelle la société  s’est arrogée le droit de protéger l’enfant victime de sa famille au moyen d’un contrôle raisonné de l’exercice des prérogatives parentales par des tiers . En effet, « lorsque disparaît l’autorité dans la famille […], c’est celle de l’Etat qui s’y substitue et avec une énergie sans nuance » . Autrement dit, la situation de l’enfant dans sa famille justifie l’intervention de la puissance publique dans l’exercice de leur autorité par les parents .

A partir de la seconde moitié du XIXème siècle, le législateur affirme clairement sa volonté de « veiller à la protection d’enfants contre des parents indignes » . Le pouvoir législatif a organisé l’intervention de l’Etat dans les familles afin de protéger l’enfant en danger ou moralement abandonné. La loi du 24 juillet 1884 prévoit la déchéance de la puissance paternelle en créant un contrôle des droits du père sur ses enfants par la puissance publique. La loi du 24 juillet 1889 relative aux enfants maltraités ou moralement abandonnés illustre ensuite la nécessité de punir les parents coupables en leur retirant totalement leurs droits de puissance paternelle. La déchéance s’opère de plein droit et à l’égard de tous les enfants et descendants de la famille pour des condamnations énumérées par la loi. Une action en retrait d’autorité parentale est également possible en dehors de toute condamnation quand les père et mère, par leur alcoolisme habituel, leur inconduite notoire ou par de mauvais traitements, mettent en péril la santé, la sécurité ou la moralité de leurs enfants. Il s’agit de la première procédure civile de protection de l’enfant victime de sa famille. Elle suppose une faute des détenteurs de la puissance paternelle, ce qui permet de sanctionner avant tout le comportement des parents. Avec la loi des 5 et 19 avril 1898, le juge répressif peut aussi prononcer une déchéance partielle de la puissance paternelle. Celle-ci n’est donc plus nécessairement totale. Cette possibilité sera accordée aux juridictions civiles avec la loi du 15 novembre 1921. Cette loi de 1898 réprime également les actes de violence, de cruauté et les attentats commis par les parents sur la personne de leurs enfants. Il faut attendre le décretloi du 30 octobre 1935 pour que la protection de l’enfant soit dégagée de la notion de faute. Une mesure de « surveillance éducative » devient possible lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant sont « compromises ou insuffisamment sauvegardées par l’action des parents ».

Après la seconde guerre mondiale, ce mouvement de protection de l’enfant maltraité ou abandonné se poursuit et s’intensifie, ce qui démontre la persistance des situations d’enfant victime de sa famille. L’ordonnance du 23 décembre 1958 crée l’assistance éducative et élargit la compétence du juge des enfants dans le domaine civil à tous les enfants ayant besoin d’une protection . Les mesures d’assistance éducative remplacent progressivement les décisions de retrait des droits parentaux. Le décret du 7 janvier 1959 institue ensuite dans chaque département un service en charge de la protection de l’enfance . La loi du 4 juin 1970 transforme la puissance paternelle qui devient l’autorité parentale tandis que la notion d’assistance éducative est précisée aux articles 375 à 375-9 du Code civil. Certains auteurs ont par ailleurs estimé que cette loi du 4 juin 1970 avait institué « une autre assistance éducative » . Une transformation profonde s’opère avec les lois de décentralisation car la compétence de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et de la protection maternelle et infantile (PMI) est confiée aux départements . Le 10 juillet 1989, près de cent ans après la première loi organisant la protection des enfants victimes de leurs familles, une loi relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance est adoptée par le Parlement . La loi du 17 juin 1998 améliore le statut spécifique accordé au mineur victime tandis que la loi du 6 mars 2000 institue le Défenseur des enfants. Celui-ci sera toutefois supprimé en 2011 étant donné que la loi constitutionnelle du 23 mars 2008 impose au législateur la création d’un Défenseur des droits . Les lois du 5 mars 2002  et du 2 janvier 2004 symbolisent également la volonté pragmatique du législateur qui modifie, de manière casuistique, le système existant. La loi du 4 avril 2006 renforce la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs . Une réforme importante de la protection de l’enfance est enfin réalisée avec la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 . Ce texte réorganise et harmonise les conditions d’intervention des autorités administratives et judiciaires dans les familles. Elle a été complétée par une loi du 5 mars 2012 qui optimise le suivi des enfants en danger par la transmission des informations préoccupantes entres les départements.

La consécration législative de la conception classique de la notion d’enfant victime de sa famille

Sans qu’il soit permis de hiérarchiser ces différentes énumérations légales, il est possible de constater que l’enfant est victime de sa famille dans des situations définies et connues depuis longtemps du législateur. C’est en ce sens qu’il est permis d’affirmer qu’il existe une conception classique de la notion d’enfant victime de sa famille. Cela est d’autant plus vrai « que le droit de la famille est traditionnellement considéré comme normatif, en ce qu’il impose un modèle de famille. En contrevenant à ces règles impératives, la famille devient hors la loi et heurte donc l’ordre public » , ce qui peut conduire à un relâchement des liens familiaux, voire à une exclusion du parent de la cellule familiale en raison de sa faute. Le système français a ainsi consacré ces hypothèses dont les manifestations sont dorénavant identifiées et prises en considération par la loi (Titre 1). A cette catégorie de mineurs victimes de leurs familles, le législateur a également associé des instruments de protection de la personne de l’enfant contre sa famille. Ces mesures sont le résultat d’une lente construction, débutée en 1889, qui a permis la création d’un véritable dispositif de protection de l’enfance . A cet égard, la maturation des instruments de protection du mineur victime de sa famille contribue à l’idée qu’il existe une conception classique de la notion d’enfant victime de sa famille. En effet, s’il existe des catégories classiques de mineurs victimes de leurs familles, il est fort probable que la loi ait concomitamment consacré les modes de prises en charge de ce groupe de victime. Il existerait donc des instruments de protection du mineur victime de sa famille fondés sur le caractère traditionnel de ces situations ou sur un long usage des mesures de protection. Autrement dit, la sauvegarde des mineurs appartenant aux catégories classiques d’enfants victimes de leurs familles serait assurée par un régime commun et général de protection (Titre 2).

LA DETERMINATION DES CATEGORIES CLASSIQUES D’ENFANTS VICTIMES DE LEURS FAMILLES 

La littérature : un témoignage des manifestations classiques de la notion d’enfant victime de sa famille

La littérature comprend plusieurs romans qui retracent l’histoire de la conception classique de la notion d’enfant victime de sa famille. En 1879, Jules VALLES dédie son livre L’enfant à tous ceux « qu’on fit pleurer dans la famille, qui pendant leur enfance furent […] rossés par leurs parents » . Jules RENARD conte en 1894 l’histoire de Poil de carotte, un enfant mal aimé, victime d’une famille cruelle. Il subit les humiliations quotidiennes et la haine de sa mère ainsi que l’indifférence de son père, de son frère et de sa sœur . Hervé BAZIN décrit, en 1948, les rapports entre une mère indigne, ses trois enfants qu’elle martyrise et un père démissionnaire dans Vipère au point . Dans Les noces barbares, Yann QUEFFELEC rapporte l’histoire de Ludo qui vit caché dans le grenier de ses grands-parents durant les sept premières années de sa vie. Au cours de cette période, il est totalement délaissé, ne mange que très peu et reste seul, sans aucune pitié de sa mère ou des parents de celle-ci . Enfin dans Belle famille, l’enfant Madec, qui a le don d’énerver sa mère, est soumis à son autoritarisme et à sa domination avant que cette dernière ne cache sa mort accidentelle au cours d’une soirée où ses parents s’étaient absentés . Ces exemples romanesques montrent que l’enfant est parfois, mais depuis longtemps, victime de châtiments corporels ou d’un abandon moral ou matériel de la part de sa famille.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1. LES FONDEMENTS DE LA NOTION D’ENFANT VICTIME DE SA FAMILLE
TITRE 1. LA DETERMINATION DES CATEGORIES CLASSIQUES D’ENFANTS VICTIMES DE LEURS FAMILLES
CHAPITRE 1. L’ENFANT DELAISSE PAR SA FAMILLE
Section 1. Le désintérêt manifeste de la famille pour l’enfant
Section 2. Les mises en péril de l’enfant par sa famille
Conclusion du chapitre 2
CHAPITRE 2. L’ENFANT EN DANGER OU EN RISQUE DE DANGER DANS SA FAMILLE
Section 1. Le danger : une notion polysémique
Section 2. L’existence du danger ou du risque de danger
Conclusion du chapitre 2
CONCLUSION DU TITRE 1
TITRE 2. LE REGIME GENERAL DE PROTECTION DE L’ENFANT VICTIME DE SA FAMILLE
CHAPITRE 1. L’ASSISTANCE DE LA FAMILLE
Section 1. L’assistance socio-administrative de la famille
Section 2. L’assistance judiciaire de la famille
Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2. LA SUPPLEANCE DE LA FAMILLE
Section 1. L’exercice confisqué de l’autorité parentale
Section 2. L’exercice sanctionné de l’autorité parentale
Conclusion du chapitre 2
CONCLUSION DU TITRE 2
CONCLUSION DE LA PARTIE 1
PARTIE 2. LE RENOUVELLEMENT DE LA NOTION D’ENFANT VICTIME DE SA FAMILLE
TITRE 1. LA DETERMINATION DES CATEGORIES MODERNES D’ENFANTS VICTIMES DE LEURS FAMILLES
CHAPITRE 1. LE DESIR D’ENFANT
Section 1. La réalisation frauduleuse du désir d’enfant
Section 2. L’enfant non désiré par sa famille
Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2. L’ENFANT OBJET SOCIAL
Section 1. L’enfant objet de possession
Section 2. L’enfant objet d’aliénation
Conclusion du chapitre 2
CONCLUSION DU TITRE 1
TITRE 2. LES REGIMES SPECIAUX DE PROTECTION DE L’ENFANT VICTIME DE SA FAMILLE
CHAPITRE 1. LA REGULATION DU DESIR D’ENFANT
Section 1. La filiation de l’enfant conçu avec l’assistance d’un tiers
Section 2. L’accès aux origines de l’enfant non désiré par sa famille
Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2. LE REFUS D’UNE REIFICATION SOCIALE DE L’ENFANT
Section 1. L’encadrement des volontés familiales sur l’enfant
Section 2. La protection du libre arbitre de l’enfant
Conclusion du chapitre 2
CONCLUSION DU TITRE 2
CONCLUSION DE LA PARTIE 2
CONCLUSION GENERALE

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