Les finalités de l’enseignement grammatical

Les finalités de l’enseignement grammatical

Élément déclencheur de la recherche : les difficultés en français écrit des élèves du secondaire au Québec

La question des difficultés des élèves québécois en français écrit ne date pas d’hier. Déjà au début des années 1960, Jean-Paul Desbiens dénonçait la qualité du français écrit des élèves dans un livre intitulé Les insolences du FRÈRE UNTEL (Desbiens, 1988). Dans une lettre adressée au journal Le Devoir à l’automne 1959, Desbiens qualifiait l’enseignement du français au Québec d’échec. Il décrivait des élèves qui massacrent la langue et qui sont incapables de déceler une faute qu’on leur pointe du bout du crayon. Il convient toutefois de préciser que cette situation n’était pas propre au Québec. L’ensemble des pays de la francophonie ont aussi cette préoccupation de la qualité de la langue écrite chez les jeunes (Lefrançois, Laurier, Lazure et Claing, 2008, p. 13). Quarante ans plus tard, cette situation n’a pas véritablement changé. Répandue dans la presse, cette idée selon laquelle le niveau de compétence en français écrit des élèves québécois est de plus en plus faible (Michel Venne dans Le Devoir, 1999; Ariane Lacoursière dans La Presse, 2010) est confirmée dans un rapport du Conseil Supérieur de l’Éducation2 (1987) qui reconnaissait l’existence d’un réel problème concernant la qualité de la langue chez les jeunes et recommandait la prise de décision rapide pour éviter que la situation ne se détériore davantage. Dans ce rapport, le Conseil en vient entre autres à la conclusion que les élèves maitrisent très mal les règles concernant l’usage du singulier et du pluriel et qu’ils écrivent comme s’ils n’avaient jamais étudié la grammaire et la syntaxe.

En 2001, au terme des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, le rapport Larose en venait aux mêmes conclusions que celles du C.S.É (1987). La commission du même nom faisait en effet deux constats majeurs : à l’école, il y avait des difficultés constantes, mais tolérées et la transmission de la méconnaissance de la langue se faisait d’un ordre d’enseignement à un autre. Ces constats étaient appuyés de chiffres qui parlaient d’eux-mêmes. Par exemple, Larose et coll. (2001) mentionnaient que 52 % des élèves sont faibles ou incompétents à la fin du primaire, 42 % d’élèves sont en échec à la fin du secondaire et 25 % de collégiens échouent à leur premier cours de français au collégial. Ces chiffrent montrent effectivement que les difficultés que rencontrent les élèves persistent malgré le fait que ceux-ci avancent dans leur scolarité.

C’est d’ailleurs ce que confirme l’enquête qu’ont menée Lebrun et Baribeau en 2001 dans les facultés des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal3 et de l’Université de Montréal4 à l’issue de tests de français auxquels des étudiants en éducation ont été soumis. En effet, cette enquête révèle que 40 % de ces étudiants en éducation à l’UdeM, donc de futurs enseignants, sont médiocres en français alors qu’à l’UQAM, ce sont 63 % des futurs enseignants qui échouent au test de français de l’institution. Nombreux chercheurs, dont Chartrand (2005), Lord (2008), Lefrançois et coll. (2008) et Gauvin (2011), reconnaissent eux aussi les échecs trop nombreux des élèves en lecture et en écriture et aussi des lacunes dans leur connaissance de la langue. Ces lacunes, même si elles sont essentiellement de nature orthographique, masquent à coup sûr, selon nous, les lacunes concernant les composantes textuelles et discursives qui sont d’ailleurs très peu étudiées en classe comparativement à l’orthographe.

Quelques raisons avancées pour expliquer ces difficultés

Ces dernières années, plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer ces insuffisances en français5. Deux ont retenu notre attention, car elles sont directement en lien avec les pratiques d’enseignement et les apprentissages des élèves. Il y a d’abord l’intérêt de moins en moins marqué que les élèves ont à l’égard de la lecture, de la littérature et de la langue. C’est du moins ce qui ressort des conclusions de l’ÉLEF (Chartrand et Lord, 2010a). Cet article consacré aux représentations des enseignants de français sur les compétences langagières des élèves au secondaire québécois, révèle que plus de la moitié des répondants (enseignants) qui ont participé à l’étude portent un jugement négatif sur les compétences des élèves. Ils considèrent en effet insuffisantes les compétences en écriture des élèves à la fin du secondaire et doutent même de l’atteinte de l’objectif de développer le gout pour la lecture à cause du désintérêt que ces derniers ont à l’égard de la langue et des textes littéraires.

Chartrand (2005) déplore notamment l’enseignement de « la grammaire à l’occasion » dont le résultat est frappant : piètres performances en orthographe, en syntaxe et une très faible compétence à rédiger des textes dans une langue correcte. Aussi, la chercheuse constate que les élèves terminent leurs études secondaires tout en ignorant même le nom des auteurs et des titres qui constituent les plus importantes références du patrimoine littéraire de la culture française.

Une configuration de la discipline en actes : des apprentissages segmentés Les démarches d’enseignement cloisonnées sont confirmées dans l’ÉLEF qui s’est aussi intéressé à la question des pratiques d’enseignement. En effet, à travers les pratiques des enseignants, les auteurs de la recherche relèvent que sont faits séparément et de manière non coordonnée et disproportionnée la grammaire presque toujours, la lecture souvent, l’écriture quelques fois et très rarement l’oral (Chartrand et Lord, 2010b). De telles démarches conduisent assurément à une nouvelle configuration des composantes du français. Ces pratiques d’enseignement observées remettent ainsi en cause l’agencement et le poids des différentes sous-disciplines6 à l’intérieur même de la discipline. Celle-ci, même si elle s’est toujours construite autour de la matrice langue-littérature (Halté, 1992; Simard, Dufays, Dolz et Garcia-Debanc, 2010), voit sa composition interne remaniée à cause des pratiques d’enseignement qui segmentent les apprentissages dans la classe de français sans créer de liens explicites entre ceux-ci. De plus, les différents changements de divers ordres qui ont conféré la réception et la production de différents discours oraux et écrits comme objet principal de la classe de français ont pu, selon nous, accentuer cette tendance à morceler les enseignements. Une telle segmentation des apprentissages modifie les équilibres internes au sein de la discipline et conduit à une reconfiguration de fait que Halté appelle « modèle disciplinaire en actes » (Halté, 1992). En effet, la segmentation des apprentissages peut, dans certains cas, favoriser certains apprentissages et reléguer d’autres au second plan pour diverses raisons : contraintes institutionnelles, contraintes de temps, voire la formation disciplinaire et les compétences de l’enseignant.

En clair, ce que montre l’ÉLEF, c’est une prédominance des activités à visées orthographiques dans la classe de français, donc une prééminence de l’enseignement grammatical. Les exercices de grammaire qui ne devaient se faire qu’à l’occasion des pratiques de communication (lecture, écriture, oral) sont les activités les plus fréquentes de la classe. Plusieurs métanalyses montrent en effet que l’enseignement de la grammaire pour la grammaire ne contribue pas à améliorer les apprentissages en lecture; il leur nuirait même. Fidalgo, Harris et Braaksma (à paraitre) ont mené une recherche expérimentale dans laquelle ils ont mesuré l’impact des différents apprentissages en grammaire sur les compétences des élèves en écriture. Leurs analyses montrent clairement que l’enseignement de la grammaire dans un contexte décontextualisé a un impact négatif sur les élèves. Or, paradoxalement, les enseignants reconnaissent avoir peu de temps à consacrer à d’autres types d’activités telles que les activités d’écriture qui, pourtant, devraient constituer l’espace où s’actualisent les connaissances langagières (Chartrand et Lord, 2010b). D’ailleurs, Simard et coll. (2010, p. 263) reconnaissent aux activités d’écriture différentes dimensions transversales : syntaxiques, morphologiques, lexicales et orthographiques. Toutefois, même s’ils considèrent en très grande partie l’écriture et la lecture de textes variés comme les activités les plus importantes de la classe de français, les enseignants ont une nette tendance à privilégier les activités purement grammaticales (ÉLEF).

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Table des matières

Résumé
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Chapitre 1 : Problématique
1.1 Élément déclencheur de la recherche : les difficultés en français écrit des élèves du secondaire au Québec
1.2 Quelques raisons avancées pour expliquer ces difficultés
1.3 Une configuration de la discipline en actes : des apprentissages segmentés
1.4 Configuration théorique de la discipline français
1.4.1 La configuration traditionnelle
1.4.2 La configuration structuraliste et fonctionnelle
1.4.3 La configuration par compétences
1.5 Les finalités de l’enseignement du français
1.5.1 Les finalités de l’enseignement grammatical
1.5.1.1 Le point de vue utilitariste de l’enseignement grammatical
1.5.1.2 Le point de vue communicationnel de l’enseignement grammatical
1.5.1.3 Le point de vue disciplinaire de l’enseignement grammatical
1.5.2 L’enseignement littéraire : quelques enjeux et finalités
1.6 L’articulation des composantes : une réponse à la segmentation des apprentissages et aux difficultés des élèves en français écrit
1.7 Les postulats de la recherche
1.8 Pourquoi et sur quelles bases analyser les manuels?
1.9 Finalités et questions de recherche
1.9.1 Les finalités de la recherche
1.9.2 Les questions de recherche
Chapitre 2 : Cadre théorique et conceptuel
2.1 La langue
2.1.1 L’enseignement de la langue
2.1.2 Les compétences langagières
2.1.3 Les pratiques langagières
2.2 La littérature
2.3 L’enseignement littéraire
2.4 L’articulation
2.5 Le manuel scolaire
Chapitre 3 : Cadre méthodologique
3.1 Le type de recherche
3.2 La constitution du corpus
3.2.1 Les ouvrages de référence
3.2.2 Les périodiques
3.2.3 Sources diverses
3.2.4 Les manuels
3.3 Les instruments d’analyse
3.3.1 La grille de lecture
3.3.2 La grille d’analyse des modèles théoriques
3.3.3 La grille d’analyse des manuels
3.3.4 La séquence : unité de base de nos analyses de manuels
Chapitre 4 : Analyse des manuels
4.1 Analyse du manuel Conquêtes des Éditions Grand Duc (Richard, Bourque, Brodeur, Diotte et Legault, 2001) : 5e secondaire
4.1.1 Analyse de la séquence 1 : analyse des personnages dans le roman
4.1.1.1 La lecture
4.1.1.2 Les connaissances langagières
4.1.1.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.1.1.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.1.2 Analyse de la séquence 2 : la thèse explicite dans le théâtre
4.1.2.1 La lecture
4.1.2.2 Les connaissances langagières
4.1.2.3 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.2 Analyse du manuel « Portail » des Éditions CEC (Lachance et L-Lacroix, 2009) : 5e secondaire
4.2.1 Analyse de la séquence 1 : « Les éléments d’une oeuvre littéraire » : le personnage
4.2.1.1 La lecture
4.2.1.2 Les connaissances langagières
4.2.1.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.2.1.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.2.2 Analyse de la séquence 2 : L’étude des genres à travers le texte dramatique
4.2.2.1 La lecture
4.2.2.2 Les connaissances langagières
4.2.2.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.2.2.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.3 Analyse du manuel Zones des Éditions CEC (Fortier, Lazure, Setticasi et Rochon, 2008) : 4e secondaire
4.3.1 Analyse de la séquence 1 : les personnages dans le roman
4.3.1.1 La lecture
4.3.1.2 Les connaissances langagières
4.3.1.3 Ces volets (lecture-langue) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.3.2 Analyse de la séquence 2 : le texte poétique
4.3.2.1 La lecture
4.3.2.2 Les connaissances langagières
4.3.2.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.3.2.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.4 Analyse du manuel « Dazibao » des Éditions Modulo (Bourbeau, Bourdeau, De Koninck, Lacelle, Pilote et Péladeau, 2010) : 4e secondaire
4.4.1 Analyse de la séquence 1 : « Des romans à parcourir, des romans à lire»
4.4.1.1 La lecture
4.4.1.2 Les connaissances langagières
4.4.1.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.4.1.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.4.2 Analyse de la séquence 2 : « La poésie affiche ses couleurs »
4.2.1 La lecture
4.4.2.2 Les connaissances langagières
4.4.2.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.4.2.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.5 Analyse du manuel Épisodes des Éditions Grand Duc (Bourbeau, C. Côté, Côté, Desroches, Diotte, George et Marcotte, 2007) : 3e secondaire
4.5.1 Analyse de la séquence : « Mondes imaginaires »
4.5.1.1 La lecture
4.5.1.2 Les connaissances langagières
4.5.1.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.5.1.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
4.6 Analyse du manuel « Dazibao » des Éditions Modulo (Péladeau (dir). 2007): 3e secondaire
4.6.1 Analyse de la séquence « le roman historique »
4.6.1.1 La lecture
4.6.1.2 Les connaissances langagières
4.6.1.3 L’activité d’écriture de cette séquence
4.6.1.4 Ces volets (lecture-langue-écriture) font-ils l’objet d’une articulation à travers les activités qu’ils contiennent?
Chapitre 5 : Synthèse et interprétations des résultats
5.1 Le rôle des connaissances langagières impliquées dans l’analyse et la production des textes
5.2 Le rôle de la structuration des manuels dans l’articulation des composantes
5.3 Quelles conceptions de l’articulation se dégagent des manuels analysés?
5.4 Quelles sont les implications des difficultés liées à l’articulation sur la formation initiale et continue des enseignants?
5.5 L’articulation de l’enseignement de la langue à l’enseignement des textes : une approche importante pour développer les compétences langagières, mais difficile à mettre en oeuvre
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

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