Les FabLabs, un réseau mondial et en croissance d’organisations collaboratives

Les Fablabs : avant-garde de la fabrication distribuée collaborative ? 

Les premiers mois de l’année 2020 ont été marqués par une crise sanitaire mondiale liée à la propagation de la COVID-19. Durant cette période, de nombreuses initiatives solidaires ont éclos pour lutter contre l’épidémie. La mobilisation d’acteurs variés dont les makers (les particuliers qui fabriquent par eux-mêmes) et les FabLabs pour prototyper et produire du matériel médical d’urgence (masques, visières, respirateurs, etc.) a été, à ce titre, un phénomène majeur. Partout dans le monde, des FabLabs ont en effet mis leurs capacités de conception et de production, ainsi que leurs savoir-faire en matière de collaboration, au service de cette mobilisation. Selon l’association nationale France Tiers-lieux, pendant la crise en France, environ 100 000 visières de protection ont ainsi été fabriquées chaque semaine dans des Fablabs et par des makers (francetierslieux.fr, 2020). Grâce à l’usage de fichiers numériques et à la pratique de l’Open-Source, les modèles ont pu être mondialement diffusés, testés, améliorés et localement adaptés. Certains FabLabs et makers ont œuvré en se coordonnant avec des infrastructures publiques telles que l’APHP (pour valider les bons modèles à produire) ou l’armée de terre (comme support dans la logistique de la distribution, le transport, la désinfection etc) selon des modalités très variées sur les territoires. Certains acteurs du mouvement maker ont collaboré avec des entreprises localement, mais aussi au niveau mondial comme c’est le cas par exemple pour le masque EasyBreath de Décathlon .

Durant cette période, les FabLabs ont démontré leur capacité à activer rapidement et efficacement un mode de conception et de production distribué, basé sur des formes ouvertes de propriété intellectuelle ainsi que sur la collaboration entre des acteurs à la fois variés et épars. Pour que de tels modes de fonctionnement s’instituent et se stabilisent il est essentiel que soient déterminées d’une part les modalités de coordination entre acteurs et d’autre part les modalités de gestion de la connaissance. Cette actualité renvoie et s’inscrit dans plusieurs questionnements concernant les FabLabs en tant qu’objet de recherche : quelles particularités recèlent ces organisations qui semblent s’être installées dans le paysage socio-économique ? Sur quelles bases leur mobilisation conjointe et collaborative s’appuie-t-elle en matière de relation entre ces lieux ? C’est de cet objet organisationnel, les FabLabs, et des modes collaboration associés que traite cette thèse.

Les FabLabs, des MakerSpaces singuliers, moteurs du mouvement maker et parties prenantes d’une putative révolution du système productif. 

Les FabLabs, contraction de « Fabrication Laboratories », sont des lieux sociotechniques apparus au début du XXIème siècle, et liés à la diffusion de la révolution numérique. Ce sont des espaces ouverts de rencontre, d’apprentissage et de partage, centrés sur des pratiques de fabrication. Ils forment un réseau mondial, et répondent à des principes spécifiques codifiés dans « la charte des FabLabs ». Leur devise commune est « Make, Learn, Share ». Les FabLabs visent à démocratiser la fabrication numérique personnelle, c’est-à-dire la conception, la fabrication et la réparation d’objets personnalisés, par les individus eux-mêmes. Les FabLabs donnent accès, à bas coût, à des équipements mutualisés variés : machines à commande numérique (imprimantes 3D, découpeuses laser,…), outils manuels, équipements électroniques, etc. Ils promeuvent des formes d’apprentissage par le « faire » – le Do It Yourself –, ainsi que l’entraide et le partage de connaissances entre usagers – le Do It With Others. Les FabLabs, en tant qu’entités autonomes, comme en tant que réseau mondial, poursuivent deux principaux objectifs. Le premier est de favoriser des formes d’émancipation des individus par la diffusion d’une culture scientifique et technique. Le second est de contribuer collectivement au développement des technologies de fabrication numérique personnelle, en partageant à grande échelle les bénéfices des expérimentations locales. Pour cela, le partage par les usagers des connaissances créées localement doit s’opérer non seulement au sein de chaque lieu, mais également entre les communautés d’usagers des différents Fablabs.

Les FabLabs s’inscrivent dans le phénomène plus large, et lui-même en croissance, qu’est le « Mouvement Maker ». Ce dernier se fonde sur l’accessibilité (depuis deux décennies) pour les particuliers, de types d’outils longtemps réservés à l’industrie. Ces individus qui fabriquent par et pour eux-mêmes, sont alors appelés makers (Berrebi-Hoffmann et al., 2018 ; Dougherty, 2012). Le « mouvement maker » repose également sur la double possibilité qu’offrent les plateformes virtuelles à tous les makers de valoriser à une large échelle leurs réalisations et de communiquer entre eux. Plusieurs auteurs font valoir que les espaces physiques de rencontre autour de la fabrication – génériquement dénommés makerspaces – dont font partie les Fablabs, permettent le déploiement de dynamiques collaboratives au sein de ce large mouvement (Browder Aldrich et al., 2019 ; Santos et al., 2018). Depuis le début des années 2010, les Fablabs sont fréquemment associés à certains récits relatifs à une nouvelle révolution (imminente ou en cours) du système productif industriel (Anderson, 2012 ; Dougherty et al., 2016 ; Eychenne, 2012 ; Liotard, 2017 ; Menichinelli, 2015 ; Rifkin, 2013 ; Rumpala, 2014). Cette transformation consisterait en un glissement, depuis un paradigme de la production de masse d’objets standardisés et fondé sur des modèles centralisés et hiérarchiques, vers des formes de production distribuée d’objets personnalisés. La production distribuée consisterait alors à fabriquer localement, en se fondant sur le partage de connaissances à grande échelle, au moyen des technologies de l’information. Elle permettrait,  par ailleurs, la participation des citoyens. Les FabLabs y contribueraient non seulement en rendant accessibles des moyens techniques, mais également en jouant le rôle d’espaces de socialisation, permettant une forme d’acculturation (des citoyens et des institutions) aux pratiques collaboratives construites autour de visions partagées et de communs de la connaissance (Berrebi-Hoffmann et al., 2018 ; Browder Aldrich et al., 2019 ; Stacey, 2014 ; Troxler, 2014).

Des organisations collaboratives spécifiques par leur structuration en réseau, leur croissance rapide, et leur ouverture.

Ces 10 dernières années les FabLabs ont fait l’objet d’une attention grandissante de la part d’acteurs des sphères privées, publiques et académiques. Dans la littérature en Sciences de gestion, les FabLabs constituent notamment l’une des catégories les plus étudiées parmi les espaces ouverts d’innovation et de créativité. (Bohas et al., 2016 ; Boutillier et al., 2020 ; Fabbri et al., 2016 ; Schmidt et Brinks, 2017 ; Capdevila, 2013). De récents travaux ont contribué à l’appréhension des Fablabs comme outils de développement territorial local sur les plans économique et social (Browder Aldrich et al., 2019 ; Mortara et Parisot, 2018 ; Santos et al., 2018 ; West et Greul, 2016 ; Mortara et Parisot, 2016 ; Striukova et Rayna, 2019 ; Dechamp et Pélissier, 2019 ; Suire, 2019, 2016). Trois caractéristiques peuvent expliquer cet intérêt croissant pour les Fablabs. La première est leur organisation en un réseau mondial coordonné par la FabFoundation, et s’engageant à respecter la « Charte des FabLabs ». Cela permet de définir un périmètre dans l’étude plus générale des makerspaces. La deuxième caractéristique est l’augmentation rapide et continue du nombre de Fablabs depuis près de quinze ans (Osunyomi et al., 2016 ; Browder Aldrich et al., 2019). Les premiers FabLabs ont ouvert au début des années 2000. Et, en juillet 2020 le réseau se compose de 1750 FabLabs répartis dans plus de 100 pays, d’après le site tenu par la FabFoundation. La troisième caractéristique qui distingue les FabLabs des autres makerspaces est leur ouverture à un large public, si on les compare par exemple aux HackerSpaces qui s’adressent davantage à un public d’initiés, ou aux TechShop inscrits dans une logique commerciale. Ces trois caractéristiques des Fablabs sont cohérentes avec leur objectif de démocratisation de la fabrication numérique personnelle. En outre, elles servent leur ambition de construire un nouveau système productif fondé sur des formes de collaboration entre acteurs divers. En effet, un modèle distribué et collaboratif nécessite que s’opèrent des interactions riches au niveau mondial, c’est-à-dire entre des communautés locales, elles-mêmes collaboratives. Ces trois caractéristiques concourent à notre choix de retenir les FabLabs comme objet d’étude.

Par ailleurs, la littérature met en évidence que les modèles d’affaires des FabLabs ne sont pas stabilisés. Les FabLabs sont des organisations alternatives de type « commoners » (Acquier et al., 2019) c’est-à-dire que la valeur y est créé par et pour la communauté, par les contributions volontaires des usagers. Ils cherchent à construire des modèles qui articulent deux principales logiques parfois difficilement compatibles. La première logique est basée sur l’ouverture et l’accessibilité afin de poursuivre la mission sociale des FabLabs (espaces de rencontre, d’apprentissage, d’exploration). Il s’agit là de préserver des valeurs héritées des mouvements de l’Open source et du logiciel libre. La seconde logique vise à s’inscrire dans les écosystèmes d’innovation existants, notamment en développant des activités de prototypage et de production. Il s’agit également de développer des activités complémentaires et des sources de revenu pour assurer leur autonomie et leur durabilité. Les FabLabs sont inscrits dans des contextes variés (géographiques mais aussi juridiques, économiques, sociaux, culturels) et les équilibres entre ces deux logiques y sont divers. En cela, ils peuvent être considérés comme des organisations hybrides. La structuration en réseau peut alors être un moyen d’en faciliter l’institutionnalisation (Huybrechts et Haugh, 2018). Les FabLabs doivent alors créer, entretenir et renouveler les moyens de la collaboration au sein du réseau qu’ils forment, en parallèle de leurs expérimentations respectives et locales de modèles d’affaires pour une organisation collaborative.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE I
INTRODUCTION DE LA PARTIE I
CHAPITRE I : LES FABLABS, UN RESEAU COLLABORATIF MONDIAL DE LABORATOIRES LOCAUX
CHAPITRE II : SYSTÈME D’ANALYSE DU MANAGEMENT DE LA COLLABORATION INTRA ET INTERORGANISATIONNELLE : TROIS CADRES POUR ANALYSER LES FABLABS
CHAPITRE III : DESIGN DE LA RECHERCHE : UNE DÉMARCHE COMPREHENSIVE DECLINEE A L’ECHELLE LOCALE ET INTERNATIONALE
PARTIE II
INTRODUCTION DE LA PARTIE II
CHAPITRE 4 – (ARTICLE 1) L’ANALYSE DU CYCLE DE VIE D’UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE: UNE PERSPECTIVE ETHNOGRAPHIQUE
CHAPITRE 5 – (ARTICLE 2) ADHÉRER AU RÉSEAU INTERNATIONAL DES FABLABS : QUELLES IMPLICATIONS ORGANISATIONNELLES ?
CHAPITRE 6 (ARTICLE 3)
ÉVOLUTION DE LA GOUVERNANCE D’UN RÉSEAU ÉMERGENT EN FORTE CROISSANCE : UNE ÉTUDE LONGITUDINALE DES MÉCANISMES DE COORDINATION DU RÉSEAU DES FABLABS.
CONCLUSION GÉNÉRALE

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