Les espaces ouverts aux marges de la métropole : diversité des mises en valeur et des modes d’appropriation

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UNE GÉOGRAPHIE RADICALE QUI S’EXPRIME A L’ÉCHELLE REGIONALE MÉTROPOLITAINE

Pour étudier la relation entre espaces ouverts et métropolisation, je m’inscris dans une géographie sociale inspirée de la géographie radicale et s’exprimant dans une géographie régionale métropolitaine.
J’aborde les espaces ouverts dans le champ de la géographie radicale puisqu’elle est au sens propre celle qui s’attache à revenir aux racines, temporelles ou spatiales, d’une configuration sociale pour en saisir la complexité actuelle. Quoi de plus radical, en ce sens que d’étudier le système métropolitain à son degré zéro, à savoir en partant d’espaces supposés vides mais promis au développement urbain, touristique ou industriel ? De même, D. Harvey n’a de cesse que de revenir, d’un point de vue méthodologique, à un temps zéro de l’accumulation pour comprendre comment s’opère la marchandisation des ressources même s’il ne parle plus d’accumulation primitive mais d’accumulation par dépossession (HARVEY, D., 2003). D’ailleurs, les espaces ouverts, retiennent notre attention dans la mesure où ils sont soumis par leur situation à la première étape de la néolibéralisation (enclosure et privatisation) et par leur constitution à la seconde (la marchandisation et la vente), (HEYNEN, N., MCCARTHY, J., PRUDHAM, S., ROBBINS, P., 2007).
C’est certainement pour cette raison que la political ecology, émanation de la géographie radicale s’est intéressée très tôt au concept de nature (SMITH, N., O’KEEFE, P., 1980), à la question agraire (HENDERSON, G., 1998 ; BLAUT, J.M., et allii, 1977), aux ressources naturelles (PERELMAN, 1979) partant du principe que, même peu denses, ces marges qu’ils sollicitent sont des scènes privilégiées de jeux d’acteurs antagonistes mus par des intérêts privés notamment dans un pays peu régulé comme le Chili.
On peut alors voir au prisme de la géographie radicale tout l’intérêt de l’étude des impacts spatiaux et environnementaux du néolibéralisme dans un pays qui s’en veut le modèle depuis les années 1970 et l’on peut imaginer que les espaces périphériques de la capitale chilienne, à la fois comme support de richesses naturelles et potentielles terres urbanisables en sont des laboratoires de premier choix. En effet, ces espaces, actuellement faiblement fonctionnalisés, en marge de la métropole, constituent en soi – nature première – et quand ils sont agencés par les acteurs –nature seconde et sociale-, des ressources stratégiques pour le développement métropolitain ce qui les différencie de simples friches. L’approche systémique qui permet d’envisager la métropolisation à géométrie variable et sous tous les angles même les plus marginaux à travers les espaces ouverts semble pouvoir répondre aux enjeux géographiques contemporains.
Cette approche systémique et régionale, expression d’une certaine géographie radicale, a deux vertus : elle permet de créer un lien intrinsèque entre la métropole et l’environnement plutôt que de les opposer ; elle permet également de faire ou de refaire de la région une échelle pertinente d’analyse intermédiaire entre le système monde et la parcelle ou le quartier. En effet, s’il est maintenant courant de parler de système urbain (DORIER-APPRILL, E. (dir.), 2000 ; WILSON, A.G., 2000 ; ALLEN, P.M., 1997) ou métropolitain (MIRLOUP, J., 2002) notamment à l’échelle régionale (DAUPHINÉ, A., 1979) en géographie, en entendant le système comme « une entité autonome par rapport à son environnement, organisée en structure stable (repérable dans la durée), constituée d’éléments interdépendants, dont les interactions contribuent à maintenir la structure du système et à la faire évoluer » (PUMAIN, D., 2004), il est plus rare que tous les éléments du système soient étudiés de façon égale, les études métropolitaines se faisant assez souvent au détriment des marges et des marges non construites en premier lieu. Elle permet également, par ce jeu des allers-retours scalaires, de prendre en considération le contexte politique et économique national dans la compréhension de la production des espaces ouverts. En effet, pour décrire, comprendre, aménager un espace il faut en saisir les figures, les lignes de force élémentaires afin de pouvoir éventuellement les répliquer.
Il s’agit de considérer que l’échelle métropolitaine peut contribuer à renouveler la géographie régionale et qu’à l’inverse la géographie régionale peut nous renseigner sur l’échelle métropolitaine puisqu’il s’agit d’une échelle vécue par les Chiliens qui s’y déplacent quotidiennement.
Pour paraphraser Claude Bernard, on pourrait dire que la géographie régionale comme la physiologie « c’est l’étude de la coordination des parties au tout », des parcelles à la région métropolitaine et même au monde mais avec un objectif : le développement des parties (les espaces ouverts entre autres) et du tout (la métropole) en évitant l’absorption de l’un par l’autre.
Pour adopter cette démarche et avant de faire des nécessaires allers-retours entre les échelles, il nous faut un point de départ. Quant G. Bertrand écrit : « Le système a fait souvent office d’ordre mais pas toujours d’intelligibilité. Il ne peut plus être considéré comme cette machine ronde » qui habille la complexité et fait fonctionner les boîtes noires. Il se pose toujours, quelque part, le problème du fond des choses, c’est-à-dire de la connaissance pointue de l’élément et de l’évènement », il nous incite à partir de l’objet – pour moi les espaces ouverts – plus que du processus pour comprendre un système aussi complexe que le système métropolitain (BERTRAND, G., 1986).

POUR UNE GÉOGRAPHIE OUVERTE : ENJEUX, PROBLÉMATIQUE, QUESTIONNEMENTS

Jean-Paul Deler, dans l’hommage rendu à Olivier Dolfuss en 2005 dans la revue Hermès, fait une invitation en citant le géographe disparu (DELER, J.-P., 2005) : celle de pratiquer une géographie ouverte sur le large : une géographie où la nécessaire spécialisation des recherches n’étouffe pas la vision de l’ensemble ». C’est le principe que je suis pour l’étude des espaces ouverts notamment car il permet la pluridisciplinarité et le changement d’échelle d’analyse.
Du contexte particulier de l’étude et de l’inscription disciplinaire naissent des questionnements et une méthodologie propres au sujet et à l’objet de la thèse. En voici les enjeux.
D’abord, en termes disciplinaires, il s’agit d’apporter des éléments de réponse à l’aide d’un cas précis à deux débats qui animent les sciences sociales depuis les années 1960 mais aussi à l’heure actuelle : le débat sur les biens communs initié par l’article de G. Hardin en 1968 (HARDIN, G., 1968) et poursuivi par les travaux d’E. Ostrom (OSTROM, E., 1999, 2010) ainsi que celui sur la « nature néolibérale » (BAKKER, K., 2010 ; CASTREE, N., 2009) de géographes qui s’intéressent de plus en plus aux questions de justice sociale et environnementale appliquée à l’espace. En-dehors de la discussion idéologique sur la nature de l’environnement (est-ce une somme d’éléments naturels ou plutôt une construction socio-spatiale ?) et du néolibéralisme (est-ce une dérégulation ou un véritable projet de société des élites dans le but de diffuser au monde le consensus de Washington ?), (BAKKER, K., 2010 ; CASTREE, N., 2008 ; 2009 ; MCCARTHY, J., PRUDHAM, S., 2004) l’ouvrage collectif Neoliberal Environments. False promises and unnatural consequences propose d’« essayer non seulement d’analyser les impacts des réformes néolibérales sur l’environnement [nature of neoliberalism] mais aussi de comprendre [à l’inverse] dans quelle mesure la gouvernance environnementale et l’environnementalisme en tant qu’ensemble de mouvements politiques ne coïncident-ils pas, ne convergent-ils pas, ne s’articulent-ils pas et même ne contribuent-ils pas à l’émergence du néolibéralisme [neoliberalization of nature] »(HEYNEN, N., et allii, 2007). On voit comme ces débats se placent à la croisée de différentes sciences sociales (économie, géographie, droit, philosophie, science politique) et dépassent donc les stricts cadres disciplinaires.
L’enjeu a également une dimension temporelle : les processus actuels sont-ils le rejeu des héritages de la colonisation ou des dictatures ou bien des phénomènes nouveaux liés à l’ampleur de la métropolisation et de la mondialisation ? Or, la rapidité des cycles de croissance au Chili comme dans la plupart des pays neufs rend urgente la préoccupation à ce sujet particulièrement dans un contexte de (re)montée des contestations sociales (PULGAR, C., 2011).
Enfin, même si l’environnement est au cœur des préoccupations des géographes depuis ses origines et qu’il constitue un « problème fondamentalement géographique, au point que l’on serait tenté de définir la géographie comme la science de l’environnement humain [puisqu’elle a] précisément pour objet l’étude de toutes les formes de rapports réciproques entre les collectivités humaines et leur enveloppe spatiale concrète ? » (GEORGE, P., 1971), la réinscription récente de l’environnement dans les préoccupations collectives constitue un tremplin pour la discipline.
De là naissent ma problématique ainsi qu’une série de questionnements :
Dans quelle mesure, la métropolisation contribue-t’elle à produire des espaces dont elle a besoin dans son système mais qu’elle repousse plus loin des centres, dès lors qu’ils apparaissent ?
Bien sûr ces espaces ont des caractéristiques propres notamment l’étendue et un
environnement apparemment illimité » (GEORGE, P., 1984) mais on commence à les appeler ouverts dès lors que se met en place le phénomène de métropolisation qui implique à l’inverse une fermeture physique (barrières, péages…) ou métaphorique (privatisation) de l’espace.
On peut aussi se demander si la métropolisation et les processus qui lui sont liés (dilatation des centres, enclosures, diminution de la densité) changent de nature ou simplement d’intensité en fonction de l’échelle d’observation (locale, régionale, nationale, mondiale) ?
En d’autres termes, l’échelle locale n’est-elle que la manifestation de la libéralisation de l’économie et du politique que connaît le Chili depuis 40 ans, ou au contraire ce processus y prend-il d’autres formes comme la résistance de formes de mise en valeur extensive ou le regain de solidarités immatérielles entre les acteurs ?
Si la métropolisation a besoin des ressources que représentent les espaces ouverts pour s’alimenter (de bas en haut), les espaces ouverts ont également besoin de la métropolisation pour exister (conservation, infrastructures, lois : de haut en bas). Politiquement et économiquement quel est donc le sens de ces agencements ? Qui l’emporte ? Est-il seulement possible dans ce contexte de libre marché d’établir une hiérarchie des valeurs et des échelles ?
Pour répondre à ces questions, on doit appliquer une méthodologie adaptée au terrain et à la thématique, ce qui pose trois principales questions : la première est de savoir comment représenter des espaces dits vides autrement que par « des blancs sur la carte » (LABOULAIS – LESAGE, I., 2004) ? Comment étudier des perceptions dans le monde rural avec des repères nécessairement différents qu’en ville et adapter des méthodologies existantes comme celle des cartes mentales ? Comment enquêter et identifier des espaces et des usages avec des catégories relativement nouvelles (ouvert, vide, libre) et donc être nécéssairement amenée à les transposer ? A travers les trois points suivants, on montrera les défis méthodologiques à relever pour une thèse de géographie régionale et métropolitaine dans un pays du sud comme le Chili.

UNE MÉTHODOLOGIE DOUCE ADAPTÉE AUX RUGOSITÉS DU TERRAIN

« Quel est ce pays ? » demanda-t-il. Et il lui fut répondu : « Pèse d’abord chaque mot, connais chaque douleur » », (GLISSANT, E., 1958)
J’ai alors choisi trois zones d’études pour répondre à ces questionnements : une zone littorale à très forts taux de croissance urbaine et touristique dans l’aire d’influence du doublet balnéario-portuaire de Viña del Mar-Valparaíso (secteur de Mantagua sur la commune de Quintero, zone 1); une zone rurale de vallée et de moyenne montagne mitée par une urbanisation dispersée dans l’aire d’influence de Valparaíso et dans la Cordillère de la Côte sur les communes d’Olmué et de Limache (zone 2) ; une zone d’étude dans la dépression centrale sur la commune de Lampa avec une zone humide en voie de disparition bien qu’elle serve à alimenter en eau la plus grande aire maraîchère de Santiago (zone 3).
Les trois contextes sont différents mais situent les zones d’étude dans un rayon de 20 à 30 kilomètres autour des centres des agglomérations de Valparaíso, Viña del Mar et de Santiago, c’est-à-dire dans la troisième couronne périphérique et connaissent des changements d’usages des sols particulièrement vifs depuis les années 1980.
La méthodologie appliquée comporte trois exigences dans les trois étapes qu’elle suppose que sont la collecte des données, les techniques de traitement de l’information et leur restitution : 1. S’adapter au mieux à un terrain sud-américain à la fois lointain et rugueux (aléa sismique) mais aussi émergent (données statistiques existantes et relativement fiables et surtout possibilités de travailler en collaboration avec des chercheurs chiliens d’autres disciplines comme l’agronomie, la sociologie, l’architecture) ; 2. Accorder une place importante aux représentations et aux perceptions des acteurs qui participent peu aux prises de décision mais sont pourtant essentiels dans la production des espaces ouverts (femmes, éleveurs, enfants) ; 3. Trouver la méthode la plus pertinente à chaque zone d’étude et la répliquer en l’adaptant par la suite aux autres c’est-à-dire pratiquer ce qu’on pourrait appeler une homéo-géographie en référence à l’homéopathie qui se fonde sur le principe des similitudes des pathologies mais aussi sur le principe de leur individualisation. De même que chaque patient a des remèdes particuliers qui correspondent à ses pathologies, j’ai appliqué des méthodes différentes, adaptées à chaque terrain mais en fonction des mêmes questions et des mêmes principes fondamentaux. Ainsi pour les trois terrains, la photo-interprétation diachronique s’est avérée indispensable pour montrer les changements rapides d’usages des sols mais comme les phénomènes n’étaient pas perceptibles dans les trois cas à la même échelle, j’ai opté pour une photographie aérienne dans un cas et une image satellite dans les deux autres cas.
Ces trois exigences ont pour corollaire de passer une longue période sur le terrain (seize mois sur sept ans) et d’avoir un rapport intime et suivi avec lui ce qui suppose de toujours s’interroger sur les limites entre observation, observation participante et recherche-action. A ce propos, je tiens à souligner que je ne considère bien sûr pas les citations de textes de chansons, les allusions au cinéma ou à la littérature comme des arguments scientifiques mais comme des témoignages permettant d’illustrer des ambiances ou des états d’esprit rencontrés sur mon terrain. Si elles ne sont pas des preuves, elles permettent, selon moi, de s’approprier au moins en partie un esprit des lieux propre à chaque terrain.
Finalement, je dispose d’une base de données relativement homogène dans l’espace et dans le temps constituée aussi bien de photographies (plus de 5000) que de récits de vie (10), de comptes-rendus de 7 séquences d’observation participative, que d’enquêtes semi-directives (45), de cartes mentales (133) ou d’entretiens libres (18) que d’images satellites (3) comme le présente le tableau 2.

Le choix et la connaissance intime du terrain

Si j’évoque aussi les terrains de maîtrise (FALIES, C., 2005) et de master 2 (FALIES, C., 2008) c’est qu’il y a entre eux et ma thèse une véritable continuité.
La commune initiale de référence, Quillota, est une agroville de 80 000 habitants qui polarise à l’intérieur de la région de Valparaíso les activités liées à la production agricole de la vallée de l’Aconcagua. Traversée par le Camino Internacional qui permet de relier Valparaíso à la Panaméricaine et à Mendoza en Argentine, elle développe dès les années 1980 une agriculture d’exportation de fruits et d’agrumes, principalement avocats et citrons, en remplacement progressif de l’activité maraîchère anciennement présente. Ce tournant dans la production se double d’un changement des espaces mis en valeur des fonds de vallée vers les versants de la Cordillère de la Côte, progressivement défrichés pour la fruiticulture ou encore la construction de maisons individuelles secondaires ou principales à usage de classes émergentes qui souhaitant un meilleur cadre de vie.
Partant de ce cas, je me suis interrogée sur les raisons de sa mise en place et sur ses éventuelles répliques à l’échelle métropolitaine. Si ces espaces ont été décrits à la périphérie de la métropole de Valparaíso, peut-être prennent-ils une forme différente sur le littoral touristique (au Nord de Viña del Mar) et dans un autre cadre administratif et fonctionnel autour de Santiago du Chili dans la Région métropolitaine qui dispose d’un plan directeur différent ? Il fallait donc choisir d’autres zones d’étude afin de pouvoir comparer et mettre en perspective cette configuration spatiale dans un contexte plus métropolitain que ne l’offrait Quillota qui existe comme ville agricole polarisatrice depuis le 16ème siècle, est capitale de province et pourrait devenir capitale d’une vaste région de l’Aconcagua si celle-ci était créée.
Mais comment embrasser autrement une immense région métropolitaine comparable en taille à l’Ile-de-France ?
Les communes d’Olmué et de Limache offraient un intérêt évident en ce qu’elles sont également des communes très anciennement agricoles mais aussi plus polarisées par les agglomérations de Santiago et de Valparaíso comme le prouve la réouverture de la ligne de train reliant le centre de Valparaíso au centre de Limache en 1h30 et qui en 1863 mettait Limache à mi-chemin entre la capitale et son port (VENEGAS F., 2000). Le classement par l’UNESCO en réserve Homme et Biosphère du Parc National de La Campana en 2008 ainsi que la création de la province de Marga Marga7 à partir des quatre communes de Quilpué, Villa Alemana, Olmué et Limache votée en 2009 par la Chambre des députés chilienne sont aussi deux arguments de choix. De plus, la rénovation de la route F 10 G qui marque le passage entre les communes d’Olmué et de Til Til et donc entre les régions de Valparaiso et la Région Métropolitaine en 2005 a eu une influence certaine sur le développement de communautés jusqu’ici très isolées comme les communautés de Caleu ou de Quebrada Alvarado.
En suivant cette route ou en partant de Santiago, il a semblé intéressant de s’arrêter sur Lampa, une commune encore très agricole, maraîchère principalement, à seulement quinze kilomètres au nord-ouest de l’agglomération de Santiago et faisant partie depuis 1997 comme toutes les communes de la province de Chacabuco du Plan Régulateur Métropolitain de Santiago mais qui connaît des taux de croissance de sa population parmi les plus élevés depuis cette même date.

S’insérer dans des réseaux sans perdre son éthique de chercheur

Dans un pays de seulement 16,8 millions d’habitants où presque la moitié de la population est regroupée dans la macro-région centrale du Chili et est dirigée par moins d’une dizaine de grandes familles9 présentes dans tous les secteurs d’activités et représentant tous les pouvoirs, le monde est rapidement très petit10. Tout à fait intégrée à l’ « ère de l’information », la société chilienne est bien une « société en réseaux », (CASTELLS, M., 1998) qui passe par trois éléments pour se structurer et s’organiser : le poids de l’école et de l’université que l’on fréquente ou dans lesquelles on inscrit ses enfants ; le quartier ou la communauté où l’on vit ; le plus ou moins grand accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. De plus, les clubs ou sociétés philanthropiques comme le Rotary ou la Sociedad Chilena de Políticas Públicas sont très présents au Chili et assurent une reproduction sociale parmi ses membres puisqu’ils fonctionnent par le parrainage.
Est-ce en raison, d’un certain complexe de l’insularité d’un pays bordé au nord par le désert salé, à l’est par la Cordillère des Andes, au sud par l’Antarctique et à l’ouest par l’océan Pacifique ou d’une présence conséquente de ressortissants chiliens à l’étranger (860 000 environ soit plus de 5% de la population nationale) avec lesquels il faut rester connecté mais le pays est extrêmement bien desservi en nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Cela a des influences sur les techniques d’enquête et sur la façon de faire de la recherche. En effet, la mise en réseau si elle est globalement facilitée par des enquêtés qui laissent volontiers leur adresse électronique, leur numéro de téléphone ou leur compte de réseaux sociaux comme Facebook ou Tweeter, reste toujours dépendante de la personne source qui met le chercheur en relation avec les autres enquêtés.

LES ESPACES OUVERTS FONDAMENTALEMENT MARQUÉS PAR L’AGRICULTURE

Maintien, résistance, persistance des terres agricoles en contexte métropolitain sont autant de mots qualifiant la pérennité de la fonction productive agricole sous la pression de l’urbain industriel ou résidentiel principalement. Mais sous quelles conditions l’agriculture se maintient-elle donc alors ?

Une intensification de l’agriculture dans les périphéries métropolitaines

L’Etat chilien a identifié dès les années 1990 l’agriculture comme un secteur stratégique, relançant l’intérêt pour les espaces ruraux et justifiant l’affichage du slogan faisant du Chili une puissance alimentaire » mondiale notamment autour de quelques produits-phares comme les vins, le raisin de table, les fruits rouges et le saumon d’élevage. Comme souvent au Chili, les dynamiques métropolitaines font figures de miroir grossissant de la situation nationale premièrement car plus de la moitié de la population y réside, ensuite car c’est le lieu privilégié de la connexion du Chili avec l’économie-monde. Or, on y observe une réduction de la surface agricole au cours des dix dernières années.
La carte 8 montre une tendance sur dix ans à la diminution de la taille de la surface cultivée dans la région centrale surtout en périphérie proche des deux noyaux urbains que sont Santiago d’une part et Valparaíso-Viña del Mar d’autre part et ce principalement en raison de l’urbanisation de ces communes. Cependant, cette diminution se fait dans une moindre mesure dans la deuxième couronne métropolitaine et s’avère même positive dans les communes agricoles des vallées de l’Aconcagua au Nord de la double agglomération et de Casablanca au sud-ouest. Ceci est dû notamment à l’essor de l’agriculture d’exportation au cours de ces dix années autour principalement des cultures d’avocats et d’agrumes dans la ceinture nord et de vigne au sud. Région métropolitaine et Région de Valparaiso totalisent à elles seules plus de 40% de la surface plantée nationale en arbres fruitiers et la superficie plantée de cette seule production pour la région de Valparaíso a augmenté de 30 % entre 2002 et 2008 alors que le nombre d’exploitants diminuait lui de 6,3% (LARRAÑAGA, P., 2008).
Il est donc faux de dire qu’on assiste à une diminution de l’agriculture en contexte métropolitain. Il faut mieux parler d’une intensification d’un certain type d’agriculture et d’un développement dans certaines communes ou pour certaines filières se faisant au détriment de la petite agriculture familiale bien que celle-ci demeure assez présente dans la région centrale en comparaison à la moyenne nationale (INE, 2009). Par petites exploitations, le recensement agricole de 2007 entend des exploitations entre 4 et 7 hectares et par moyennes, il entend les exploitations entre 7 et 40 hectares. Dans la seule région métropolitaine, 93% des exploitations sont petites ou moyennes (PYMEX) mais leur part dans la superficie totale n’est que de 10,7%.

Les nouvelles composantes du monde rural

Lors d’une réunion avec 7 agriculteurs de la vallée de Mantagua (zone 1) le 29 août 2010, la peur de la parcellisation de la vallée est évoquée par la plupart d’entre eux notamment en raison du changement sociologique en cours dans le monde rural : ainsi un pêcheur et une enseignante sont arrivés en 2008 dans leur communauté.
Hector C., un petit éleveur de Valle Alegre dans la même zone, évoque quant à lui, le problème de l’utilisation de l’eau pour les piscines des parcelles d’agrément « des gens de haut niveau ». Il n’envisage en aucune manière devoir vendre le terrain de 32 hectares qu’il a acquis au moment de la réforme agraire bien qu’il ne voie « absolument aucun avenir » pour ces espaces ruraux devant l’accroissement rapide de la population. Tout ce qu’il désire c’est garder sa parcelle « cuidadita y cerradita » c’est-à-dire « bien entretenue et bien fermée ». C’est ce qu’il fait le 7 mai 2010 lors d’une rencontre sur sa parcelle en coupant des branches d’acacia.
Hector C. à Valle Alegre entretient sa parcelle en taillant ses acacias face aux parcelles cerclées de d’eucalyptus des néo-ruraux à l’arrière-plan, zone 1, 7 mai 2010.
C’est que dans le même secteur des gens comme Eugenio P., moins attachés à la terre que ces agriculteurs ou éleveurs bénéficiaires de la Réforme agraire, ont commencé à vendre leurs terrains dès la fin des années 1990. Eugenio P., se définit lui-même plus comme un commerçant en agriculture » puisqu’il vend du bétail, du foin, du bois que comme un agriculteur ou un éleveur. En 1985, il a investi à Mantagua en achetant une vingtaine d’hectares grâce à l’argent gagné dans les mines de cuivre de Chuquicamata. Puis en 1998, il a vendu à plusieurs parceleros mais selon lui à un bas prix. Il pense qu’il aurait dû attendre les années 2005 et l’arrivée des condominios de tourisme pour réaliser une meilleure plus-value.
Comme dans ce cas, c’est le plus souvent la vente à des urbains venus de Santiago ou de Valparaíso qui est évoquée comme facteur de changement des composantes du monde rural. En effet, c’est la plus voyante car elle implique des changements paysagers immédiats (1. plantation de haies, 2. creusement d’une piscine, 3. implantation de systèmes de sécurité) et également des changements de mode de vie des nouveaux arrivants avec notamment plus de déplacements automobiles. Mais ce n’est pas la seule. En effet, les enquêtes révèlent, que le changement de propriétaire par héritage est aussi répandu et que le changement générationnel à la tête des exploitations peut s’avérer crucial.
C’est le cas de Bruno D. à Limache qui hérite de la propriété familiale de 25 hectares en 1995 acquise par son père ou de Rodolfo C. qui hérite des 1500 hectares du Fundo Santa Laura en 1970 à la mort de son oncle au pied de la Cordillère de la Côte sur la commune de Til Til. Dans les deux cas, un tournant a été pris dans la mise en valeur puisque Bruno D. a fait évoluer la parcelle vers la fruticulture d’exportation alors que son père produisait des tomates et que Rodolfo C. a pour ambition de créer un parc écologique privé à la place d’un fundo peu productif.
Les petites et moyennes propriétés agricoles issues de la Réforme agraire sont cependant plus difficiles à subdiviser en raison de leur taille notamment dans des familles nombreuses où plusieurs enfants sont susceptibles de reprendre l’exploitation. C’est ce qui explique d’ailleurs sur la Figure 4 la diminution continue des parcelles de 5 à 10 hectares au profit des parcelles de 1 à 5 hectares depuis la Réforme agraire jusqu’à 2007 pour la commune de Lampa.
Deux enquêtés vivent également sur des propriétés prêtées par des membres de leur famille : c’est le cas d’Alejandro P. L. sur le Fundo Quintero appelé aussi Quintero Bajo, 750 hectares de prairies littorales que son oncle, Camilo Larraín, âgé de 85 ans ne peut plus diriger seul mais aussi d’Amilcar F., artiste-parfumeur à qui des proches prêtent un terrain abandonné et très peu accessible à Quebrada Alvarado pour qu’il y produise ses essences à partir du bosque nativo et qu’il y construise une maison. Mais outre ces nouvelles composantes du monde rural, il existe des recompositions endogènes de la structure agraire.

Recomposition endogène de la structure agraire

Quelles qu’en soient les modalités précises, ce qui caractérise la structure agraire surtout en périphérie métropolitaine, c’est surtout son évolution rapide et la diversité des situations occasionnées. Il existe une marqueterie de formes de possession de la terre dans ces périphéries beaucoup plus complexes que celle qu’évoque Marx dans l’encadré n°3, elle-même en évolution.
Il existe ainsi un petit nombre de personnes expropriées et relogées récemment pour cause notamment de construction d’infrastructures de transport. Catalina a été expropriée en 2000 de la maison qu’elle occupait avec sa famille depuis que son père y avait été mineur sur la commune de Til Til dans la Cuesta de La Dormida pour l’élargissement de la route G- 10-F. Ceci a constitué pour elle et son mari un changement d’orientation de la maison mais ils conservent 23 hectares de terrain et surtout jouissent d’un débouché considérable pour leur production artisanale de confitures, pâtes, sirops, gelées à base de noix, de figues de barbarie ou d’amandes car le trafic a beaucoup augmenté depuis l’élargissement et l’amélioration de la route.
Certains enquêtés sont par ailleurs comuneros comme Oscar et Carla T. de la communauté de Las Palmas à Olmué qui comme les 300 autres familles de la communauté doivent s’acquitter dans le sein de la corporation de développement qu’ils ont créé d’une participation (le casco) de 5000 pesos11 par an (15 000 pour ceux qui ne vivent pas sur place) pour l’entretien des sentiers ou des canaux d’irrigation des 3000 hectares de la communauté. A l’intérieur de la communauté, les comuneros, c’est-à-dire ceux dont le nom est inscrit sur le titre de propriété présenté au Conservador de Bienes y Raíces12, jouissent de droits individuels permanents et exclusifs sur une portion de terrain, ici 8 hectares, (c’est le goce singular), de droits individuels temporaires en fonction des besoins de sa famille sur une portion de terrain de la propriété de la communauté (c’est la lluvia) et de droits communs (cueillette, ramassage de bois, élevage extensif,…) sur la partie de la propriété de la communauté sur laquelle n’ont été constituées ni goces singulares ni lluvias. Chaque comunero est dans l’interdiction de vendre plus de la moitié des 8 hectares qui lui ont été confiés.
Quant à la Ciudad Abierta des architectes de la Pontificia Universidad Católica de Valparaíso, ce sont à peu près 240 hectares – mais les limites de la propriété sont encore mal définies- qui appartiennent à la Corporation culturelle Amereida. C’est un terrain comprenant une partie des dunes littorales de Ritoque et de la zone humide de Mantagua qui a été acquis en 1967 pour servir de terrain d’expérimentation et de création artistique à des architectes qui enseignaient et vivaient à Viña del Mar ou Valparaíso. Aujourd’hui que l’urbanisation arrive aux portes de cette réserve de terres et que perdurent en même temps les usages ruraux de certains voisins (pacage de bovins dans la zone humide et de chevaux dans la partie haute) considérés comme une nuisance, la propriété devient l’objet de nombreuses convoitises. Mais aucun des 49 habitants et membres ne peut ni vendre ni louer par principe et aussi car le cadastre précis de la propriété dans son ensemble n’est pas établi.
Ainsi si la propriété privée reste le statut le plus répandu, toutes les situations existent en matière de régime foncier de la location, à la propriété commune en passant par le prêt. Que la plupart des agriculteurs et des éleveurs affirment ne pas vouloir vendre est une chose mais on se rend compte que beaucoup ne peuvent en fait même pas car ils ne sont simplement pas propriétaires de la parcelle qu’ils exploitent ou qu’ils habitent. La vente ne constitue donc pas une opportunité particulière pour les agriculteurs car soit ils ont dû vendre avant la fin des années 90 et le début la flambée des prix n’ayant pas pu résister assez longtemps, soit ils ont résisté malgré tout et refusent de vendre maintenant car ils l’ont fait au prix d’une innovation ou de valeurs personnelles et familiales.
Mes enquêtes de terrain en 2010 rejoignent donc celles de l’économiste A. Peral à Lampa en 1997 qui concluait ainsi « Parallèlement au phénomène de la division patrimoniale, l´effet conjugué de la concurrence internationale, de la sécheresse, de l´interdiction du ministère de la Santé de produire un certain nombre de légumes et le désengagement de l´Etat, ont obligé un certain nombre de producteurs à se dessaisir de leurs terres. Cette offre de terres à alors pu rencontrer la demande émanant du besoin d´expansion urbaine. Une enquête de terrain, menée dans la commune de Lampa13, a montré que les 3/4 des agriculteurs vendent leurs terres progressivement, hectare par hectare, pour résoudre des problèmes financiers, de dettes notamment. Ce qui signifie qu’ils ne vendent pas pour réaliser une affaire, ou pour spéculer. Pour la plupart d’entre eux, le droit à la terre et les titres de propriété ont été obtenu difficilement il y a moins de trente ans lors du processus de Réforme Agraire. Aujourd´hui, malgré les difficultés qu´ils rencontrent les agriculteurs ne souhaitent pas se démunir totalement de leur terre. » (PERAL, A., CHIA, E., 2001).
Dans les communes moins concernées par la Réforme agraire – c’est le cas notamment à Til Til ou à Olmué- subsistent de grandes voire de très grandes propriétés. En effet, la réforme agraire est un mouvement national qui toucha certes prioritairement les campagnes du Chili central historiquement caractérisées par la présence de très grandes propriétés mais pas de façon homogène. L’objectif premier de la Réforme agraire n’était pas de diminuer les inégalités de distribution des terres en tant que telles mais plutôt de donner un nouvel élan au secteur primaire chilien dans un pays devenu majoritairement urbain en 1935 et de le rendre plus compétitif dans le contexte régional. Car, même si certains ont montré que la relation latifundium-minifundium avait une cohérence interne, qui permettait une rationalisation des ressources pour un faible investissement, ce système non compétitif, aboutissait dans le temps, « une économie de stagnation et à une production en diminution sans projet de développement » (B.FALAHA, 1996). La Réforme agraire du gouvernement Frei, se donna alors cinq objectifs fondamentaux : l’expropriation des grands domaines mal gérés, l’octroi d’une aide aux exploitations rentables afin de les stimuler, la mise en place d’un projet d’organisation paysanne, syndicale et coopérative, l’augmentation des salaires et la sécurité de l’emploi dans l’agriculture et la mise en œuvre d’une vaste politique de formation des bénéficiaires de la Réforme agraire, des petits propriétaires et des exploitations de taille moyenne. Partout où les grandes propriétés étaient bien gérées ou plutôt partout où elles n’offraient que peu de potentiel d’être mieux gérées si elles étaient subdivisées en raison de sols agricoles de mauvaise qualité, d’absence d’eau pour l’irrigation dans une région au climat méditerranéen, ou en zone de moyenne montagne donc peu accessible, l’expropriation n’a pas été décidée.
La Réforme agraire est considérée en général comme un échec en raison de sa courte durée d’application, de la mauvaise formation des asentados*, du faible investissement financier du gouvernement et de la Contre-Réforme – ou « Réforme agraire » privatisante -qui a suivi sous le gouvernement militaire et qui a consisté en une privatisation par restitution de la propriété foncière à l’ancien propriétaire ou par la parcellisation des terrains expropriés en faveur des petits agriculteurs, qui accédèrent ainsi à la propriété mais sans la formation nécessaire pour l’exploiter. Ils ont préféré la revendre à ceux qui se portèrent acquéreurs le plus rapidement, c’est-à-dire, à leur ancien propriétaire. Le capital en leur possession à ce moment précis fut cependant vite dépensé et ils redevinrent inquilinos* sur la propriété du patrón.
Ce jalon historique conditionne fortement l’existence des espaces ouverts dans la région centrale car il explique la subsistance de très grandes propriétés à la mise en valeur très extensive dans un contexte métropolitain. Dans la période actuelle de connectivité croissante avec les centres urbains (Route Cuesta La Dormida, Quintero), elles acquièrent un nouvel intérêt notamment pour l’agro-éco-tourisme ou en tant que réserves de terre. La Figure 4 montre d’ailleurs comment dans les quarante ans qui nous séparent de la Réforme agraire, la tendance a été à une augmentation de la part respective des petites exploitations (1 à 5 hectares) et des très grandes propriétés (plus de 100 hectares) au détriment des moyennes exploitations (5 à 20 hectares) ce qui montre l’échec de la réalisation des principes initiaux du mouvement de Réforme agraire.

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Table des matières

Introduction générale
Première partie Les espaces ouverts aux marges de la métropole : diversité des mises en valeur et des modes d’appropriation
Introduction de la première partie
– Chapitre 1 – Les espaces ouverts : ni ruraux ni urbains
– Chapitre 2 – Les espaces ouverts : des espaces pionniers ?
– Chapitre 3 – Des espaces en voie de disparition ou des espaces en voie de production ?
Conclusion de la première partie
Deuxième partie Concurrence et conflits autour, dans, sur et pour l’espace ouvert
Introduction de la deuxième partie
– Chapitre 4 – De l’épaisseur des espaces ouverts
– Chapitre 5 – Valeurs et mises en valeurs des espaces ouverts
– Chapitre 6 – Les espaces ouverts : arènes de la métropole
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie Les espaces ouverts : le cœur de la métropole
Introduction de la troisième partie
– Chapitre 7 – Les espaces ouverts dans la région centrale du Chili : un objet politique ?
– Chapitre 8 – De la parcelle au monde en passant par la région : Une métropolisation par les espaces ouverts ?
– Chapitre 9 – Quelle ouverture pour les espaces ouverts ?
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Annexes
Références bibliographiques

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