LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES

LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES

LES ÉPIDÉMIES

Le terme épidémie est souvent attribué à des phénomènes médicaux ou écologiques qui ont des impacts négatifs notables sur la population humaine, l’économie ou sur l’exploitation des ressources naturelles. L’édition 2011 du Nouveau Petit Robert de la langue française définit une épidémie comme étant une « apparition accidentelle d’un grand nombre de cas d’une maladie infectieuse transmissible; d’un accroissement considérable d’un nombre de cas dans une région donnée au sein d’une collectivité ou encore de l’accroissement du nombre de cas de toute maladie ou phénomène anormal » (Robert et al, 2010).
Du point de vue écologique, les épidémies peuvent être définies comme étant une augmentation explosive de l’abondance d’une espèce sur une période de temps relativement courte (Berryman, 1988). Quoi qu’il en soit, le terme épidémie fait référence à un phénomène positif en ce qui concerne le nombre ou l’abondance mais négatif en ce qui a trait à sa perception ainsi que pour les impacts qui en découlent (O’Neil et Naumova, 2007).
Les épidémies créent souvent un effet de panique chez l’être humain en raison de leurs impacts potentiels sur l’économie ou la société, comme par exemple lors d’une pandémie de grippe. Chez les insectes, les épidémies de sauterelles en Afrique peuvent dévaster les cultures sur de vastes régions, alors que pour les insectes forestiers, leur alimentation sur des arbres peut réduire considérablement le volume de matière ligneuse à intérêt commercial d’une région, d’une province ou d’un pays (MacLean, 1984; Alfaro et Maclauchlan, 1992).
Dans une synthèse des principales hypothèses avancées dans la littérature scientifique pour identifier les facteurs à l’origine des épidémies d’espèces animales, Berryman (1988) a regroupé en sept catégories les théories proposées sur le sujet. Un exercice similaire a également été repris par Abbott et Dwyer en 2007. Ces catégories sont :
1. les épidémies sont causées par des changements dramatiques de l’environnement physique, notamment lors des pics de présence de taches solaires (Elton, 1924; Kerr, 1990; Myers, 1998), suite à la succession de plusieurs étés aux conditions météorologiques favorables à l’espèce – ou
théorie du « climatic release » – (Greenbank, 1956) ou en fonction de différents facteurs environnementaux favorables – ou « environmental forcing » – comme par exemple les températures printanières ou l’abondance des précipitations, notamment l’hiver (Andrewartha et Birch, 1984; Hunter et Price, 1998);
2. les épidémies sont causées par des changements génétiques (Chitty, 1971; Ginzburg et Taneyhill, 1994) ou par les caractéristiques physiologiques de certains individus au sein de la population (Wellington, 1960; Christian et Davis, 1971);
3. les épidémies résultent d’interactions trophiques entre les herbivores et les plantes, ou entre les prédateurs et les proies, en produisant des cycles de populations d’amplitude élevée sous certaines conditions (Lotka, 1925; Volterra, 1926; Nicholson et Bailey, 1935);
4. les épidémies d’herbivores sont dues à des changements qualitatifs ou quantitatifs chez les plantes hôtes, causés habituellement par des stress environnementaux (Mattson et Addy, 1975; White, 1978);
5. les épidémies sont le résultat de stratégies biologiques observées plus communément chez les espèces nuisibles opportunistes (Southwood et Commis, 1976; Rhoades, 1985);
6. les épidémies surviennent lorsque les populations d’espèces nuisibles échappent à la régulation exercée par leurs ennemis naturels (Morris, 1963; Takahashi, 1964; Holling, 1965; Isaev et Khlebopros, 1977; McCann et al, 2000;Maronefa/.,2001);
7. les épidémies surviennent lorsque les populations surpassent les systèmes de défense de leurs hôtes (Berryman, 1982a, 1982b).

LES EPIDEMIES D’INSECTES

Les insectes affectant la production agricole ou forestière se voient fréquemment attribuer l’étiquette de pestes ou d’insectes nuisibles (Berryman, 1986; Wallner, 1987).
Ils peuvent être porteurs de maladies ou de pathogènes, ou bien être des compétiteurs pour l’utilisation des ressources. Toutefois, les effets ou impacts des épidémies d’insectes ne sont pas seulement négatifs. Les épidémies d’insectes indigènes sont des phénomènes naturels qui ont un rôle important à jouer dans la dynamique des écosystèmes (Mattson et Addy, 1975; Romme et al, 1986; Schowalter et al, 1986; MacLean, 1988; Haack et Byler, 1993). Selon leur intensité, elles peuvent entraîner une mortalité importante des espèces d’arbres ce qui peut entraîner une ouverture de la voûte forestière ou entraîner le déclin ou même éliminer ces espèces, jouant ainsi un rôle structurant dans l’écosystème, (Bhiry et Filion, 1996; Ellison et al, 2005, Bouchard et Pothier, 2010). Au bout du compte, ceci peut avoir des répercussions sur tout l’écosystème, tant sur la végétation que sur les populations d’insectes participant à la décomposition de la litière (Eveleighet al, 2007; Cobb, 2010).
Les populations d’insectes nuisibles suivent habituellement des patrons graduels, cycliques ou éruptifs (Berryman et Stark, 1985; Wallner, 1987). Plusieurs espèces d’insectes sont épidémiques, atteignant des niveaux de population très élevés pendant une période de temps relativement courte et causant une défoliation ou une mortalité massive chez leurs espèces hôtes. Les épidémies sont séparées par des périodes, parfois longues, de faible densité d’individus (Varley et al, 1973; Crawley, 1983; Berryman, 1988; Myers, 1988; Logan et Allen; 1992; Abbot et Dwyer, 2007).
Les insectes qui atteignent des niveaux de population épidémiques constituent une faible proportion de tous les insectes phytophages, étant des exceptions plutôt que la règle (Morris, 1964), Parmi ces exceptions, peu d’entre elles ont des patrons épidémiques cycliques. Des 80 espèces épidémiques de lépidoptères de l’Amérique du Nord et de l’Europe, seulement 18 ont une dynamique de population cyclique (Myers, 1993). Que les épidémies soient cycliques ou non, les insectes à l’origine d’épidémies sévères entraînant une mortalité significative de leurs espèces hôtes sont des agents de perturbation importants qui peuvent jouer un rôle clé dans la dynamique forestière; elles peuvent même initier une succession forestière (Holling, 1992).

LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES

De nombreuses études ont été consacrées à la compréhension des cycles épidémiques d’insectes forestiers ravageurs (Biais, 1961, 1983; Haukioja et al, 1983; Royama, 1984, 1992; Berryman, 1986, 1996; Martinat, 1987; Baltensweiler et Fischlin, 1988; Myers, 1988, 1993; Volney, 1988; Larsson étal, 1993; Rossiter, 1994). Bien que les niveaux de populations soient influencés par plusieurs variables, un patron cyclique semble nécessiter la présence d’un ou plusieurs facteurs dominants, comme par exemple des conditions météorologiques particulières, des parasitoïdes en plus ou moins grande abondance, un effet maternel c’est-à-dire une plasticité transgénérationnelle, la propagation des virus, des populations de prédateurs en déclin ou en croissance, des
relations hôtes-insectes particulièrement intenses, une certaine disponibilité des espèces
hôtes (quantité et qualité), etc. (Haukioja et al, 1983 ; Berryman, 1986, 1996; Baltensweiler et Fischlin, 1988). Plusieurs de ces facteurs peuvent interagir de différentes façons et à différents moments et être à l’origine des cycles épidémiques (Myers, 1988).

LE SYNCHRONISME SPATIAL DES ÉPIDÉMIES D’INSECTES

Au cours des deux dernières décennies, l’aspect spatial de la dynamique des populations a retenu de plus en plus l’attention des chercheurs, plus particulièrement la dynamique et les interactions des groupes de populations reliées entre elles (Matter, 2001, Liebhold et al, 2004). Il a été observé que des populations géographiquement distinctes pouvaient fluctuer de façon synchrone (Greenman et Benton, 2001; Haynes et al, 2009).
Le synchronisme spatial est un phénomène courant qui a été étudié chez de nombreux animaux et insectes, dont les insectes forestiers défoliateurs (Mason, 1978; Williams et Liebhold, 1995; Myers 1998, Haynes étal. 2009).
En Amérique du Nord, plusieurs espèces d’insectes défoliateurs montrent un certain synchronisme spatial lors d’épidémies. C’est le cas par exemple de la spongieuse (Lymantria dispar) (Liebhold et al 2000, Abbott et Dwyer, 2008), de la livrée des forêts (Malacosoma disstria) (Huang et al, 2008), la tordeuse du pin gris {Choristoneura pinus pinus) (McCullough, 2000) et la tordeuse des bourgeons de l’épinette {Choristoneura fumiferana) (Williams et Liebhold, 2000; Jardon, 2001). Lorsque ces insectes atteignent des niveaux de population épidémiques simultanément sur de grandes régions, ils peuvent causer des dommages considérables aux forêts.
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer le synchronisme spatial des épidémies, notamment la stochasticité régionale et la migration. Ces deux mécanismes sont les plus généraux et ont fait l’objet de nombreuses études (Régnière et Fletcher, 1983; Williams et Liebhold, 1995; Liebhold et al, 2000; McCullough, 2000; Williams et Liebhold, 2000; Jardon, 2001) et seraient à l’origine du synchronisme observé chez les insectes forestiers défoliateurs. Ils sont expliqués dans les sections qui suivent.

 LA STOCHASTICITÉ RÉGIONALE OU EFFET MORAN

L’hypothèse la plus répandue pour expliquer le synchronisme spatial est que des forces environnementales corrélées engendreraient des fluctuations synchrones de populations distinctes (Mackenzie, 1952; Moran, 1953b; Royama, 1992; Ranta et al, 1995; Haydon et Steen, 1997; Liebhold et al, 2004; Bjornstad et al, 2008). En étudiant le cycle du lynx du Canada, Moran (1953a, 1953b) a.suggéré que des populations locales d’une espèce largement répandue puissent être régionalement synchronisées par l’influence d’une perturbation commune extrinsèque, comme par exemple les conditions météorologiques. Ces oscillations de populations découleraient de perturbations stochastiques et résulteraient de processus intrinsèques dépendants de la densité. Moran (1953b) a été le premier à suggérer que les mécanismes à l’origine du synchronisme
seraient différents de ceux responsables des cycles de populations. Les facteurs à l’origine de la stochasticité régionale, ou effet Moran, peuvent agir de concert rapidement pour synchroniser les fluctuations de populations disjointes (Moran, 1953b; Royama, 1992; Ranta et al, 1997; Myers, 1998). L’effet Moran a été identifié comme étant un facteur important dans le synchronisme d’épidémies d’insectes forestiers (Williams et Liebhold, 1995; Myers 1998; Liebhold étal, 2004).

LA MIGRATION

Le deuxième mécanisme suggéré pour expliquer le synchronisme des fluctuations des populations est la migration. Lorsque des individus émigrent d’une région à densité de population élevée vers des régions adjacentes moins denses, ils synchronisent la dynamique régionale des populations (Barbour, 1990; Holyoak et Lawler, 1996; Sutclife et al, 1996; Swanson et Johnson, 1999; Buonaccorsi et al, 2001). La migration des individus peut également être indépendante de la densité des populations alors qu’une fraction constante de la population migrerait à chaque génération (Ruxton et Rohani, 1999; Ylikarjula et al, 2000). La migration des individus peut avoir lieu sur une brève période de temps, plus particulièrement chez les insectes, car seulement certains stades de développement ont des ailes (Royama, 1984), alors que pour d’autres espèces, la migration est plus intensive durant certaines périodes de l’année (Bjornstad et al, 1999).
Finalement, certaines espèces peuvent migrer de façon continuelle (Ripa, 2000). Il a été
observé que le niveau de synchronisme chez les populations était supérieur après la migration qu’avant la migration (Ripa, 2000) et qu’il y aurait une relation négative entre le synchronisme et la distance de migration (Swanson et Johnson, 1999).

LES ÉPIDÉMIES DE LA TORDEUSE DES BOURGEONS DE L’ÉPINETTE

La tordeuse des bourgeons de l’épinette est un lépidoptère de la famille des Tortricidae dont la distribution naturelle est la même que celle de ses espèce hôtes, c’est à-dire l’épinette blanche (Picea glauca), l’épinette noire (Picea mariana), l’épinette rouge {Picea rubens), le mélèze {Larix laricina) et le sapin baumier {Abies balsamea), son hôte de prédilection et qui est aussi le plus vulnérable à sa défoliation (Biais, 1957,1961; Greenbank, 1963; MacLean, 1984; Harvey, 1985; Martineau, 1985; MacLean et Ostaff, 1989′; Bergeron et al, 1995; Nealis et Régnière, 2004). Les populations de la tordeuse atteignent des niveaux épidémiques approximativement tous les 34 ans dans l’Est du Canada et sont l’une des perturbations naturelles les plus importantes des forêts
boréales de l’Amérique du Nord (MacLean, 1984; Morin et Laprise, 1990; Jardon et al, 2003). Fraver et collaborateurs (2007) ont pour leur part observé un intervalle moyen de 67 ans entre les différentes épidémies de tordeuses survenues dans le nord du Maine, soit le double de l’intervalle observé dans l’Est du Canada. Ces chercheurs suggèrent que les différences entre les types de forêt et la dynamique des peuplements qui leur est associé pourraient expliquer les intervalles plus longs observés dans le nord du Maine.

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Table des matières

RESUME
REMERCIEMENTS v
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ANNEXES
CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1. LES ÉPIDÉMIES
1.2. LES ÉPIDÉMIES D’INSECTES
1.2.1. LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES
1.2.2. LE SYNCHRONISME SPATIAL DES ÉPIDÉMIES D’INSECTES
1.2.2.1. LA STOCHASTICITÉ RÉGIONALE OU EFFET MORAN
1.2.2.2. LA MIGRATION
1.3. LES ÉPIDÉMIES DE LA TORDEUSE DES BOURGEONS DE L’ÉPINETTE
1.4. DYNAMIQUE DES POPULATIONS D’INSECTES FORESTIERS RAVAGEURS AU COURS DE L’HOLOCÈNE
1.4.1. RECONSTITUTIONS DENDROÉCOLOGIQUES
1.4.2. L’APPORT DE LA PALÉOÉCOLOGIE DANS L’ÉTUDE DES ÉPIDÉMIES D’INSECTES
1.5. . IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR LA DYNAMIQUE DES
POPULATIONS D’INSECTES RAVAGEURS
1.6. OBJECTIFS
1.7. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
CHAPITRE 2. VALIDATION OF SPRUCE BUDWORM FECES AS A PROXY TO RECONSTRUCT RECENT INSECT OUTBREAKS
2.1. ABSTRACT
2.2. INTRODUCTION
2.3. STUDY AREA
2.4. METHODS
2.5. RESULTS
2.5.1. RADIOMETRIC ACTIVITY

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