Les enzymes et leur immobilisation

Au cours de ces dernières années, la demande en produits d’intérêt thérapeutique, agroalimentaire ou cosmétique s’est fortement accrue, de même que les exigences en matière de procédés de synthèse respectueux de l’environnement. Dans ce contexte, l’utilisation des enzymes s’est fortement développée. Au niveau industriel, les avantages de leur utilisation malgré leur coût relativement élevé, sont des dépenses énergétiques faibles, des étapes de purification simplifiées, des conditions expérimentales douces, évitant la dégradation des substrats et des produits . Parmi ces enzymes, les lipases sont largement employées aussi bien en milieu aqueux pour l’hydrolyse d’esters, qu’en milieu organique dans des réactions d’alcoolyse et d’aminolyse par exemple. Ces réactions sont effectuées non seulement dans des conditions réactionnelles douces, mais permettent également de conduire le processus avec une grande sélectivité (chimio, régio, et énantiosélectivité) .

Ces biocatalyseurs peuvent présenter, cependant, quelques inconvénients, parmi lesquels leur manque de stabilité et leur réutilisation limitée. Une des méthodes permettant de pallier ces inconvénients est l’immobilisation de l’enzyme sur support solide. Que ce soit par liaison, par réticulation, ou par inclusion, l’immobilisation des lipases vise à leur conférer une bonne stabilité, permettant une réutilisation des enzymes après réaction, et le développement de procédés en continu. Un autre avantage potentiel de l’immobilisation pourrait concerner également l’activité et la sélectivité de la protéine. Les conditions réactionnelles de l’immobilisation et les différentes liaisons de la protéine avec le support peuvent, en effet, avoir un impact sur la conformation de la macromolécule et par conséquent sur le fonctionnement de l’enzyme et particulièrement sur son énantiosélectivité.

C’est dans ce contexte général que s’inscrit notre travail. Il concerne l’étude de l’effet des conditions expérimentales d’immobilisation de la lipase de Candida rugosa sur une résine anionique, l’Amberjet 4200 ClTM , sur l’activité et l’énantiosélectivité de la protéine. L’utilisation de cette résine comme support d’immobilisation n’a, à notre connaissance, jamais été décrite. Ce support présente de nombreux avantages, dont sa large disponibilité, son innocuité, pas de nécessité de traitement préalable et une haute affinité pour les protéines.

Les enzymes

Les enzymes sont des protéines qui allient la capacité de reconnaitre très spécifiquement des molécules au pouvoir de catalyser efficacement leur transformation en composées utiles au métabolisme des organismes vivants. Les réactions chimiques dans les systèmes biologiques se font rarement en l’absence d’enzymes et celles-ci ne favorisent pas seulement une réaction chimique donnée, elles empêchent aussi la présence de réactions secondaires gênantes.

C’est l’efficacité de ces catalyseurs qui a attiré l’attention des chimistes qui ont alors adopté les enzymes pour effectuer leurs réactions. C’est ainsi qu’au cours de ces dernières années, les enzymes se retrouvent dans de nombreux domaines : chimie fine, agro-alimentaire, secteur biomédical, etc.

Généralités

L’enzyme est un biocatalyseur présent dans les organismes vivants. Les enzymes sont de nature protéique, c’est-à-dire résultant de la condensation d’acides α aminés de la série L avec formation d’une liaison amide entre le groupe carboxyle d’un acide aminé. La chaine polypeptidique obtenue se replie sur elle-même grâce à différents types de liaisons, pour donner un édifice tridimensionnel bien défini (fig.1). La diffraction des rayons X sur des cristaux d’enzyme permet de décrire cette structure dans laquelle on distingue une cavité où s’effectue la réaction catalysée par l’enzyme. Cette cavité est appelée site actif, lieu de fixation du substrat .

Selon la réaction catalysée, les enzymes sont classées en six grandes catégories : oxydoréductase, transférase, lyase, isomérase, ligase, hydrolase (lipase, estérase, protéase, amidase, acylase, glycosidase). En ce qui nous concerne nous intéresserons principalement aux lipases car ce sont les enzymes les plus utilisés en synthèse organique. Ce sont des biocatalyseurs peu coûteux, disponibles, faciles à manipuler et à stocker, et leur utilisation ne nécessite pas de cofacteur.

Phénomène mis en jeu dans un cycle catalytique enzymatique

Quelque soit le type de réaction catalysé, un cycle catalytique enzymatique se déroule généralement en quatre étapes :

diffusion des réactifs dans le milieu

reconnaissance enzyme substrat : elle est réalisée grâce à la complémentarité structurale entre le substrat et le site actif.

La formation du complexe enzyme-substrat (E-S) peut s’expliquer soit par le modèle de simple complémentarité stérique, soit par celui de l’ajustement induit. La fixation E-S est réalisée par établissement de liaisons hydrogènes, interactions hydrophobes, et liaisons de Vander Wals. Cette approche du substrat vers l’enzyme, peut induire une modification de la géométrie du site actif pour une meilleure orientation du groupe réactionnel.

mécanisme catalytique 

L’enzyme et son substrat sont associés par diverses forces d’interaction ils constituent alors un ou plusieurs intermédiaires réactionnels instable qui permettent d’abaisser la barrière d’énergie de la réaction et d’aller vers la formation des produits.

C’est la reconnaissance enzyme substrat qui permet le rapprochement de certains groupes fonctionnels et facilite ainsi la rupture et la formation de certaines liaisons du substrat.

Expulsion des produits 

Une fois l’étape catalytique proprement dite effectuée, le produit formé reste transitoirement fixé à l’enzyme par des interactions de faible énergie. Il est en suite libéré pour permettre à l’enzyme de retrouver sa conformation native plus stable.

Dédoublement cinétique enzymatique

Le développement de nouvelles stratégies permettant la préparation de composés énantiomèriquement purs est un enjeu majeur en synthèse organique. La résolution cinétique de mélanges racémiques reste encore aujourd’hui la voie la plus utilisée pour la synthèse de molécules chirales, en particulier à l’échelle industrielle.

Les résolutions cinétiques enzymatiques sont, notamment, très efficaces en terme de sélectivité. Cette méthode permet d’obtenir le compose désiré avec un rendement théorique maximum de 50%. Aux cours de la réaction, les deux énantiomères réagissent avec une cinétique différente, ce qui permet l’énantiosélectivité de la réaction Cette différence de cinétique est la conséquence directe des contraintes structurales imposées par le site actif de l’enzyme. Le gène stérique dont sera “victime” le mauvais énantiomère va entraîner une hausse de l’énergie d’activation de la réaction par rapport au bon énantiomère.

Les lipases

Les lipases sont des hydrolases d’esters carboxyliques et appartiennent à la classe des triacylglycérols acyle-hydrolases (EC3.1.1.3). Ce sont des enzymes largement répandues dans la nature. Elles ont des origines diverses (bactérienne, fongique, végétale, pancréatique, hépatique) et présentent un panel de spécificités de substrat très large par rapport à d’autres classes . Par exemple, la lipase B de Candida antarctica est employée pour catalyser l’acylation d’une grande diversité de substrats tels que les alcools, les amines, les acides aminés, les sucres ou encore des flavonoïdes.  Un autre avantage intéressant est que ces biocatalyseurs ne nécessitent pas la présence d’un coenzyme contrairement à beaucoup d’autres.

Réactions catalysées par les lipases

En milieu aqueux, les lipases catalysent spécifiquement l’hydrolyse de liaison esters dans des systèmes biphasiques, à l’interface entre la phase aqueuse dans laquelle elles sont solubilisées et la phase apolaire constituée par l’ester d’acide gras non solubilisée. Cette réaction constitue la fonction première des lipases dont les substrats naturels sous forme d’émulsion sont les tri-acyles glycérols. Il en résulte la libération de mono-et diacylglycérols, de glycérol et d’acide gras. Cette activité hydrolytique trouve des applications dans de nombreux secteurs industriels comme l’industrie laitière pour la production d’arôme ou dans le traitement des effluents. Dans les milieux pauvres en eau, les lipases catalysent la réaction inverse, c’est-à-dire la synthèse de liaison esters. En fonction de la quantité d’eau libre présente dans le milieu, c’est l’une ou l’autre de ces deux réactions qui se trouve favorisée. La synthèse d’une liaison ester, quelle soit catalysée par une lipase ou par un agent chimique, peut se faire selon trois schémas réactionnels :

– la réaction d’estérification directe entre un acide et un alcool,
– la réaction de transesterification qui regroupe :

– La réaction d’alcoolyse ( ester+ alcool = ester’ = alcool’),
– La réaction d’acidolyse ( ester + acide = ester’ + acide’),

– la réaction d’inter-estérification ( ester + ester’ = ester’’ + ester ‘’).

Dans ce dernier cas, les lipases catalysent la coupure puis la synthèse de liaison esters de façon séquentielle. Le terme estérification fait référence à la réaction entre un acide et un alcool, toutefois les lipases présentent en réalité un spectre de substrats beaucoup plus large et sont capable de transférer un groupe acyle sur des atomes autres que l’oxygène, comme le soufre et l’azote, créant ainsi des liaisons thioesters et amides.

Sélectivité des lipases 

Les lipases sont des catalyseurs très largement utilisés en synthèse organique principalement en raison de leur stabilité et leur activité en milieu organique .De plus elles présentent une grande chimiosélectivité, régiosélectivité, et stériosélectivité.

Régiosélectivité

La régiosélectivité qualifie la préférence d’une enzyme à interagir avec l’un des groupes fonctionnels identiques d’une molécule substrat. Les molécules de type peptide constituent souvent une problématique de régiosélectivité enzymatique lors de leur acylation. Une étude consacrée à l’acylation du peptide modifié L-Phe-α -L-Lys-0-t-Bu a mis en évidence que plusieurs lipases présentaient une régiosélectivité marquée en faveur de la fonction amine en position ε de la lysine plutôt que la fonction amine en position α du phényle alanine . Des observations similaires ont été faites concernant l’acylation da la lysine biocatalysée par la lipase de Rhizomucor miehei (RML) en solvant organique .

Chimio-sélectivité

La chimiosélectivité est la capacité d’une enzyme à interagir préférentiellement avec un groupe fonctionnel donné parmi des groupes fonctionnels distincts. Une étude consacrée à l’acylation enzymatique de la sérinamide, présentant une fonction amine primaire en position α et une fonction hydroxyle sur la chaine latérale, a montré la propriété de chimio sélectivité de la lipase de Candida antarctica immobilisée (Chirazyme ) à catalyser essentiellement l’O-acylation en solvant organique.

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Table des matières

Introduction générale
Première partie
Chapitre 1 : les enzymes et leur immobilisation
1. Les enzymes
1.1. Introduction
1.2. Généralités
1.3. Phénomène mis en jeu dans un cycle catalytique enzymatique
1.4. Dédoublement cinétique enzymatique
1.4.1. Paramètre d’évaluation du dédoublement cinétique enzymatique
1.5. Les lipases
1.5.1. Réactions catalysées par les lipases
1.5.2. Sélectivité des lipases
1.5.2.1. Chimiosélectivité
1.5.2.2. Régiosélectivité
1.5.2.3. Enantiosélectivité
2. Immobilisation des enzymes
2.1. Généralités
2.2. Les techniques d’immobilisation
2.2.1. Immobilisation par liaison
2.2.2. Immobilisation par réticulation
2.2.3. Immobilisation par inclusion
2.3. Comparaison de différentes méthodes d’immobilisation
3. Application des lipases immobilisées
3.1. Accès au S-Naproxène par hydrolyse enzymatique
3.2. Synthèse s’acétate de vitamine E
3.3. Résolution du menthol racémique
3.4. Aminolyse énantiosélective du 2-Chloropropionate d’Éthyle
4. Conclusion
Chapitre 2 : Les plans d’expériences
1. Introduction
2. Présentation de la méthode des plans d’expériences
2.1. Méthode classique
2.2. Méthode de plan d’expérience
2.2.1. Choix d’une méthode d’expérimentation
2.2.1.1. Description de problème
2.2.1.2. Détermination d’objectif d’étude
2.2.1.3. Détermination des réponses
2.2.1.4. Détermination des facteurs et de domaine d’étude
2.2.1.5. La sélection des facteurs
2.2.1.6. L’importance des mesures aux points centraux
2.2.1.7. Choix de plan d’expérience
a – Les plans factoriels complets à deux niveaux
b – Les plans factoriels fractionnaires
c – les plans de la surface de réponse
2.2.3. Analyse de résultats
2.2.3.1. Calculs des effets
2.2.3.2. Analyse des résultats
a – Graphique de comparaison des réponses mesurées est réponse estimée
b – Résumée de la pertinence de modèle (qualité descriptif)
2.2.3.3. La technique d’analyse de variance
a- Test de validation 1
b- Test de validation 2
2.2.2.4. Analyse graphique des résultats
2.2.2.5 Validation de l’hypothèse et recherche de solution au problème
2.2.3. Acquisition progressive de connaissance
3. Conclusion
Deuxième partie
Chapitre 1 : Résultat et discussion
1. Préparation du plan d’expérience
1.1. Description du phénomène d’immobilisation
1.2. Objectif de l’étude
1.3. Détermination des facteurs et domaine d’étude
1.4. Démarche expérimentale
2. Construction du plan de criblage et réalisation des essais
2.1. Matrice des expériences
3. Résultats du plan de criblage et interprétation
3.1. Résultats et collecte des données
3.2. Traitement et analyse statistique des données
4. Plan de Box-Behnken. Résultats et interprétations
4.1. Validation primaire du modèle
4.2. Optimisation de l’énantiosélectivité
5. Comparaison entre l’énantioselectivité de la CRL libre et de celle immobilisée
Conclusion générale
Chapitre 2 : Méthode et matériel
1. Techniques générales
1.1. RMN1H
1.2. Infrarouge (IR)
1.3. Les dosages colorimétriques
1.4. La chromatographie en phase gazeuse chirale
2. Produits chimiques
3. Méthodes
3.1. Préparation des solutions tampons
3.2. Dosage de protéine par la méthode de Bradford
3.3. Immobilisation de la lipase Candida rugosa sur résine
3.4. La réaction de transestérification
Conclusion générale
Bibliographie

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