Les enseignants des classes d’accueil 

Méthodologie

Méthodologie et démarche

Ce chapitre relate la démarche susceptible d’atteindre les objectifs fixés.
Pour obtenir les informations indispensables à notre analyse, nous avons décidé de réaliser des entretiens semi-dirigés avec des personnes clés des structures d’accueil au secondaire 1 et au secondaire 2. Cette méthode de recherche nous a paru pertinente pour plusieurs raisons. Mentionnons, pour commencer, le fait que les classes d’accueil sont relativement jeunes (une vingtaine d’années) et que la plupart des initiateurs de celles-ci y travaillent encore aujourd’hui. Il nous a donc semblé opportun de chercher des informations auprès de ces personnes d’expérience qui ont assisté au développement de ces structures. Nous leur avons laissé, grâce aux entretiens semi-dirigés, la possibilité d’apporter des éléments auxquels nous n’aurions pas forcément pensé de prime abord.
C’est donc une méthode d’enquête de type anthropologique, que nous avons choisie. Nous avons décidé d’adopter une approche qualitative d’exploration où certains éléments émergent au fur et à mesure de nos investigations. Cette méthode permet de décrire et d’analyser notre sujet et, peut-être même, de le modifier par la suite puisque nous sommes des acteurs de notre champ d’études (Genest, 1979).
Nous avons sélectionné les personnes interviewées de manière à pouvoir récolter un maximum d’informations pertinentes dans un laps de temps limité. Les expériences des deux auteurs dans des structures d’accueil ainsi que la littérature spécialisée, certes limitée, sur le sujet viendront également nourrir les réflexions. Il est à relever que, travailler en tandem nous permet d’augmenter l’objectivité de nos propos en bénéficiant d’un double regard analytique sur nos données.
Nous nous sommes également appuyés sur la littérature spécialisée qui, bien que limitée, nous a permis d’établir des comparaisons avec d’autres contextes, en Suisse et à l’étranger et nous a fourni des éléments supplémentaires de réflexion.
Nos questionnaires ont été réalisés sur mesure, en fonction des rôles des personnes interviewées. Nous avons fait en sorte que l’ensemble des sujets qui nous intéressent soit abordé et avons pris en compte certaines étapes d’élaboration des questionnaires préconisées par Robert Mayer et Marie-Christine Saint-Jacques (Mayer & Saint-Jacques, 2000): décider quelles informations nous souhaitons chercher, puis opter pour un type de questionnaire (semi-dirigé), et enfin, rédiger une ébauche, réexaminée et révisée en vue de l’entretien.
Afin de pouvoir exploiter nos données le plus efficacement possible, nous avons trié les informations par catégorie. Comme le relève l’anthropologue Serge Genest (Genest, 1979), « le classement des données par catégories présente l’avantage d’en faciliter la compilation et aussi de combiner ce fichier analytique de notes tirées de l’enquête sur le « terrain » avec celui de notes de lectures ».
Dans une « grille d’analyse » à deux entrées, dont vous voyez les catégories ci-après (tab.1), nous avons croisé les catégories avec les différentes interviews (Annexe 1). Chaque case contient les éléments d’une catégorie présents dans un entretien particulier et les numéros des pages auxquelles se référer. Nous avons retenu 12 catégories réparties en 3 thèmes principaux, i.e. l’accueil, les élèves et les enseignants. Le choix des 12 thèmes a été dicté d’une part par notre question de recherche, et d’autre part, en lisant les interviews nous avons identifiés les thèmes qui revenaient le plus ou qui semblaient les plus pertinents.
Ce mode opératoire est certes fastidieux dans un premier temps, mais il rend plus aisé et rapide l’exploitation des données et la mise en lien avec la littérature lors de la phase de rédaction. Il permet aussi d’intégrer toutes les informations disponibles sans exception. Travaillant à deux, il rend plus commode l’échange d’informations entre chercheurs.

Les personnes interviewées

Nous avons attribué des noms d’emprunt à toutes les personnes interviewées ainsi qu’aux personnes mentionnées dans les cas spécifiques présentés. Ce procédé, annoncé avant nos entretiens aux personnes impliquées, leur donne une plus grande liberté de parole. Nous utilisons dans cette recherche uniquement les passages qui nous paraissent pertinents.
Huit entretiens d’une durée allant de 30 à 70 minutes ont été enregistrés et retranscrits intégralement.

École Obligatoire

Adrienne

Adrienne est enseignante en classe de développement depuis une dizaine d’années. Au début des années nonante, elle a mis sur pieds, à Nyon, une des toutes premières classes d’accueil du canton de Vaud. L’interviewer s’imposait naturellement étant donné son rôle pionnier dans la mise en place des classes d’accueil; rôle très bien décrit dans un long article du journal de la Côte du 11 septembre 1990 (Vultier, 1990) (voir article en annexe).
Après une formation d’enseignante à l’École Normale de Lausanne, Adrienne commence sa carrière dans l’enseignement en 1984. D’abord en classe régulière, puis rapidement elle s’oriente dans les Classes D (développement). Sensibilisée aux problèmes de difficultés d’apprentissage, Adrienne se préoccupe des élèves allophones qui deviennent de plus en plus nombreux. En 1991, avec une autre collègue et l’appui de la direction, elle met sur pieds une première classe d’Accueil pour les élèves allophones du primaire et du secondaire I. Le succès rencontré par ces classes d’Accueil a logiquement débouché sur la création, sur la Côte, d’une réelle structure d’Accueil, quelques années plus tard.

Sylviane

Sylviane est enseignante de mathématiques en classe Accueil depuis 4 ans. Elle a une formation de 3 ans à la HEP (enseignante primaire). Avant de s’orienter vers l’enseignement, elle s’engage auprès du CICR pendant 15 ans, travaillant aux quatre coins du monde.
Sylviane a été choisie pour nos interviews de par son rôle d’enseignante en Accueil et d’enseignante de mathématiques. De plus, son riche passé professionnel « hors enseignement » nous semblait susceptible de jeter un regard différent sur les sujets abordés.
Sylviane dit s’être orientée vers les classes d’Accueil « parce que je connaissais les langues et parce que j’avais vécu dans certains pays. On se disait que je pouvais être plus à même de comprendre d’où venaient ces élèves ». Sylviane précise qu’aucune formation ou expérience particulière d’enseignement ne lui a été demandée : « je n’ai pas réellement eu le choix… ».

Emilie

Emilie est l’actuelle responsable de la structure d’accueil du collège de la région de Nyon. Emilie a été engagée pour la création de cette structure qui avait pour but de réunir les classes d’accueil individuelles qui se mettaient en place dans les collèges, et d’offrir à tous les collèges de la région la possibilité d’envoyer des élèves allophones dans une structure spécialisée regroupant un grand nombre d’élèves.
Le choix d’interviewer Emilie nous paraît pertinent, étant donné son rôle primordial dans la mise en place des structures d’accueil au milieu des années nonante.
Avant de se lancer dans l’enseignement, Emilie a eu un important passé professionnel dans l’industrie chimique, en tant que juriste. En plus de la mise en place de la structure d’accueil qu’elle dirige (à temps partiel), Emilie a toujours maintenu une importante activité d’enseignement dans les classes d’accueil.

Annie

Annie est enseignante au collège depuis plusieurs années. Il y a une année, elle est devenue la responsable du nouveau réseau pédagogique mis en place au collège de Nyon.
Le choix d’interviewer Annie a été motivé par le rôle que joue le réseau pédagogique vis-à-vis de tous les élèves ayant des problèmes académiques, ce qui touche directement les élèves passant par la structure d’accueil.
Après avoir obtenu un diplôme universitaire, Annie a suivi une formation d’enseignante à la HEP, en Histoire et en Italien. Sensible aux problèmes des élèves connaissant des difficultés académiques, Annie décide de se former plus spécifiquement et obtient un CAS dans ce domaine à la HEP Vaud. L’idée de monter une structure d’appui venant en aide à tous les élèves a fait son chemin, et, en 2014, la direction du collège de Nyon donne son accord pour la mise en place d’un réseau pédagogique.

Jean-Louis

Jean-Louis est enseignant au collège de Bex et enseigne à la HEP Vaud. Il a participé à la mise sur pieds des nouveaux modules de formation pour l’enseignement du français langue seconde.
Cette personne nous a été recommandée par Emilie, responsable de la structure accueil de Nyon. Le choix de l’interviewer s’est aussi imposé de par son rôle dans les structures d’Accueil, ainsi que son rôle dans la mise en place de la nouvelle formation HEP pour les enseignants de « Français 2ème langue».
Après une expérience internationale et humanitaire de huit ans comme journaliste au CICR, Jean-Louis décide de retourner en Suisse. Il souhaite alors rester dans un domaine à forte composante « humaniste ». Jean-Louis est au bénéfice d’un titre universitaire en linguistique. En 1998, un peu par hasard, il commence à enseigner dans les classes d’accueil de Nyon. L’année suivante, il obtient son SPES à Lausanne, validant son nouveau statut d’enseignant de français. Il répliquera ensuite la structure de Nyon dans un collège de Bex où il enseigne toujours. Préoccupé par la formation inadaptée des enseignants en contact avec des élèves allophones, il participe avec la HEP Vaud à la réflexion qui mènera, en 2014, à la première formation spécifique pour les enseignants de français pour élèves allophones.

Post-obligatoire

Jeanne

Jeanne est enseignante de français et maitresse de classe en accueil depuis la création des classes post-obligatoires au début des années nonante.
Elle a été retenue, en tant qu’actrice, dès les débuts, de l’histoire des structures d’accueil vaudoises. Elle a collaboré durant l’année scolaire 2012-2013 avec A. Grimm qui était alors enseignant de mathématiques avec les mêmes élèves, parmi lesquels se trouvaient les deux jeunes dont le parcours est analysé : Ali et Dana.
Avant de se consacrer à l’enseignement, Jeanne suit des études de Lettres puis part au Brésil avec son compagnon, réfugié politique en Suisse. Le Brésil est en crise économique et Jeanne est sans papiers. Sans argent, elle rentre en Suisse et enseigne le portugais à l’école club Migros. Elle vit alors un « coup de foudre » pour l’enseignement alors qu’elle s’était dit qu’elle n’allait jamais enseigner, « au grand jamais ». Elle enseigne ensuite le français à des adultes puis rejoint les classes d’accueil post-obligatoires, en tant que remplaçante lors d’un congé maternité. La future mère pense alors à Jeanne qui enseigne déjà le français à des migrants et possède de solides connaissances et expériences des problématiques liées à l’asile.

Pierre

Pierre enseigne les mathématiques en classe d’accueil depuis 1998. Il enseigne également les sciences et le dessin technique. Il est chef de file et répondant d’une unité de 3 classes d’accueil.
Nous avons décidé de l’interviewer pour son expérience de plus de 15 ans dans les structures d’accueil, mais aussi pour sa vision de l’enseignement et du rôle des mathématiques dans le cursus des élèves migrants. Ayant travaillé au sein de l’école obligatoire, il est une source d’informations pertinentes pour appréhender les différences entre les métiers d’enseignant « classique » et d’enseignant « accueil ».
Biologiste de formation (EPFL), Pierre hésite entre la recherche en laboratoire (il s’intéresse alors au développement d’un vaccin contre la malaria) et l’enseignement. Il effectue un « gros remplacement » dans un collège puis s’inscrit au « séminaire pédagogique » (ancêtre de la HEP). Il travaille alors au collège de Bethusy où ont été créées les premières classes d’accueil post-obligatoires (CASPO). Lorsque celles-ci déménagent, Pierre est approché par leur directeur, M. Courvoisier. Connaissant déjà les CASPO et voyant que c’est « une super équipe », il quitte l’enseignement obligatoire et rejoint la jeune structure d’accueil.

Marie

Marie est psychologue conseillère en orientation scolaire et professionnelle à l’OPTI Accueil.
De par sa fonction, son point de vue nous fournit des informations de qualité sur les parcours d’élèves, leurs difficultés dans la mise en place d’un projet professionnel ainsi que leurs représentations du pays d’immigration. Travaillant également avec des élèves de l’OPTI en dehors de l’accueil, elle est à même de nous livrer des renseignements spécifiques sur les deux profils d’élèves, ceux ayant grandi en Suisse et les migrants allophones des classes d’accueil. Elle a suivi Ali et Dana, élèves qui retiendront notre attention dans ce travail.
Diplômée en psychologie du travail, en 2010, Marie trouve un poste de conseillère en emploi à l’Établissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) où elle restera deux ans. Désireuse de continuer à travailler avec des migrants, elle postule à l’OPTI. Elle est engagée d’abord en OPTI Secteur puis rejoint l’accueil à temps partiel (40%).

L’intégration forcée

Dans les années 70, la ségrégation atteignait son paroxysme avec les initiatives populaires anti étrangers (Schwarzembach en 1973) et le nombre d’étrangers ne cessait d’augmenter avec, en plus des Italiens, l’afflux d’Espagnols et l’arrivée des premiers Portugais. Le monde politique commence à se préoccuper de la question de l’intégration des enfants allophones, surtout sous la pression des enseignants mis à rude épreuve. Comment gérer une classe avec des élèves qui ne parlent pas français? Comment enseigner dans une classe où des élèves n’ont jamais été scolarisés auparavant? Il était impératif de venir en aide aux enseignants, s’assurer que la scolarité des autochtones ne soit pas trop perturbée par les nouveaux venus et, enfin, trouver une solution pour scolariser un nombre toujours croissant d’enfants allophones.
Dans les années 70, on continue à pratiquer l’intégration immédiate des élèves allophones dans des classes régulières avec, en parallèle, la mise en place de cours de français intensifs. La priorité absolue est d’apprendre le français. Toute autre considération socioculturelle est laissée de côté. On demande aux parents de ne pas insister sur l’enseignement de leur langue maternelle, celle-ci pouvant constituer un frein à l’apprentissage rapide du français, donc à leur intégration. À l’école comme dans la rue, leur origine, loin de représenter une richesse ou un motif de fierté, était totalement refoulée et représentait un handicap ou une tare, voire une raison d’avoir honte. Nous vivions alors la période de l’assimilation forcée, qui a beaucoup marqué deux générations d’Italiens, d’Espagnols et de Portugais. Devenus entretemps des citoyens suisses, ils représentent aujourd’hui quelque 20% de la population et une grande partie d’entre eux ne parle plus la langue de leurs grands-parents.

Les Classes d’Accueil

Dans les années 90, avec la guerre dans les Balkans, il y a eu une nouvelle vague importante d’immigrants venant de l’Ex-Yougoslavie. Alors que la vague d’immigration en provenance de l’Europe du Sud des années 70 était culturellement assez proche des habitudes et du mode de vie suisse, ces nouveaux immigrants étaient, culturellement parlant, plus éloignés de nos us et coutumes. Cela constituait un obstacle supplémentaire à l’intégration de ces immigrants et à celui de leurs enfants. De plus, du fait d’avoir fui une réalité extrêmement traumatisante, certains de ces élèves avaient des besoins qui allaient bien au-delà du simple apprentissage de la langue. Leur fragilité psychologique devait aussi être prise en considération. Rapidement, l’idée de créer des classes spécifiques pour eux a fait son chemin et les premières «classes d’accueil» dédiées sont apparues.

Les Structures d’Accueil

Les premières classes d’accueil ont connu beaucoup de succès et vu le nombre croissant de candidats allophones, il a été décidé, dans certains collèges, de créer des véritables structures d’accueil avec une équipe d’enseignants dédiée. Les écoles qui ne comptaient pas assez d’élèves allophones pour justifier une structure de ce type ont envoyé les élèves concernés dans les écoles qui disposaient d’une réelle « Structure Accueil ». Celles-ci sont devenues des centres d’accueil régionaux pour les élèves allophones.

Emilie

Cela a été créé par une volonté politique, car toutes les communes qui avaient un certain nombre d’enfants migrants. Je pense il y a 22 ou 24 ans. J’ai le souvenir que c’était en pleine guerre ou un peu avant la guerre du Kosovo, ça doit être la guerre bosniaque. Beaucoup d’enfants qui arrivaient. Et en plus, à Prangins, il y avait un centre de requérants d’asile qui n’existe plus. C’était très déstabilisant, les enseignants ne savaient pas quoi faire avec ces élèves-là. Ils pouvaient être source de problèmes. On avait peu de réponses finalement pour que ces élèves évoluent, s’adaptent et s’intègrent dans la société. On était dans un climat d’éclatement en ex-Yougoslavie et on avait passablement d’enfants qui venaient de la guerre.

L’accueil mixte, accueil sur mesure

Il existe une véritable polémique sur le bien-fondé des structures d’accueil par rapport à une intégration plus directe en classe régulière. Les deux approches coexistent et certaines écoles optent pour une voie intermédiaire consistant à mettre l’élève en classe régulière dès le départ, mais d’organiser certains cours en groupe Accueil pendant la phase d’adaptation et d’intégration. Ces cours en classe Accueil seront dosés selon les besoins de chaque élève.

Jean-Louis 

Ce concept a été remis en question: depuis 5 à 10 ans, on se dit que la langue doit s’apprendre en immersion, et ce en ligne avec l’idée dominante de l’intégration de toutes les différences dans les classes. Beaucoup d’établissements ont alors fermé leurs classes Accueil, alors que d’autres au contraire pensent que dans certains cas il faut absolument maintenir des classes pour permettre aux élèves immigrants de se remettre de leur transition, de mise à jour des connaissances.

Quelle place pour les élèves allophones à l’école ?

De nos jours, la notion d’équité est une valeur de base des systèmes scolaires, aussi bien au niveau cantonal que national, voire européen. Dans une importante déclaration de la CDIP (2003), il est écrit que « l’école assume des missions d’instruction et de transmission culturelle auprès de tous les élèves. Elle assure la construction des connaissances et l’acquisition de compétences permettant à chacun et à chacune de développer ses potentialités de manière optimale ». Nous observons combien les dimensions académiques et d’éducation vont bien au-delà de l’institution scolaire et s’insèrent dans une préparation plus globale bâtie sur les atouts spécifiques de chaque élève. Il y a là une volonté affichée de protéger et soutenir les élèves davantage en difficulté afin qu’ils puissent, eux aussi, atteindre des objectifs « ambitieux » qui exploitent pleinement leur potentiel.
Les élèves allophones font évidemment partie des élèves potentiellement en difficulté. Les études PISA montrent d’une façon récurrente que les élèves issus de l’immigration, et dont la langue maternelle n’est pas le français, ont des résultats scolaires plus faibles, notamment en français et en mathématiques (Gieruc, 2007). Ces deux matières étant fondamentales pour l’orientation des élèves, ces élèves allophones se retrouvent nettement surreprésentés dans les sections les plus faibles (VSO-apprentissage) et accèdent très rarement aux études supérieures.
Se basant sur des conclusions et des directives de la CDIP, les cantons mènent des politiques visant à offrir « l’égalité des chances » pour tous. Les démarches entreprises par les différents cantons sont très variables, et dans certains cas, leur volonté d’affronter cette problématique est clairement affichée, alors que pour d’autres, les mesures prises demeurent timides…
Dans tous les cas, il faut se rendre à l’évidence que ce problème d’intégration est très complexe. Malgré des décennies d’efforts plus ou moins intenses, les écarts sont toujours présents alors que l’immigration est toujours plus importante. Si, dans les années 70, les classes hétérogènes étaient très rares et localisées dans certains endroits bien définis, en 2003, le taux de classes dites hétérogènes (soit plus de la moitié des élèves d’origine non francophone) dépassait 50%, avec une tendance à la hausse. Aujourd’hui, dans l’école obligatoire, la classe hétérogène est la règle et les classes homogènes d’un autre temps n’existent quasiment plus, à l’exception de certaines classes orientées vers le gymnase…

Barrières linguistiques et motivation

La problématique des obstacles linguistiques des élèves allophones est bien décrite par Claire Schiff (2001) dans son article : « Les élèves nouveaux arrivants : obstacles linguistiques et motivation scolaire ». Selon elle, les élèves issus de l’immigration, souvent considérés comme des « élèves difficiles », arrivent la plupart du temps avec un respect et une confiance très grande dans « l’école ». Parallèlement à leur intégration scolaire, ils sont impliqués dans leur intégration sociale. Cette dernière se passe souvent dans un contexte ou environnement dont les codes sont en opposition avec ceux de l’école et ceux de leur culture. Une fois terminée la période « sous protection » des classes d’accueil, ils se trouvent confrontés à deux paradoxes (Schiff, 2001):
Le premier concerne les notes. Elles ne reflètent souvent pas le niveau de leur engagement et de leur progression. Ils sont notés sur la base d’un niveau à atteindre, valable pour tous les élèves, qui ne tient pas compte de leur situation d’allophones. Malgré des efforts et le sentiment qu’ils avancent à un bon rythme, ils enregistrent un retour très décourageant. Leurs mauvais résultats en français seront souvent perçus par les enseignants comme étant liés à un problème culturel ou social, ou même à une insuffisance intellectuelle. Malgré une attitude de départ a priori très positive face à l’école, ils se retrouvent de la sorte, après quelques années, orientés dans les filières les moins valorisantes.
Le deuxième paradoxe auquel ils doivent faire face est lié à l’intégration sociale qui se fait souvent dans un environnement où les codes sont en parfaite contradiction avec ceux de l’école. En effet, il y a une corrélation très marquée entre les élèves allophones et le milieu social de provenance: Une grande partie des élèves allophones font partie des classes sociales les plus basses. De ce fait, ils vivent habituellement dans des quartiers défavorisés, très mélangés, où l’on trouve plus de violence et de petite délinquance que dans les quartiers les plus aisés. Dans cet environnement plus hostile et moins cadré, l’enfant doit trouver sa voie avec des codes et des règles qui ne sont pas celles de l’école. L’élève doit alors faire un choix qui pourra mettre en difficulté son intégration scolaire ou son intégration sociale. En schématisant la situation, il sera un bon élève isolé s’il suit les règles de l’école ou un cancre à l’école mais socialement accepté s’il suit les règles du quartier.

Classes homogènes vs classes hétérogènes

Vincent Dupriez et Hugues Draelants (Dupriez & Draelants, 2004) développent cet aspect en soulevant la question : faut-il essayer de former des classes très hétérogènes dans les écoles, ou, au contraire, faut-il classer les élèves selon leur niveau et obtenir des classes plus homogènes ? Cette question se pose depuis fort longtemps, depuis que l’éducation s’est élargie à une frange toujours plus large ne nos sociétés.
Encore aujourd’hui, cette problématique suscite bien des débats sans que l’on puisse trancher d’une façon claire.
L’idée de base en faveur de la création de classes homogènes, selon le niveau des élèves, est qu’en procédant ainsi, l’instruction devient plus efficace, l’enseignant pouvant adapter son cours à un type de public sans devoir s’imposer une laborieuse différentiation qui freinerait la classe.
On peut alors supposer que ce type d’enclassement par niveaux est une réponse organisationnelle à la question des groupes d’élèves hétérogènes.
Néanmoins, plusieurs études et spécialistes ne sont pas de cet avis, et soulignent que cette approche comporte des « effets pervers ». En effet, il y a toujours un effet de dérive des ambitions des élèves réputés plus faibles, avec une nette baisse des objectifs académiques, voire professionnels. On accentue ainsi fortement la corrélation entre le niveau social et les résultats scolaires: nous nous trouvons alors en parfaite contradiction avec les objectifs d’intégration sociale.
De plus, selon les études de Gamoran (1995, cité par Dupriez & Draelants, 2004, p.147), la qualité des interactions entre les enseignants et les élèves fait partie intégrante du processus d’apprentissage, et tout ce qui va à l’encontre de la richesse de celle-ci pénalise d’autant l’apprentissage lui-même.
De même, Crahay (2000, cité par Dupriez & Draelants, 2004, p.157) affirme que constituer des classes homogènes n’apporte rien à l’apprentissage, bien au contraire, cela ne ferait que favoriser les élèves les plus forts en accentuant leur avance sur les plus faibles, en amplifiant ainsi les différences individuelles. Un processus en contradiction avec le principe d’égalité. Ireson et Hallan (2001, cité par Dupriez & Draelants, 2004, p.158) ajoutent que les classes hétérogènes sont préférables pour favoriser l’égalité des chances des élèves, pour une meilleure harmonisation sociale en encourageant des comportements coopératifs, pour réduire la compétition qui règne dans les classes de niveau, et enfin, pour conduire les enseignants à tenir compte des différences d’aptitudes et d’intérêts des élèves.
Dernier aspect concernant les classes homogènes ou hétérogènes: les enseignants sont habitués à travailler avec des groupes plutôt homogènes, et le passage à une approche « groupe hétérogène » rencontre souvent des difficultés, voire des résistances.

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Table des matières

Introduction 
1. Problématique 
2. Méthodologie 
a) Méthodologie et démarche
b) Les personnes interviewées
3. Les structures d’accueil 
a) Réflexions sur la problématique de l’accueil
b) Politique prônée par la CDIP
c) Evolution des structures d’accueil
d) Tendances et analyses
4. Le métier d’enseignant en classe d’accueil 
a) Profils d’élèves allophones
b) Les enseignants des classes d’accueil
c) Didactique: le cas des maths
d) Gestion de classe
Conclusion 
Annexe 1 
Annexe 2 
Résumé et mots-clés

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