Les enjeux relevés par les coworking spaces en termes de mobilité, de dynamisme et de société

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Les enjeux relevés par les coworking spaces en termes de mobilité, de dynamisme et de société

Anne Aguiléra, chercheuse au Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT), a écrit de nombreux textes sur les coworking spaces depuis leur apparition, elle contraste bien ses propos en fonction de ses périodes d’écriture. En 2008, elle stipule que dans de nombreux cas, les espaces de coworking ont été implantés dans des lieux de passages. L’usage des lieux publics à des fins professionnelles, devenant ainsi des espaces de travail sur des durées courtes, répondent directement à des enjeux d’optimisation du temps lors des déplacements professionnels.
Actuellement, certains de ces espaces de transit tels que les gares, sont devenus des espaces de réunions et des lieux de rencontres. Ainsi, leur rôle dans la chaîne de déplacements ne se limite plus à l’échange mais à être une destination « professionnelle » locale avec un rôle dans les dynamiques de quartier. (Perrin et Aguiléra , 2016). L’implantation de coworking space dans des tiers-lieux (comme les gares), « vise une meilleure organisation des déplacements domicile-travail, et une « compensation » de l’éloignement aux lieux d’emploi pour ceux qui résident dans le périurbain et le rural. » (Perrin et Aguiléra, 2016 : 2).
Une réponse aux enjeux territoriaux et de mobilité peut être vue dans les espaces de coworking (Jarry, 2015). Ces derniers, pouvant potentiellement être implantés n’importe où, pourraient à terme permettre une réduction des déplacements pendulaires (Lecomte, 2014), permettant également pour les actifs, de travailler et de vivre au sein d’une même zone. En ce sens, les coworking spaces devraient se développer à différentes échelles de manière à former un maillage du territoire, ce qui profiterait également au développement de l’économie locale. (Jarry, 2015). Dans cette même logique d’implantation d’espaces de coworking aux différentes échelles territoriales, Anne-Flore Jarry voit les coworking spaces comme des contributeurs de l’aménagement durable, permettant une réduction des déplacements domicile-travail et ainsi une gestion économe du territoire.
Le professeur Ignasi Capdevila, considère même qu’en répondant à des enjeux de mobilité, les coworking spaces contribuent au renforcement du lien social. En effet, la principale raison influençant le choix de travailler dans un espace de coworking dépend directement de la proximité avec le lieu d’habitation des coworkers. Ainsi, un intérêt pour une localisation peut amener des coworkers de différents horizons à travailler ensemble. Dans ce sens, Capdevila voit les coworking spaces comme des « tiers-lieux », espaces de socialisation à l’échelle locale, contribuant à la cohésion sociale.
Selon les auteurs Julie Perrin et Anne Aguiléra, les coworking spaces ont des enjeux différents en fonction de leur lieu d’implantation. La plupart des coworking spaces implantés sur des territoires périurbains et ruraux sont autant d’atouts pour la population active de ces zones et pour les acteurs locaux. Premièrement, pour la population locale, cela réduit les déplacements domicile-travail. « Il s’agit de permettre aux actifs employés dans un pôle urbain de rester travailler tout près de leur domicile une ou plusieurs fois par semaine, tout en étant connectés à leur entreprise via les outils numériques. » (Perrin et Aguiléra, 2016 : 3-4). Deuxièmement, ces espaces de coworking permettent de redynamiser démographiquement ces territoires. Ainsi, les projets d’espaces de travail partagés sont souvent soutenus ou mis en œuvre par les pouvoirs publics (Perrin et Aguiléra, 2016).
Dans cette même lignée, Anne-Flore Jarry stipule que par l’avenir « les communes plus éloignées des grandes villes de la région pourraient abriter des espaces de travail partagés considérés comme des lieux structurants et de proximité. » (Jarry, 2015 : p16). L’auteur souligne également le rôle que les acteurs publics ont à jouer dans l’implantation de coworking spaces aux différentes échelles territoriales. En réponse aux enjeux de redynamisation des zones périurbaines et rurales, les collectivités devraient envisager le maillage territorial avec des coworking spaces comme un véritable levier, et ainsi soutenir et inciter la création de ces espaces. Dans son guide réalisé à l’échelle du Pays de Brest, Anne-Flore Jarry voit dans les coworking spaces une forme de créativité collaborative et solidaire. « Ils proposent une nouvelle forme de travail qui favorise les dynamiques collaboratives, les échanges et les initiatives citoyennes » (Jarry, 2015 : 2).
Certains auteurs comme Luc Gwiazdzinski, assimilent les coworking spaces à de « nouvelles configurations conviviales » au sens d’Ivan Illich (1973) renforçant « l’autonomie de chacun » et permettant « d’accroître le champ d’action de chacun sur le réel » voire de constituer un « bien commun » (Gwiazdzinski, 2015). La Ruche, coworking Parisien, est un exemple concret du rôle social et sociétal que peut jouer un tel lieu. Ce dernier s’efforce d’allier productivité, créativité et aspect social par différents biais (Fabbri et Charue-Duboc, 2016) :
– Tenter de construire les organismes de demain (entreprises d’investissement responsable …).
– Viser des modes de vie plus durables (projets de gestion des ressources naturelles …).
– Penser un monde moins inégal (solutions pour faciliter l’insertion professionnelle de populations éloignées du marché de l’emploi …).
Pour Capdevila, les coworking spaces sont de véritables atouts pour renforcer le lien social, mais cela ne se fait pas automatiquement. Le principal levier est l’implication de multitude d’acteurs avec l’organisation d’événements ouverts au public de la part des coworking spaces. Ces événements représentent un moyen de développer une large communauté, intéressée par des thèmes spécifiques, outrepassant les frontières de l’espace de coworking (Capdevila, 2015). Ces événements contribuent
à agrandir la communauté interne de professionnel, en y intégrant des personnes de l’environnement extérieur. Dans son étude «Coworking spaces and the localized dynamics of innovation. The case of Barcelona », Capdevila a réalisé de nombreuses analyses sur des coworking spaces de Barcelone et son agglomération. Un des directeurs de ces lieux interrogés livre un témoignage montrant les intentions et ambitions sociétales de certains de ces espaces à l’échelle des quartiers : « We do not want neither a closed space nor a public space. But we wanted the citizens to participate. […] we want to leave our footprint in the neighborhood. We organized an event with more than 2000 visitors. We want to improve the district’s life » (interview with manager of space C, cité par Capdevila, 2015 : 14).

Une démarche hypothetico-déductive appliquée au Centre-Val de Loire

Cette étude a pour but d’analyser si un coworking space peut être un levier d’attractivité et de dynamisme dans un quartier. Nous réalisons cette recherche à l’échelle de la Région Centre-Val de Loire.
Pour répondre à la problématique de recherche, il a été nécessaire dans un premier temps de collecter les données sur l’ensemble des coworking spaces de la Région Centre-Val de Loire. Les données ont été ainsi collectées pour chacun de ces sites selon des critères communs préalablement définis comme par exemple des données sur le quartier d’implantation, l’accessibilité au coworking space, son mode de gouvernance et les personnes à l’initiative du projet. Ainsi, avec cette base de données il est facile de constater l’importance qu’une ville ou qu’un quartier peut avoir dans le choix d’implantation d’un coworking space. Cette base de données permet également d’avoir les caractéristiques de base pour chacun des sites et ainsi pouvoir les comparer grâce aux critères communs établis. En plus, des critères généraux permettant une meilleure connaissance des coworking spaces, les données collectées étaient orientées de manière à apporter une réponse directe à nos hypothèses. Par exemple, des critères de mobilité étaient relevés tels que ceux concernant l’accessibilité aux coworking spaces. Concernant l’hypothèse d’attractivité de l’espace de coworking, des données générales sur le quartier et l’organisation d’événements ouverts étaient également des éléments identifiés dans notre base de données.
Une fois cette étape réalisée, nous nous sommes intéressés à deux cas d’études. Le premier cas d’étude est « Cowork’In Bourges » à Bourges et le second est « La Cantine Numérique Bêta » à Tours. L’analyse de ces deux cas d’études a été permise grâce à des entretiens semi-directifs avec les responsables de ces deux sites. Le but de ces entretiens était de connaître le rôle des coworking spaces en termes de dynamique de quartier et de réduction des déplacements au travers du point vue des gestionnaires. Interroger les dirigeants permet également de savoir quels rôles ont eu et ont les acteurs publics dans ce type de projet.

Sélection des terrains pertinents : entre inventaire exhaustif et contrainte de temps

Notre première démarche de travail a été d’étudier les coworking spaces dans leur ensemble, pour comprendre au mieux leur fonctionnement et spécificités. L’étape suivante fût logiquement de territorialiser notre étude. En conséquence, notre étude s’est déroulée sur trois échelles : le cas général dans notre état de l’art, puis l’échelle régionale et pour finir, l’échelle du coworking space lui-même. Nous avons délibérément choisi la Région Centre-Val de Loire comme terrain d’étude pour trois raisons principales, sous les conseils de notre tutrice D. Leducq. Premièrement, cette région est celle où nous étudions depuis trois ans et nous avons, par ailleurs, une bonne connaissance de ce territoire. Deuxièmement, contrairement à des régions abritant de grandes métropoles comme l’Ile-de-France ou la Région Rhône-Alpes, la Région Centre-Val de Loire disposent uniquement de villes moyennes comme Orléans, Tours, ou encore Bourges. Enfin, les enjeux urbains accompagnant la création de coworking space dans ces villes sont à définir puisque l’apparition des coworking spaces dans ces villes est plus récente que dans les métropoles Parisienne ou Lyonnaise (par exemple) et donc moins renseignés.
Dans le cadre de notre étude, nous avons donc sélectionné deux coworking spaces implantés dans des villes et des quartiers différents ; le « Cowork’in Bourges » à Bourges installé dans un quartier d’affaire et « La Cantine Numérique Béta » à Tours situé dans un quartier sensible. Il nous a semblé intéressant de traiter ces deux espaces dans le but d’étudier les enjeux urbanistiques qu’ils induisent à l’échelle de la ville et de l’agglomération.
Le « Cowork’In Bourges » est un espace de coworking créé en 2015 à Bourges dans le Cher (18). Ce coworking space a la spécificité d’être implanté dans un nouveau centre d’affaire dans le centre-ville de Bourges. Ainsi nous avons choisis d’étudier ce lieu pour savoir s’il avait un rôle de dynamiseur dans ce nouveau quartier. Cet espace est donc installé dans un quartier vivant de la ville, disposant de nombreux lieux culturels, d’éducation (écoles, lycées) et commerces. C’est un quartier peu dense de Bourges où les habitants disposent d’un revenu annuel légèrement supérieur à la moyenne communale soit 25 200€/an pour ce quartier contre 24 000€/an à Bourges.
Concernant l’espace « Cowork’in Bourges » en lui-même, le site a pour origine une initiative entrepreneuriale privée lancée par cinq initiatrices venant de domaines d’activités différents (journalisme, assistance sociale et assistance administrative) ne désirant plus travailler à leur domicile. Elles ont donc décidé de se rassembler pour créer un espace de coworking qui aujourd’hui présente une superficie de 120m2 accueillant environ 51 membres (2016). Ce lieu dispose de bureaux individuels et d’un open space avec de nombreuses aménités mises à disposition des coworkers (wifi, cuisine, salle d’événement). Au sein de cet espace, des événements réguliers sont aussi organisés pour les coworkers mais également pour le grand public.
« La Cantine Numérique Bêta » s’inscrit dans un ensemble de startups et associations dédiés à l’innovation technologique. Comme beaucoup d’espace de travail partagé, il est important d’étudier « La Cantine du Numérique » dans son ensemble avec l’environnement qui l’entoure. A première vue, son implantation dans un quartier peu dynamique économiquement de Tours (quartier Sanitas), ainsi que ses horaires de bureau (9h-17h30), pourraient assimiler « La Cantine Numérique Bêta » à un espace peu dynamique. Mais lorsque l’on se renseigne, cet espace est au contraire extrêmement dynamique étant donné son écosystème et les échanges qu’ils entretiennent. En l’occurrence, cet espace héberge 150 événements par an, dédiés au numérique, à l’innovation et à l’entreprenariat. Ces événements sont organisés par la start-up associative d’entreprises innovante « PALO ALTOURS », spécialisée dans les technologies numériques. Ces événements jouent un rôle direct dans le dynamisme de la Région Centre-Val de Loire puisqu’ils visent à « promouvoir les start-ups et mutualiser des ressources » mais également à « diffuser la culture du numérique et favoriser l’émergence de projets individuels ou collectifs en Touraine et plus largement en région Centre » (www.paloaltours.org, 2017).
Cet aspect de dynamisation est la principale raison justifiant le choix de ce coworking space. La deuxième raison est sa localisation géographique dans la ville. Le choix d’étudier un coworking space dans un quartier défavorisé de Tours est délibéré. En effet, nous verrons dans notre étude si la dynamique de cet espace s’étend ou peut s’étendre à l’échelle du quartier Sanitas, et ainsi jouer un rôle social et sociétal, ou si au contraire aucune interaction n’est effectuée.

Analyse comparée : choix et réalisation d’une grille d’indicateurs

D’après nos hypothèses émises, différents indicateurs sont ressortis à savoir :
– La localisation, fait référence à la situation géographique des coworking spaces au sein des différentes villes de la Région Centre-Val de Loire. Cet indicateur permet notamment de constater la densité de ces espaces à différentes échelles, c’est-à-dire dans les agglomérations à l’échelle de la région et dans les villes à l’échelle des agglomérations.
– Le temps évalue la distance entre le coworking space et le lieu de résidence du coworker.
– Le mode de déplacement (en transports en commun, à pied, en vélo, en voiture) indique si le lieu est bien desservi par les transports en commun ou s’il est facile d’accès.
– Les événements ouverts au public évaluent l’implication d’un coworking space à favoriser l’attractivité du quartier ou de la ville. Par le biais de cet indicateur et par le recensement des personnes présentes dans ces événements, nous pouvons connaître si ces démarches fonctionnent.
– Le degré d’implication permet de connaître le rôle que joue les acteurs publics et le mode d’implication nous renseigne sur la façon dont les acteurs publics décident de s’impliquer (aide économique, location de locaux, achat d’équipements…).

Description et fiabilité des données utilisées

Les données de la base des coworking spaces en Centre-Val de Loire proviennent principalement des sites internet de ces espaces et d’articles parus dans les journaux locaux. En ce qui concerne les données manquantes, celles-ci sont souvent les horaires, la mise à disposition de café à volonté, le nombre de poste de travail, de coworkers et à l’équipe de management présents sur les lieux. Ainsi, il aurait été nécessaire de contacter par téléphone les coworking spaces dont la base de données est incomplète afin de poursuivre le travail, continuer d’acquérir des données fiables et utiles à la poursuite de nos recherches et analyses.
Pour réaliser les cartographies, les données utilisées (contours administratifs, réseaux routier et ferré) proviennent de l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière, plus connu sous le nom de IGN. C’est un établissement public qui produit, entretien et diffuse des informations géographie de référence en France. Les données sont sous forme vectorielle dans des bases données topographique propres à chaque département appelé BP TOPO suivi du numéro du département. Ces données sont mises à jour régulièrement, pour notre cas, elles datent de 2015 ce qui justifie leur utilisation.
Une fois les fonds de cartes réalisés, nous leurs avons intégré les coordonnées GPS de chaque coworking space. Nous avons utilisé les coordonnées GPS noté en degré décimaux (DD) composé de deux chiffres, le premier représente la latitude du lieu et le second sa longitude. Ces coordonnées sont disponibles sur Google Maps en entrant l’adresse d’un lieu dans ce cas précis les coworking spaces. Ainsi, chaque coworking space a sa propre latitude et longitude permettant de les localiser avec précision sur les fond cartes de la BD TOPO.
Nous avons écrit la trame de nos entretiens pour compléter la base de données et pour pouvoir répondre à la problématique de cette recherche et à ses hypothèses. Les entretiens avec les dirigeants de « Cowork’in Bourges » et la « Cantine Numérique Bêta » ont été enregistrés et retranscrits intégralement. Ainsi, aucune information ne peut être oubliée et chaque détail des entretiens peut être analysé.

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Table des matières

Problématique
1. L’émergence récente des coworking spaces, un lieu de vie et de travail dédié à l’innovation .
1.1. Origines des espaces de travail partagé : de la notion de « tiers-lieu » à celle du coworking
1.2. Concept de coworking space : plus qu’un lieu de travail, un lieu de vie ?
1.3. Les enjeux relevés par les coworking spaces en termes de mobilité, de dynamisme et de société
2. Méthodologie et présentation des coworking spaces étudiés
2.1. Une démarche hypothetico-déductive appliquée au Centre-Val de Loire
2.2. Sélection des terrains pertinents : entre inventaire exhaustif et contrainte de temps
2.3. Analyse comparée : choix et réalisation d’une grille d’indicateurs
2.4. Description et fiabilité des données utilisées
3. L’urbanité des coworking spaces : un levier d’attractivité et de dynamisme équivalent dans un quartier « sensible » et dans un nouveau quartier ?
3.1. Motivations et conséquences de la localisation
3.2. L’implication du Conseil Départemental, de l’agglomération et de la commune
3.3. Le rôle des coworking spaces au sein des quartiers.
3.4. Les coworkers et leur rapport avec le quartier et la ville
Conclusion
Références

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