LES ENJEUX ETHIQUES DE LA RECONNAISSANCE CHEZ AXEL HONNETH

La confiance en soi comme apport psychologique de la relation d’amour

   Dans son ambition d‟expliquer le mobile des conflits sociaux par les attentes déçues de reconnaissance, Axel Honneth montre que la satisfaction de l‟exigence de reconnaissance intersubjective est devenue un principe fondamental pour la stabilité sociale tout comme la satisfaction des besoins matériels relatifs à la survie des différents membres d‟une société. Dans cette logique, il lui faut donc nécessairement montrer comment du point de vue théorique (philosophique) et scientifique (psychologique), l‟homme serait prêt à mettre sa vie en jeu pour la reconnaissance de certaines de ses attentes normatives. A cet effet, Honneth est obligé de montrer la valeur de l‟apport psychologique normatif voire émotionnel que l‟homme acquiert dans chaque sphère ou forme de reconnaissance. C‟est dans ce sens que Honneth va présenter la sphère de l‟amour comme étant la première forme de reconnaissance, et la ῝confiance en soi ῞ comme la relation pratique à soi que l‟individu acquiert en faisant l‟expérience d‟une telle relation affective. Notre analyse donc, nous impose la question de savoir : pourquoi l‟amour est présenté comme la première forme de reconnaissance ? Comment l‟amour permet-il à l‟individu d‟éprouver une confiance en soi ? Dans le sens d‟apporter des réponses à ces précédentes questions, Honneth va d‟abord essayer d‟apporter des preuves théoriques (philosophiques) puis empiriques (scientifiques) justifiant l‟amour comme première forme de reconnaissance et la confiance en soi comme le sentiment psychologique qu‟il permet à l‟individu d‟éprouver. À ce titre, pour apporter une justification théorique à la véracité d‟un tel fait, Honneth s‟inspire du Hegel d‟Iéna, qui, dans son Système de la vie éthique, commence par donner la sphère de réalisation ou de développement de l‟esprit subjectif. Sur ce, il évoque le travail comme activité instrumentale permettant à l‟esprit humain de se développer, dans le sens où, avec le travail nait l‟œuvre, et, que par cette dernière, l‟individu découvre « qu‟il n‟est pas seulement capable de constituer la réalité sur un plan catégorial, mais que le contenu comme tel existe par le moi » . Dans cette optique, Hegel montre tout l‟apport positif qu‟apporte le travail, dans le développement de l‟esprit humain. En ce sens Honneth dit, à la compréhension de Hegel « Dans le produit de l‟action instrumentale, l‟intelligence parvient à cette conscience de son faire qui devait lui rester interdite aussi longtemps qu‟elle n‟entretenait avec le monde qu‟un rapport cognitif ».Ainsi, ajoute Honneth « […[ dans le résultat du travail, l‟esprit subjectif se découvre comme un être capable de se contraindre lui-même à exercer une activité. C‟est pourquoi Hegel, en se résumant, parle aussi du travail comme d‟une expérience de “me-faire-chose” ».

Le respect de soi comme apport psychologique de la relation  juridique

   Une fois, que Honneth eu terminé de démontrer l‟amour comme première forme de reconnaissance et la confiance en soi comme la relation pratique à soi que l‟individu éprouve en faisant l‟expérience d‟une telle relation, il va maintenant essayer de répondre à la question de savoir : sur quelles bases peut-on se fonder pour établir que le droit est la deuxième forme de reconnaissance et que le respect de soi est la relation pratique à soi qu‟il offre à l‟individu ? Pour répondre à cette question, Honneth montre que la relation affective, vu son caractère restreint causé par son identification au cadre familial qui est trop limité, ne permet pas à l‟individu de se saisir voire de se découvrir comme une personne juridique. Dans ce sens, il s‟inspire encore une fois de plus de Hegel, qui lui, malgré le progrès que la relation amoureuse marque dans le processus de formation de la conscience individuelle par rapport à l‟activité instrumentale, ne tarde pas à montrer ses limites et la nécessité de son dépassement pour l‟individu car dit-il, avec la nature d‟une telle relation, l‟esprit n‟atteint pas la connaissance de soi en tant que personne juridique. Et cela parce qu‟au sein du cadre familial, le sujet n‟a pas conscience du rôle que certains droits mutuellement garantis auront à jouer dans l‟ensemble de la vie sociale. C‟est à cet effet qu‟Honneth nous dit « […] ces  différentes formes de développement de l‟amour ne représentent déjà en elle-même, pour Hegel, un champ d‟expérience dans lequel l‟esprit subjectif pourrait apprendre à se concevoir comme personne juridique ». A la lumière de ces précédents propos, nous notons la nécessité de l‟élargissement de la sphère du développement de la conscience individuelle. En ce sens, nous dit Honneth « la relation de reconnaissance de l‟amour apparait elle-même, du point de vue des conditions de formation de la personne juridique, comme un champ d‟expérience insuffisant ».Cette insuffisance est due selon Hegel au fait que dans l‟espace familial « l‟esprit subjectif ne se trouve pas fondamentalement dérangé par des conflits susceptibles de l‟obliger à réfléchir aux normes universelles de réglementation des échanges sociaux, or s‟il n‟a pas conscience de telles normes d‟interaction universalisées, il n‟apprendra pas non plus à se comprendre lui-même comme une personne dotée de droits intersubjectivement reconnus ». Dans cette optique, nous dit Honneth, Hegel est contraint, une fois de plus, d‟élargir le processus de formation du sujet. Sur ce, il inclut une dimension pratique dans la relation du sujet avec le monde. Pour un tel élargissement, nous dit Honneth, Hegel « prend à nouveau appui, dans la construction théorique de la Realphilosophie, sur le principe d‟une “lutte pour la reconnaissance” ». Ainsi, Hegel recourt, dit Honneth, au model d‟une “lutte pour la reconnaissance “ qui sera introduite promptement sous la forme d‟une critique de la doctrine hobbesienne de l‟état de nature. Pour se faire, Hegel va s‟opposer d‟après Honneth à « […] l‟idée d‟un état primordial de guerre de tous contre tous ». Hegel va présenter, l‟individu, dans un milieu qui a trait avec la situation sociale décrite dans l‟état de nature théorisé par Hobbes, d‟une manière très nuancée ; dans ce sens nous dit Honneth « Hegel le replace dans un environnement social qui présente au moins en apparence toutes les caractéristique de la situation décrite par la théorie de l‟état de nature ». Ainsi, Hegel va essayer de trouver une transition à l‟individu pour lui permettre de quitter le cadre familial pour celui de la société du droit afin d‟élargir le champ de la formation de la conscience individuelle. Ceci, s‟explique par le fait que, la formation de la conscience individuelle requiert une sphère beaucoup plus large que celle de la famille. En ce sens, nous dit Honneth, « la totalité familiale est, d‟une manière pour ainsi dire analytique, mise en présence d‟une série d‟autres identités similaires, produisant une première forme de coexistence sociale. Dans la mesure où, chacun de ces familles vivant côte à côte doit “accaparer une parcelle de terre” pour l‟intégrer à son “bien” économique, elle exclut nécessairement une autre famille de l‟exploitation commune de la terre ». A cet effet, pour Hegel, si on en croit Honneth, le passage au contrat social apparait comme une nécessité pratique et, non comme un acte de l‟esprit luimême. Une telle conception est très différente de celle de Hobbes pour qui, c‟est par une nécessité théorique que les individus quittent l‟état de concurrence réciproque des familles et débouchent sur l‟établissement d‟un contrat social. A cet effet, c‟est la transition toute trouvée, par Hegel, pour maintenant entrer dans la sphère de l‟Etat de droit par la constitution du “contrat social“. Pour mieux rendre compte de ce passage, Hegel, nous dit Honneth, va se poser la question suivante « comment les individus, dans une situation sociale marquée par des rapports de concurrence mutuelle, parviennent-ils à l‟idée de “droit” et de “devoir” intersubjectifs ». A cette question, nous dit Honneth, Hegel va répondre d‟une manière très différente, par rapport aux réponses données par Hobbes tout comme celles données par Kant et Fichte. Dans cette optique, pour Hobbes, nous dit Honneth, la conclusion du contrat découlerait d‟un calcul de la raison humaine alors que pour Kant et Fichte, une telle conclusion est présentée comme un postulat de la morale. Toutefois, pour mettre en exergue un tel passage permettant de quitter la situation concurrentielle pour celle du droit, Hegel dira, mentionne Honneth, « le droit est la relation de la personne dans son comportement avec l‟autre_ l‟élément universel de son être libre_ ou la détermination, la limitation de sa liberté vide. Cette relation ou limitation, je n‟ai pas à la faire surgir ou à l‟apporter, mais l‟objet est lui-même cet acte de produire le droit en général, c‟est-à-dire la relation qui reconnait ».

Exclusion juridique et lutte sociale pour la reconnaissance

   Comment l‟expérience du mépris peut-elle entrainer, au sein de la relation juridique, une lutte sociale pour la reconnaissance ? Pour répondre à cette question, Honneth va d‟abord montrer, avec des arguments théoriques, comment le mépris ou le déni voire l‟exclusion peut pousser, la personne qui la subie, à la violence. Sur ce, il s‟appuie sur Hegel, pour qui, dans la relation juridique, « les sujets se reconnaissent mutuellement comme porteurs d‟une légitime revendication de propriété et s‟établissent ainsi en propriétaires. ». Ainsi, Hegel va partir du ῝droit de propriété῞ que la relation juridique garanti à l‟individu, pour expliquer comment le mépris ou l‟exclusion juridique entraine l‟individu dans une confrontation violente avec un autre qu‟il considère comme une entité ignorante de ses attentes normatives. À cet effet, nous notons qu‟avec le ῞droit de propriété῝, impliquant l‟accaparement par une seule personne d‟une ou de certaines parcelles de terre apprivoisées par tous, née une frustration due au sentiment d‟exclusion (de non reconnaissance) découlant de l‟interprétation cognitive que le sujet, exclu de telles terres, fait de la situation. Une telle exclusion (privation à la terre) crée des perturbations au niveau des rapports de coexistence sociale entre la personne propriétaire et la personne spoliée ; ceci provoque, chez la personne privée de l‟accès à la terre, une action violente de révolte. Dans cette optique, Hegel, nous dit Honneth, utilise le terme de ῝destruction῞ pour désigner l‟ensemble des ῞actes criminels῝ que la personne spoliée pose pour rappeler à la conscience de son partenaire qu‟elle n‟a pas été prise en compte dans son dessein d‟accaparer un ῞bien commun῝. À ce titre, Honneth nous dit que « la destruction sans but est dirigée contre ῝ l‟abstraction des esprits cultivés῞ ». Sur ce, on peut comprendre que le crime est motivé par un défaut de reconnaissance ; parce que, d‟après Honneth « le mobile profond du criminel résiderait alors dans le fait que, à tel niveau de développement des rapports de reconnaissance mutuelle, il ne se trouve pas reconnu de manière satisfaisante. ». Dans le même sillage, consistant à montrer le mobile de l‟acte criminel comme action de révolte visant la destruction de l‟objet spolié, mais motivée seulement par le désir de reconnaissance ; Honneth nous dit que « le sujet, atteint dans sa personne, ne peut réagir adéquatement qu‟en se défendant activement contre son agresseur. Cet ῞effet en retour῝ du crime sur son auteur, sous la forme d‟une réaction de défense de la part de la victime, constitue dans l‟ensemble du processus la première série d‟acte que Hegel désigne expressément par le concept de ῝lutte῞.». Et cela, parce que nous dit Honneth, on n‟y voit « s‟engager entre deux ῞personnes῝, c‟est-à-dire entre deux sujets porteurs de droits, une lutte dont l‟objet est la reconnaissance de leurs exigences respectives et divergentes. ». Pour mieux étayer explicitement la motivation singulière à chacun des partenaires dont il question dans cette lutte, c‟est-à-dire la différence motivationnelle entre spolié et spoliateur, Honneth, à propos de la personne spoliée, nous dit que « l‟un provoque l‟affrontement en voulant déployer librement sa propre subjectivité » ; alors que, dit-il « l‟autre se défend en demandant que les droits de propriété soient respectés dans la société ». À ce propos pour lui : « Si le sujet cherche en vain une confirmation chez son vis-à-vis, il ne peut retrouver une compréhension de lui-même ratifiée, sur le plan intersubjectif qu‟en essayant de faire ce que son partenaire lui a fait auparavant : il doit viser ῝non plus à instaurer son être-là, mais son savoir de soi, c‟est-à-dire à devenir reconnu῞ ». Dans cette même lancée, Honneth, parlant toujours de la personne victime de la destruction, nous dit que « à la différence de son partenaire, cependant, il ne lui suffit plus de se rappeler pour ainsi dire au souvenir de l‟autre par un acte de provocation ; il lui faut au contraire démontrer que l‟offense ne tient pas tant à la destruction de l‟objet même qu‟il possédait qu‟à la mauvaise interprétation de ses motivations. Or il ne peut en convaincre son adversaire que s‟il lui montre, en étant prêt à s‟engager dans une lutte à mort, que la légitimité de ses exigences lui importe plus que son existence physique ».

Reconnaissance et intégration économique

   Pour essayer d‟établir le lien implicatif qui existe entre reconnaissance économique et intégration sociale afin de démontrer que la reconnaissance par opposition au mépris est un facteur de stabilité sociale, il nous faut analyser la question de savoir : comment la reconnaissance économique permet à un groupe social de mieux s‟imprégner dans la dynamique économique d‟une société donnée ? À cet effet, Honneth nous dit « pour pouvoir agir comme une personne moralement responsable, l‟individu n‟a pas seulement besoin d‟être protégé par la loi contre les empiétements qui menacent sa sphère de liberté, il faut aussi que la loi lui assure la possibilité de participer au processus de formation de la volonté publique, possibilité dont il ne peut cependant faire effectivement usage que s‟il est en même temps assuré d‟un certain niveau de vie. ». De ce propos, nous comprenons que pour une meilleure intégration sociale de l‟individu, la reconnaissance juridique à elle seule ne suffit pas car il importe par ailleurs que ce dernier soit prise en compte dans la redistribution des biens économiques afin qu‟il puisse s‟assurer du minimum vital pour sa survie, condition sine qua non de sa participation sociale. Dans cette logique, Honneth ajoute que « le sujet, quand il se trouve reconnu juridiquement, n‟est plus seulement respecté dans sa faculté abstraite d‟obéir à des normes morales, mais aussi dans la qualité concrète qui lui assure le niveau de vie sans lequel il ne pourrait exercer cette première capacité. ». Dans le souci de donner une explication à ce précèdent propos de Honneth, nous pouvons citer John Rawls qui parlant des droits sociaux (de la reconnaissance économique) en plus des droits civil et politique que l‟on doit assurer à l‟individu, nous dit que « Le gouvernement garantit un minimum social soit sous la forme d‟allocations familiales et d‟assurance maladie et de chômage, soit, plus systématiquement, par un supplément de revenu échelonné (ce qu‟on appelle un impôt négatif sur le revenu). ». Donc à travers ce propos, rawlsien nous comprenons que l‟individu, afin qu‟il puisse mieux s‟intégrer socialement, en plus d‟une reconnaissance juridique, doit aussi jouir d‟une prise en compte de sa singularité dans la répartition sociale des biens économiques de sa communauté, faute de quoi une stabilité sociale ne saurait être possible. À cet effet, afin de justifier la tension sociale que l‟exclusion dans la répartition économique de certains individus ou groupes sociaux, peut entrainer, Honneth nous montre que les droits sociaux qui garantissent la redistribution équitable des biens sociaux découlent de certaines luttes sociales de ceux qui se sentaient auparavant privés de certains de leurs droits relatifs à la justice distributive, pour parler comme Rawls. Sur ce, Honneth nous dit que « Cette catégorie de droits (droits sociaux) fondamentaux est notamment sortie de la lutte menée dans certains pays, au XIXᵉ siècle, […] ce sont des revendications d‟égalité de cet ordre qui donnèrent naissance […] _ du moins dans les pays occidentaux qui adoptèrent le modèle de l‟État-providence _ à cette nouvelle classe de droits sociaux qui devaient garantir à chaque citoyen les moyens matériels d‟exercer tous ses autres droits. ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE: L‟APPORT PSYCHIQUE DES DIFFÉRENTES FORMES DE RECONNAISSANCE CHEZ L‟INDIVIDU (LES BESOINS PSYCHOLOGIQUES MOTIVATIONNELS DE LA LUTTE POUR LA RECONNAISSANCE) 
1)La confiance en soi comme apport psychologique de la relation d‟amour
2)Le respect de soi comme apport psychologique de la relation juridique
3)L‟apport psychologique de la communauté de valeur : l‟estime de soi
DEUXIÈME PARTIE : LES CAUSES SOCIALES DE LA LUTTE POUR LA RECONNAISSANCE
1.Le mépris
2.Exclusion juridique et lutte sociale pour la reconnaissance
3.Exclusion sociale et lutte sociale pour la reconnaissance
TROISIÈME PARTIE :LES EFFETS DE LA RÉINTERPRÉTATION DES PRINCIPES DE RECONNAISSANCE
1.Reconnaissance/ interprétations et intégration juridique
2.Reconnaissance et/ou Intégration sociale (économique et culturelle)
2.1 Reconnaissance et intégration économique
2.2Reconnaissance et/ou intégration culturelle
3.Les problèmes éthiques de l‟extension des principes de reconnaissance
3.1 Les problèmes éthiques de la parité élective intégrale
3.2 Les enjeux éthiques et/ou bioéthiques de l‟avortement volontaire
3.3 Les problèmes éthiques de l‟homoparentalité, de la transparentalité et de la transsexualité
3.3.2 Transparentalité et transsexualité
3.3.3 Les conséquences de la transsexualité du parent sur son enfant
3.3.4 Les conséquences de la transsexualité d‟un individu sur son partenaire
3.3.5 Les effets de la transsexualité sur les mœurs publiques
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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