Les enfants et le raisonnement scientifique

Les enfants et le raisonnement scientifique

La science: une activité de pensée

La culture scientifique englobe la compréhension des phénomènes naturels et scientifiques ainsi qu’une certaine démarche de pensée qui caractérise l’activité scientifique. Ce sont les attitudes générales (mettre en doute, s’étonner, s’interroger) que l’on pense ainsi favoriser. Pour Giordan (2007), la priorité n’est plus d’enseigner les sciences pour elles-mêmes, mais au travers des sciences et des techniques, d’introduire chez l’apprenant une « disponibilité, une ouverture sur les savoirs, une curiosité d’aller vers ce qui n’est pas évident ou familier »8. S’approprier des
démarches de pensée prend alors une place prépondérante. Charpak, Léna et Quéré (2005) mentionnent que « la science nous apprend à penser bien autant qu’à connaître» (p. 43). Charpac (1996) valorise le rôle du raisonnement en sciences:
« Le raisonnement scientifique offre un puissant moyen d’accroître les capacités de réflexion, d’argumentation et de jugement des enfants»
Ainsi, le raisonnement joue un rôle crucial dans le changement conceptuel en sciences puisqu’il mobilise un ensemble complexe d’habiletés cognitives et métacognitives telles que l’inférence, la formulation d’hypothèses, l’évaluation de l’évidence et l’autocontrôle des stratégies cognitives (Kuhn, Amsel et O’Loughlin, 1988). Le développement et la consolidation de telles habiletés requièrent une quantité considérable d’exercices et de pratiques (Zimmerman, 2007).
Les compétences scientifiques forment la pierre angulaire de la formation de l’esprit scientifique et leur développement préoccupe plusieurs chercheurs qui œuvrent dans différents domaines tels que la didactique des sciences, la psychologie et la philosophie. Les travaux de Piaget et de ses successeurs au sujet du développement de la pensée chez l’enfant, les réflexions épistémologiques de Bachelard et les recherches actuelles en psychologie cognitive et en neurosciences sont des exemples qui démontrent la pérennité de l’étude de la cognition en apprentissage des sciences. Le déploiement de telles initiatives justifie l’importance de faire la lumière sur l’activité de pensée en apprentissage des sciences et ce, principalement chez lesenfants.

Les enfants et la science

L’importance d’initier les élèves à la pensée scientifique dès leur jeune âge a été discutée par de nombreux chercheurs. Quéré (1999) affirme que « l’objectif assigné à l’école primaire est d’ouvrir les enfants aux réalités du monde, de les habituer à raisonner et d’affermir ainsi leur esprit» (p.27). Genzling (1996) assure qu’il est important d’enseigner les sciences (physiques) à l’élémentaire pour plusieurs raisons:[ … ] pour répondre aux questions spontanées des élèves, pour favoriser l’acquisition d’attitudes critiques (accepter de mettre en doute ses affirmations et celles des autres, accepter les confrontations de points de vue, affirmer ou contredire avec des arguments), pour favoriser le développement de l’enfant et ses progrès sur le plan de la pensée, pour développer des compétences de représentation et de symbolisation et des conduites opératoires, et pour éviter de laisser s’installer des représentations (ou conceptions) difficiles à modifier plus tard. (p. 271-272)
Ce dernier point qu’est la persistance des conceptions dites « erronées9 » a initié les études sur le changement conceptuel chez plusieurs chercheurs (But Y et Cornuéjols, 2002; diSessa, 1988; Giordan, 2002; Posner, Strike, Hewson et Gertzog, 1982; Strike et Posner, 1992; Vosniadou, 2008). Ainsi, malgré les efforts faits pour améliorer l’éducation scientifique et développer les compétences scientifiques, plusieurs auteurs ont relevé la manifestation de certaines difficultés chez les jeunes élèves. Selon Vosniadou (2008), « les jeunes élèves manifestent un manque de pensée critique, une fragmentation des connaissances et des conceptions erronées persistantes » (p. 4). Chi (2005) a constaté que des élèves de niveau secondaire possèdent encore des croyances robustes et consistantes. De plus, malgré l’enseignement scientifique, les élèves conservent leurs conceptions initiales et les associent parfois aux nouvelles informations reçues pour former un modèle mental
synthétique (Vosniadou, 2007a). Les idées initiales, qu’elles soient fausses ou élaborées, sont stables, robustes et résistantes à l’instruction puisqu’elles sont ancrées dans une expérience quotidienne construite au fil des ans.Des auteurs ont observé certaines manifestations des limites de l’expérience de la pensée logique chez les élèves. Pour Astolfi, Peterfalvi et Vérin (1998/2006), les élèves du primaire, lors des expérimentations, traitent une variable à la fois et n’ont pas le sens de la preuve. À ce sujet, Vosniadou (2003) rapporte que du point de vue des enseignants, les élèves ne savent pas comment tester une hypothèse; ils acceptent une explication sans en faire l’évidence; ils basent leur explication sur ce qu’ils voient;  ils ne ressentent pas le besoin de vérifier pourquoi les choses se produisent ainsi.
Plusieurs chercheurs ont relevé chez les élèves une certaine confusion entre la théorie et l’évidence (Carey et Smith, 1993; Kuhn et al., 1988; Smith, Maclin, Houghton et Hennessey, 2000); ils en concluent que leur vision de la science découlerait d’une épistémologie naïve. Smith et al. (2000) décrivent la difficulté des élèves : «En reconstituant les preuves observées et les théories proposées, ils [les élèves] avaient tendance à aligner les deux, plutôt que de reconnaître les différences qui se sont produites. [ … ] ils étaient généralement incapables d’indiquer quel modèle de preuves pourrait infirmer leurs théories JO » (p. 351). Kuhn (1962/1983) avait déjà relevé un
sens de la preuve défaillant chez les élèves: «Mais les étudiants en science acceptent les théories à cause de l’autorité de leur professeur et des manuels et non à cause des preuves» (p. 118).
Bon nombre d’élèves manifestent un manque de confiance en leurs habiletés et effectuent une moindre utilisation de stratégies cognitives (CMEC, 2004). De plus, ils démontrent un manque d’engagement cognitif et d’investissement réel dans les tâches proposées. Ces derniers éléments relèvent de leur intentionnalité, c’est-à-dire de leurs croyances et de leurs désirs face à leurs apprentissages.Malgré ces difficultés cognitives et celles liées à l’intentionnalité, tous les élèves possèdent un potentiel d’apprentissage. Leurs conceptions initiales, plus ou moins organisées, constituent la base des changements conceptuels. La présente recherche mise sur les compétences des élèves et sur la richesse de leurs raisonnements afin de contrer ces obstacles de l’apprentissage.

Les enfants et le raisonnement scientifique

À l’instar de Huang (1931), cette étude vise à comprendre l’enfant qui apprend et à procéder à une description qui n’est pas normative. À l’aide d’une série d’expériences, ce chercheur avait démontré que l’enfant n’accepte pas une raison «magique» et qu’il cherche spontanément une explication.
Notre intention n’était pas de savoir si l’enfant est en mesure de donner la bonne réponse ou à quel âge il peut le faire, ou encore comment il peut l’aborder. En fait, dans la plupart des expériences, l’explication acceptée comme « correcte » était naturelle et atteinte à travers l’expérience quotidienne uniquement, sans sophistication académique spécifique. Nous étions intéressés, au contraire, à ce que l’enfant pense à propos de la matière. L’étude a été purement descriptive et non normative ».Des études plus récentes sur les caractéristiques cognitives de l’enfant ont aUSSI démontré qu’il est un penseur actif capable d’investigation et d’argumentation (Brown, 1983; Flavell, 1992; Houdé, 2004/2009). Ce besoin naturel de comprendre chez les enfants atténue les contraintes épistémologiques relevées précédemment. La nature paradoxale et la complexité de la pensée justifient la pertinence de cette étude sur la cognition enfantine. Les limites cognitives liées à [‘observation première (Bachelard, 1934/1967) et relevées par les enseignants de sciences contrastent avec la curiosité naturelle et la capacité argumentative des jeunes élèves.
Pour Weil-Barais (2004), l’idée selon laquelle les enfants ou les adolescents ne réussissent pas en sciences parce qu’ils manquent de logique est «un lieu commun qu’une connaissance sommaire de l’œuvre de Piaget vient renforcer» (p. 193). En effet, Piaget (1924/1978) admettait que «l’activité logique n’est pas toute l’intelligence» (p. 163). Selon lui, «les deux fonctions essentielles de l’intelligence, celle d’inventer des solutions et celles de les vérifier ne s’entraînent pas nécessairement l’une l’autre: la première participe de l’imagination, la seconde seule est proprement logique» (p. 163). La part imaginative de l’apprentissage en sciences est rapportée par Catellin (2004): «La logique d’investigation est une logique exploratoire qui réserve une part importante à l’étonnement et à l’imagination dans la formation des idées».
Cette étude, axée sur la capacité d’inférence et d’invention des enfants, vise à
dépasser les contraintes liées à l’égocentrisme de la pensée enfantine, au réalisme intellectuel, au syncrétisme et à l’incompréhension des relations relevés par Piaget (1924/1978) ainsi que les obstacles épistémologiques tels l’animisme ou l’artificialisme décrits par Bachelard (1934/1967). Les tendances ludiques de la pensée enfantine enrichissent le processus d’apprentissage des enfants.Entre 4 et 12 ans, c’est l’âge d’or de la curiosité, c’est «l’apprentissage en attendant de recevoir l’expérience» 12. À cet âge, les enfants sont «gourmands de sciences» (Charpak et al., 2005, p. 59). Or, cette étude, menée à l’âge crucial du développement de la pensée scientifique, vise à examiner la dualité de la pensée subjective et objective manifestée chez les jeunes élèves lors de leurs raisonnements en classe de sCiences.

 Une stratégie cognitive féconde: le raisonnement analogique

Le raisonnement hypothético-déductif ne constitue pas l’unique stratégie cognitive en apprentissage des sciences. Le processus itératif qu’est le changement conceptuel se caractérise par de multiples phases de travail inductif et déductif (Hewson, Beeth et Thorley, 1998). Deux dimensions cognitives se conjuguent: la pensée convergente, associée à la rigueur déductive et la pensée divergente, créative et productive (Astolfi et al., 1998/2006) associée à l’induction. Pour le philosophe des sciences Bunge (1975), l’inférence analogique comporte une puissance inventive essentielle dans la découverte scientifique. Le raisonnement analogique nécessite de faire une
abstraction, c’est-à-dire d’inventer une propriété nouvelle.Le mode de raisonnement analogique consiste à utiliser des algorithmes présentant des ressemblances et des dissemblances entre deux situations différentes. Ce processus s’opère de deux façons: d’abord, l’utilisation spontanée de l’analogie est une pratique courante quand on aborde un domaine nouveau (Richard, 2004); elle s’établit spontanément et intuitivement sans recourir à un cadre explicatif pour en justifier la pertinence (Legendre, 2005). En second lieu, ce mode de raisonnement peut être provoqué par des contextes choisis tels que la modélisation (Martinand, 1992, 2002; Treagust, 1993), la résolution de problèmes isomorphes (Holyoak et
Thagard, 1989) ou la schématisation (Clément, 2006; Gadgil, Nokes-Malach et Chi, 2012; Orange,1997).Le raisonnement analogique est un puissant instrument d’inférence pouvant servir à analyser un domaine nouveau, à élaborer des hypothèses probables. Il constitue une stratégie cognitive d’élaboration (Derry, 1989). Fréquent chez les enfants du primaire (Jakobson et Wickman, 2007; Laliberté, 1995), ce mode de raisonnement se veut une aide cognitive (Gentner, Holyoak, et Kokinov, 2001) et il recèle un fort potentiel didactique (Holyoak, 2005; Vosniadou, 2008). Il est une « forme puissante de raisonnement» (Nersessian, 1999, p. 20) et peut initier le changement conceptuel (Appleton, 2007; Duit, 1991; Gadgil et al., 2012; Venville et Treagust, 1999;
Vosniadou et Schommer, 1988).

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ
ABSTRACT
IN »TRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1.1 La culture scientifique
1.2 La science : une activité de pensée
1.2.1 Les enfants et la science
1.2.2 Les enfants et le raisonnement scientifique
1.2.3 Une stratégie cognitive féconde : le raisonnement analogique
1.3 Le changement conceptuel
1.3.1 Le modèle de Pintrich
1.3.2 L’engagement cognitif, l’affect et les croyances épistémiques
1.4 Le contexte didactique
1.4.1 La cognition distribuée
1.4.2 L’exploration scientifique
1.4.3 La flottaison
1.5 Conclusion
Questions de recherche
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL
2.1 La cognition distribuée
2.2 Le changement conceptuel intentionneL
2.2.1 L’intentionnalité
2.2.2 De la théorie de l’esprit à l’épistémologie personnelle
2.2.3 Les croyances épistémiques
2.2.4 Les émotions cognitives
2.3 Le raisonnement
2.3.1 La logique mentale: défmition et limites
2.3.2 Le point de vue psychologique
2.3.3 Le polymorphisme du raisonnement
2.3.4 Le raisonnement analogique
2.4 Conclusion
CHAPITRE III Méthodologie
3.1 L’orientation épistémologique de la recherche
3.2 La cognition distribuée
3.3 L’observation
3.4 Le changement conceptuel
3.5 Les croyances épistémiques ou l’épistémologie personnelle
3.5.1 Le questionnaire
3.5.2 L’entrevue
3.5.3 La méthode de la réflexion parlée (think-aloud)
3.5.4 La stratégie multirnéthodologique
3.6 Le raisonnement analogique
3.6.1 La catégorisation des analogies
3.7 L’opérationnalisation et l’instrumentation de la méthodologie retenue
3.7.1 L’échantillonnage
3.7.2 La séquence d’enseignement-apprentissage
3.7.3 Le questionnaire sur l’épistémologie personnelle
3.7.4 Les observations enregistrées et filmées
3.7.5 Le carnet de sciences
3.7.6 Les entretiens individuels
3.8 L’analyse des données
3.8.1 L’analyse des résultats du questionnaire
3.8.2 Les dessins du test Dessine-moi un scientifique
3.8.3 L’analyse de contenu
3.9 Conclusion
CHAPITRE IV ANALYSE DES DONNÉES
4.1 L’épistémologie personnelle
4.1.1 Le questionnaire sur les croyances épistémiques
4.1.2 Les dessins du scientifique
4.2 Le raisonnement analogique
4.2.1 Les réponses des carnets scientifiques
4.2.2 Les raisonnements et le changement conceptueL
4.3 Les corrélations entre l’épistémologie personnelle et les types de raisonnement
4.4 Les données complémentaires
4.4.1 Les entretiens individuels
4.4.2 Les séquences vidéo
4.5 Conclusion
CHAPITRE V DISCUSSION
5.1 Les questions de recherche
5.1.1 La première question de recherche
5.1.2 La deuxième question de recherche
5.1.3 La troisième question de recherche
5.2 L’épistémologie personnelle
5.3 Le changement conceptuel
5.4 Le raisonnement
5.5 La flottaison
CONCLUSION
APPENDICE A
QUESTIONNAIRE SUR LES CROYANCES ÉPISTÉMIQUES (traduit
et adapté de Conley et al., 2004)
APPENDICE B Consignes pour la passation du questionnaire individuel sur les croyances
épistémiques destiné aux élèves de 2e et de 3e cycles du primaire
APPENDICE C Canevas pour l’entretien individuel
APPENDICE D
Certificat d’éthique de la recherche
RÉFÉRENCES

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