Les élèves surdoués

Les élèves surdoués

Les élèves surdoués

Le terme « surdoué » apparait en 1959 dans le « Manuel de psychiatrie de l’enfant » de Julian de Ajuriaguerra pour désigner un enfant « qui possède des aptitudes supérieures qui dépassent nettement la moyenne des capacités des enfants de son âge » (Wahl, 2017, p. 8). Depuis, d’autres termes sont également utilisés : intellectuellement précoce, haut potentiel (HP), haut potentiel intellectuel (HPI),… Dans les pays anglophones, on parle de « gifted children » (enfants doués). Cependant, cette vision des choses est très ancienne, Gould (1983) démontre en effet qu’elle remonte à Platon. Les psychologues et médecins qui ont écrit des livres sur le sujet (E. Winner, J.-C. Terrassier, A. Adda, J. Siaud-Facchin,…) se basent sur des observations empiriques pour établir des listes de caractéristiques permettant d’identifier ces enfants. Les éléments qui ressortent le plus souvent sont, selon Tinoco (2014) : « des capacités également hors normes dans des domaines qui n’ont apparemment rien à voir (artistiques, sportifs ou affectifs), un fort désir d’autonomie, une hypersensibilité, une nécessité de revenir constamment à des questionnements universels ou existentiels, une très faible résistance à l’ennui, une propension à l’hyperactivité, une propension à un fonctionnement psychique cyclique alternant euphorie et dépression, des difficultés de socialisation, des troubles de l’apprentissage » (p. 59).

Ce catalogue peut parfois prêter à confusion et certains comportements peuvent être associés à des pathologies diverses : trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité, trouble du spectre autistique, bipolarité, dépression, trouble du comportement, dyslexie,… En plus de cette approche purement descriptive, les auteurs s’accordent pour diagnostiquer un enfant surdoué ou HPI si son quotient intellectuel (QI) est égal ou supérieur à 130 sur l’échelle de Wechsler. Ce nombre de 130 correspond à deux écarts-types au-dessus de la moyenne (100), par symétrie au seuil de déficience intellectuelle situé à 70, soit deux écarts-types au-dessous de la moyenne. Cela représente 2,2% de la population. Le seul élément consensuel est donc l’utilisation d’un test de mesure standardisé de l’intelligence. Ces tests ont été créés au début du XXème siècle au pour détecter les enfants dont l’intelligence était trop basse pour suivre une scolarité ordinaire. Mais est-il vraiment possible de mesurer l’intelligence, et de quelle intelligence parle-t-on ?

Qu’est-ce que l’intelligence ?

Le concept d’intelligence a fait l’objet de nombreuses définitions qui varient historiquement et selon les cultures. Selon le dictionnaire, il s’agit de « l’ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle » (Robert, 1993). Le généticien Albert Jacquard (1991) la définit comme « l’ensemble des activités cérébrales qui nous permettent d’imaginer, comprendre, garder en mémoire, aimer, raisonner,… » (p. 143). Au cours du XXème siècle, deux théories s’affrontent : pour la psychologie de la forme (Gestalt), le cerveau contient des structures innées sur lesquelles s’ajoutent les connaissances ; pour le behaviorisme, les connaissances sont acquises au contact de l’environnement. Piaget propose une théorie constructiviste qui tient compte à la fois de l’inné (le sujet) et de l’acquis (son environnement). Selon lui, l’intelligence se construit au travers d’un processus d’adaptation entre les structures mentales et le monde extérieur. Il organise alors l’évolution de la pensée de l’enfant selon différents stades de développement qui ont leur structure logique propre, dans une progression du concret vers l’abstrait.

On reproche cependant fréquemment à Piaget d’avoir négligé l’influence du milieu social et culturel sur le développement de l’enfant (Fournier, 2006). Aux Etats-Unis, suite aux travaux de Thorndike dans les années 20, le psychologue Howard Gardner a popularisé dès 1983 le concept d’intelligences multiples, selon le principe de facultés indépendantes les unes des autres. Il distingue une intelligence logico-mathématique, une intelligence verbolinguistique, une intelligence spatiale, une intelligence intrapersonnelle (celle de l’introspection), une intelligence interpersonnelle (celle du rapport aux autres), une intelligence corporelle, une intelligence musicale, une intelligence naturaliste (celle qui permet de classer son environnement) et une intelligence existentielle (celle qui ouvre aux interrogations existentielles) (Gardner, 1997). Il n’y a actuellement pas de consensus quant à la définition de l’intelligence, car c’est un concept qui regroupe une multitude d’attitudes, d’aptitudes et de capacités. Les psychologues ont néanmoins tenté de la mesurer à l’aide de tests.

La mesure de l’intelligence

En 1884, l’anthropologue anglais Francis Galton invente les premiers tests, basés sur des mesures anthropométriques afin de décrire les variabilités psychologiques entre les individus et montrer que cette variabilité est d’origine héréditaire. Il donne ainsi un crédit scientifique à des préoccupations eugéniques. En 1905, le ministère de l’instruction publique français demande au psychologue Alfred Binet de réaliser une échelle métrique de l’intelligence afin de repérer les élèves qui pourraient bénéficier de l’enseignement spécialisé. Binet s’associe au médecin Thomas Simon pour créer une échelle psychométrique visant à un diagnostic rapide d’arriération, en comparant les performances de l’enfant à celles de sa classe d’âge. Le test « Binet-Simon » a inspiré la plupart des tests dits « d’intelligence » qui lui ont succédés, dont les tests de Wechsler (WISC) actuellement utilisés, et a conduit à l’invention du Quotient Intellectuel (QI), soit le rapport de la performance d’un sujet au test (âge mental) sur la performance moyenne pour son âge (âge chronologique). Les tests évaluent surtout la forme d’intelligence qui est nécessaire pour réussir à l’école, la composante logico-abstraite, ainsi que la maîtrise de la langue courante.

De ce fait, ils restent de bons prédicteurs de l’échec ou de la réussite scolaire, ce qui était l’objectif de Binet, mais il faut garder à l’esprit qu’ils n’indiquent que la performance de la personne testée au test, à un moment précis, et non « l’intelligence ». Les tests de mesure de l’intelligence ont suscité de vives critiques car ils tentent d’asseoir les différences entre individus sur une base biologique ou génétique. Gould (1983) dénonce la « forte tradition occidentale consistant à ordonner des éléments apparentés sous une forme hiérarchisée » (p. 16). Selon Tort et Establet (1974), « le test sert (…) à renforcer et à justifier « scientifiquement » la division de classe que reproduit déjà l’école » (p. 5). Jacquard (1991) résume ainsi la situation : « (…) le problème était mal posé ; dans l’incapacité de définir ce que l’on cherchait à connaître, l’« intelligence », l’on s’est réfugié dans la fuite en avant qui consiste à faire des mesures, sans savoir ce que l’on mesure, sans même savoir si l’objet de la mesure existe. Chacun le sait, il ne suffit pas de nommer un objet pour qu’il existe ; mais l’illusion est forte que le nombre garantit l’existence de ce qu’il est censé représenter » (p. 146). Malgré ces critiques, la plupart des psychologues recommandent de faire passer un test aux enfants que l’on soupçonne de haut potentiel intellectuel (HPI).

Selon Siaud-Facchin (2016), « il peut être gravement préjudiciable pour le développement psychologique, affectif, scolaire et social de (l’) enfant de passer à côté du diagnostic » (p. 170). Wahl (2017) renchérit : « Depuis qu’ils existent, ces tests ont permis de sauver d’un sombre renoncement d’innombrables enfants en échec scolaire, simplement parce que de grandes capacités jusqu’alors insoupçonnées ont été révélées » (p. 53-66). Si tout le monde est d’accord avec ces affirmations, ces auteurs ne l’argumentent pas. Qu’est ce qui nous fait dire qu’un diagnostic permet d’éviter un échec scolaire ou, tout au moins, une « sous-réalisation » de l’enfant ? L’école demande, en principe, un diagnostic psychologique, dont l’élément principal est le test WISC, pour que ces élèves puissent bénéficier de mesures pédagogiques particulières comme le saut de classe ou la participation à des classes spéciales. On peut s’en étonner au vu de la controverse quant à leur validité scientifique, mais comme le remarque Giordan, (2006), dans l’état actuel des connaissances, les tests demeurent le seul moyen de dépistage des élèves HPI à disposition. Nous pouvons à cette étape du raisonnement nous poser deux questions. Premièrement, est-ce que les tests mesurent vraiment l’intelligence ? Ensuite, l’école fait-elle vraiment réussir les enfants les plus intelligents ? Nous n’avons évidemment pas les moyens de répondre ici à la première question. C’est sur la deuxième que nous allons nous pencher maintenant, et à son pendant : si ce n’est pas le cas, pour quelles raisons les enfants les plus intelligents échouent-ils à l’école ?

L’échec des élèves surdoués

L’idée selon laquelle les élèves surdoués présentent des difficultés à l’école, voire des échecs, est largement répandue. Peu d’études sérieuses sur ce sujet ont été menées à ce jour. Malgré la controverse de certains chercheurs qui évoquent un biais d’échantillonnage – les personnes qui consultent sont avant tout celles qui rencontrent des difficultés (Gauvrit & Ramus, 2017) – nous pouvons nous demander, à l’instar de Giordan (2006), « comment se fait-il que des enfants qui ont tout pour réussir soient mis en échec, et en échec grave, par le travail habituel de la classe ? » (p. 11). La lecture, sous l’angle de la problématique des élèves « surdoués », des travaux du sociologue Perrenoud sur la notion de métier d’élève fournit un élément de réponse à cette question. Perrenoud a créé le concept de métier d’élève dans les années 70 afin d’analyser l’échec scolaire. Nous pouvons résumer le métier d’élève ainsi : il n’est pas choisi – l’école est obligatoire, il s’exerce en permanence sous le regard et le contrôle de l’enseignant, duquel il dépend fortement, et il est constamment évalué. Ces caractéristiques induisent, de la part de l’élève, un rapport utilitariste au savoir, car il travaille avant tout pour obtenir de bonnes notes ou pour éviter des sanctions, et un enseignement faiblement différencié, faisant la part belle aux tâches fermées (les exercices, les routines) facilement évaluables.

Tout cela conduit à une perte de sens. En effet, l’exercice de ce métier a pour conséquences de dissuader d’apprendre une partie des élèves et de pousser la plupart des autres à se contenter de travailler juste le nécessaire pour satisfaire aux exigences et pour qu’on les laisse tranquille (Perrenoud, 1995). Selon Perrenoud (1984), l’école demande aux élèves d’assimiler des savoirs disciplinaires (le curriculum réel), mais elle leur demande aussi de se conformer à des attentes, essentiellement implicites (le curriculum caché). Le curriculum caché désigne « les conventions et les normes de présentation, d’écriture, de mise en page, de correction », les façons de faire : « silence, rapidité, organisation, visibilité, propreté, calme, précision, politesse (…), respect du travail des autres » et l’implication dans la tâche : « intérêt, persévérance, effort, participation » (p. 255). Le bon élève doit s’investir dans les activités proposées et respecter les critères d’excellence implicites. Un élève qui ne maîtrise pas les ficelles du métier sera donc certainement en échec. C’est le cas également d’un élève qui n’est pas disposé à « jouer le jeu », qui ne respecte pas les règles et le conformisme exigé (Sirota, 1993). Perrenoud (1984) l’explique ainsi: « Il entre dans l’excellence scolaire ordinaire une part notable d’imitation de modèles proposés par le maître et de conformité à des formes standardisées de l’exercice intellectuel. Il ne s’agit pas ici de la conformité à des règles de conduite – silence, ordre, propreté …

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Table des matières

1 Remerciements
2 Résumé et mots clés
3 Liste des tableaux et figures
4 Table des matières
5 Introduction
6 Problématique
6.1 Les élèves surdoués
6.2 Qu’est-ce que l’intelligence ?
6.3 La mesure de l’intelligence
6.4 L’échec des élèves surdoués
6.5 La fabrication de « l’élève surdoué »
6.6 Sur le terrain : analyse de l’activité enseignante
6.7 Conclusion
7 Méthodologie
7.1 Une recherche herméneutique
7.2 Les entretiens
7.2.1 Déroulement des entretiens
7.3 Analyse des entretiens
8 Analyse
8.1 Déroulement des entretiens
8.2 Présentation des enseignants et des élèves
8.3 Résultats
8.3.1 Première hypothèse
8.3.2 Deuxième hypothèse
8.3.3 Troisième hypothèse
8.3.3.1 Doutes, tensions et dilemmes des enseignants
8.3.3.2 Représentations des enseignants sur les élèves « surdoués » en général et regard sur les élèves de leur classe qu’ils considèrent «surdoués »
8.3.3.3 Difficultés perçues sur le terrain et stratégies mises en oeuvre par les enseignants
8.3.3.4 Egalité de traitement et différenciation
8.3.3.5 Fonctions du diagnostic
8.3.3.6 Posture
9 Conclusion
9.1 Principaux résultats
9.2 Autoévaluation
9.3 Perspectives pour de nouvelles recherches
10 Bibliographie
11 Annexes I
11.1 Tableaux d’analyse
11.2 Entretien 1 : Magalie
11.3 Entretien 2 : Fabienne
11.4 Entretien 3 : Nadège
11.5 Entretien 4 : Norah
11.6 Entretien 5 : Philippe
12 Annexes II
12.1 Evaluations de Thomas
12.2 Evaluation de Hervé

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