Les élèves réinvestissent-ils leurs connaissances lors de productions d’écrits ?

Historique de l’enseignement de l’orthographe et de la dictée

Sous l’ancien régime, les enfants sont très peu nombreux à apprendre à la fois à écrire et à lire, ce sont les enfants lecteurs qui apprennent l’écriture. L’orthographe commence par l’apprentissage des lettres et de la prononciation des mots. D’ailleurs apprendre à écrire à cette époque c’est apprendre à bien former ses lettres grâce. « L’écriture est calligraphie avant d’être orthographe. On s’intéresse à la belle écriture avant de s’intéresser à l’écriture correcte ». Apprendre les règles ne fait pas partie des objectifs. C’est pour cela que jusqu’au XIXème siècle les exercices typiques sont des exercices de copie de textes, on fait appel à la mémoire visuelle. De plus, la difficulté de la lecture en français faisait que les apprentissages passaient d’abord par le latin.
C’est réellement au XVIIIème siècle que l’on se rend compte que la lecture et l’orthographe passive ne suffisent pas et que l’orthographe active devient un besoin à cause Chervel André, Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle , 2008 éditions Retz des changements dans la société. Dans les diverses professions on demande de plus en plus une connaissance de l’orthographe (les secrétaires, les domestiques, les notaires).
On attribue l’invention de la grammaire scolaire à Pierre Restaut en 1732. C’est lui qui va distinguer l’orthographe grammaticale (« orthographe de principe ») et l’orthographe lexicale (« orthographe d’usage »). Cet enseignement n’est pas très répandu au XIXème siècle à l’école primaire.
Au XIXème siècle, de plus en plus d’enfants vont être scolarisés à l’école primaire avec principalement des « primo-arrivants » ce qui va chambouler la façon d’apprendre l’orthographe. L’exercice phare du début du siècle est la cacographie. Cet exercice consiste en un texte contenant des fautes d’orthographe que les élèves doivent corriger. Cette méthode ne marche plus car les nouveaux élèves n’ont pas assimilé autant que les autres l’orthographe passive grâce à la lecture. C’est à ce moment que la dictée apparait dans les classes. Elle était très différente de la nôtre. « La dictée du XIXème siècle utilise un élève-relais, un bon élève qui est envoyé au tableau. Le maître dicte, l’élève-relais écrit en épelant à haute voix ; les autres écrivent sur leur cahier, et lèvent parfois la tête pour vérifier sur le tableau : certains se contentent de copier ».
En ce qui concerne les maitres et maitresses, la majorité d’entre eux ignoraient encore l’orthographe jusqu’en 1830.
1880 est une date qui constitue un tournant dans l’enseignement du français. La France a perdu la guerre contre la Prusse en 1870 et cette défaite est attribuée à l’école qui n’a pas joué son rôle. Jules Ferry instaure la littérature française, l’explication de texte, la r écitation de poésie, le chant, la leçon de chose. C’est la création de l’enseignement de « la langue française » (arrêté du 27 juillet 1882). L’orthographe n’est plus une priorité. Il l’exprime clairement dans son discours au congrès pédagogique du 2 avril 1880 : « Aussi Messieurs, ce que nous vous demandons à tous, c’est de nous faire des hommes avant de nous faire des grammairiens ! (…) Oui, vous avez compris (…) qu’aux anciens procédés qui consument tant de temps en vain, à la vieille méthode grammaticale, à la dictée – à l’abus de la dictée- il faut substituer un enseignement plus libre, plus vivant et plus substantiel (…) » Commence alors un conflit entre les dirigeants, notamment Ferdinand Buisson, directeur de l’instruction publique, et les défenseurs de l’enseignement de l’orthographe qui déplore la baisse du niveau.

L’orthographe dans les programmes

Il est intéressant de comparer les programmes en ce qui concerne l’orthographe pour voir l’évolution des objectifs entre 2002 et 2008. La première différence notable est les intitulés des items. Les programmes de 2002 les apprentissages sont organisés comme ceci :
Observation réfléchie de la langue (grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire)
1/ le verbe et le nom dans la phrase et dans le texte
2/ quelques phénomènes grammaticaux portant sur le texte
3/ vocabulaire et orthographe lexicale
Voici l’organisation des programmes de 2008 :
Etude de la langue française
– Vocabulaire
– Grammaire
– Orthographe
Les apprentissages sont beaucoup plus cloisonnés par discipline dans les nouveaux programmes. De plus, ils sont beaucoup plus axés sur l’orthographe. Tandis qu’en 2002 on trouve seulement quelques références à l’orthographe : « L’orthographe du verbe concerne essentiellement l’accord avec le sujet. Elle suppose que cette relation soit bien perçue par l’élève et qu’il sache mobiliser son attention pour marquer l’accord dans toutes les activités d’écriture (y compris d’écriture sous la dictée) » « L’élève doit apprendre à mobiliser son attention pour marquer l’accord lorsqu’il écrit (y compris sous la dictée). » « D’une manière générale, dans chaque activité mettant en jeu l’écriture, on conduit les élèves à utiliser tous les instruments nécessaires (répertoires, dictionnaires, correcteurs informatiques, etc.) pour vérifier et corriger l’orthographe lexicale. »
Dans les programmes de 2008 on trouve une partie entière sur l’orthographe : « Une attention permanente est portée à l’orthographe. La pratique régulière de la copie, de la dictée sous toutes ses formes et de la rédaction ainsi que des exercices diversifiés assurent la fixation des connaissances acquises : leur application dans des situations nombreuses et variées conduit progressivement à l’automatisation des graphies correctes. Les élèves sont habitués à utiliser les outils appropriés. »

L’enseignement de l’orthographe se heurte à des difficultés liées à ses représentations

Le système orthographique français serait un système complexe

Que l’on soit français ou étranger, il est coutume de dire que le français est une langue complexe et nous avons tous fait l’expérience de ce constat lors de son apprentissage. Nina Catach va jusqu’à écrire : « notre système d’écriture est au moins aussi complexe que celui du chinois (je dirais même plus). » Il y a de nombreuses règles qui se compliquent en plus avec des exceptions. Et c’est bien trop souvent cette image négative de la langue que les professeurs véhiculent à leurs élèves à travers leur pratique en classe. Cependant il est important de ne pas s’arrêter à cette conception car selon les linguistes si notre orthographe est complexe « elle est dans l’ensemble plus régulière et plus cohérente qu’on ne le croit ».
Comme je l’ai déjà dit, il ne faut pas négliger cet aspect de notre orthographe lors de son enseignement.

La baisse du niveau des élèves, beaucoup de temps pour peu de résultats

Sans cesse autour de nous nous pouvons entendre dire que le niveau des élèves en orthographe baisse. Une première enquête d’André Chervel et de Danièle Manesse qui visait àcomparer le niveau orthographique des élèves de 1987 avec celui des élèves de 1873/1877 donna l’avantage à ceux de 1987, qui avaient un niveau supérieur. Une deuxième enquête plus récente de Danièle Manesse et de Danièle Cogis compare cette fois le niveau des élèves de 1987 à ceux de 2005 sur une dictée. Et la première chose remarquée c’est que les élèves de 2005 font plus de fautes que ceux de 1987. Il y a en moyenne un écart de deux niveaux scolaires. Les dictées comportant peu de fautes sont plus nombreuses en 1987 qu’en 2005. La baisse est surtout due aux fautes grammaticales. De plus la progression des élèves est plus faible entre le CM2 et la troisième. André Angoujard souligne donc que les enseignants ont l’impression de passer beaucoup de temps à un enseignement qui ne porte pas ses fruits. Il y a un « écart entre les efforts qu’ils déploient, ceux qu’ils demandent à leurs élèves et les résultats qu’ils obtiennent quotidiennement. »

La dictée

Les représentations des élèves sur la dictée

En ce qui concerne les représentations des élèves sur la dictée, on peut constater que certains doivent faire cet exercice sans savoir pourquoi ils le font et à quoi cela sert. En effet, parmi les réponses, cinq élèves se sont contentés de dire que c’est un texte, des phrases ou bien une histoire qui sont dictés. Ces élèves n’indiquent aucune fonction à cet exercice. Tous les autres élèves ont exprimé un ou plusieurs rôles à la dictée. Le rôle premier pour eux est qu’elle sert à apprendre des mots, comment ils s’écrivent et donc à avoir une meilleure orthographe. Malgré qu’il soit admis par tous que la dictée ne sert pas à l’apprentissage de l’orthographe, c’est pourtant la représentation qui est ancrée chez les élèves. Au contraire, deux élèves semblent être en accord avec les théoriciens puisqu’ils expriment le fait que la dictée sert à évaluer l’orthographe et les savoirs. Parmi toutes les réponses, un seul élève faitapparaitre le mot « réfléchir ». Pour lui, la dictée c’est réfléchir aux adjectifs, s’ils s’accordent. Même si cela est réduit à la catégorie des adjectifs, on voit bien ici que cet élève a conscience que pour écrire correctement, cela implique qu’il faille se poser des questions, et se référer aux règles de grammaire.

Les élèves réinvestissent-ils leurs connaissances lors de productions d’écrits : expérimentation en classe

Déroulement prévu des protocoles

Lors de ma première expérience de stage l’année dernière, j’ai pu constater au travers des corrections de dictée que les élèves faisaient des erreurs sur leur feuille mais que cependant ils étaient capables à l’oral de justifier les écritures correctes en récitant par cœur des règles apprises. J’ai pu établir le même constat cette année. J’ai donc décidé d’établir un protocole visant à déterminer si les élèves font le lien entre les règles d’orthographe et l’écriture, autrement dit si les élèves en situation d’écriture appliquent les règles connues. J’ai décidé de me focaliser sur deux erreurs assez fréquentes : l’accord du participe passé et l’accord des adjectifs avec le nom. Ces erreurs ont été choisies d’après les résultats de dictée de mon premier stage de pratique accompagnée, d’après ma séance de dictée du début de stage de cette année pour me rendre compte du niveau des élèves ainsi qu’en accord avec l’avis de ma maitre d’accueil.
Mon protocole va se dérouler sur 6 semaines dans une classe de CM2 de 24 élèves dans le cadre de mon stage en pratique accompagnée à l’école d’Ancinnes. Les trois premières semaines seront consacrées à l’accord du participe passé et les trois dernières semaines à l’accord de l’adjectif avec le nom, à raison d’une séance par semaine. Il s’agira du même protocole pour les deux types d’erreur.

Analyse des résultats 

Pour vérifier si les élèves connaissaient les règles d’accord du participe passé dans l’utilisation du passé composé, je leur ai fait faire deux exercices d’application comme c’est souvent le cas dans les classes pour vérifier une leçon. Cette leçon a été revue avec moi et travaillée depuis le début de l’année avec l’enseignante. Les résultats de cet exercice sont très hétérogènes. Douze élèves ont 2 erreurs ou moins, c’est-à-dire un peu plus de la moitié de la classe et dix élèves ont 3 erreurs ou plus. Parmi la classe, deux élèves semblent réellement en difficulté avec cette notion avec 6 et 7 erreurs et cinq élèves semblent très à l’aise avec 0 erreur. Si l’on prend chaque exercice séparément, on remarque qu’il y a plus d’élèves à faire 0 erreur au deuxième exercice (12) qu’au premier (6). Pourtant le premier exercice semble plus simple que l’autre et les élèves sont plus habitués à traiter l’accord du participe passé dans ce sens, c’est-à-dire d’avoir le sujet et de compléter avec la bonne terminaison, tandis qu’au deuxième exercice, ils sont amenés à choisir entre deux sujets grâce au participe passé qui est écrit. Les élèves ont fait moins d’erreur sur cet exercice car, n’étant pas habitués, ils ont peut être été plus attentifs au questionnement à se poser pour faire le bon choix. Certains ont eu aussi peut-être la chance du hasard. Il est intéressant maintenant de voir où se situent les principales erreurs. L’erreur la plus présente a été faite au participe passé « enneigées » avec 13 accords erronés, les élèves n’ayant pas mis le « e » du féminin. On peut expliquer cette erreur par le fait qu’il y a deux noms, « pistes » et « ski ». Les élèves, en lisant la phrase retiennent sans doute le pluriel de « piste » puis le masculin de « ski » et omettent le féminin.
En ce qui concerne les autres erreurs, le nombre d’élèves à les faire est régulier, entre 4 et 6.
Malgré ces résultats, je peux affirmer, ayant interrogé à plusieurs reprises les différents élèves tout au long du stage, qu’ils connaissent la règle d’accord du participe passé, sont capables de la réciter. Les élèves qui faisaient des erreurs pouvaient me donner la bonne justification et la bonne réponse lors de la correction au tableau. On peut se demander alors pourquoi il n’y a pas de meilleurs résultats à ces deux exercices. On peut faire référence à la taxonomie de Bloom qui décrit les différents niveaux dans le processus d’apprentissage. Il existe six niveaux dans cette classification : connaissance, compréhension, application, analyse, synthèse, évaluation. Ceci explique pourquoi certains élèves peuvent réciter mais ne peuvent pas appliquer. Ils sont arrivés au stade de connaissance voire de compréhension mais pas encore au stade d’application. Je pense que lorsque les élèves se retrouvent devant ce genre d’exercice, il leur manque un automatisme dans le questionnement qu’il faut se poser, c’est-àdire se demander si on est dans la situation avec l’auxiliaire avoir ou être, et dans le cas de l’auxiliaire être se demander avec quel(s) mot(s) on accorde. C’est tout un cheminement intellectuel à réaliser. Cette difficulté à mettre en place toutes ces questions je l’ai remarqué lorsque les élèves m’appellent pour que je les aide. Ils me demandent souvent confirmation de quelque chose qu’ils sont capables de trouver seuls. Dans ces cas-là, avec moi, ils réussissent à mettre en place ce questionnement, qu’ils ne pensent pas forcément à faire en autonomie.
Intéressons-nous maintenant à la production d’écrit. Pour l’analyse des résultats, j’ai seulement pris en compte 19 élèves sur 23 puisque certains, dû aux absences, n’ont pas fait les deux sujets ou bien n’ont pas répondu aux sujets d’une façon cohérente. Le premier sujet consistait à raconter une ou plusieurs sorties scolaires. J’ai annoncé ce sujet suite aux exercices sur l’accord du participe passé, sans leur dire, volontairement, quel temps utiliser et ce à quoi il fallait faire attention en écrivant. Le sujet impliquait notamment l’utilisation du passé composé et donc de faire attention à ce que les élèves venaient de voir, les accords du participe passé. Le nombre de verbes conjugués au passé composé et donc le nombre de participes passés employés, 6,8 par texte, m’a semblé convenable par rapport à la longueur des productions d’écrits réalisées. On peut remarquer que les élèves utilisent beaucoup plus le participe passé employé avec l’auxiliaire avoir, 99, contre 35 seulement avec l’auxiliaire être.
L’auxiliaire être aurait pu être plus présent mais quasiment tous les élèves présentent un défaut d’utilisation du verbe aller qui est passé dans le langage courant. En effet, le sujet d’écriture nécessitait d’utiliser ce verbe mais les élèves disent et écrivent « j’ai été » au lieu de « je suis allé ».
Observons de plus près les erreurs. Le nombre d’erreur moyen est de 3,3 par texte ce qui peut sembler peu élevé. Cependant, il faut aller voir plus loin car ce nombre ne reflète pas la réalité. Si on regarde bien, le pourcentage d’erreur moyen est de 52,2 %, ce qui revient à dire qu’en moyenne les élèves accordent mal plus d’un participe passé sur deux dans leur texte, ce qui est assez important puisqu’il s’agit d’une règle connue. Le pourcentage moyen d’erreur avec être est de 38,6% et celui avec avoir est de 51,6%. Il ne semble pas logique qu’il y ait plus d’erreurs avec l’auxiliaire avoir puisqu’il n’y a pas d’accord à réaliser. De plus, en ce qui concerne les erreurs avec l’auxiliaire être, il y a une répartition nette entre une moitié qui n’a aucune erreur et l’autre moitié qui a plus de 50% d’erreur. Il n’y a pas d’entre deux.
Les constats que je viens de faire tendent à montrer qu’en situation de production d’écrit et sans indication, les élèves appliquent très peu les règles d’orthographe qu’ils apprennent et qu’ils connaissent. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que les élèves sont cloisonnés dans leurs apprentissages, ils font de la grammaire, de la conjugaison, de l’orthographe et de la production d’écrit mais pas d’orthographe, de grammaire et de conjugaison pendant la production d’écrit. Or on les cloisonne à tort. L’orthographe se retrouve dans tous les domaines scolaires et encore plus lors de la production d’écrit. On peut aussi penser que lorsque les élèves écrivent un texte, ils sont concentrés sur les idées qu’ils doivent trouver et mettre en mots, l’orthographe étant secondaire dans ce cas.

Pistes pour l’enseignement de l’orthographe en classe

L’enseignement de l’orthographe tel qu’il est aujourd’hui n’est apparemment satisfaisant ni pour les enseignants ni pour les élèves. Pour les uns c’est beaucoup de temps de perdu à essayer d’enseigner une discipline sans résultats visibles. Pour les autres c’est un enseignement ennuyeux qui n’a pas beaucoup de sens tel qu’il est pratiqué. Il faut donc s’intéresser à d’autres manières de faire. En effet, tous les enseignants veulent que leurs élèves ne fassent pas d’erreurs lorsqu’ils écrivent, et pour cela on fait des exercices qui concernent chaque point orthographique en s’attendant à ce que tout cela se retrouve en production d’écrit. Et finalement très peu d’enseignants travaillent l’orthographe grâce à la production d’écrit, alors que c’est pourtant le résultat qu’ils veulent obtenir. Lier l’orthographe et la production est d’ailleurs la préconisation de nombreux auteurs sur le sujet.
Danièle Cogis, dans son ouvrage Pour enseigner et apprendre l’orthographe, propose de commencer par une situation de production d’écrits et précise que la priorité est donnée au sens. Les élèves travaillent d’abord le fond avant de travailler la forme, l’orthographe. Elle emploie une méthode assez particulière pour débuter. En effet elle demande seulement à 5 ou 6 élèves d’écrire un texte, ce sont les « précurseurs ». S’en suit une discussion avec toute la classe sur les textes produits qui sont lus à haute voix par leurs auteurs. Cette discussion concerne « les qualités littéraires » de la production. Puis vient ensuite la phase de production écrite pour tous. Chaque élève écrit sa version de ce qui a été demandé initialement. Par la suite les textes sont échangés et par groupe les élèves discutent des textes qu’ils ont et rédigent des fiches conseils pour les auteurs. Ces fiches sont vérifiées, voire complétées par l’enseignant. Et pour terminer, chacun récupère son texte et l’améliore en fonction de la fiche conseil qu’il a. Jusqu’ici, l’orthographe n’a jamais été prise en compte. Si les élèves en parlent, on leur demande de mettre une vague sous le mot à propos duquel ils doutent. On peut passer ensuite à la phase orthographique. L’enseignant, grâce aux brouillons, peut choisir la notion à travailler en particulier, mais ce n’est pas à lui de la signaler telle qu’elle aux élèves. Il faut qu’ils prennent conscience des difficultés qu’ils ont. L’enseignant souligne quelques écritures erronées dans chaque brouillon qui correspondent à la notion voulue et demande aux élèves par groupe d’essayer de les corriger. S’ils ne sont pas d’accord alors ils notent les différentes réponses. S’en suit une mise en commun et des discussions en groupe classe. Dans les 2 séances suivantes, les élèves reformulent la recherche qu’ils avaient commencée, que cherchaient-ils à savoir ? L’enseignant propose alors des situations de recherche en groupe pour construire le savoir attendu avec des phases d’observation et de discussion. Enfin on arrive à la phase de révision individuelle des textes, la réécriture, puis la phase de relecture. La relecture s’effectue en binôme. Toute cette démarche se déroule entre 2 et 3 semaines.
André Angoujard, dans son ouvrage Savoir orthographier, parle lui de « construction du savoir orthographier plutôt que d’apprentissage de l’orthographe ». « Il ne s’agit pas [d’] enseigner l’orthographe pour l’orthographe, mais de rendre les élèves capables de la mettre en œuvre progressivement en situation de production d’écrit. » On tendait vers cette idée à travers les résultats de l’analyse des protocoles menés en classe présentés précédemment . André Angoujard préconise en effet de lier orthographe et production d’écrits, tout commeDanièle Cogis, et ceci dès le cycle des apprentissages (CE1). Il propose aussi une manière de travailler l’orthographe grâce à des résolutions de problèmes. Le rôle de l’enseignant est de choisir au moment importun une difficulté et de la transformer en problème collectif. L’étape suivante est d’amener les élèves à découvrir le fonctionnement de la langue grâce à des observations et à l’élaboration d’un corpus. Il ne faut pas se concentrer sur les exceptions mais bien sur les régularités de notre langue. Les élèves vont donc analyser le corpus établi ce qui doit leur permettre « de comprendre les raisons pour lesquelles le phénomène orthographique faisait problème, et leur fournir les moyens de résoudre, au moins en partie, leurs difficultés d’écriture ». Pour terminer, les élèves doivent formaliser ce qu’ils viennent d’analyser grâce à la création d’outils pour constituer « une réserve de savoir ». De plus, les élèves utilisent plus ces outils car ils les ont créés eux-mêmes. Il existe deux types de résolutions : la résolution de problème différée et la résolution décrochée. La résolution de problème différée découle d’une tâche d’écriture en cours et c’est à l’enseignant de saisir l’opportunité. La résolution décrochée a pour objectif une observation d’un fait de langue sans lien avec une production d’écrits. « Elles sont à la fois complémentaires et indissociables ».
En ce qui concerne l’évaluation en orthographe, il convient de ne pas se focaliser uniquement sur les productions finales des élèves. Il est préférable d’évaluer la progression des élèves.
Plusieurs indices peuvent refléter cette progression : la verbalisation, sous forme de questions posées à l’enseignant, de discussions de groupe ou bien des traces graphiques comme les ratures, les différentes écritures de mots. On peut aussi observer l’attitude des élèves, à savoir s’ils se réfèrent aux outils de la classe. Ce type d’évaluation nécessite qu’il y ait un vrai travail du brouillon de la part des élèves.

Pour aller plus loin, une réforme de l’orthographe ?

Les modifications n’ont pas cessé entre le XVIIème siècle et 1830, 17 réformes de l’orthographe ont eu lieu entre ces deux dates. Les raisons de ces mutations sont diverses : rôle de l’Académie française, l’évolution phonétique, l’amélioration du matériel typographique. Après 1835, l’orthographe cesse d’évoluer pour deux raisons : on peut considérer que la majorité des modifications possibles ont été faites et l’enseignement de l’orthographe « active » devient obligatoire à l’école (loi Guizot de 1833) ce qui ancre l’orthographe au stade où elle est arrivée. On peut dire que notre orthographe actuelle date de la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française (1835).
Pourtant les tentatives de réformes furent nombreuses même après 1835. En 1891, sous l’impulsion de Ferdinand Buisson qui est accusé de la baisse du niveau orthographique, une circulaire est lancée pour réformer l’orthographe mais n’aboutira pas du fait des instituteurs. A partir de 1891 et ce pendant un siècle, toutes les tentatives conn aitront le même échec. La dernière en date qui fut appliquée est la réforme orthographique de 1990. De faible ampleur, elle n’a pas marqué les esprits et n’est que très peu appliquée.
L’argument des réformateurs est de dire que notre orthographe est trop complexe à enseigner et à apprendre et, par conséquent, très couteuse en temps qui pourrait servir à d’autres enseignements. Ceux qui sont contre les réformes le seraient pour des raisons à la fois idéologiques, une atteinte à la langue et à l’identité du français, mais aussi économiques.
En effet, le commerce autour de l’orthographe et de la grammaire est très florissant. Il n’est donc pas dans l’intérêt des éditeurs de simplifier notre langue. (Luzzati, Le français et son orthographe, 2010 éditions Didier).
Selon André Chervel, dans son ouvrage intitulé L’orthographe en crise à l’école, deux solutions s’offrent aux français en ce qui concerne l’orthographe. La première consiste en ce que les choses restent comme elles sont. Pour lui la conséquence d’une telle situation est claire : l’orthographe sera maitrisée seulement par une partie de la population, « une classe cultivée ». Cela deviendra une « « discipline de luxe » comme l’avait été le latin au XIXème ». La deuxième solution fait intervenir une réforme orthographique pour généraliser l’enseignement à toute la population. Une petite réforme nécessiterait encore un temps trop important dans les apprentissages à l’école. Une réforme radicale, basée sur un principe d’écriture phonétique qui pourrait être appris en quelques heures parait peu probable aussi. Là encore, il existe plusieurs types de réforme, parmi lesquels il faudrait trouver un équilibre.

Conclusion

Même si au début, je ne me suis pas sentie très investie dans ce mémoire, il se trouve que plus j’ai avancé, plus mon sujet m’a intéressé et plus j’ai eu envie de faire des recherches.
J’ai pu, dans le cadre de ce mémoire, m’interroger sur une pratique que j’ai vécue pendant toute ma scolarité et que jamais auparavant je n’avais remise en question. Je vois désormais la dictée sous un autre angle grâce à toutes mes recherches. Au-delà de cet exercice, j’ai pu aussi approfondir mes connaissances théoriques sur l’orthographe. J’ai ouvert les yeux sur une idée qui semble parfaitement logique. Ce que veulent les professeurs, c’est bien que les élèves dans n’importe quelles situations de productions écrites soient capables d’écrire en faisant le moins d’erreur d’orthographe possible, qu’ils appliquent les règles apprises. Et cela correspond même à un item du socle commun de connaissances et de compétences : « orthographier correctement un texte simple de dix lignes – lors de sa rédaction ou de sa dictée – en se référant aux règles connues d’orthographe et de grammaire ainsi qu’à la connaissance du vocabulaire ». De plus on retrouve ces compétences dans les progressions proposées par les programmes. Et pourtant, cette compétence n’est pas travaillée comme une compétence à part entière. Dans les classes, on travaille toutes les compétences d’orthographe, de grammaire et de conjugaison dans l’objectif que les élèves les réinvestissent dans les productions d’écrits. Donc dans les manières actuelles de faire, les élèves doivent arriver tout seuls à la compétence visée citée précédemment. En réalité il faut travailler cette compétence comme toutes les autres. Danièle Cogis résume très bien la logique à adopter : « Pour apprendre à écrire, il faut écrire. En écrivant, on orthographie. Pour orthographier en écrivant il faut travailler l’orthographe au cours d’activité d’écriture ». Cette idée pourtant extrêmement simple a été pour moi une sorte de révélation. J’ai découvert des nouvelles façons d’enseigner l’orthographe que je n’avais jamais observées lors de mes stages et que l’on ne voit pas non plus à l’IUFM et que je suis capable désormais de mettre en place dans ma classe. Enfin, comme l’explique André Angoujard , il faut rester réaliste et être conscientque « la maitrise du savoir orthographier constitue un objectif à long terme, dont il serait vain d’espérer qu’il sera atteint à la fin de la scolarité primaire. »

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Table des matières
Introduction
I/ L’orthographe
A/ Qu’est-ce que l’orthographe ?
a/ Représentation des élèves
b/ Les dictionnaires
c/ Les auteurs
B/ Historique de l’enseignement de l’orthographe et de la dictée
C/ L’orthographe dans les programmes
D/ L’enseignement de l’orthographe se heurte à des difficultés liées à ses représentations
a/ Le système orthographique français serait un système complexe
b/ La baisse du niveau des élèves, beaucoup de temps pour peu de résultats
c/ La place de l’orthographe dans la société
d/ La place de l’erreur
II/ La dictée
A/ Les représentations des élèves sur la dictée.
B/ Les critiques faites à la dictée
C/ La réalité des classes
III/ Les élèves réinvestissent-ils leurs connaissances lors de productions d’écrits ?
Expérimentation en classe
A/ Déroulement prévu des protocoles
B/ Déroulement effectif
C/ Analyse des résultats
IV/ Pistes pour l’enseignement de l’orthographe en classe
V/ Pour aller plus loin, une réforme nécessaire ?
Conclusion

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