Les élèves ont une vision stéréotypée et dichotomique de l’Afrique

Introduction

  Pourquoi un travail sur les représentations que les élèves ont de l’Afrique ? Pourquoi ce continent en particulier ? Lors du premier semestre de l’année 2012-2013 à la HEPL, nous avons suivi un module intitulé « Pédagogie Interculturelle et Genre » qui nous a permis de découvrir et de comprendre la façon dont a évolué le côtoiement des peuples au fil des siècles. C’était un module très intéressant qui nous a amenés à nous poser des questions sur notre propre fonctionnement vis-à-vis de l’Autre : comment se le représente-t-on? Sommes-nous objectifs ou sommes-nous réellement influencés par nos représentations ? De là part notre idée de récolter les idées que les élèves ont de ce continent. Mais pourquoi l’Afrique ? Parce qu’elle est très stéréotypée : il n’y a quedes personnes noires, il fait très chaud sur tout le continent, l’Afrique est un pays, elle est pauvre, l’Egypte n’appartient pas à ce continent, l’Afrique n’est que savane, jungle et animaux… Par ailleurs, nous avons lu un article de Moumouni (2003) dans lequel il mettait en avant les travaux de Jo Allen Fair, une américaine enseignante de communication internationale à la School of Journalism and Mass Communication de l’University of Wisconsin-Madison, qui a mené une enquête en demandant à ses étudiants de lui décrire leur vision de l’Afrique et l’image qu’ils en avaient. Les résultats étaient éloquents et leur vision extrêmement stéréotypée : ils décrivaient l’Afrique notamment comme une grande jungle, pauvre, sauvage, primitive, sousdéveloppée, noire et où sévissaient la guerre et la famine (Fair, 1993, cité par Moumouni, 2003). Leur vision était très claire et ne semblait pas se limiter à cette tranche de la population : « Ces idées et ces perceptions ne sont pas seulement celles d’étudiants de premier cycle. Elles sont largement partagées dans les pays occidentaux » (Beatie et al., 1999 ; Hawk, 1992 ; Neverdeen Pieterse, 1992 ; Mudimbe, 1988 ; McCarthy, 1983, cité par Moumouni, 2003, p. 153). Habitant en Suisse, nous sommes sans doutes inclus dans le groupe auquel Fair fait référence. Il semblerait donc que nous connaissions la vision de l’Afrique d’adultes et jeunes adultes, mais qu’en est-il de celle des enfants ? Déjà très jeunes, les enfants sont selon Preissing & Wagner (2006) porteurs de stéréotypes et de préjugés. Est-ce donc le cas concernant l’Afrique ? C’est pour ces différentes raisons que nous avons décidé de récolter les représentations concernant l’Afrique d’élèves vaudois entre 8 et 12 ans. Il est à noter que ces mêmes enfants seront les citoyens de demain. Leur rapport à l’Autre est donc essentiel dans l’optique de leur futur comme du nôtre. Comment faire évoluer des représentations sans même les connaître ? II nous faut tout d’abord connaître et tenir compte des représentations pour pouvoir ensuite les faire évoluer (Chaduc, Laralde & De Mecquenem, 1999).

Trois sources influencent les élèves dans leurs représentations

  L’école, les médias et la famille.Nous formulons également une deuxième hypothèse, laquelle se base sur la citation ci-dessous : « Les stéréotypes sont généralement basés sur certaines images acquises à l’école, par le biais des médias ou à la maison, qui se sont par la suite généralisées pour englober toutes lespersonnes qui pouvaient y être associées » (Brander, 2004, p. 33). Les stéréotypes et les préjugés semblent donc être véhiculés par la société, notamment par la famille, les médias et l’école. Nous pensons donc que les enfants, faisant partie de la société, sont imprégnés de stéréotypes et de préjugés concernant le continent africain à cause de ces trois pôles d’influence. Ceci est la deuxième hypothèse que nous émettons et que nous allons tenter de vérifier lors de cette recherche.

L’Apocalypse

  Aujourd’hui, l’Apocalypse est souvent associée à la fin du monde (Quesnel & Gruson, 2000) : « Quand on parle aujourd’hui d’apocalypse, on évoque un certain nombre d’événements ou de menaces qui sont déjà arrivés, ou qui vont arriver “bientôt” : menaces terroristes, économiques,écologiques, tempêtes solaires […], choc avec d’autres planètes ou astéroïdes… » (Leloup, 2011, p. 15). D’autres sources appuient également ces propos : « Le terme “apocalypse” n’est pas du tout rassurant. N’est-il pas synonyme de guerres, de séismes, de catastrophes écologiques et humaines ? » (Quesnel & Gruson, 2000, p. 455). Nous voyons donc actuellement la connotation négative dont est empreint le terme « Apocalypse ». Mais en a-t-il été toujours ainsi ? « […] le mot dérive du grec apokalypsis qui se traduit par “dévoilement, manifestation, révélation” ». L’Apocalypse johannique est une révélation de Jésus Christ par Jésus Christ » (Quesnel & Gruson, 2000, p. 455). Ce terme n’a donc pas toujours eu une connotation négative et n’a pas toujours été associé à la catastrophe. Au contraire, au temps de Jésus Christ, nous voyons grâce aux écrits de l’apôtre Jean dans le Nouveau Testament canonique que l’Apocalypse était perçue comme un cri d’espérance grâce à la révélation de Jésus Christ qui appelait à la conversion et à l’ouverture de l’espoir (Quesnel & Gruson, 2000). Pour notre mémoire, nous allons nous éloigner de la connotation religieuse et porteuse d’espoir que peut dégager ce terme. Nous utiliserons ce concept plutôt dans le sens que la société lui attribue actuellement, c’est-à-dire associé à des catastrophes de manière générale.

Pas une Afrique mais… des Afriques

  « Parler de l’Afrique comme une entité, c’est méconnaître la diversité des situations : il n’y a pas une mais des Afriques » (Brunel, 2004, p. 21).L’Afrique est en effet un vaste continent souvent faussement défini comme un pays lorsque l’on parle d’elle ; comme si l’Afrique n’était qu’une gigantesque terre présentant le même paysage dunord au sud, le même niveau économique, les mêmes croyances, les mêmes habitants… Pourtant, l’Afrique est constitué de nombreux Etats et pays qui s’opposent beaucoup entre eux à plusieurs niveaux. C’est pour ces raisons qu’il est difficile de parler d’une seule Afrique et que l’on parle plus volontiers de nos jours chez certains historiens d’une « Afrique plurielle » (Bart, 2003, cité par Brunel, 2004). Pour illustrer ce concept de pluralité de l’Afrique, voici quelques exemples de différences présentées par Brunel (2004) et Smith (2005) qui démontrent les oppositions des pays d’Afrique sur le plan culturel comme sur le plan économique :
Les niveaux de développement sont très inégaux : l’Afrique du Sud, par sa capacité de production est un géant économique à l’échelle du continent, contrairement au Nigeria, dont les infrastructures sont en ruine, qui se trouve en dessous du seuil de pauvreté (PNB/hab. : 290 dollars).
La pluviométrie conditionne les paysages et les civilisations: à l’ouest de l’Afrique, l’Afrique des savanes doit constituer des réserves après les récoltes et gérer les surplusjusqu’à l’année suivante tandis que l’Afrique des forêts, la terre permettant de se nourrir convenablement, connaît moins ce genre de soucis.
Les infrastructures de communication sont inégales. Nous pourrions énumérer énormément de différences entre les pays d’Afrique. Le stéréotype qui veut que l’Afrique soit perçue comme un pays vient sans doute, d’une méconnaissance de ce continent (Brunel, 2004).

La famille

  Nous avons vu durant le module sur l’interculturalité à la Haute Ecole de Pédagogie que dans les années 1940 a eu lieu la célèbre expérience des poupées menée par Kenneth et Mamie Clark, deux psychologues afro-américains, très actifs dans le mouvement des droits civiques aux EtatsUnis et ayant conduit d’importantes recherches sur les enfants. Le but de l’expérience était de faire ressortir la perception de soi des enfants lié à la race. L’expérience de la poupée consistait à présenter à un enfant afro-américain deux poupées identiques à l’exception de leur couleur de peau et cheveux : il y avait une poupée noire auxcheveux bruns et une poupée blanche aux cheveux blonds. L’enfant devait choisir la poupée avec laquelle il aimerait jouer. Il devait aussi désigner selon les questions posées la poupée qu’il trouvait la plus jolie, la poupée « gentille » par opposition à la « méchante », etc. Il a résulté de l’expérience une nette préférence des enfants pour la poupée blanche. Ces conclusions laissent penser que les enfants sont exposés à un racisme conscient ou inconscient mais dans tous les cas intériorisé. Nous avons voulu nous pencher sur la question du pourquoi les enfants possèdent ces préférences de race et nous avons supposé que la famille avait un rôle énorme dans la transmission des préjugés et stéréotypes raciaux. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons lu différents textes dont plusieurs correspondent à des expériences menées chez des familles pour mesurer le lien entre les attitudes raciales des parents et les attitudes raciales de leurs enfants. Avant de parler de ce lien, nous aimerions mettre en lumière les différents stades d’identification chez l’enfant : le premier niveau dans le développement de l’identité est la conscience qui correspond à l’habilité de distinguer les personnes de différente race (Byrd, 2011). Selon Semaj (1980, cité par Byrd, 2011), la conscience commence probablement aussitôt que l’enfant perçoit les différences physiques chez les gens. Alejandro – Wright (1985, cité par Byrd, 2011) explique quant à lui que la couleur de peau est une des premières caractéristiques physiques que l’enfant voit. Mais celle-ci ainsi que la couleur des yeux peuvent aussi être importantes. Il ajoute que la plupart des enfants ne parviennent pas à classifier les personnes par race avant l’âge de 4-5 ans. Ce même chercheur a listé les différents stades de développement de la conscience, de l’identification de soi-même et de la constance :
3-4 ans : développement de la conscience des différences physiques et classification idiosyncratique
4-6 ans : conscience des différences physiques et classification constante
6-8 ans : développement de l’identification de soi-même et classification préconceptuelle
8-10 ans : conscience basée sur des caractéristiques physiques et biologiques et classification conceptuelle
10-12 ans : conscience basée sur des caractéristiques physiques, biologiques et sociales et développement de la constance raciale.

Les zoos humains

  Les différentes expositions coloniales, universelles ou jardins d’acclimatations qui ont eu lieu à partir de la fin du XIXe siècle jusqu’au premier tiers du XXe siècle, ont eu un énorme succès à travers toute l’Europe et les Etats-Unis. Leur impact sur nos représentations de l’Autre et plus précisément, pour nous, de l’Africain est d’une importance primordiale : « Premier contact de « masse » entre les mondes dits « exotiques » et de larges franges des populations européennes (de Paris à Moscou) et américaines, les exhibitionsanthropozoologiques ont fixé pour plusieurs décennies un rapport à l’autre fondé sur sonobjectivation et sa domination » (Blanchard, Bancel & Lemaire, 2004, p. 63). Ces expositions furent les premières rencontres de masse entre colons et colonisés (Blanchard, Bancel & Lemaire, 2004) ; elles ont donc un impact très fort sur les représentations de l’époque. Ces différents statuts étaient très présents dans l’imaginaire des pays occidentaux et cette classification se justifie aisément étant donné le contexte historique : « Avec l’établissement des empires coloniaux, la puissance des représentations sur l’Autre s’impose dans un contexte politique fort différent et dans un mouvement d’expansion historique d’une ampleur inédite. Le tournant fondamental reste la colonisation car elle impose la nécessité de dominer l’Autre, de le domestiquer et donc de le représenter. Aux images ambivalentes du «sauvage», marquées par une altérité négative mais aussi par les réminiscences du mythe du «bon sauvage» rousseauiste, se superpose une vision nettement stigmatisante des populations «exotiques» » (Blanchard, Bancel & Lemaire, 2004, p. 65). Ces expositions montraient principalement les peuples colonisés. Elles mettaient de ce fait en avant la puissance des colonisateurs et venaient appuyer leurs actions. Il fallait montrer ce qui différenciait les colonisateurs des colonisés. L’image de sous-hommes dominés et de surhommesdominants y était omniprésente. L’Autre était perçu comme un sauvage, comme un être inférieur face aux puissances coloniales. D’ailleurs, une mise en scène de la sauvagerie, de par leurs habits,leurs danses ou encore leurs rites (cannibalisme…) a permis de construire et de renforcer les stéréotypes racistes de l’époque (Blanchard, Bancel & Lemaire, 2004). « La proximité de l’animal et de l’« indigène » est une constante de ces spectacles populaires, rabaissant les « indigènes » à un même niveau d’animalité et de sauvagerie ; l’indigène n’est qu’un élément de l’ambiance exotique présentée et, à ce titre, s’intègre dans un décor ».Les indigènes étaient d’une certaine manière animalisés et c’était bien entendu aussi le cas pour les africains. Ils étaient perçus comme inférieurs, comme des bêtes de foires.Une nouvelle fois, ceci vient renforcer la vision de sous-hommes et de surhommes. Une des attractions les plus populaires étaient les villages nègres. Ils ont ainsi permis de forger une représentation de ce continent avec comme idée principale : la sauvagerie.

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Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
2.1 Les élèves ont une vision stéréotypée et dichotomique de l’Afrique
2.1.1 Les élèves ont une représentation apocalyptique de l’Afrique
2.1.2 Les élèves se représentent l’Afrique comme un Jardin d’Eden
2.2 Trois sources d’influence : école, médias, famille
2.3 Justification de la problématique
3. Concepts
3.1 L’Autre
3.2 Les représentations
3.3 Les stéréotypes
3.4 Les préjugés
3.5 Le Jardin d’Eden
3.6. L’Apocalypse
3.7 Pas une Afrique mais… des Afriques
4. Sources d’influence
4.1 L’école
4.2 La famille
4.3 Médias et manifestation
4.3.1 Les zoos humains
4.3.2 Savon
4.3.3 Banania
4.3.4 Tintin au Congo
4.3.5 Journaux
4.3.6 Films

4.3.7 Publicités d’aujourd’hui
4.3.8 Campagne d’aide (solidarité)
5. Méthodologie
5.1 Tests
5.2 Entretiens
5.3 Echantillonnage
6. Récolte des données 
7. Justification des catégories
8. Constats et analyses
8.1 Constats généraux
8.2 Mots
8.3 Dessins
8.4 Textes
8.5 Entretiens
8.6 Sources d’influence
9. Biais
10. Conclusion
11. Bibliographie
12. Annexes
v Test n°1 : mots
v Test n°2 : dessin
v Test n°2 : texte
v Liste de questions posées aux élèves
v Exemple de tableau de classement
v Entretiens

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