Les effets de la politique de gentrification sur les centres anciens stéphanois

SAINT-ETIENNE : VILLE D’ART ET D’INDUSTRIE

Saint-Etienne est une ville du département de la Loire située sur la rivière du Furan, au pied du Pilat, à 60 kilomètres au sud-ouest de Lyon. Elle est l’une des plus grandes villes d’altitude d’Europe et la 14ème commune de France. Elle est entourée de sept collines et présente une architecture particulière de l’ère industrielle du XIXème siècle. Les collines n’ont pas empêché Saint-Etienne de se développer, elles offrent à la ville un rapport privilégié avec son grand paysage. Aujourd’hui, avec ses 173 256 habitants, il s’agit de la deuxième plus grande commune de la région Rhône-Alpes après Lyon.
Saint-Etienne est située à un emplacement stratégique puisqu’elle est positionnée à une dizaine de kilomètres du grand fleuve de La Loire et à une trentaine de kilomètres de celui du Rhône. De même, sa proximité avec les rivières du Gier et de l’Ondaine, la vallée du Furan fait de cette ville un territoire convoité dès le XIIIème siècle. En effet, la bourgade de SaintEtienne surplombée par le château du Pic de Saint-Priest, va se développer sur la rive gauche du Furan.
Saint-Etienne est une ville née avec l’industrie. En effet, la géologie a donné à la ville de nombreuses richesses qui lui ont permis d’avoir ses années de gloire. Dès le XIIIème siècle, Saint-Etienne commence l’exploitation du charbon et à la fin du XVème siècle elle s’ouvre au travail du métal et à la fabrication des armes. Vers la fin du XVIème siècle le tissage du rubanse développe. Le Furan a, en effet, permis le développement des tanneries et des industries du fer. Ce torrent prend sa source dans les Monts du Pilat, traverse la ville de Saint-Etienne du Nord au Sud en passant par son centre ville (actuelle place du Peuple) et se jette dans la Loire. Ce torrent, aujourd’hui pratiquement invisible à Saint-Etienne, est à l’origine des usines de moulinage de la soie et de la production stéphanoise d’armes. En effet, les eaux du Furan étaient réputées pour avoir des propriétés remarquables pour faire tourner les moulins garnis de fuseaux ou de bobines, décreuser la soie et pour tremper les aciers. Dès le XVIIème siècle, tout est alors en place pour que Saint-Etienne devienne la ville la plus manufacturière du royaume du Forez. La ville produit de tout : moulins à café, rubans, boucles de chaussures,charnières de fenêtre etc. Saint-Etienne est un véritable centre de profit et attire de grands industriels prêts à investir la ville autant sur le plan économique que résidentiel.
A la fin du XVIIIème siècle, la ville compte environ 28 000 habitants et s’oriente d’Est en Ouest lui donnant une forme de papillon. Saint-Etienne, par son histoire industrielle, a connu de fortes périodes d’évolution et de mutation parfois importantes et brutales qui sont encore visibles aujourd’hui dans son paysage urbain. En effet, au moment du contexte florissant de la Restauration, la bourgeoisie, très présente dans la ville, assoit son pouvoir de réussite en construisant des édifices et des espacespublics au cœur du centre ville.
De même, en 1801, la ville se dote d’un plan en Damier esquissé par Pierre Antoine Dalgabio qui s’ajoute au maillage tortueux de l’Ancien Régime. Du papillon orienté d’est en ouest, la ville passe à un plan géométrique orienté du nord au sud qui se matérialise par laGrand’Rue. Le tracé de la Grand’Rue suit une ligne droite entre la butte de Saint-Priest et Bellevue qui permet de traverser la ville de Saint-Etienne du Nord au Sud sur 7 kilomètres en passant par de nombreuses places publiques notamment celle de l’Hôtel de Ville. Elle devient la colonne vertébrale de la ville soit le corps du papillon et facilite la mise en place d’une tramepiétonne constituée de traboules, montées et passages.
Cependant, c’est seulement à partir de 1819 que se développe véritablement l’aménagement nord/sud de la Grand’Rue. Pierre Antoine Dalgabio conçoit et édifie la plupart des établissements publics du territoire communal. Il crée, notamment le Palais de justice, la gendarmerie, la prison et pose la première pierre de l’actuel Hôtel de Ville en 1822. Ces constructions sont à l’origine d’un certain nombre d’ouvertures de rues, de la construction d’immeubles d’habitation et de lotissements.
La ville de Saint-Etienne se dote alors de nombreux édifices d’élites bourgeoises.
Au cours du XIXème siècle, grâce à son regroupement avec quatre autres communes, Outrefuran, Montaud, Valbenoîte et Beaubrun situées dans sa périphérie, Saint-Etienne a développé, malgré sa topographie difficile, une juxtaposition de quartiers très différents où se côtoyaient lieux de travail et lieux d’habitation. Ainsi, la superficie passe de 256 hectares en 1855 à 3 986 hectares pour 94 432 habitants.
L’activité industrielle de la ville commence par l’exploitation du charbon dès 1845 qui se fait grâce à la création de 140 puits parsemés dans la ville.
Au XIXème siècle, Saint-Etienne devient le plus important bassin minier français et ce, jusqu’en décembre 1983 où la mine a fermé ses portes.
Si la mine a cessé de fonctionner, elle est encore bien visible dans le paysage stéphanois. En effet, les crassiers qui surgissent en 1930, après l’abandon de la technique du remblayage, sont devenus des éléments remarquables. Le terme de crassier renvoie aux déchetsmétallurgiques, scories et impuretés du métal en fusion appelé « crasses », mais à Saint-Etienne, ildésigne le terril.
Les crassiers Michon, plus communément appelés « les mamelles de Saint-Etienne », situés sur le site Couriot, ancien bassin minier, forment en quarante ans d’exploitation, deux collines de 120 mètres de haut accentuant l’image collinaire de la ville. Celui situé plus à l’est a commencé sa croissance dès 1930, l’autre, situé plus à l’ouest, en 1947. Ils ont été alimentés, jusqu’en 1958 par les déchets que déversaient les wagonnets à leur sommet : scories des chaudières, schistes, pierres… le tout formant du souffre susceptible d’entrer en combustion au contact de l’air. Les acacias qui ont été plantés par les houillères après la fermeture des puits ont fait place à d’autres espèces exogènes et inattendues du fait de l’acidité et de la chaleur du sol.
S’ajoutent à l’activité minière, celles des passementiers, armuriers, ferblantiers, fabricants de cycles et des petits commerces répondant aux besoins d’une population en perpétuel accroissement. Quant aux aciéries et aux forges, elles prennent place près des voies ferrées sur l’ancienne commune d’Outrefuran.

SAINT-ETIENNE : VILLE VICTIME D’UNE DEPRISE INDUSTRIELLE ET DEMOGRAPHIQUE

Après les années 1965, la ville est touchée par une crise structurelle qui se caractérise par une forte perte d’emplois et les fermetures des sites industriels (Manufrance, Manufacture d’Armes…) laissant ainsi 50 000 m² de friches industrielles en 1985. Cependant, l’activité industrielle est encore très présente aujourd’hui puisque la ville compte 20% d’actifs employés dans ce secteur contre 14% de moyenne nationale (chiffres INSEE).
Saint-Etienne, de par son passé, est touchée par un phénomène métropolitain. La ville doit, en effet, affronter une crise économique et démographique extrêmement grave et voit son avenir compromis par sa capacité à entrer dans la dynamique métropolitaine. Il s’agit d’un challenge de grande envergure puisque Saint-Etienne souffre d’un déficit d’image important. Elle apparaît peu dynamique, peu attractive et traine de grandes difficultés économiques.
L’objectif est d’attribuer à Saint-Etienne une image de ville contemporaine.
Traumatisée par la perte de ses industries traditionnelles et par les problèmes économiques et sociaux que sa reconversion a engendrés, Saint-Etienne a connu la plus forte déprise économique et démographique. Elle compte, en effet, une perte 40 000 habitants depuis les années 1970 et plus précisément de 20 000 habitants entre 1990 et 1999.10
Elle doit, aujourd’hui, surmonter sa baisse de vitalité économique et trouver des leviers de renaissance en agissant sur la qualité urbaine et sur son identité propre.
Dès les années 1980, une action publique se met en place pour engager un processus de transformation de la ville consistant à reconquérir les friches industrielles et à recomposer le tissu économique. Pour cela, la ville s’est attachée au développement des entreprises locales. Cette politique a permis de construire et de réhabiliter 600 000m² de bâtiments pour les entreprises. La ville a aussi accueilli 700 hectares de zones d’activités. Saint-Etienne a pu alors générer 60 000 nouveaux emplois sur les 80 000 perdus dans les années 1980.
De même, une friche industrielle de sidérurgie a accueilli un technopôle aménagé qui a permis la mise en place d’un centre de conférence, de nombreuses entreprises et la création de plus de 2000 em plois, des centres de recherche et de formation. La zone d’activité Stelylec située dans la vallée du Gier compte aujourd’hui 25 entreprises et 800 emplois. Aussi, l’ancienne zone minière à l’ouest de Saint-Etienne s’est également transformée pour permettre la mise en place de 25entreprises et la création de plus de 1000 emplois. Enfin, les bâtiments de la Manufacture onthérité d’un centre d’affaires qui regroupe plus de 1500 emplois.
Ces exemples montrent que Saint-Etienne persévère dans sa reconversion. La ville veut retrouver une nouvelle attractivité en confortant son atout industriel fondé sur un maillage de PME industrielles performantes et innovantes, sur la synergie entre les laboratoires de recherche, les universités et les entreprises. Le moteur de cette nouvelle attractivité est le développement de l’activité tertiaire, il est recherché et alimenté par l’action conjuguée de tous les acteurs du développement territorial. Aujourd’hui, la ville accueille, tout de même, certains leaders nationaux comme Casino (commerce alimentaire), Thuasne (fabrication et commercialisation de produits médicaux et sportifs), Chambon (société de mécanique industrielle), Desjoyaux (fabrication et vente de piscines) et SNF Floerger (fabrication de polymères hydrosolubles pour le traitement de l’eau).
De même, la ville essaye, en parallèle, de développer des activités secondaires révélatrices d’un réel savoir-faire stéphanois. En effet, Saint-Etienne se base sur la reconnaissanceau niveau national de ses atouts économiques comme la mécanique, l’optique, l’eau et le design.
Cependant, si depuis la fin des années 1970, la ville a pris conscience de la crise qu’elle traverse et a fait de nombreux efforts pour relancer son économie notamment vers des activités de services, elle rencontre encore de nombreuses fragilités. En effet, elle n’arrive pas à s’imposer au niveau de sa Région. Les emplois métropolitains supérieurs sont situés à la 35ème place au niveau national alors que ceux de Grenoble se situent à la 4ème place et il n’existe qu’une cinquantaine de laboratoires de recherches contre 200 dans l’agglomération Grenobloise. Saint-Etienne se veut aujourd’hui d’être compétitive à petite et grande échelle alors qu’elle n’a jamais été aussi en concurrence avec ses communes voisines que depuis aujourd’hui. Cependant, elle n’a pas encore trouvé ses fonctions centrales qui la feront s’imposer à l’échelle métropolitaine et la feront se « décomplexer ». Le choix de tout miser sur les entreprises n’a pas permis à la ville de sortir totalement la tête de l’eau.

LE RETOUR A LA VILLE CENTRE

Après des décennies de déconcentration et de Sub-urbanisation, les logiques urbanistiques changent et évoluent vers un souci de repeuplement des villes centres. En effet, Lebreton et Mougel expliquent qu’il s’agit de nouvelles stratégies résidentielles qui sont le fait « d’individus désirant rompre avec un mode de vie de suburbain jugé sclérosé, voire aliénant ».
A l’époque de la ville industrielle, le tissu périurbain était fait de vieux noyaux villageois ou de lotissements pavillonnaires. Le périurbain arrivait en continuité des cités d’habitat social et était perçu comme l’horizon d’une mobilité résidentielle réussie qu’est l’accession à la propriété au sein d’une maison individuelle. Il existait à la fois une continuité dans la proximité des deux formes de tissu urbain et dans les liens sociaux. En effet, les liens familiaux et amicauxétaient maintenus entre les cités de grands ensembles et celles de maisons individuelles.
Au moment de la désindustrialisation, il y a eu une certaine répulsion vis-à-vis de l’habitat de grands ensembles. Les cités pavillonnaires périurbaines sont devenues un entre-soi protecteur où les habitants se protègent des cités qui peuvent nuire à leur qualité environnementale, à leur sérénité. Cette crainte est assez paradoxale puisqu’une partie de ces « classes moyennes » proviennent de ces cités HLM. La périurbanisation apparaît comme la recherche d’un habitat paisible dans un cadre naturel. Il s’agit d’une nouvelle ville, une ville choisie où la mobilité permet de trouver un emploi en ville, d’accéder à des centres de loisirs, de culture loin de chez soi.
Au cours des années 1970 et 1980, Saint-Etienne, comme la plupart des villes industrielles de France après la crise du fordisme, a vu sa population aisée fuir la ville centre pour la périphérie. Saint-Etienne est devenue « répulsive » pour la classe moyenne et donc une « ville perdante » avec un taux d’émigration beaucoup plus important que celui de l’immigration ; l’émigration touchant davantage les populations relativement aisées qui fuient le cadre stéphanois pour retrouver la périphérie. La chute des activités économiques et la fuite des classes moyennes ont diminué la valeur du prix du foncier de telle sorte que Saint-Etienne, du fait d’un différentiel d’aménités entre son centre et sa périphérie, s’est vu infliger le statut de « ville perdante ».
Cependant, les aspirations évoluent et la tendance résidentielle des villes de pays développés change. En effet, le cœur des villes fait aujourd’hui l’objet d’un réinvestissement important et de dynamiques multiples par des acteurs politiques, économiques et sociaux. La gentrification fait partie intégrante de ce nouveau processus de peuplement urbain. Il s’agit d’un processus relativement important de transformation physique, sociale, économique et culturelle des centres urbains.
Ce retour en ville des classes moyennes est soit le fait d’acteurs du marché immobilier qui ont perçu la qualité résidentielle des quartiers centraux délaissés, les ont revalorisés et en ont tiré profit auprès de nouvelles populations, soit le fait d’une simple évolution des pratiques sociales et d’un intérêt croissant des classes moyennes pour les ressources sociales, économiques, culturelles et symboliques des centres urbains. Pattinson résume ce phénomène en expliquant que « le phénomène de reconquête est d’abord initié par un petit groupe de personnes audacieuses (« les envahisseurs »), puis porté par une clientèle plus soucieuse des risques (« les pionniers ») et récupéré, enfin, après intervention des pouvoirs publics, par des membres des classes moyennes en accession sociale (les « yuppies » ou les acteurs de l’embourgeoisement ») ».
Cependant, suivant les contextes, ce schéma peut comporter quelques variations puisqu’il implique de traiter la gentrification en tant que processus de changements successifs de population. Il est intéressant de comprendre les mobilités des différents acteurs de la gentrification dans leur dimension à la fois qualitative et quantitative. Cette analyse permet de mieux cerner la gentrification et le rôle des gentrifieurs.

Les pouvoirs publics comme acteurs de la gentrification

Outre le fait d’être un phénomène soit du ressort des classes moyennes soit des artistes, la gentrification apparaît comme un signe de la compétition entre les villes. Elle apparaît comme un outil de régénération urbaine et de renouvellement urbain. En effet, dès les années 2000, des conférences auprès des acteurs de la politique locale des Etats Européens portent sur la question du logement et du renouvellement urbain.
L’idée est alors de placer la gentrification au cœur des politiques urbaines transnationales. De ce fait, de nombreux auteurs s’interrogent sur les liens entre les politiques de renouvellement urbain de l’habitat ancien et le processus de gentrification. En effet, Le Galès explique que les grandes villes européennes s’engagent dans la poursuite d’un objectif de croissance et de développement économique ; ce qui les oblige à revoir régulièrement leurs stratégies urbaines. Face à cette situation, un modèle entre prenarial se développe localement qui s’articule, d’après Le Galès, autour de différents éléments : « le discours de la concurrence et du marché, y compris en termes d’image et d’identité, la priorité politique accordée aux enjeux de développement économique et d’attraction d’investissements, de flux et de groupes sociaux favorisés, la transformation du gouvernement local vers des formes organisationnelles de type partenariat public-privé qui donnent aux acteurs privés un rôle important dans la définition de l’intérêt général de la ville ».
Du point de vue économique, les villes cherchent alors à orienter leurs stratégies autour de la compétitivité, de l’attractivité et de l’affirmation d’une identité propre grâce, notamment, à la mise en place de grands projets urbains, de « flagship ».
Cependant, le seul développement économique ne suffit pas au développement territorial global et ne peut se mettre en œuvre seul. De ce fait, les politiques publiques s’oriententvers des stratégies de renouvellement urbain et vers des actions portant sur le cadre de vie.
En effet, afin d’assurer son développement territorial, la ville se doit d’attirer des populations ayant un capital économique plus élevé que la moyenne, de montrer qu’elle est innovante, créative, dynamique et qu’il s’agit d’un lieu attractif où l’on peut à la fois habiter, consommer et se divertir. Le développement territorial se fonde alors sur l’attractivité résidentielle et l’économie résidentielle. L’attraction des classes sociales moyennes et supérieures apparaît commune ressource indispensable pour le développement d’un territoire. Davezies considère, par exemple, que la captation des revenus des ménages les plus dotés en capitaux économiques et des revenus liés au tourisme permet d’offrir « des effets multiplicateurs d’emplois et de revenus très favorables à la cohésion territoriale et sociale ».
La gentrification apparaît comme une réponse à des dysfonctionnements urbains. En effet, une politique de renouvellement urbain permet, par la promotion d’une forte qualité de vie, de capter des ménages « créatifs » et de favoriser le développement économique. L’attractivité résidentielle apparaît comme un levier de développement territorial autour duquel les collectivités s’activent afin de rentrer en compétition. Le but d’une politique de renouvellement urbain est alors de créer des avantages résidentiels qui permettent la production d’une image positive et celle d’un cadre urbain qualitatif.

La politique de renouvellement urbain se veut de capter les flux humains de populations les plus dotées en capitaux économiques et sociaux afin de ramener les populations au centre des villes et, de ce fait, de contrer les dynamiques de périurbanisation et de mitage.
Elle permet, en ce sens, de repeupler les centres, de diminuer la vacance, de créer de la mixité sociale afin d’enrayer le phénomène de ségrégation et d’apporter du pouvoir d’achat afin de recréer de la demande et de permettre à des commerces de s’implanter en rez-de-chaussée.
Cette politique de renouvellement urbain apparait clairement comme une stratégie de gentrification. En effet, la volonté est d’enrayer la ségrégation sociale des centres urbains par la captation de classes sociales aux capitaux économiques et culturels plus élevés. La gentrification semble être une réponse à la crise du logement que connaissent certains centres urbains et donc prendre tout son sens dans un projet politique public global. Face à ce constat, dès les années 1990, les villes occidentales des Etats-Unis, d’Europe et d’Amérique latine passent d’une gentrification comme anomalie à une gentrification comme stratégie urbaine globalisée.
En France, les politiques de gentrification prennent forme dans la mise en œuvre de la politique de renouvellement de l’habitat des quartiers anciens. Cette politique semble, par ailleurs, chercher une gentrification « sans exclusion ». En effet, si elle s’appuie sur des objectifs d’attraction de nouvelles populations notamment les classes moyennes, de requalification des logements et d’amélioration de la qualité résidentielle, elle cherche aussi le maintien de la population en place.
A Saint-Etienne, les quartiers anciens centraux étant confrontés à une crise sociale et urbaine importante dont l’intensité dépasse celle des quartiers de grands ensembles sociaux, la ville se retrouve confrontée à un processus de décroissance urbaine qui nécessite l’intervention des politiques publiques sur les centres anciens. L’action urbaine stéphanoise s’inscrit ainsi dans un contexte local difficile, porteur d’un risque de récession urbaine important. Cette décroissance urbaine est le fait de la disparition des sites industriels urbains et de l’activation d’une crise sociale, urbaine et économique spécifique concentrée sur le parc privé vétuste.
Cette situation a détendu le marché du logement stéphanois et a qualifié les centres urbains de quartiers anciens dégradés. Les centres anciens affichent un réel déficit de produits adaptés, d’image, de communication et de coordination qui oblige la mise en place d’une politique publique de l’habitat. Certains quartiers font ainsi l’objet d’opérations publiques spécifiques.
En effet, Saint-Etienne s’est engagée entre 1999 et 2001 dans une politique de Grands Projets de Ville et a bénéficié de crédits relevant des Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitatet de Renouvellement Urbain (OPAH-RU).

DES ACTIONS POUR UNE GENTRIFICATION «SANS EXCLUSION»

La gentrification est devenue un projet politique global et une vision normative du futur de la ville que les acteurs publics et leurs partenaires privés cherchent à mettre en œuvre. Saint-Etienne fait partie de ces villes industrielles qui, du fait de la crise post-industrielle qu’elles traversent, cherchent à revitaliser, régénérer, valoriser, dynamiser, rénover, réhabiliter leurs centres historiques délaissés. Toutes ces actions pour définir la volonté des pouvoirs publics à changer l’image de leurs quartiers sous entendant un objectif de gentrification sans exclusion ou d’évolution « naturelle » du tissu urbain.
En effet, à la faveur du tournant néolibéral des années 1980, la gentrification s’est hissée au rang d’un projet politique global cherchant à améliorer le futur de la ville. Ce sont les gouvernements et les partenaires privés qui souhaitent mettre en œuvre cette politique. La question de la gentrification est clairement reprise et assumée par les pouvoirs publics qui s’en emparent pour renouveler socialement et physiquement leurs quartiers anciens centraux.
En effet, les villes veulent, au sein de ces quartiers, attirer les élites de la « classe créative » afin de restructurer l’économie capitaliste, la concurrence inter-villes et la diffusion de nouvelles théories de développement économique local.
A Saint-Etienne, la valeur du parc ancien est trop faible pour permettre son entretien spontané. Le marché de logements anciens étant détendu il implique des effets cumulatifs sur la dépréciation du parc. De ce fait, la réhabilitation des logements privés nécessite une prise d’initiative publique. Cependant, à la différence d’autres agglomérations de taille comparable, Saint-Etienne n’a entamé sa structuration intercommunale que récemment. En effet, depuis une dizaine d’années Saint-Etienne souhaite faire figure de pionnière pour son intervention dans les quartiers anciens. Les opérations de renouvellement urbain portées par laVille s’orientent sur les quartiers du Crêt de Roch et de Tarentaise – Beaubrun – Couriot. L’EPA de Saint-Etienne, dans la continuité de cette politique, a développé une intervention publique importante sur les deux quartiers de Jacquard et Chappe-Ferdinand. Dans ces deux secteurs, caractérisés par une forte dégradation du bâti génératrice, d’inconfort pour les habitants, voire d’insalubrité, une mécanique de requalification des quartiers est mise en place par les pouvoirs publics. En effet, la perte de population de la ville a conduit l’EPA de Saint-Etienne, depuis 2007, à intervenir sur l’attractivité résidentielle des quartiers centraux. L’action porte alors sur ces quartiers anciens à proximité immédiate du centre et où il existe un réel potentiel d’attractivité à conforter.
Le but de cette intervention urbaine d’ensemble est d’enrailler la dégradation des quartiers anciens. La volonté est alors d’améliorer la qualité de vie des habitants et usagers en agissant sur les espaces publics existants, par l’apport de constructions neuves ou de nouveaux espaces publics sur les parcelles démolies. Cette intervention permet la mise en place detoute une panoplie d’outils disponibles pour retendre le marché immobilier de Saint-Etienne.
Il s’agit d’une politique ciblée d’acquisitions foncières qui permet la démolition d’immeubles pour desserrer le tissu urbain et aménager des jardins ou des places publics. Elle permet aussi d’impulser des obligations faites aux propriétaires sous menace d’expropriation afin qu’ils rénovent leurs biens, d’apporter un soutien financier aux travaux, à la gestion du logement social pour maintenir les populations en place. De même, la volonté est aussi d’améliorer l’habitat existant grâce à un processus de rénovation de l’habitat ancien par incitation des propriétaires à réaliser des travaux. Cet outil incitatif se fait grâce à un accompagnement auprès des propriétaires (études architecturales, diagnostics de performances énergétiques, dossiers de demandes de subventions, suivi des travaux, etc.) pour mener à bien leurs projets qu’ils réalisent avec divers partenaires financiers tels que l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH), Saint-Etienne Métropole, le Département de la Loire et la Ville de Saint-Etienne. L’EPA de St-Etienne a confié au PACT Loire l’animation des propriétaires pour les travaux relevant du dispositif.
Il existe aussi un outil coercitif permettant la rénovation de l’habitat ancien et qui fait l’objet d’une inscription des immeubles les plus dégradés dans des Opérations de Restauration Immobilière (ORI). Dans ce cadre, les propriétaires sont soumis à l’obligation de réaliser des travaux de rénovation.

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Table des matières
Remerciements
Avant Propos
Introduction
_ Saint-Etienne : une image liée au déclin industriel
1.1Saint-Etienne : Ville d’Art et d’Industrie
1.2Saint-Etienne : Ville victime d’une déprise industrielle et démographique
_ Les centres urbains : lieux stratégiques de l’évolution des villes
2.1Les centres anciens stéphanois : territoires emblématiques pour la gentrification
2.2 Le retour à la ville centre
_ La gentrification : une stratégie nécessaire et en cours de réussite à Saint-Etienne
3.1Des actions pour une gentrification «sans exclusion»
3.2Les effets de la politique de gentrification sur les centres anciens stéphanois
3.3Le processus de gentrification dans d’autres villes industrielles similaires
Conclusion
Bibliographie

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