Les didactiques des sciences : le modèle allostérique

Définition de l’enseignement

Avant d’entrer dans des considérations propres aux sciences, il ne nous a pas paru inutile de nous attarder quelques instants sur la définition de l’enseignement lui-même. Cette dernière devrait nous permettre de délimiter notre zone d’action initiale, avant de la circonscrire davantage avec des outils intimement liés à la didactique spécifique de la physique. Approchons-nous de cette définition avec une référence assez ancienne qui a le mérite de la clarté. Marx nous explique que « dans le procès de travail, l’activité effectue à l’aide de moyens de travail une modification voulue de son objet » (Marx, 1867-1976, p. 138). Il s’agit de comprendre si cette définition peut être réinvestie afin de nous éclairer sur ce qu’est l’enseignement. Schneuwly estime que c’est possible. Il prétend que « l’objet du travail enseignant sont les processus psychiques des élèves ; ce sur quoi il travaille sont des modes de penser, de parler et d’agir qu’il doit transformer en fonction de finalités définies par le système scolaire » (Schneuwly, 2009, pp. 29-30). Or, il n’est guère aisé de modifier des processus psychiques, qui sont immatériels et sur lesquels « il n’y a pas d’action directe possible de l’enseignant » (Schneuwly, 2009, p. 33). Schneuwly s’appuie sur les travaux de Vygotski afin de trouver une réponse à cet épineux problème. Pour travailler sur les processus psychiques des élèves, il est nécessaire d’avoir recours à des instruments psychologiques.

Les instruments psychologiques sont des élaborations artificielles, ils sont sociaux par nature, et non pas organiques et individuels, ils sont destinés au contrôle de processus du comportement propre ou de celui des autres, tout comme la technique est destinée au contrôle des processus de la nature. (Vygotski, 1930-1985, p. 38) Ce sont ces instruments psychologiques qui permettraient la modification des processus psychiques des élèves. Plus précisément, pour l’enseignant, « les systèmes sémiotiques sont […] des outils qui agissent sur les fonctions psychiques des autres en vue de les transformer » (Schneuwly, 2009, p. 31). Mais, n’oublions pas que « ce n’est en fait pas lui qui transforme le mode de penser, de parler et d’agir ; il ne fait que créer les conditions de leur éventuelle transformation par les élèves eux-mêmes » (Schneuwly, 2009, p. 33). Un lien peut aisément être réalisé avec la définition de conception fournie par Giordan et de Vecchi. En effet, la situation-problème dévolue aux élèves constitue une manière indirecte d’aller sonder leurs “processus psychiques”. Notons que pour l’instant, nous n’avons que peu développé d’exemples concrets d’outils que l’enseignant peut utiliser.

Afin de clarifier la situation, citons quatre gestes fondamentaux, retenus par Schneuwly, qui permettraient d’observer la modification souhaitée des processus psychiques des élèves. Ces quatre gestes fondamentaux du travail de l’enseignement en classe concernant l’objet d’enseignement se trouvent dans un rapport entre eux qu’on peut décrire comme une suite temporelle qui va de la mise en place du dispositif, en passant par la régulation pour arriver à l’institutionnalisation, la construction de la mémoire étant […] transversale. (Schneuwly, 2009, p. 41) Précisons, si besoin était, que la situation n’est pas aussi simple que nous pourrions l’imaginer. Ces quatre gestes fondamentaux ne se déroulent pas toujours dans cet ordre qui se voudrait chronologique, ils peuvent être intervertis, s’entremêler. Néanmoins, « on se trouve […] dans un système dynamique derrière lequel on peut cerner un flux temporel dominant » (Schneuwly, 2009, p. 41). Un dispositif didactique implique une mobilisation de divers moyens fort différents.

On peut noter « l’agencement même de la classe […], des textes écrits ou des supports pour écrire […], le discours de l’enseignant comprenant différentes modalités, y compris la gestualité et le déplacement dans l’espace » (Schneuwly, 2009, p. 37). Il en découle que « le choix même du dispositif didactique […] participe à la détermination de l’objet qui est en construction et permet de voir comment il est découpé, comment il est abordé, comment il est mis dans une séquence progressive d’élaboration » (Schneuwly, 2009, p. 37). Une fois le dispositif construit, l’enseignent joue un rôle actif en cours de séquence. Il se doit de réguler les dispositifs déployés. « Les régulations ont souvent comme point de départ l’explication ou le constat d’obstacles rencontrés par les élèves, ou des apports d’élèves à la construction de l’objet » (Schneuwly, 2009, p. 38). Schneuwly conçoit « le geste de régulation comme la prise d’information, l’interprétation et, le cas échéant, la correction concernant l’avancement du travail dans les dispoitifs en cours de construction » (Schneuwly, 2009, p.38). Comme nous le verrons par la suite, il existe plusieurs stratégies possibles à appliquer, en fonction de la typologie de l’obstacle.

Les didactiques des sciences : le modèle allostérique Nous souhaitons que les élèves modifient leur processus psychique concernant des savoirs scientifiques. Il nous sera nécessaire de penser des dispositifs didactiques le permettant. Cependant, nous avons constaté que les représentations que se faisaient les élèves de nombre de sujets scientifiques étaient, pour le moins, fantaisistes. Et pourtant, elles sont le fruit d’une construction mentale et possèdent une stabilité certaine. Nous nous devons d’en tenir compte. Le modèle allostérique développé par Giordan et de Vecchi propose une stratégie intéressante afin de permettre aux élèves de modifier leurs processus psychiques tout en acquérant de nouveaux concepts. « Le consensus actuel est […] que l’enfant n’est pas une “page blanche” sur laquelle on peut imprimer un savoir ; il possède des conceptions et c’est leur évolution progressive qui va constituer un niveau de connaissance de plus en plus opératoire et proche du savoir scientifique » (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 127).

Si nous acceptons cela, il est nécessaire de découvrir les conceptions des élèves, car nous souhaitons que l’élève parvienne à les faire évoluer. Le véritable défi commence à ce stade pour l’enseignant. Que faire lorsqu’un dispositif judicieux permettant d’observer les conceptions a été mis en place ? Comment en tenir compte dans son enseignement ? Certains professionnels s’accordent sur l’importance des conceptions, mais prétendent qu’il est « extrêmement difficile de prendre en compte ces conceptions, car elles sont trop diverses et risquent d’entraîner la classe dans des directions multiples » (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 127). D’autres évoquent les programmes en arguant qu’ils sont “démentiels” et qu’on ne demandera aux élèves que des “savoirs ponctuels” ou des “exercices qu’ils devront s’être entraîné à réaliser”.

Il est, pourtant, indispensable de comprendre que « si les représentations initiales sont seulement refoulées, le sujet n’acquiert qu’une illusion de connaître […] ; et les vieilles conceptions referont surface à la première occasion un peu inhabituelle. » (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 128) En fait, ces conceptions représentent un pont entre l’élève et les savoirs à construire. Elles constituent sa “grille de lecture” qu’il utilisera pour comprendre le monde qui l’entoure. Afin de percevoir comment tenir compte des conceptions de l’apprenant, nous allons analyser trois types de comportement possible de l’enseignant. Certains désirent travailler “contre” les conceptions. L’enseignant va chercher à faire émerger les conceptions de ses élèves. Par la suite, il va faire en sorte que des contradictions entre les conceptions émanent, ou encore les “remettre en cause” lui-même. Le but est de « montrer aux élèves le décalage existant entre leur savoir et la réalité » (Giordan & de Vecchi, 1987, p.

Concepts scientifiques et concepts quotidiens

Afin de décrire l’évolution des processus psychiques et la manière avec laquelle les apprenants assimilent de nouveaux savoirs, Vygotski en vient à définir deux types de concepts. Bien que diamétralement opposés, ces derniers s’enrichissent par le biais d’une fine interaction. D’une part, il existe des concepts dit “quotidiens”. L’enfant peut les manier spontanément. Toutefois, s’il « a conscience de l’objet même qui est représenté dans le concept, il n’a pas conscience du concept lui-même, de son propre acte de pensée grâce auquel il se représente l’objet » (Vygotski, 1935-1997, p. 378). Citons un exemple de concept quotidien avec le terme “frère”. L’enfant comprend parfaitement ce que signifie ce mot et peut aisément l’utiliser dans des phrases. « Ce qui fait la force du concept quotidien est qu’il est gorgé de contenu empirique » (Vygotski, 1935-1997, p. 379). Néanmoins, il peinera à utiliser le concept “frère”. Si on lui demande qui est le frère de son frère, il sera certainement emprunté pour répondre.

En effet, « manier ce concept dans une situation non concrète […] est audessus de ses forces. » (Vygotski, 1935-1997, p. 379) D’autre part, le concept dit “scientifique” connaît un développement tout autre. Il n’est pas médiatisé par un objet, mais, « commence habituellement par un travail sur le concept même en tant que tel, par sa définition, par des opérations qui impliquent un emploi non spontané de ce concept » (Vygotski, 1935-1997, p. 379). L’enfant parvient immédiatement à utiliser le concept scientifique « dans différentes opérations logiques » et « découvre le rapport qu’il a avec d’autres concepts » (Vygotski, 1935-1997, p. 379). Citons, cette fois-ci, un exemple de concept “scientifique” avec la notion de “famine”. L’enfant pourra définir les conditions dans lesquelles s’applique ce concept. Il parviendra à en déterminer les causes et les conséquences, qu’elles soient naturelles ou politiques. Néanmoins, il peinera à donner du relief à ce concept. Si on lui demande d’expliquer ce que ressentent les personnes vivant une famine, il se retrouvera emprunté. Il manque cruellement d’empirisme vécu.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1. Introduction
1. 1. Les conceptions des élèves en sciences
1. 2. Exemples de conceptions erronées
1. 3. Des conceptions erronées en physique
1. 4. La reconfiguration du savoir
2. La problématisation
2. 1. Définition de l’enseignement
2. 2. Les didactiques des sciences : le modèle allostérique
2. 3. Les conceptions erronées en optique
2. 4. Des références communes
3. Cadre théorique
3. 1. Concepts scientifiques et concepts quotidiens
3. 2. Le concept quotidien peut jouer le rôle d’obstacle
3. 3. Les obstacles épistémologiques
3. 4. La synthèse additive et la synthèse soustractive
3. 5. Nos questions de recherche
4. Méthodologie
4. 1. Analyse préalable
4. 2. Analyse a priori
4. 3. Planification argumentée
4. 4. La composition du recueil de données
5. Analyse du recueil de données
5. 1. Evaluation diagnostique pré-séquence
5. 2. Evaluation diagnostique post-séquence
5. 3. Item 2 et item 3 de l’évaluation sommative
5. 4. Interprétation des données recueillies
6. Conclusion
7. Bibliographie des références
Annexe : Matériel utilisé durant la séquence

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *