Les démarches d’éveil aux langues comme voie de changement 

Le statut des langues

Comme le rappelle Calvet (2002), le principe de l’égalité des langues constitue la base de la déclaration universelle des droits linguistiques (1996). Cependant, même si les états tentent de respecter les droits linguistiques, et de donner aux langues minoritaires une reconnaissance, on ne peut affirmer que toutes les langues ont le même statut. Les langues internationales, comme l’indique Deprez , (1994 ) “dites grandes langues de communication, sont souvent considérées comme langues de prestige : il s’agit de l’anglais, l’espagnol, par exemple.” (p. 28) Elle ajoute que “cette classification […] renvoie, au -delà des décomptes des locuteurs, à la valeur marchande des différentes langues, c’est à dire à la possibilité de mobilité et de promotion sociale que donne le fait de les parler ”. (p. 28) En revanche, certaines langues ont un statut peu valorisé, parmi celles-ci, on peut citer les langues de l’immigration. Le statut des langues est également différent d’un pays à l’autre et comme l’indique C. Deprez (1994) il s’agit bien d’une valeur, c’est à dire de quelque chose de relatif et non d’absolu dans la détermination de laquelle va entrer la situation socio-économique des locuteurs eux-mêmes : les parents des enfants bilingues français-anglais en France n’appartiennent pas à la même catégorie socioprofessionnelle que les parents des enfants bilingues français-portugais.
A plus forte raison, le bilinguisme français-arabe n’a pas le même statut et n’est pas considéré de la même manière que le bilinguisme français-anglais ou français-espagnol. On peut d’ailleurs préciser que le statut des langues évolue aussi dans le temps à l’intérieur d’un même territoire. Ainsi, on peut noter que l’italien, l’espagnol et le portugais ont été, par le passé, des langues aux statuts peu valorisés alors qu’elles sont maintenant des langues ayant un statut plus élevé, notamment pour l’espagnol. Pour Calvet (2002 ), l’analyse des situations linguistiques du monde nous montre que les langues sont profondément inégales.

Les apports de l’ethnopsychanalyse

L’ethnopsychanalyse (ou ethnopsychiatrie), courant de la psychiatrie, s’intéresse depuis de nombreuses années aux troubles psychiques que connaissent les individus en situation de migration. Une équipe composée de différents personnels de santé : médecins, psychologues, reçoit régulièrement des enfants de migrants à l’hôpital Avicenne à Bobigny pour des soins et tentent de leur apporter une aide pour résoudre les conflits identitaires et les difficultés de construction de la personnalité que provoque leur identité plurielle. Chomentowski (2008) indique que l’ethnopsychanalyse “fait état de conséquences pathologiques possibles, liées à la situation migratoire car grandir en situation transculturellereprésente un risque pour la structuration psychique. ” (p.152). Ces équipes de soignantsfont également référence au rôle que joue la langue et notamment la langue fam iliale dans la construction de la personnalité. Dans un article, concernant le bilinguisme chez les enfants de migrants, Rezzoug, De Plaën, Benskhar-Bennabi et Moro (2007), évoquent le rapport Bénisti (2005) qui “ incitait clairement les mères de très jeunes enfants à utiliser le français avec eux, même si elles ne maîtrisaient pas bien cette langue, ce qui de fait dévalorise la langue de la famille et déprécie le statut de ces enfants.” (p. 61). Elles ajoutent que les représentations négatives vis à vis du bilinguisme des enfants de migrants “ rendent plus difficiles pour [ces enfants] la construction harmonieuse d’une identité métisse qui concilie deux appartenances culturelles ancrées dans une bonne estime de soi et qui intègre deux systèmes de représentation du monde.” (p.61). Elles parlent de difficultés spécifiques, notamment de mutisme extra familial et notent que, concernant les enfants de migrants “ la prévalence de mutisme est […] 3 à 4 fois plus élevée que dans le reste de la population.” (p. 66). Elles précisent qu’ “apprendre une nouvelle langue implique notamment l’acquisition de nouveaux objets internes et de nouvelles représentations de soi ; de la même façon, la perte de la langue maternelle est associée à un sentiment de perte d’une partie importante de son identité”. (p.66). Pour ces mêmes auteures, la transmission de la langue est, liée “ du point du vue de l’enfant à la structuration de sa personnalité et de ses affiliations.” (p. 67). Elles concluent en disant qu’il est important d’encourager la transmission et la pratique de la langue maternelle et que cette transmission permet aux enfants de bénéficier des avantages liés au bilinguisme. Ces éclairages de l’ethnopsychanalyse viennent renforcer les données sociolinguistiques en faveur du maintien des langues d’origine et d’une reconnaissance de ces dernières dans le système scolaire. Celui-ci a mis en place des dispositifs d’aide au maintien de la langue d’origine à partir des années 70.

Présentation de la méthode d’investigation

Le projet initial

Mon projet de recherche concerne les représentations du bilinguisme chez les enseignants du premier degré et notamment le bilinguisme des enfants issus de l’immigration. J’ai souhaité vérifier si celui-ci était encore considéré comme « un bilinguisme particulier » ? Afin de vérifier mon hypothèse de départ, fondée sur un nombre important de recherches sociolinguistiques, j’ai entrepris une étude par questionnaires, qui fait suite à un premier recueil de données effectué en 2007-2008 à partir d’entretiens compréhensifs réalisés lors de mon master première année. Les données qualitatives recueillies pour cette recherche exploratoire n’avaient pu être complétées par des données quantitatives, car je n’avais qu’une vingtaine de répondants. C’est la raison pour laquelle, j’ai souhaité poursuivre l’enquête afin d’obtenir des informations en nombre suffisant.
Les entretiens qui avaient pour but de recueillir auprès d’enseignants des informations sur leurs représentations du bilinguisme, m’ont permis de dégager des thèmes sur lesquels je me suis appuyée pour concevoir les questionnaires. A partir de ces données, je me suis intéressée aux différents facteurs qui peuvent influencer ou modifier le s représentations concernant le bilinguisme, notamment la formation initiale, l’âge des professeurs des écoles, le type d’école dans lequel ils enseignent (plutôt plurilingues ou monolingues), les langues parlées par leurs élèves.

Accès au terrain et modalités de passation du questionnaire

C’est en tant que professeure des écoles, que je me suis intéressée aux représentations du bilinguisme chez les enseignants des écoles élémentaires ou maternelles. J’ai souhaité interroger des enseignants travaillant dans des écoles que l’on peut qualifier de monolingues ou plurilingues.
Je me suis rendue dans 12 écoles, introduite, la plupart du temps, par un.e enseignant.e que je connaissais, parce qu’il me semblait nécessaire que cette personne puisse demander a u préalable à ses collègues leur accord afin de fixer un rendez -vous pour la passation du questionnaire. Par l’intermédiaire de cette personne, j’ai interrogé les professionnels qui le souhaitaient, la passation s’est déroulée avec tous les professeurs d’é cole volontaires sur le temps de la pause déjeuner. Malgré un temps souvent limité nous avons pu en général échanger autour du questionnaire. Ces discussions ont concerné les pratiques langagières des élèves et ont été parfois très riches car dans certaines écoles les informations apportées par des enseignants eux-mêmes issus de l’immigration, ont permis de compléter les réponses à propos des langues parlées par les élèves et cela a suscité interrogations et découvertes des pratiques des élèves chez les autres enseignants.

Zone d’enquête

Les écoles plurilingues dans lesquelles je me suis rendue sont situées à Grenoble ou dans la proche banlieue, et également dans la vallée du Grésivaudan, les écoles monolingues en zone rurale ou péri-urbaine. Une exception concerne une école en zone rurale, mais proche de Grenoble et du polygone scientifique. On peut qualifier cette école de plurilingue car elle scolarise un nombre important d’élèves vivant au contact des langues. Les familles qui sont installées dans ce village sont pour certaines dans une situation de migration due à un emploi de l’un des parents (ou des deux) au polygone scientifique, ce qui explique un nombre important d’enfants vivants au contact d’une autre langue que le français. On peut souligner que, concernant cette école, les langues en présence sont plutôt des langues valorisées sur le marché linguistique.
En ce qui concerne les catégories socioéconomiques, les écoles plurilingues accueillent des élèves de milieu plutôt défavorisé, contraire ment aux écoles monolingues, pour la plupart situées rive droite de la vallée du Grésivaudan et qui ont une population scolaire plus favorisée.

Analyse des données

Les 50 enseignants interrogés ont répertorié 188 élèves vivant au contact d’une autre langue que le français lors du questionnaire initial. Pour 13 d’entre eux, les enseignants indiquent l’existence d’une langue familiale autre que le français, mais précisent que seul le français est parlé dans la famille. Ils n’ont donc pas été pris en compte dans les analyses.
Celles-ci portent sur 175 élèves.
J’ai recensé 24 langues, ce qui témoigne d’une grande diversité linguistique à Grenoble et dans la vallée du Grésivaudan. Cette diversité a été constaté également par Héran (2004), qui analysant les résultats de l’enquête famille de 1999, réalisée par l’Ined et L’Insee, indique que celle-ci à l’échelle de la France est supérieure à ce qui avait été imaginé. J’ai effectué un recodage des langues pour que les données soient plus exploitables. Le tableau ci -dessous rend compte des langues familiales des élèves de cette étude et du nombre d’enfants vivant au contact de ces langues.

Représentations du bilinguisme et des bilingues

Parmi les deux définitions proposées aux enseignants, l’une est empruntée à L. Bloomfield qui, dans les années 30, envisage le bilinguisme comme la juxtaposit ion de deux monolinguismes parfaits. Il en donne la définition suivante : le bilinguisme « est la connaissance de deux langues comme si elles étaient toutes deux maternelles. »
L’autre définition est donnée par F.Grosjean (1982 et 1993) qui envisage le bil inguisme d’un point de vue fonctionnel : « est bilingue la personne qui se sert régulièrement de deux langues dans la vie de tous les jours ».
Parmi les 50 personnes interrogées, 22 (44%) indiquent la définition de L.Bloomfield comme étant celle avec laquelle elles se sentent le plus en accord et un peu plus de la moitié 26 soit 52%) préfèrent la définition de F.Grosjean. Deux personnes ont opté pour les deux items.

Représentations en fonction du contexte d’enseignement

Je voudrais maintenant observer de quelle manière se répartissent les réponses a (définition de L.Bloomfield) ou b (définition de F.Grosjean), et examiner si le contexte d’enseignement ou la formation initiale ou encore l’âge des répondants a une influence sur le choix des définitions. Le tableau 4 indique les réponses en nombre de personnes et le graphique 4 rend compte du pourcentage, en fonction du contexte d’enseignement, monolingue ou plurilingue. Pour l’analyse statistique, les deux enseignants ayant choisi les deux définitions ont été exclus.

Vivre avec deux langues n’est pas toujours un avantage

Concernant la question « vivre avec deux langues constitue t-il selon vous un avantage, un inconvénient, ça dépend » 38% des personnes interrogées ont choisi l’item « ça dépend ». Parmi ces personnes, «une enseignante souligne que « ça dépend des catégories socioprofessionnelles » (voir annexe 2). Il n’y a aucune précision concernant les dites catégories mais on peut aisément supposer que dans cette affirmation, elle sous entend que, pour les catégories socioprofessionnelles élevées, cela constitue un avantage mais pas pour les enfants des catégories socioprofessionnelles moins élevées. Cette remarque rejoint les affirmations de Varro (1 990), qui a interrogé des enseignants et qui note à propos des discours recueillis que “[ses] enregistrements montrent que « le bilinguisme » […] reste un attribut d’élite. La notion est associée aux enfants des milieux socioéconomiques favorisés mais dissociée de ceux de milieux défavorisés” (p 36).
Un autre commentaire suscite des interrogations, en effet pour l’enseignante en contexte plurilingue « cela dépend du niveau de langue pratiquée à la maison (langue d’origine ).
La langue d’origine dont elle parle concerne des enfants parlant une langue du Maghreb ou le turc. On peut se demander ce qu’elle entend par « niveau de langue ». On pourrait supposer que, par cette affirmation, elle sous-entend que le niveau de langue utilisé par la famille n’est pas suffisant. D’autres propos vont dans ce sens, en effet, pour C, « ça dépend, c’est un avantage si le niveau de pratique des langues est bon (structure de la phrase, vocabulaire) (C.4)
Cette remarque fait écho aux propos de deux enseignants entendus lors des entretiens menés en 2008. En effet, pour S, enseignant en contexte monolingue, si être bilingue dans un milieu favorisé est un avantage, elle nuance son propos quand elle fait référence à une enfant de sa classe qui a de grosses difficultés en français. moi, j’ai l’impression que si tu es dans un milieu favorisé où tu mets des choses derrière les mots tu apportes des choses en plus des mots et bah ça va être une richesse pas possible. Si c’est juste des mots que tu maîtrises à peine et que y’a un voc abulaire appauvri et ben je sais si c’est une richesse j’ai l’impression que des fois c’est un handicap. (Nantes, 2008, p. 35).
Pour O, exerçant dans la même école et parlant de la même élève, l’avantage lié au bilinguisme est à nuancer suivant le milieu auquel l’enfant appartient. le milieu culturel est privilégié donc je pense que la langue, elle euh elle est là pour véhiculer de l’information mais l’autre c’est, c’est une famille qui est en intégration quoi c’est c’est pas simple et je pense qu’elle est pas aidée, cette difficulté en langue française la pénalise. (p.35)
On voit bien apparaître, dans ces propos, des jugements par rapport aux langues et au milieu culturel. Pour ces informateurs, tout se passe comme si, suivant le milieu socioculturel la langue n’avait pas la même fonction : dans les milieux favorisés, elle « véhiculerait » de l’information », dans les milieux défavorisés, on ne sait pas très bien. Ils font le parallèle entre difficultés scolaires et bilinguisme. Comme le constate Andrée Tabouret-Keller (1990 : 23)“ selon les conditions de sa réalisation, le bilinguisme se profile comme un avantage, voire comme un privilège pour les uns, comme une difficulté, voire comme une tare pour les autres”. Stéphanie Clerc et Marielle Rispail (2008) notent elles aussi “ [des] propos inquiétants : « pauvreté », « maîtrise(r) mal le français », « vécu étriqué », etc…” dans les discours des enseignants.

Répartition et mélange des langues

Quand on regarde les commentaires apportés dans les questionnaires, le mélange des langues est encore présenté comme la manifestation d’un manque de maîtrise de lalangue d’accueil. Pour C, le bilinguisme est un avantage « si les langues ne sont pas mélangées (par exemple quand la phrase est commencée en français et finit en arabe), quand les enfants identifient la langue et la personne. » (C.4). D’autres remarques vont également dans ce sens, pour V, il est nécessaire « qu’il n’y ait pas de mélange de langues. » (V.5), et pour une autre informatrice « c’est un inconvénient si les parents mélangent les langues » (O. 27), pour D également, « Ça dépend de comment c’est géré à la maison, si les parents mélangent les langues. Il faut un parent/ une langue (D.34) ». Cette enseignante rappelle ce que Lüdi et Py (2003) énoncent comme un principe : “une langue = un locuteur : chaque adulte devrait utiliser une langue et une seule avec l’enfant. Ce principe n’est pourtant guère applicable de manière absolue. D’abord parce que l’alternance des langues est extrêmement fréquente dans les familles bilingues et qu’elle y est naturelle. ” (p. 185). On retrouve dans les commentaires cités précédemment une appréciation négative face au passage d’une langue à l’autre dans un même échange, et pourtant pour Lüdi et Py “ il y a longtemps qu’on sait que les pratiques langagières de nombreuses personnes et communautés bilingues se caractérisent par des « mélanges de langues ».” (p.140). Les représentations concernant les mélanges de langues sont encore souvent négatives et ceux-ci sont considérés, comme ce que Gadet et Varro (2006) appellent « la part noire » du bilinguisme.
Pour C, ayant en charge des classes maternelles « c’est un avantage mais un inconvénient dans les premières années : mélange des langues, gêne pour la structuration des phrases, le genre des mots. » (C.46) Là encore, bien qu’il s’agisse de langues valorisées, le mélange des langues est considéré comme le signe d’un manque de maîtrise et non pas comme celui de la présence de plusieurs codes dans le répertoire langagier des élèves. Dans ce cas précis, s’agissant de jeunes enfants (4 ou 5 ans) la présence des deux langues soulignent la construct ion de leur bilinguisme.
On peut souligner que pour la majorité des enseignants interrogés, vivre au contact des langues est positif, cependant on retrouve une méfiance quand la langue de scolarisation est absente de la sphère familiale surtout s’il s’ag it d’une langue minorée. C’est ce que Clerc et Rispail appellent ( 2008) « la maîtrise rêvée du français ». Elles rapportent les propos d’enseignants en formation continue et constatent que “ Le français restant la priorité absolue, pour beaucoup, la cause essentielle des difficultés des élèves est que « le français n’est parlé qu’à l’école » ”, que “ « la langue française n’est pas assez présente dans les familles (peu d’échanges verbaux en français, pas de télévision en français) »” (p. 284).
Le mélange des langues est quant à lui toujours considéré comme négatif et comme la marque d’un manque de maîtrise. Il n’est pas identifié, par les enseignants, comme la trace de l’utilisation de plusieurs langues dans le répertoire langagier des élèves, surtout quan d il s’agit des enfants issus de l’immigration. On peut faire l’hypothèse que les parents de ces enfants ne sont eux-mêmes, pas considérés comme des bilingues par les enseignants et que, comme le souligne Zirotti (2006).

Pourquoi les enseignants ne peuvent pas se prononcer sur le bilinguisme de leurs élèves ?

Quatre informateurs indiquent qu’ils ne savent pas si leurs élèves sont bilingues ou non. Même si cette proportion est infime, il est intéressant de relever les raisons qui empêchent les enseignants de se prononcer sur l’éventuel bilinguisme de leurs élèves. Lors de la passation du questionnaire deux d’entre eux ont précisé que c’est parce qu’ils ne les ont pas entendus parler leur langue familiale. J’ai recueilli d’autres déclarations similaires lors des entretiens réalisés en 2008.Il semblerait que, pour certains enseignants, déclarer un enfant bilingue sans l’avoir entendu parler sa langue familiale soit impossible. On comprend très bien qu’un enseignant qui sait qu’une autre langue est utilisée par la famille ou l’un des membres de la famille ne puisse indiquer si l’enfant parle cette langue s’il n’en a pas discuté avec les parents ou avec l’enfant, comme c’est le cas pour l’un des informateurs.
Cependant, on pourrait supposer qu’il peut faire l’hypothèse que cette langue est transmise et utilisée par l’enfant dans sa famille même s’il ne l’utilise pas à l’école en présence de l’enseignant, or ce n’est pas ce qui se passe. De plus, dans ce cas précis, il s’agit d’une famille installée dans la région suite à une mutation professionnelle d’un des parents. La migration est probablement temporaire et la langue parlée par les parents est une langue internationale. On pourrait supposer que la politique linguistique familiale est en faveur d’une transmission et du maintien de cette langue. Il semblerait que certains enseignants aient besoin d’avoir un contrôle sur ce bilinguisme supposé, puissent l’évaluer en quelque sorte, pour le reconnaître. L’un des témoignages que j’ai recueilli en 2008 va également dans ce sens. L’enseignant interrogé a connaissance des pratiques linguistiques de la famille et de ses fréquents déplacements dans le pays d’origine (Espagne) et pourtant, il déclare : « Et y’a une petite qui est / qui fait beaucoup d’espagnol, la p’tite L. là, sa mère est Espagnole alors peut être qu’elle est bilingue espagnol je sais pas très bien. J’ai jamais pu vérifier. » (Nantes, 2008, p. 31). Là aussi, l’informateur précise qu’il n’a pas pu évaluer la pratique de son élève, et il ajoute : « Moi, j’la considère pas comme bilingue, je sais pas quelle est sa maîtrise de l’espagnol. » (p.31). Dans ces deux cas, parce qu’ils n’o nt pas pu évaluer ou vérifier, (peutêtre en entendant l’enfant parler avec ses parents), les pratiques linguistiques des élèves, les informateurs ne peuvent attester de leur bilinguisme. On peut supposer que, parce qu’ils sont habitués à contrôler les connaissances des enfants, les enseignants ont du mal à considérer comme acquises des compétences qui ne sont pas évaluées par l’institution scolaire. Si les informateurs cités précédemment pensent que les enfants dont ils ont la charge et qui visiblement parlent leur langue d’origine, ne sont pas des bilingues, c’est peut être aussi parce que leur conception du bilinguisme est celle de deux monolinguismes presque parfaits et que de même qu’ils évaluent la maîtrise du français, il faudrait qu’ils puissent contrôler la maîtrise de la langue d’origine.

Comparaison entre les pratiques rapportées par les enseignants et celles déclarées par les élèves

Dans cette partie, je vais tout d’abord préciser les pratiques langagières des 13 enfants pour lesquels les enseignants déclarent qu’ils parlent uniquement le français à la maison même si une autre langue est présente dans le répertoire des parents. En effet, pour certains, j’ai obtenu un complément d’informations suite au « temps 2 ». Puis je m’intéresserai aux réponses du « temps 2 » concernant 62 élèves, pour comparer le nombre de réponses des enfants conformes à celles rapportées par les enseignants et le nombre de réponses différentes.

Les élèves qui parlent français chez eux

Comme indiqué précédemment, pour 13 élèves, les enseignants précisent que la langue familiale n’est plus parlée et que seul le français e st présent dans l’entourage de l’enfant. Cependant lors du temps 2, les élèves ont confirmé ou non les premières réponses.
On obtient des précisions pour 8 d’entre eux : 4 déclarent parler leur langue familiale et 4 autres précisent que seul le français est parlé dans la famille. On ne peut analyser les résultats car ils concernent un petit nombre d’enfants, on peut néanmoins remarquer que sur les 8 enfants, pour lesquels les enseignants supposent que la transmission de la langue familiale n’a pas lieu, la moitié déclarent qu’ils parlent leur langue familiale. Les enseignants ne sont pas sans ignorer que la transmission de la langue familiale est soumise à de nombreuses contraintes et notamment la pression de la langue d’accueil. Comme le rappelle Filhon (2009), “ au fil des générations, les langues issues de l’immigration ont un usage davantage occasionnel et leur retransmission s’avère délicate.” (p. 115). La langue familiale a tendance à moins se transmettre aux enfants les plus jeunes de la fratrie, ma is on remarque cependant parmi les 8 enfants pour lesquels ont obtient un complément d’information un décalage entre ce qui est supposé par les enseignants et ce que les enfants disent de leurs pratiques. On peut supposer que sur l’ensemble de l’étude, un certain nombre d’enfants n’ont pas été cités comme locuteurs d’une autre langue que le français bien que les parents ou grands-parents parlent une autre langue parce que les enseignants supposent que seul le français est parlé dans la famille et que la langue d’origine n’est pas transmise. Il faudrait obtenir davantage de réponses auprès de ces élèves pour pouvoir faire une véritable analyse des résultats et surtout regarder si ceux-ci se confirment.

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Table des matières
INTRODUCTION 
1- APPORTS THEORIQUES 
1-1 Le bi-plurilinguisme
1-1-1 Le bilinguisme symbolique
1-1-2 Les compétences des sujets bilingues ou plurilingues
1-1-3 Les mélanges de langues
1-1-4 La transmission des langues
1-1-5 Le statut des langues
1-2 Les représentations sociales
1-2-1 Les représentations du bilinguisme
1-2-2 Le bilinguisme des migrants
1-2-3 Les apports de l’ethnopsychanalyse
1-2-4 Les ELCO
1-2-5 Les démarches d’éveil aux langues comme voie de changement
2- PRESENTATION DE LA METHODE D’INVESTIGATION
2-1 Le projet initial
2-2 Accès au terrain et modalités de passation du questionnaire
2-3 Zone d’enquête
2-4 Les questionnaires
2-5 Les informateurs
2-6 L’échantillon
3- ANALYSE DES DONNEES 
3-1 Représentations du bilinguisme et des bilingues
3-1-1 Représentations en fonction du contexte d’enseignement
3-1-2 Représentations en fonction de l’âge
3-1-3 Représentations en fonction de la formation initiale
3-2 Le bilinguisme : avantage ou inconvénient ?
3-2-1 Vivre avec deux langues n’est pas toujours un avantage
3-2-2 Vivre avec deux langues est un avantage : «mais …. »
3-2-3 Répartition et mélange des langues
3-3 Les pratiques rapportées
3-3-1 Bilingue ou non bilingue ?
3-3-2 Pourquoi les enseignants ne peuvent pas se prononcer sur le bilinguisme de leurs élèves ?
3-3-3 Influence de la langue sur le bilinguisme reconnu des élèves
3-3-4 Niveau de pratique des élèves considérés comme bilingues
3-3-5 Les élèves déclarés non bilingues
3-4 Comparaison entre les pratiques rapportées par les enseignants et celles déclarées par les élèves
3-4-1 Les élèves qui parlent français chez eux
3-4-2 Les élèves qui parlent une autre langue que le français
3-4-3 Les pratiques non connues des enseignants
4- QUELLE PRISE EN COMPTE DE LA DIVERSITE LINGUISTIQUE DANS L’INSTITUTION SCOLAIRE ?
4-1 Les programmes de 2002
4-2 Les programmes de 2007 et les nouveaux programmes de 2008
CONCLUSION
ANNEXES 
Annexe 1 : questionnaire
Annexe 2 : grille d’analyse des commentaires apportés dans les questionnaires
BIBLIOGRAPHIE

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