Les défis fitness : entre culte du corps et accélération : les cas du Bikini Body Guide et du Top Body Challenge

« En 2016, on met son mode de vie au diapason : on mange sain et bio, tendance jus d’herbes et tartines d’avocat, on s’habille “athleisure“ /…/ on ne sort pas sans son bracelet connecté ou son appli spécial running et on clame haut et fort ses performances comme autant de victoires sur soi-même ». C’est par ces mots que le magazine féminin Elle qualifie notre société dans le numéro du 20 mai 2016. En effet, le Healthy – terme anglais signifiant « en bonne santé » en français – est partout, et ce, à l’international, ce qui explique la diffusion de ce terme en anglais.

Le hashtag #healthy représente à ce jour plus de soixante-et-onze millions de publications partagées par la « fit generation » sur Instagram, réseau social de l’image par excellence. Il consiste en l’adoption d’un mode de vie dit « sain » et par conséquent, d’une alimentation saine ainsi que la pratique régulière du sport. Le Healthy est un phénomène particulièrement populaire sur les réseaux sociaux où il est d’usage de poster des photos de soi en plein exercice physique, ou de sa nourriture composée notamment d’aliments considérés comme « ultra sains » aussi appelés super-aliments (ou superfood), tels que les céréales, les plantes, les graines ou les baies pour n’en citer que quelques-uns. Aussi, différents types de régimes sains se sont développés en France comme à l’international – envahissant les linéaires des librairies – tels que le régime paléolithique ou « paléo » qui consiste à ne manger que des aliments « que les premiers humains mangeaient spontanément, de façon naturelle. » ou encore le régime sans gluten.

Histoire du corps d’été du XXe siècle à nos jours 

Nous empruntons ici le terme de « corps d’été » à C. Granger qui, dans son ouvrage « Les corps d’été XXe siècle, Naissance d’une variation saisonnière », retrace l’historique, en France, de ce phénomène estival qu’il qualifie de particulièrement féminin. Grâce aux différents constats établis par l’auteur, nous tenterons dans cette première partie de réaliser un panorama des enjeux qui entourent le corps d’été dans notre société actuelle.

Une urgence estivale 

En France, entre 1880 et la Première Guerre mondiale, la saison estivale est perçue par les autorités sanitaires (médecins et « hygiénistes ») comme une saison dangereuse pour la santé : la chaleur, accentuée dans les villes notamment, favoriserait la prolifération des microbes plus rapidement.   C’est alors qu’il est recommandé aux populations de passer du temps à l’extérieur en été, afin de bénéficier des bienfaits de la nature, de la lumière et du soleil. A partir de ce moment là, les corps commencent à se dénuder pour profiter pleinement de la chaleur. Dans l’entre-deux-guerres, alors que les vacances à la plage deviennent de plus en plus répandues, le maillot de bain évolue.

Ainsi, en 1929, le maillot de bain une pièce se rétrécit petit à petit pour laisser place au maillot deux pièces. Pourtant considéré comme trop vulgaire à sa sortie en 1946, le bikini, maillot de bain en deux pièces de dimensions très réduites,  rencontrera finalement le succès commercial à la fin des années 1950. La chaîne d’hôtels américaine Breathless Resorts & Spas retrace d’ailleurs ces transformations dans un clip publicitaire montrant l’évolution du bikini, des années 1890 à aujourd’hui. Alors que celui-ci ne laissait apparaître en 1890 que les bras et les demi-jambes, nous pouvons constater que le tissu se fait de plus en plus rare pour laisser progressivement apparaître les cuisses, les bras, le décolleté, puis le ventre. Notons ici qu’aujourd’hui, lorsque nous demandons aux femmes quelle(s) partie(s) de leur corps elles souhaitent le plus sculpter, les abdominaux arrivent en première position et les cuisses en deuxième position, tous âges confondus.

Ainsi, en plus des recommandations sanitaires qui incitent à « réparer les corps, les remettre en ordre, faire provision de santé. », le corps d’été de plus en plus dénudé va contribuer à créer un nouveau rapport au corps dans les imaginaires collectifs. Sans les vêtements qui permettent de camoufler les formes et cacher les éventuelles imperfections, le corps en maillot de bain est à la vue de tous et surtout à la vue des hommes qu’il convient alors de séduire sur la plage. Ainsi, pour que le corps soit digne d’être montré sur la plage sans honte, il est nécessaire de prêter attention à divers conseils.

Dès les années 1910, il est conseillé de préparer son corps pour rester en forme et se sentir bien durant tout l’été. Ainsi, la pratique du sport devient peu à peu une composante essentielle à prendre en considération pour appréhender la saison estivale.

C’est dans ce contexte que les médecins et les magazines féminins se mettent à publier des guides dans lesquels il est prodigué aux hommes et aux femmes des conseils pour réaliser des exercices physiques quotidiens simples à réaliser pendant l’été. Ainsi, une image bien précise du corps à arborer pendant la saison estivale commence à se dessiner : un corps avec des muscles bien dessinés, élancé et bien proportionné.  Ces injonctions commencent à l’époque à créer de véritables complexes chez les femmes qui en témoignent alors dans le courrier des lectrices. En 2016, lorsque nous demandons aux femmes si elles ont déjà ressenti le besoin de se mettre au sport rapidement, l’arrivée de l’été est le premier facteur le plus cité dans la catégorie que nous avons appelé « Contexte ».

Les illustrations de petits personnages, effectuant des mouvements de façon schématique, du « Devoir corporel de vacances » publié en 1913 par le Dr F. Helme ne sont pas sans nous rappeler la manière dont sont représentés les exercices du Bikiny Body Guide et du Top Body Challenge. Cette façon de prodiguer des enseignements sportifs est donc loin d’être innovante.

Nous nous demandons donc si les deux e-books que nous avons choisi d’étudier ont également été créés dans le but unique de se préparer à la saison estivale. Le premier élément qui nous apparaît est le nom même du guide de Kayla Itsines, qui comporte le mot « bikini ». Par ailleurs, le nom des sociétés sous lesquelles sont commercialisés les guides de Kayla Itsines et Sonia Tlev sont respectivement « The Bikini Body Training Company » et « Bikini Mission Possible ». Il nous apparaît donc que les produits commercialisés sont effectivement conçus pour nous préparer au port du bikini.

Nos analyses sémiologiques nous font également remarquer une différence fondamentale entre le « TBC 1 » et le « TBC 2 » de Sonia Tlev. Alors que la photographie du premier e-book est prise en intérieur dans un espace clos, nous nous retrouvons avec le deuxième en extérieur, dans un environnement ensoleillé, près de ce qui semble être un bord de mer. Ainsi, le corps de la femme ne serait digne d’être montré sur la plage qu’une fois qu’elle aurait terminé le premier programme et donc, une fois que son corps commencerait à ressembler à ce qu’on attend de lui l’été.

De nos jours, les magazines féminins diffusent toujours des conseils pour nous préparer à la saison estivale. Dans son numéro de Juin 2016, Marie-Claire on nous propose en photo de couverture de « réveiller [notre] corps » avec des « sports toniques » ; le 13 mai 2016, sur le site internet de l’Officiel, on nous propose le «Bootylicious : 3 bonnes résolutions pour un postérieur parfait. Objectif : fesses galbées avant l’été ». A l’étranger, c’est le même principe. En mars 2016, le Vogue US nous propose même de partir en vacances au soleil dans des camps d’entraînements fitness pour avoir un meilleur corps dès maintenant. Ainsi, l’image du corps d’été sportif est désormais présente à l’international. Le « BBG » et le «TBC» sont d’ailleurs traduits en anglais, en français, en italien et en espagnol. Sonia Tlev l’affirme d’ailleurs : elle a avant tout créé son e-book afin de satisfaire sa communauté de fans venant du monde entier.

Lorsque nous interrogeons Sonia Tlev sur le slogan du « TBC 2 » : « Parce-que les corps d’été se préparent tout l’année, on continue ! » celle-ci nous explique que le choix de la thématique estivale est uniquement lié à la sortie du e-book qui était prévue au mois de mai, soit quelques semaines seulement avant l’été.

Ainsi, l’été apparaît comme une opportunité marketing s’appuyant sur les attendus sociaux du corps d’été. Le fait de ne pas faire de sport était au XXe siècle déjà perçu comme honteux : « […] et combien de nonchalantes commencent en avril à faire de la “culture physique“ pour pouvoir se montrer sans honte au mois d’août ». À la lecture de cette phrase, il nous semble que bien que le corps à l’apparence sportive fut à l’origine véhiculé pour l’été, nous assistions finalement à ce moment-là à l’apparition d’une nouvelle norme qui allait s’imposer progressivement : celle du corps sportif toute l’année.

Quand le corps d’été s’immisce dans notre quotidien 

Puisque la saison estivale revient chaque année, pourquoi nous arrêter de faire du sport après les beaux jours, au risque de perdre tous les résultats acquis et devoir tout recommencer l’année suivante ? Par ailleurs, depuis les prémices des corps d’été, il semble que les évolutions de notre société rendraient la pratique d’une activité physique indispensable.

Nous l’avons vu à la lecture de l’ouvrage de C. Granger, le corps d’été se doit d’être « musclé, élancé et bien proportionné » dès le XXe siècle. Ainsi, via notre questionnaire, nous avons tenté de connaître la vision du corps idéal des femmes en 2016.

Tout d’abord, les mots les plus cités dans les trois premières catégories sont respectivement un corps sain ou « fit » en anglais, un corps musclé et/ou sculpté et enfin un ventre plat et des abdominaux visibles. Notons que certaines des femmes interrogées ont précisé à plusieurs reprises que le corps idéal devait être musclé certes, mais tout en restant féminin. C’est donc plutôt le terme de corps sculpté qui nous apparaît le plus approprié.

Kayla Itsines l’affirme dans son e-book : l’image du corps qu’elle souhaite véhiculer et très éloignée du « corps très musclé » que de nombreuses femmes obtiennent en suivant d’autres plans d’entrainements ou conseils. Enfin, bien que certaines célébrités soient citées plusieurs fois, nous constatons qu’elles font partie de la catégorie la moins fournie en termes de récurrences. Nous pouvons en conclure que les femmes ne cherchent pas en premier lieu à ressembler à quelqu’un d’autre. D’ailleurs, le fait de « se sentir bien dans sa peau » est la deuxième idée la plus citée dans la catégorie « État général ».

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PHASE D’APPEL : IMAGINAIRES DU CORPS D’ÉTÉ
1.1. Histoire du corps d’été du XXe siècle à nos jours
1.1.1. Une urgence estivale
1.1.2. Quand le corps d’été s’immisce dans notre quotidien
1.2. Critique d’un stéréotype
1.2.1. Le « fat shaming »
1.2.2. Des partenaires au quotidien
2. Sport au quotidien : accélération du rythme de vie
2.1. Une pratique en adéquation avec le mode de vie actuel ?
2.1.1. L’urgence de s’y mettre
2.1.2. Abolition des contraintes spatio-temporelles ?
2.2. L’impatience : stratégies pour gagner du temps
2.2.1. Densification
2.2.2. La course à la tâche
3. Reproductibilité de l’expérience : Performance
3.1. Le sport comme aboutissement
3.1.1. Une échelle sociale parallèle
3.1.2. Starification des coachs
3.2. Stratégies d’augmentation des parts de marché
3.2.1. L’extension de gamme
3.2.2. Le sponsoring
CONCLUSION 

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