Les vingt-sept droites et le traité des substitutions et des équations algébriques

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UNE HISTOIRE THÉMATIQUE À LA DICKSON 

Histoire du théorème [du double-six] 13 » et « Informations historiques ». Dans ces paragraphes, Henderson reprend et développe les points correspondants du résumé historique général placé au début du livre.
Le résumé historique que Henderson propose est partagé en plusieurs paragraphes. Les deux premiers sont introductifs et se rapportent au sujet des surfaces cubiques. À l’exception d’un seul, chacun des paragraphes suivants débute par une phrase par laquelle un thème en rapport avec les vingt-sept droites lui est clairement attribué. Le paragraphe qui échappe à cette règle consiste en une liste de références concernant plusieurs de ces thèmes. Écrits selon leur ordre d’apparition dans le résumé historique, les paragraphes sont les suivants :
— Abondance, à l’époque d’Henderson, des écrits mathématiques concernant les surfaces cubiques .
— Premier article traitant spécifiquement de surfaces cubiques, dû à Leopold Mossbrugger (1841)
— Existence des vingt-sept droites avec Arthur Cayley et George Salmon .
— Base d’une « théorie purement géométrique 14 » des surfaces cubiques avec Jacob Steiner .
— Problème de notation des vingt-sept droites et notion de double-six .
— Travaux de Rudolf Sturm et de Luigi Cremona sur les surfaces cubiques du « point de vue synthétique 15 » .
— Classifications des surfaces cubiques en regard de la réalité des droites qu’elles contiennent ou de leurs singularités .
— Modèles des surfaces cubiques et de leurs droites .
— Formes et modèles des surfaces cubiques .
— Liens entre les vingt-sept droites et les vingt-huit tangentes doubles des courbes quartiques planes .
— Liens entre les vingt-sept droites et l’hexagramme de Pascal .

Un article de Hill concernant une bibliographie

L’article cité par Henderson est un article de John Ethan Hill 20. Dans cet article, Hill décrit sommairement une bibliographie qu’il a constituée sur le sujet des surfaces et des courbes gauches. Hill n’explique pas comment il a formé cette bibliographie et se contente de présenter rapidement les différentes sections qu’il a établies. Sur les 3 715 références de sa bibliographie, il en évoque 205 se rapportant aux surfaces cubiques, ce qui concorde avec ce qu’écrit Henderson. Néanmoins, sur ces 205, Hill n’en donne explicitement que trois : d’une part, un article de Leopold Mossbrugger, [Mossbrugger 1841], qui est d’après Hill chronologiquement le premier à « traiter spécifiquement de la surface cubique », [Hill 1897, p. 137] ; d’autre part, les deux articles de Cayley et de Salmon sur les vingt-sept droites, [Cayley 1849 ; Salmon 1849], qui sont selon Hill « les premiers articles anglais listés dans cette section [sur les surfaces cubiques] », [Hill 1897, p. 137]. Henderson semble donc avoir repris telle quelle l’information concernant l’article de Mossbrugger dans son propre résumé historique. Henderson frôle d’ailleurs ici la para-phrase : comparer.
Alors qu’il ne fait aucun doute que la classification des surfaces cubiques est achevée, le nombre d’articles se rapportant à ces surfaces et continuant à apparaître d’année en année fournit d’abondantes preuves du fait qu’elles exercent encore la même fasci-nation qu’au moment de la découverte des vingt-sept droites sur la surface cubique. […] Le premier article à traiter spécifiquement avec la surface cubique est de L. Moss-brugger 21. [Henderson 1915, p. 1].
Il est remarquable que le premier article que je peux trouver qui traite spécifiquement avec la surface cubique est un article de L. Mossbrugger […]. Bien que l’on puisse dire que la classification des surfaces cubiques est pratiquement achevée, l’étude de ces surfaces semble, encore aujourd’hui, nourrir la même fascination que lorsque fut annoncée la découverte de l’existence et des relations des vingt-sept droites de la surface cubique générale 22. [Hill 1897, p. 137].
Henderson s’est donc bel et bien servi de l’article de Hill, [Hill 1897]. En revanche, rien ne permet de dire s’il a eu accès à la bibliographie de Hill elle-même. Celle-ci ne semble.
En 1897, Hill (1864-1941) était tutor à la Columbia University. Il avait obtenu son doctorat en 1895 la Clark University avec une thèse intitulée « On Quintic Surfaces ». Voir la nécrologie [Hill 1943]. « While it is doubtless true that the classification of cubic surfaces is complete, the number of papers dealing with these surfaces which continue to appear from year to year furnish abundant proof of the fact that they still possess much the same fascination as they did in the days of the discovery of the twenty-seven lines upon the cubic surface. […] The first paper that deals specifically with the cubic surface was by L. Mossbrugger ».

Le Catalogue of Scientific Papers

Pour rappel, le Catalogue of Scientific Papers, également cité par Henderson, est le fruit d’une entreprise de recension bibliographique d’articles scientifiques parus dans des périodiques, menée par la Royal Society of London entre le milieu du xixe siècle et le début du xxe siècle. Le Catalogue se compose de 19 volumes publiés entre 1867 et 1925, listant les articles scientifiques publiés entre 1800 et 1900. Entre 1908 et 1914 ont également été publiés trois volumes d’un subject index visant à classifier les articles recensés jusqu’alors dans le Catalogue. Paru en 1908, le premier volume, intitulé Pure Mathematics 23, est celui évoqué par Henderson.
Les premières divisions du volume de Pure Mathematics sont données en table 1.2. Les sections reproduites dans cette table sont encore subdivisées en plusieurs numéros, compre-nant différents items. Sous ces items sont enfin listées les références bibliographiques, parfois regroupées par mots-clés. Par exemple, le détail du numéro correspondant à « Algebraic Curves and Surfaces of Degree Higher than the Second », dans lequel l’item « Configu-rations » répertorie entre autres des articles ayant « 27 straight lines » et « Triple tan-gent planes » dans leurs mots-clés, est reproduit en table 1.3. Si les auteurs du Catalogue n’expliquent pas comment ils ont créé et attribué ces mots-clés, on peut constater qu’ils reprennent souvent (mais pas systématiquement) les termes des titres des articles classi-fiés. Par exemple,une note de Camille Jordan a pour titre « Sur une nouvelle combinaison des vingt-sept droites d’une surface du troisième ordre » et a pour mots-clés « 27 straight lines, new combination », [Jordan 1870a] ; un article de Cayley a pour titre « On the Triple Tangent Planes of Surfaces of Third Order » et a pour mots-clés « Triple tangent planes », [Cayley 1849] 24, etc.
Par l’existence des mots-clés, les vingt-sept droites forment donc une rubrique a priori bien identifiable dans le Catalogue. Mais l’ensemble de toutes les références bibliographiques de Henderson n’est pas égal à l’ensemble des articles ayant pour mots-clés « 27 straight lines » ou « Triple tangent planes ». Précisons cela.

Le résumé historique de Henderson disséqué

Je reviens maintenant à la description détaillée du résumé historique de The Twenty-seven Lines et des articles qui y sont cités. Cette description est faite en suivant strictement l’ordre d’écriture adopté par Henderson. Si l’ordre chronologique sera ainsi mis à mal, je le rétablirai dans le paragraphe récapitulatif final afin de mettre en exergue les renversements opérés par Henderson. En revanche, à l’inverse de ce dernier, j’entrerai davantage dans les détails mathéma-tiques des textes cités. Cela aura pour effet de montrer que le rangement thématique de ces textes n’est pas systématique, c’est-à-dire qu’un certain nombre d’entre eux pourraient appartenir à plusieurs des thèmes de Henderson, au contraire de ce que laisse supposer la lecture seule du résumé historique. Cette porosité entre les différents thèmes sera encore soulignée par l’existence de citations entre des articles classés par Henderson dans différents paragraphes.
Nous avons déjà vu que le premier paragraphe du résumé historique concerne l’abon-dante littérature, encore au début du xxe siècle, sur le sujet des surfaces cubiques. Déjà commenté, ce paragraphe ne sera pas repris ici et je commencerai avec celui sur l’article de Mossbrugger.

L’article de Mossbrugger

Comme écrit précédemment, Henderson se base très probablement sur un texte de Hill, [Hill 1897], pour situer la première publication d’un travail concernant spécifiquement les surfaces cubiques en 1841, avec l’article de Mossbrugger, [Mossbrugger 1841]. Cet article propose en fait d’interpréter géométriquement les coefficients des équations générales à la fois des surfaces quadriques et des surfaces cubiques. L’interprétation consiste à montrer que ces coefficients sont égaux à certaines distances relatives aux surfaces en question.
Pour ce qui est d’une surface cubique, Mossbrugger note ainsi son équation z3 + By3 + Cx3 + 3Ayz2 + 3Dxz2 + 3Ey2z + = 0.
Il montre alors que, étant données des valeurs quelconques x; y; x0; y0, on a par exemple A = M1N1 + M2N2 + M3N3 ; 3PP0 où les points M1; : : : ; N3; P; P 0 sont définis en termes d’intersections et de projetés ortho-gonaux à partir de la surface cubique et des trois droites d’équations respectives ( ( ( x = x0 x = x00 x = x00 y = y0 ; ; y = y0 y = y00.
Tout le travail de Mossbrugger consiste à trouver des expressions similaires pour les autres coefficients de l’équation de la surface cubique. Dans tout l’article, il n’est toutefois jamais question de droites incluses dans des surfaces cubiques.

Existence des vingt-sept droites avec Cayley et Salmon

Henderson situe en 1849 les premières publications contenant la preuve d’existence des vingt-sept droites sur toute surface cubique : il s’agit de deux articles du Cambridge and Dublin Mathematical Journal, l’un écrit par Arthur Cayley et l’autre par George Salmon 28, ayant pour objet d’étude les surfaces algébriques du troisième ordre, [Cayley 1849 ; Salmon 1849]. Leurs titres respectifs sont « On the Triple Tangent Planes of Surfaces of Third Order » et « On the Triple Tangent Planes to a Surface of the Third Order » : ils n’insistent pas sur les vingt-sept droites, mais plutôt sur les plans tangents triples.
Les deux articles contiennent en tout trois démonstrations de l’existence de vingt-sept droites sur une surface cubique sans point singulier ; l’une d’elles permet aussi de voir que ces droites sont coplanaires trois à trois, et que les plans ainsi définis sont au nombre de quarante-cinq. Cayley et Salmon exhibent également certaines écritures particulières des équations définissant les surfaces cubiques et établissent une liste des équations des quarante-cinq plans contenant les vingt-sept droites trois à trois. Ils proposent en outre trois systèmes de notation des vingt-sept droites ainsi qu’une discussion des cas de surfaces ayant des singularités. Enfin, on trouve quelques résultats divers concernant par exemple les birapports de plans passant par deux droites coplanaires parmi les vingt-sept, ou encore des configurations spéciales de points et de droites obtenues en intersectant la surface cubique pas des plans.
Comme l’écrit Cayley lui-même, le contenu de son article avait été mûri dans une correspondance avec Salmon 29. C’est notamment ce dernier qui avait trouvé le nombre 27, Cayley ayant vu auparavant que les surfaces cubiques devaient contenir un même nombre fini de droites :
En conclusion, je me permets de signaler que le sujet tout entier de ce mémoire a été développé dans une correspondance avec M. Salmon, et en particulier que je lui suis redevable de la détermination du nombre de droites sur la surface et des recherches liées à la représentation des vingt-sept droites au moyen des lettres a, b, c, d, e, f comme développées précédemment 30. [Cayley 1849, p. 132]

Lien entre les vingt-sept droites et les vingt-huit tangentes doubles

Deux paragraphes du résumé historique de Henderson sont consacrés aux liens entre la configuration des vingt-sept droites et deux autres configurations. La première est celle des vingt-huit tangentes doubles que possède toute courbe quartique plane 85.
D’après Henderson, le premier article dans lequel ont été reliées les vingt-huit tangentes doubles et les vingt-sept droites est dû à Carl Friedrich Geiser, [Geiser 1869b]. Dans cet article, Geiser commence par considérer une surface cubique et un point lui appartenant. Le cône circonscrit à la surface en ce point se compose alors du plan tangent à la surface en ce point et d’un cône d’ordre 86 4. L’intersection de ce dernier avec un plan quelconque est une courbe quartique ; Geiser montre que vingt-sept de ses tangentes doubles sont les projections des vingt-sept droites sur le plan de la quartique et que la vingt-huitième est l’intersection de ce plan avec le plan tangent à la surface cubique. Réciproquement, Geiser prouve que toute courbe quartique plane peut se réaliser de cette façon. Autrement dit, il prouve que toute courbe quartique est l’intersection de son plan avec le cône circonscrit à [Blythe 1905, p. v].
Les démonstrations de ces résultats ne forment que le début de l’article de Geiser. Le but de celui-ci est en effet d’utiliser la construction précédente des courbes quartiques afin de déduire des propriétés sur leurs tangentes doubles grâce à celles, connues, des vingt-sept droites. En fait, et Geiser l’écrit lui-même, la plupart des résultats sur les tangentes doubles ainsi obtenus ne sont pas nouveaux : En conséquence de l’aperçu précis que l’on a sur les positions mutuelles des 27 droites d’une surface du troisième degré, les conclusions que l’on peut tirer de ce théorème [le lien entre les deux configurations via la projection] sont nombreuses. Celles-ci devront plus tard être exposées aux mathématiciens dans une présentation détaillée, et être mises en rapport avec les résultats de la théorie des tangentes doubles d’une courbe du quatrième degré que l’on doit à Aronhold, Clebsch, Hesse, Roch, Salmon et Steiner.
Pour expliquer cela, nous ne donnerons ici que quelques exemples, qui conduisent pour la plupart à des résultats connus. 87. [Geiser 1869b, p. 133]
Un exemple d’un tel résultat est le suivant. Geiser rappelle que les vingt-sept droites d’une surface cubique se regroupent six à six suivant qu’elles sont incluses dans un même hyperboloïde 88. Il en déduit, par projection sur un plan coupant le cône circonscrit à la cubique, que les tangentes doubles d’une courbe quartique se regroupent six à six suivant qu’elles enveloppent une même conique. Ce résultat, d’après Geiser, avait déjà été vu par Siegfried Aronhold et par Otto Hesse (aucune référence précise n’est donnée).
Henderson explique ensuite que les résultats de Geiser ont été utilisés par Zeuthen en 1874 pour retrouver ceux de Schläfli concernant les possibilités pour les nombres de droites réelles parmi les vingt-sept d’une surface cubique. En effet, dans [Zeuthen 1874], il détermine les formes possibles de courbes quartiques planes en s’aidant de leurs tangentes doubles, déterminant pour cela le nombre de ces dernières qui peuvent être réelles 89 : ce nombre peut être 28, 16, 8 ou 4. Zeuthen trouve 36 formes possibles pour les courbes quartiques qu’il décrit par des expressions comme : « quartique quadrilatérale, composée d’un trifolium, d’un unifolium et d’un ovale », et dont il donne quelques dessins (voir la figure 1.8). Dans la suite de l’article, Zeuthen rappelle et utilise le résultat de Geiser pour appliquer aux surfaces cubiques ce qu’il a trouvé sur les courbes quartiques. Ainsi, à partir des nombres 28, 16, 8 ou 4 pour les tangentes doubles réelles, il déduit que parmi « Im Folge der genauen Einsicht, welche man in die gegenseitige Lage der 27 Geraden einer Flä-che dritten Grades hat, sind die Folgerungen, welche man aus diesem Satze ziehen kann, sehr zahlreich. Dieselben sollen späterhin in einer umfassenderen Darstellung den Mathematikern vorgelegt, und mit den Resultaten aus der Theorie der Doppeltangenten einer Curve vierten Grades in Zusammenhang gebracht werden, welche man den Herren Aronhold, Clebsch, Hesse, Roch, Salmon und Steiner verdankt. Hier mö-gen nur zur Erläuterung einige Beispiele angeführt werden, die zum grössten Theil auf bekannte Resultate führen. »
Ce résultat se trouve dans [Cayley 1849, p. 128] et [Steiner 1856b, p. 136]. Geiser lui-même ne donne toutefois pas de référence précise.
Comme le souligne [Zeuthen 1874, p. 415], « Plücker avait présumé [dans [Plücker 1839]] que le nombre de tangentes doubles réelles ne peut avoir d’autres valeurs que 28, 16, 8, 4, 0 ».
Dans un autre article également cité par Henderson, [Zeuthen 1875], Zeuthen conjugue cette fois la méthode de Geiser avec ses propres résultats sur les formes des courbes quar-tiques pour en déduire quelles sont les formes possibles des surfaces cubiques 90. Tout au long de son travail, il montre que sa façon de faire est tout à fait compatible avec celle utilisée dans [Klein 1873] : la dérivation par Klein des formes des cubiques à partir de la surface de Cayley correspond à la dérivation par Zeuthen des formes des quartiques à partir de celle composée de quatre ovales. Zeuthen s’appuie en outre sur les vingt-sept droites de la surface cubique qu’il cherche à décrire pour la décomposer en morceaux élémentaires qu’il appelle « triangles », « ouvertures » ou « parois » et qui lui servent à déterminer la forme de la surface.
Henderson mentionne ensuite un article de Heinrich Emil Timerding, [Timerding 1900]. Mais cet article concerne en fait très largement les courbes quartiques seules, c’est-à-dire sans leur lien avec les surfaces cubiques. Si Geiser est bien cité dans l’introduction, Timer-ding y écrit que l’utilisation de sa méthode aurait trop étendu son article 91.

Lien entre les vingt-sept droites et la configuration de Pascal

Henderson consacre le paragraphe suivant du résumé historique au lien entre les vingt-sept droites et la configuration de Pascal. Rappelons que cette dernière consiste en les six droites joignant les sommets opposés d’un hexagone inscrit dans une conique ; la propriété [Zeuthen 1875] est ainsi certainement la référence à laquelle Henderson pensait lorsqu’il évoquait le nom de Zeuthen dans le paragraphe sur les formes des surfaces cubiques.
D’après Henderson, le lien entre cette configuration et les surfaces cubiques a été établi dans un publication de Cremona, [Cremona 1876-77] 92. Essentiellement, Cremona part d’une surface cubique ayant comme seul point singulier un point conique simple. La confi-guration de Pascal s’obtient en projetant sur un plan certaines des droites (parmi celles de la surface cubique), à partir du point singulier.
Plus précisément, Cremona part d’une surface cubique avec un point conique simple noté O. Il indique qu’il y a six droites incluses dans la surface 93 qui passent par O, et qui ont la propriété d’être situées sur un même cône quadratique de sommet O ; ces droites sont notées 1; 2; : : : ; 6. Cremona rappelle aussi qu’à part ces six droites, il y en a quinze autre sur la surface cubique, notées 12, 13, 14, 15, 16, 23, 24, 25, 26, 34, 35, 36, 45, 46, 56, de sorte que les droites 1, 2 et 12 sont situées dans un même plan, etc. En outre, ces quinze droites se répartissent trois à trois en neuf triangles :
(12:34:56) (12:35:46) (12:36:45).
(13:34:56) (13:25:46) (13:26:45).
(14:23:56) (14:25:36) (14:26:35).
(15:23:46) (15:24:36) (15:26:34).
(16:23:45) (16:24:35) (16:25:34):
Cremona met ensuite en évidence, parmi ces triangles, ceux qui forment des paires de trièdres de Steiner. Un exemple qu’il donne est le suivant :
(12:34:56) (12:35:46).
(15:23:46) (15:26:34).
(14:26:35) (14:23:56):
L’idée de Cremona est alors de projeter toutes ces droites sur un plan quelconque, à partir de O, et de montrer que les points et droites obtenus forment la configuration de Pascal.
Détaillons tout cela un peu plus que Cremona. Comme les droites 1; : : : ; 6 passent par O, elles se projettent en six points, que je noterai 10; : : : ; 60 dans ces explications. Puisque les droites 1; : : : ; 6 sont incluses dans un même cône quadratique, les points pro- jetés 10; : : : ; 60 sont situés sur une même conique. Ensuite, la droite 14, qui ne passe pas Le résumé historique de Henderson renvoie également au chapitre de [Henderson 1915] concernant la configuration de Pascal. La référence supplémentaire qui y est donnée, [Cayley 1868c], traite de la configuration de Pascal mais ne parle par des droites des surfaces cubiques.
Cela avait déjà été remarqué par Salmon dans son article de 1849 : il leur avait attribué la multiplicité de comptage égale à 3.
par O, se projette sur une droite du plan ; comme 14 rencontre la droite 1 et la droite 4, sa projection contient les points 10 et 40. La droite 14 se projette donc en la droite 1040, et il en est de même pour toutes les autres droites de ce type-là. Voir la figure 1.9. Il reste vérifier que la configuration obtenue est bien la configuration de Pascal. Par exemple, le point d’intersection I de 4060 et 3050 provient, dans la projection, du point d’intersection de 46 et 35, lequel appartient à la droite de rencontre des plans (15:23:46) et (14:26:35). De même, l’intersection J de 1050 et 2060, ainsi que celle K de 2030 et 1040, proviennent de cette même droite intersection des plans (15:23:46) et (14:26:35). Les trois points I, J et K sont donc alignés sur la projection de cette droite, et on obtient donc la configuration de Pascal.

Point de vue de la théorie des groupes

Enfin, Henderson clôt son résumé historique par un paragraphe concernant le point de vue du problème des vingt-sept droites depuis la théorie de groupes 97. Pour lui, ce sujet commence en 1869, lorsque Camille Jordan démontre un lien entre les vingt-sept droites et les fonctions hyperelliptiques, [Jordan 1869a].
Plus précisément, ce lien concerne les équations algébriques associées respectivement aux vingt-sept droites et à la trisection des périodes des fonctions hyperelliptiques. La première est une équation algébrique de degré 27 en une inconnue, dont chaque racine correspond à une des vingt-sept droites, les relations algébriques entre ces racines reflétant les relations d’incidence existant entre les droites (voir la fin de l’introduction générale). La seconde est liée aux fonctions hyperelliptiques, qui sont des fonctions (généralement définies deux par deux) 0(u; v) et 1(u; v) de deux variables complexes et possédant quatre périodes par variable. Le problème de la trisection est de déterminer 0(u=3; v=3) et 1(u=3; v=3) en fonction de 0(u; v) et 1(u; v) ; il devient le problème de trisection des périodes lorsque u et v sont des combinaisons linéaires à coefficients entiers des pé-riodes de 0 et 1. Ce problème dépend de deux équations à deux inconnues (l’une pour 0(u=3; v=3), l’autre pour 1(u=3; v=3)), et l’équation de trisection est celle résultant de l’élimination d’une des deux inconnues. Ce que démontre Jordan est que le groupe de l’équation de trisection (réduit par adjonction d’un radical carré) est identique à celui de l’équation aux vingt-sept droites.
Remarquons que Henderson fait également référence au Traité des substitutions et des équations algébriques de Jordan, [Jordan 1870b]. Dans cet ouvrage, le résultat précédent est repris, mais l’équation aux vingt-sept droite est également étudiée sans son lien avec les fonctions hyperelliptiques : en se basant sur des résultats géométriques comme la copla-narité trois à trois des vingt-sept droites en les quarante-cinq triangles — le mémoire de Steiner que j’ai décrit plus haut est cité pour ce résultat, [Steiner 1856b] —, Jordan étudie le groupe de l’équation et en déduit des propriétés de résolubilité. D’autres équations par-ticulières y sont également étudiées, associées à des configurations géométriques que nous avons déjà rencontrées comme les vingt-huit tangentes doubles ou les seize points singuliers de la surface de Kummer, et d’autres comme les neuf points d’inflexion des courbes cubiques planes ou les seize droites des surfaces quartiques contenant une conique double. Lors de son étude du groupe l’équation associée aux vingt-huit tangentes doubles, Jordan montre qu’un de ses sous-groupes est identique au groupe de l’équation aux vingt-sept droites. Il commente à ce propos : « Ainsi se retrouve entre le problème des vingt-sept droites et celui de doubles tangentes, le lien remarquable remarqué par M. Geiser », [Jordan 1870b, p. 330]
— Jordan fait référence à l’article de Geiser décrit plus haut dans cette section, [Geiser 1869b]. Le Traité contient en outre un lien entre l’équation aux vingt-sept droites et celle.
Ce dernier indique ensuite qu’en 1887, Klein avait « ébauché la réduction effective d’un problème à l’autre 98 » (celui des vingt-sept droites et celui des fonctions hyperelliptiques). Dans la publication correspondante, [Klein 1888] (qui est un extrait d’une lettre écrite à Jordan), Klein commence par rappeler sa résolution de l’équation générale du cinquième degré par les fonctions elliptiques, au cœur de laquelle se trouve l’icosaèdre 99. Il explique alors qu’il souhaite calquer cette méthode au cas de l’équation dont dépendent les vingt-sept droites, qu’il souhaite résoudre par les fonctions hyperelliptiques. Pour ce faire, il se base notamment sur des travaux de deux de ses élèves, Heinrich Maschke et Alexander Witting, dont les mémoires correspondants sont également donnés par Henderson 100. Ce dernier écrit en outre que Heinrich Burkhardt a complètement mené à terme l’ébauche de Klein en 1893, [Burkhardt 1893].
Henderson donne encore une liste de travaux concernant le groupe de Galois de l’équa-tion aux vingt-sept droites. Les mathématiciens cités sont Dickson, Friedrich Kühnen, Heinrich Weber, Ernesto Pascal et Edward Kasner 101. Décrivons brièvement les travaux correspondants, dans l’ordre chronologique.
La publication de Weber citée, [Weber 1884], est un article qui a pour objet d’étude principal le groupe de Galois de l’équation associée aux vingt-huit tangentes doubles d’une courbe quartique. De façon différente que Jordan l’avait fait dans le Traité des substitu-tions, Weber étudie ce groupe en en cherchant le cardinal, les sous-groupes remarquables, les facteurs de composition, etc. En particulier, il met en évidence un sous-groupe parti-culier, isomorphe au groupe de l’équation aux vingt-sept droites, retrouvant ainsi un lien également vu par Jordan dans le Traité. La référence citée par Henderson de Kühnen est sa thèse, [Kühnen 1888] ; elle s’attache à étudier le groupe de Galois de l’équation aux vingt-sept droites, de façon tout à fait analogue à ce qu’avait fait Weber dans le texte cité précédemment 102. Ce groupe de Galois est obtenu comme groupe de substitutions sur des racines laissant certaines relations entre ces racines inaltérées. Comme dans l’article de Weber décrit à l’instant, Kühnen cherche à déterminer les sous-groupes remarquables, les facteurs de compositions, etc., du groupe de Galois en question.

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Table des matières

Introduction
1 Sur « l’histoire officielle » des vingt-sept droites 
1.1 Une histoire thématique à la Dickson
1.1.1 Archibald Henderson : vers l’écriture de son livre
1.1.2 Structure et contenu de The Twenty-seven Lines
1.2 Les sources et la bibliographie de Henderson
1.2.1 Un article de Hill concernant une bibliographie
1.2.2 Le Catalogue of Scientific Papers
1.2.3 Comparaison avec le Jahrbuch
1.3 Le résumé historique de Henderson disséqué
1.3.1 L’article de Mossbrugger
1.3.2 Existence des vingt-sept droites avec Cayley et Salmon
1.3.3 Le mémoire de Steiner
1.3.4 Notations des vingt-sept droites et notion de « double-six »
1.3.5 Les travaux de Sturm et Cremona
1.3.6 Classifications de surfaces cubiques
1.3.7 Modèles et formes des surfaces cubiques
1.3.8 Lien entre les vingt-sept droites et les vingt-huit tangentes doubles .
1.3.9 Lien entre les vingt-sept droites et la configuration de Pascal
1.3.10 Un paragraphe de références
1.3.11 Variétés cubiques dans un espace de dimension 4
1.3.12 Point de vue de la théorie des groupes
1.3.13 Bilan : thèmes et chronologie
1.4 Sur l’écriture d’une histoire des vingt-sept droites
1.4.1 L’histoire de Henderson
1.4.2 Les formulations du théorème
1.4.3 Le cas du thème « théorie des groupes »
2 Les vingt-sept droites et le Traité des substitutions et des équations algébriques
2.1 Les vingt-sept droites et le Traité : l’influence de Clebsch
2.1.1 Le Traité et son Livre III
2.1.2 Quelques mots sur Alfred Clebsch
2.2 Identifier théorie des substitutions et géométrie
2.2.1 Utilisation de la note Sur les équations de la géométrie
2.2.2 Du côté géométrique
2.2.3 Les « méthodes de Galois »
2.3 L’étude par Jordan de l’équation aux vingt-sept droites : emprunts géométriques
2.3.1 D’un problème et de relations géométriques à une fonction de racines et son groupe
2.3.2 Groupe, ordre et facteurs de composition de l’équation aux vingt-sept droites
2.3.3 Réduites géométriques
2.3.4 Il n’existe pas de réduite de degré inférieur à
2.3.5 Conclusion partielle
2.4 « Conjectures algébriques » et « vérifications géométriques », ou Jordan vs. Geiser
2.4.1 Le lien de Geiser entre les vingt-sept droites et les vingt-huit tangentes doubles
2.4.2 Les « recherches algébriques » de Jordan sur le lien entre les vingthuit tangentes doubles et les vingt-sept droites
2.4.3 La « conjecture » de Jordan sur la relation entre les vingt-sept droites et les seize droites
2.4.4 Les « considérations géométriques » de Geiser sur le lien entre les vingt-sept droites et les seize droites
2.4.5 Un hiatus
2.5 Les vingt-sept droites et les fonctions hyperelliptiques
2.5.1 Fonctions hyperelliptiques et équations de division
2.5.2 Groupes de monodromie et groupe algébrique de l’équation de division
2.5.3 Lien avec les vingt-sept droites
2.5.4 Bilan : analyse, théorie des substitutions, géométrie
2.5.5 Une « énigme à expliquer »
2.6 Conclusion
3 Le corpus des équations de la géométrie 
3.1 Une étiquette et un corpus
3.1.1 Les équations de la géométrie dans l’Encyklopädie
3.1.2 Repérer les équations de la géométrie
3.1.3 Formation du corpus
3.1.4 Les auteurs
3.2 Les textes du corpus
3.2.1 L’article de Hesse, 1847
3.2.2 Deux articles de Kummer sur les surfaces quartiques, 1863-1864 .
3.2.3 Clebsch et les surfaces quartiques à conique double, 1868
3.2.4 Le Traité des substitutions et des équations algébriques, 1870
3.2.5 Théorie des complexes linéaires : Klein, 1870
3.2.6 Interprétation géométrique de l’équation du cinquième degré : Clebsch, 1871.
3.2.7 Représentation géométrique des résolvantes, Klein, 1871
3.2.8 Commentaires de Lie, 1872
3.2.9 Équation du huitième degré et vingt-huit tangentes doubles : Noether, 1879
3.2.10 Le Substitutionentheorie de Netto, 1882
3.2.11 Retour par Klein sur les vingt-sept droites et les fonctions hyperelliptiques, 1888
3.2.12 Un article de Maschke, 1889
3.2.13 Le Lehrbuch de Weber, 1896
3.3 Première vue d’ensemble sur les équations de la géométrie
3.3.1 Un petit noyau
3.3.2 Plusieurs statuts pour les équations de la géométrie
3.3.3 Équations célèbres, équations anonymes
3.4 Des éléments de cultures en contact
3.4.1 Vers une culture de la théorie des équations en lien avec les travaux de Galois
3.4.2 Vers une culture des configurations géométriques
4 Les équations de la géométrie : un système culturel 
4.1 Une discipline des équations de la géométrie ?
4.2 Reconnaître les équations de la géométrie
4.2.1 Désignations
4.2.2 Racines et objets correspondants ; (non) formation des équations
4.2.3 Identifications d’équations
4.3 Résolutions des équations de la géométrie
4.3.1 Utilisations de tableaux
4.3.2 Relations d’incidence et objets dérivés
4.3.3 Une « démonstration définitive »
4.3.4 La « nature particulière » d’une équation
4.3.5 Résolutions, groupements et intuition
4.4 Les équations de la géométrie : une culture ?
4.4.1 Des traits culturels partagés
4.4.2 Une « collectivité particulière et distincte » ?
4.4.3 Un système culturel
4.5 Un système culturel composite
5 Interprétations géométriques : équations, invariants et groupes 
5.1 Clebsch et l’équation générale du cinquième degré
5.1.1 Principes généraux d’interprétation géométrique
5.1.2 Un exemple : l’équation du quatrième degré
5.1.3 L’équation du cinquième degré
5.1.4 Conclusion : transformations d’équations, invariants et géométrie .
5.2 Des équations de la géométrie au Programme d’Erlangen et à l’icosaèdre
5.2.1 Représentation géométrique des résolvantes
5.2.2 Le Programme d’Erlangen
5.2.3 L’icosaèdre et le mémoire de Clebsch
5.2.4 La résolution de l’équation aux vingt-sept droites par Klein, 1888
5.3 Des groupes d’équations de la géométrie
5.3.1 Un article de Weber sur les vingt-huit tangentes doubles, 1884
5.3.2 La thèse de Friedrich Kühnen, 1888
5.4 Groupes et géométrie : une acculturation ?
Conclusion 
A Publications de Henderson recensées par le Jahrbuch et MathSciNet 
B Références bibliographiques du livre de Henderson 
C Les recherches de Jordan sur le lien entre les fonctions hyperelliptiques et les vingt-sept droites
C.1 Prolégomènes
C.1.1 Intégrales abéliennes, intégrales hyperelliptiques
C.1.2 Jacobi et le problème d’inversion
C.1.3 Division des fonctions hyperelliptiques
C.1.4 Périodes alla Puiseux
C.1.5 Groupe de monodromie
C.1.6 Groupe abélien
C.2 Équation de la division
C.2.1 Rappels et notations de Jordan
C.2.2 Formation de l’équation de la division
C.2.3 Groupes de monodromie
C.2.4 Groupe algébrique
C.3 Équation de la trisection des périodes
C.3.1 Une équation auxiliaire
C.3.2 Décompositions de F
C.3.3 Vers les vingt-sept droites
D Relevé des équations de la géométrie 
E Cinq lettres de Jordan à Klein 
Bibliographie 

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