Les conséquences de l’hystérectomie sur la santé sexuelle des femmes

Pendant des siècles l’utérus a été considéré moins comme un organe que comme une créature indépendante capable de bouger dans le corps de la femme et responsable d’hystérie (étymologie commune grecque hyster ou hustéra, pouvant signifier la matrice, les entrailles ou l’utérus). Elle correspondait à divers désordres physiologiques féminins qui seraient dus à des mouvements de la matrice (soit de l’utérus) et liés à l’inassouvissement du désir sexuel. Ses manifestations constituaient une série de comportements féminins jugés déviants classés comme troubles relevant du domaine médical comme par exemple la masturbation, les pulsions homosexuelles, les fantasmes, mais aussi la mélancolie, les évanouissements, l’anxiété, la nervosité, l’insomnie… Le soulagement des symptômes relevait d’une prise en charge médicale et le grand traitement préconisé à travers tous les siècles, depuis Hippocrate jusqu’au début du XXème siècle, a été le massage des parties génitales. Ce fut une pratique centrale pour les médecins de famille jusqu’en 1920. La production d’orgasmes cliniques servait de soupape de sécurité dans une société où rien n’était fait pour donner une place au plaisir féminin (1). Cette anecdote historique montre à la fois le lourd passé du plaisir féminin et des représentations de l’utérus, ainsi que l’incroyable complicité du corps médical dans ces croyances.

La première ablation chirurgicale de l’utérus a eu lieu à la fin du XIXème siècle. Aujourd’hui, avec plus de 60000 interventions en France chaque année, l’hystérectomie est l’une des chirurgies les plus fréquentes (2). Environ 70% d’entre elles sont indiquées pour des causes bénignes telles que les fibromes, l’endométriose, les méno-métrorragies ou les prolapsus génitaux. Ce contexte épidémiologique fait de l’hystérectomie un problème de santé publique.

En consultation, on a souvent entendu ces propos « Docteur on m’a fait la totale », voilà ce que les femmes pensent de l’hystérectomie. De par sa fonction reproductrice, l’utérus est un organe hautement symbolique. Son ablation nécessite de faire le deuil de la maternité, ce qui peut être difficile à tous les âges de la vie d’une femme. Mais alors qu’entendent-elles par “totale” ? Quel est ce “tout” qu’il leur a été enlevé ? On peut supposer que l’utérus joue un rôle non seulement dans la reproduction mais aussi dans les représentations du schéma corporel et de la féminité. De par sa fonction d’organe génital il peut aussi avoir une importance dans la sexualité.

La santé sexuelle est un concept qui s’est développé à la fin du XXème siècle au fil des différents mouvements sociétaux. Depuis 2002, l’OMS a intégré la santé sexuelle à la santé dans sa globalité : « La santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans leur ensemble. C’est un état de bienêtre physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité, et non pas simplement l’absence de maladies, de dysfonctionnements ou d’infirmités » .

La sexualité et la santé sexuelle sont donc un domaine large, multidimensionnel, avec de nombreuses connexions avec la santé globale. A ce titre, elle a une place importante dans la santé de nos patientes dans le cadre de leurs soins en médecine générale. Le médecin généraliste dans son approche globale, est à la fois concerné par les problématiques organiques comme les pathologies bénignes de l’utérus et par la santé sexuelle de ses patientes. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés à son rôle dans la prise en charge et l’accompagnement de nos patientes dans l’hystérectomie.

BASES THÉORIQUES 

Hystérectomie 

En France, un peu plus de 60 000 actes d’hystérectomie toutes voies d’abord confondues sont réalisés chaque année Environ 70% d’entre elles concernent les pathologies bénignes, ce qui représente environ 42 000 actes en 2019, les autres causes sont les pathologies cancéreuses (4,5). Selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) en 2015 (6), l’hystérectomie pour pathologie bénigne est indiquée essentiellement en cas de :

● Fibromes utérins :
Les fibromes utérins sont des masses bénignes se développant au niveau de la paroi de l’utérus. Leur survenue est un événement fréquent qui affecte près d’une femme sur deux après 35-40 ans. La plupart du temps, ils ne sont responsables d’aucun symptôme et ne nécessitent alors aucun traitement. Dans certains cas, leur grande taille ou leur nombre peuvent être à l’origine de ménorragies, douleurs pelviennes, sensation de lourdeur dans le bas ventre ou d’une gêne urinaire ou digestive.
● Endométriose :
L’endométriose correspond à la migration de l’endomètre en dehors de la cavité utérine : elle se greffe le plus souvent sur le péritoine et les ovaires, mais aussi l’intestin, la vessie, le rectum… Cela peut entraîner des douleurs importantes, notamment pendant les règles ou lors des rapports sexuels. Dans certains cas, chez des patientes ayant obtenu les grossesses désirées et pour lesquelles les différents traitements médicaux ne sont plus efficaces, l’hystérectomie pourra être envisagée.
● Méno-métrorragies :
Elles correspondent à des saignements anormalement longs et abondants survenant pendant ou en dehors du cycle menstruel. Celles-ci peuvent être dues au changement hormonal en péri-ménopause ou à la présence de fibromes. Elles concernent 11 à 13% des femmes de la population générale et jusqu’à 24% des 36– 40 ans (7). Elles peuvent être responsables d’anémie et altérer considérablement la qualité de vie. Des traitements médicaux ou par hystéroscopie peuvent être proposés dans certains cas mais en cas d’échec, une hystérectomie sera nécessaire.
● Prolapsus utérin :
Avec l’âge et les grossesses, il peut arriver que l’utérus descende dans le vagin, en raison du relâchement des muscles et ligaments pelviens. Cette descente d’organe entraîne le plus souvent une gêne et une pesanteur, voire une incontinence urinaire.
● Les douleurs pelviennes :
Il existe de nombreuses étiologies aux douleurs pelviennes et l’hystérectomie peut, dans certains cas, apporter une guérison pour les patientes. L’endométriose, les fibromes, les adhérences et les infections sont les principales causes de ces douleurs.

L’hystérectomie peut être réalisée de différentes manières en fonction de la nature, de la pathologie et de l’âge de la patiente. Elle peut être :
– subtotale : ablation du corps de l’utérus et conservation du col
– totale : ablation du corps et du col de l’utérus
– totale non conservatrice, avec salpingo-ovariectomie : ablation du corps et du col de l’utérus ainsi que des ovaires et des trompes de Fallope
– radicale : ablation du corps et du col de l’utérus, des ovaires et des trompes de Fallope ainsi que du 1/3 supérieur du vagin et des ganglions lymphatiques (principalement indiquée en cas de pathologie maligne).

Santé sexuelle

Développement du concept
« Un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité », c’est en ces termes que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé de définir la santé sexuelle en 2002 (3). Et de préciser que cet état de bienêtre « ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité. » .

Cette définition s’est construite au fur et à mesure de l’évolution de notre rapport à la sexualité. La première étape date du milieu des années 1970, après la mise sur le marché des premières pilules contraceptives (Loi Neuwirth 1967 (8)). En permettant de dissocier plaisir et reproduction, la pilule signe, en effet, la première véritable révolution sexuelle qui conduit à des changements profonds de comportements et de mœurs en matière de sexualité. C’est donc tout naturellement qu’en 1974 l’OMS emploie pour la première fois le terme de « santé sexuelle ». La seconde étape sera franchie avec la loi Veil de janvier 1975 qui dépénalise l’avortement. Puis, très vite, l’épidémie de sida, qui débute avec la décennie 1980, marque l’apparition d’un discours préventif, dicté par la peur, et qui vise avant tout la réduction des risques. Aujourd’hui et jusqu’en 2030 en France, se déploie la stratégie nationale de santé sexuelle qui s’inscrit dans une démarche globale d’amélioration de la santé sexuelle et reproductive selon six axes de développement : promotion en santé sexuelle chez les jeunes, améliorer le parcours de santé en matière d’infections sexuellement transmissibles (IST), améliorer la santé reproductive, répondre aux besoins spécifiques des populations les plus vulnérables, promouvoir la recherche en santé sexuelle et prendre en compte les spécificités de l’outre-mer (9). Cette définition large de l’OMS a permis de promouvoir la sexualité comme un processus procurant du bien-être et non seulement comme une source de risques potentiels .

Sexualité de la femme

Définition
La santé sexuelle ne peut être définie sans une large prise en compte de la sexualité. La sexualité est « un aspect central de l’être humain tout au long de la vie, qui englobe le sexe, les identités de genre et les rôles y afférents, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction » (3). La sexualité est vécue et exprimée sous forme de pensées, de fantasmes, de désirs, de croyances, d’attitudes, de valeurs, de comportements, de pratiques, de rôles et de relations. La sexualité regroupe ainsi de nombreuses dimensions dont l’expérience dépendra de chaque individu. Il existe un nombre de possibilités infinies de vivre et d’exprimer sa sexualité. De plus, « elle est influencée par l’interaction de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques, culturels, juridiques, historiques, religieux et spirituels » ; ce qui en fait un domaine très vaste et difficile à “normaliser”. Cependant une réponse sexuelle physiologique a été décrite.

La réponse sexuelle
En 1968, William Masters, gynécologue, et Virginia Johnson, psychologue, pionniers en matière de sexologie humaine, ont publié une étude au sujet des réactions sexuelles humaines, après observation clinique des comportements et enregistrement des variations anatomiques et physiologiques du déroulement des rapports sexuels (11). Ils ont décrit une réponse sexuelle féminine en quatre phases, identiques à celles de l’homme : excitation, plateau, orgasme et résolution (Fig. 2). A ces quatre phases précèdent la phase de désir, ajoutée à la fin des années 70 grâce aux travaux d’Helen Kaplan, sexothérapeute qui décrit trois phases couramment reprises en médecine sexuelle : le désir, l’excitation et l’orgasme .

● Phase de désir :
Elle est caractérisée par des idées et fantasmes érotiques et le souhait d’avoir des rapports sexuels. Puis l’hypothalamus va commander nos différents organes pour les rendre aptes à la relation sexuelle.
● Phase d’excitation :
Elle est caractérisée chez la femme par une augmentation de la vascularisation vaginale et de la vulve se traduisant par la lubrification vaginale et l’érection du clitoris. La phase d’excitation résulte de stimulations cérébrales (visuelles, auditives, fantasmatiques) et/ou périphériques sensitives.
● Phase de plateau :
Durant laquelle les phénomènes de la phase d’excitation restent stables au maximum de leur développement, au dépend d’une poursuite de stimulation (masturbation, coït par exemple).
● L’orgasme :
Il s’agit d’une manifestation complexe de l’organisme caractérisée par une sensation de plaisir intense. Il se traduit par des effets marqués et brefs qui affectent à la fois les parties génitales (contractions rythmiques de la musculature striée périnéale), le reste du corps (tension musculaire, polypnée, tachycardie) et le cerveau.
● Phase de résolution :
Pendant laquelle les phénomènes de la phase d’excitation diminuent rapidement. La femme peut avoir plusieurs orgasmes successifs si la stimulation sexuelle ne s’interrompt pas, et la phase de résolution ne survient alors qu’après le dernier orgasme. Elle est caractérisée par un sentiment de relaxation mentale et physique.

En 2011, les travaux de Rosemary Basson ont amené une vision plus circulaire de la réponse sexuelle féminine afin de prendre en compte les multiples interactions du cycle de la réponse sexuelle chez la femme (13). Elle reproche au modèle traditionnel linéaire de Master et Johnson de dépeindre le désir sexuel comme une force spontanée qui déclenche elle-même l’excitation sexuelle pour atteindre ensuite l’orgasme. Or pour elle, si l’aspect émotionnel de l’interaction ainsi que l’aspect physique, est positif, l’intimité est majorée et le cycle renforcé. C’est-àdire qu’il n’y a pas d’étape à franchir successivement pour atteindre un but final. Les femmes peuvent commencer une relation pour de nombreuses raisons différentes qui ne sont pas forcément le désir comme par exemple la curiosité, et puis elles peuvent finir par un orgasme ou plusieurs ou bien, être satisfaite sans orgasme du tout. Elle considère que « lors d’une rencontre “potentiellement” sexuelle, le désir peut -ou pas- être présent initialement : il est potentialisé par l’excitation due aux stimuli externes ».

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Table des matières

INTRODUCTION
BASES THÉORIQUES
I. Hystérectomie
II. Santé sexuelle
1) Développement du concept
2) Sexualité de la femme
a. Définition
b. La réponse sexuelle
c. Dysfonctions sexuelles
3) Rôle de l’utérus dans la réponse sexuelle
MATERIEL ET METHODE
RÉSULTATS
I. Symptômes préopératoires
1) Douleurs et manque de reconnaissance
2) Saignements
II. Sexualité antérieure
1) Sexualité satisfaisante
2) Sexualité non essentielle
3) Sexualité évolutive
4) Sexualité altérée
III. Conséquences positives de l’hystérectomie
1) Fonction reproductrice de l’utérus
2) Vécu positif de l’hystérectomie
3) Soulagement post-opératoire
IV. Conséquences négatives de l’hystérectomie
1) L’utérus : symbole de la féminité
2) Vécu difficile de l’hystérectomie
3) Conséquences négatives sur la sexualité
V. Comment rebondir ?
1) Accepter
2) Se faire aider
3) Le couple
VI. Rôle du médecin traitant
1) Généraliste peu concerné
2) L’importance du genre
3) Entre devoirs et attentes
DISCUSSION
I. Limites et forces de l’étude
II. L’hystérectomie améliore la santé sexuelle des femmes
1) Lien avec l’importance des symptômes préopératoires
2) Avec ou sans conservation du col
3) Quand l’hystérectomie est bien vécue
III. L’hystérectomie dégrade la santé sexuelle des femmes
1) Symbole de l’utérus : entre maternité et féminité
2) Hystérectomie imposée
3) Sexualité antérieure altérée
IV. Le rôle du médecin généraliste
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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