Les conceptions cognitivo-comportementales

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Les pratiques de l’incorporation :

P. Gutton [11] préfère, quant à lui, parler de « pratiques de l’incorporation » pour qualifier ces comportements marqués par l’avidité. L’incorporation viserait à nier la perte d’objet. L’introjection, au contraire, qui suppose la séparation avec l’objet externe, chercherait à l’élaborer. L’objet externe consommé serait un inducteur fantasmatique, permettant à ces sujets de sortir d’un état de vacuité représentative. Ces pratiques surviendraient chez des sujets dépendants des objets externes, et constitueraient une solution comportementale à la défaillance de ces objets.

Estime de soi et construction psychique de l’individu

La construction identitaire et estime de soi

Prendre conscience de soi, c’est devenir une personne qui sait « qui » elle est, peut exprimer ce qu’elle ressent et ce qu’elle désire. L’individu construit son identité par étapes, au cours d’un processus qui s’exprime de la naissance à l’adolescence. L’identité personnelle se construit dans le cadre d’expériences.
Le corps constitue pour le bébé la base de son identification. Il se découvre lui-même au travers de ses perceptions, de ses actions, mais aussi dans son rapport aux autres et dans le regard des autres.
En psychologie du développement, Wallon [41] psychologue, situe entre 3 et 6 ans le stade du personnalisme. Le narcissisme se met en place dès les premiers moments de la vie, quand l’enfant prend peu à peu conscience de son existence. Il va se constituer comme un individu à travers cette image de lui-même reflétée par son narcissisme.
Le narcissisme permet le développement de l’enfant, la constitution et l’affirmation de son identité. Pour D. Winnicott [43], la construction identitaire est liée aux soins de la prime enfance. Elle relèverait de trois processus conjoints : l’encrage de l’image de soi sur la transformation corporelle, l’investissement narcissique du sujet et la construction d’un « idéal du moi ».
Il décrit trois stades de développement du Soi dont en particulier le stade du narcissisme sain. Selon lui, pour s’épanouir, l’enfant doit développer un « narcissisme sain ». Il spécifie que si l’enfant n’a pas subi de blessures, il sentira qu’il est apprécié comme « bonne personne ». L’enfant intériorisera alors corporellement son sentiment de Soi et d’identité. Le narcissisme est selon D. Winnicott, « Ce qui permet à l’individu de se respecter tout en étant capable de maintenir une bonne relation avec le monde extérieur». [44]
Dans la psychologie Freudienne, le narcissisme serait un synonyme de l’estime de soi. De manière permanente, l’image que l’enfant bâtit de lui-même, ses croyances et représentations de soi constituent une structure psychologique qui lui permet de sélectionner ses actions et ses relations sociales. La construction identitaire et l’image de soi assurent ainsi des fonctions essentielles pour la vie individuelle de l’enfant et la construction de son estime de soi. [39]

La reconnaissance de soi

L’enfant doit tout d’abord apprendre à se connaître avant de se reconnaître (estime de soi). Ce processus se déroule lentement par étapes tout au long du développement de l’enfant, « depuis la dépendance, jusqu’à l’autonomie.
La connaissance de soi se fait par le biais de relations avec les autres et d’expérimentations diverses, des apprentissages, mais aussi aux réactions des personnes qui l’entourent. Il apprend donc à connaître son milieu et sa propre personne. Ses expériences lui font prendre conscience de ses capacités physiques, intellectuelles et relationnelles. Vers l’âge de trois ans, l’enfant intègre le « je » qu’il utilise pour parler de lui. Il se reconnaît donc comme un être unique et se forge petit à petit un sentiment d’identité. C’est à l’âge de 5 ans que l’enfant prend conscience qu’il est un garçon ou une fille, il se construit donc une partie de son identité grâce à cette reconnaissance. C’est par le jeu que l’enfant apprend à se connaître. [36]
Lorsqu’il est petit, c’est en jouant seul qu’il apprend à se connaître, mais plus grand, c’est au contact des autres que la connaissance de soi se fait pendant les jeux. La reconnaissance de soi passe aussi par la reconnaissance de l’enfant de son corps afin de se construire une image de ce corps, et par la même occasion, une image de lui-même. Le corps permet également de se construire une identité, c’est ce que l’on appelle le « soi corporel » qui va se développer par étapes.

L’image de soi

La conscience de soi se structure petit à petit selon l’âge de l’enfant. Lacan [20], démontre le rôle important du corps dans la construction de soi et de l’image de soi chez un enfant, notamment par ce qu’il appelle le stade du miroir. Cette étape se situe entre 6 et 18 mois, durant laquelle l’enfant va reconnaître son image dans un miroir. C’est à ce moment que l’enfant se découvre comme un individu séparé des autres.
Au fil de son développement, l’enfant va élaborer son schéma corporel par le biais d’expériences qui l’aideront à situer son corps dans l’espace. A côté de cela, s’élabore, de manière complètement inconsciente, ce que Dolto [7] avait qualifié « d’image du corps » et qui est personnelle à chacun. L’image du corps est, comme le schéma corporel, une représentation psychique, elle s’élabore au cours de la construction du sujet. Elle se construit et se remanie tout au long du développement de l’enfant. D’après elle, l’image du corps est composée de trois images : « L’image de base, l’image fonctionnelle et l’image érogène ». L’image de soi est une connaissance de la part de l’enfant de ses caractéristiques personnelles.
Le Dictionnaire de Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent définit l’image de soi comme « Le support de l’identité, c’est à dire l’ensemble des représentations conscientes ou inconscientes que le sujet se fait de lui-même : image du corps, images spéculaires, représentations concrètes, mais aussi valeurs et propriétés qu’il s’attribue ».
C’est donc la façon dont notre corps nous apparaît à nous même, mais aussi la façon dont nous interprétons les capacités physiques de ce corps. C’est une connaissance de notre corps, mais aussi une connaissance de soi-même. La connaissance de soi se transforme peu à peu en sentiment d’identité, à partir duquel l’enfant va se reconnaître et développer son estime de soi. Prendre conscience de soi, c’est devenir une personne qui sait « qui » elle est, peut exprimer ce qu’elle ressent et ce qu’elle désire. C’est le travail de décentration qu’accomplit le jeune enfant durant les premières années de sa vie. La connaissance de soi doit être favorisée chez l’enfant comme préalable à l’estime de soi.

L’environnement

Jeammet [16] explique que la qualité de la relation avec l’environnement que nous aurons pu incorporer, (certains psychanalystes parlent d’introjection) notamment dans les premières années de notre vie, est ce qui constitue les assises narcissiques.
D’après D.Winnicott [45] la formation identitaire constitue le moi et s’opère en deux temps. Un premier temps a lieu dès les premiers mois du nourrisson, Il situe le deuxième temps au moment de l’adolescence.
A sa naissance le nourrisson est dans l’incapacité de se distinguer du monde extérieur il est dans une indifférenciation. Contrairement à Freud, Winnicott pense qu’il existe dès le début de la vie une relation primaire mère-bébé, qui ne serait liée à aucune zone érogène. « La mère doit être observée en dehors de l’aspect purement biologique».
Lorsque le nourrisson va prendre conscience que lui et sa mère sont deux individus distincts, il va vivre la désillusion du sentiment d’omnipotence et se rendre compte de sa totale dépendance. C’est ce que J. Lacan appellera le stade du miroir. [20]
La différenciation du moi et du non-moi se réalisera graduellement avec la mère. Si l’environnement maternel est suffisamment bon et que la mère est suffisamment à l’écoute de son bébé, ce que Winnicott définit comme « mère suffisamment adéquate » le processus de séparation et la maturation psychologique permettra la construction d’un moi suffisamment sécurisé.
C’est aussi en faisant exister dans son désir le père ou son image qu’elle favorisera le processus d’individuation et de séparation. L’indépendance, c’est la capacité de se séparer, c’est, comme l’écrit D. Winnicott, la capacité d’être seul.
Selon le psychanalyste B. Muldworlf [27], plus la déprivation paternelle est grande, plus elle est survenue tôt dans la vie de l’enfant, plus le risque de pathologie mentale est augmenté. La fonction paternelle est constituée par « L’ensemble des déterminations qui agissent pour oeuvrer à la structuration du psychisme de l’enfant ».
Lorsque l’environnement maternel (le père fait bien entendu partie de l’environnement maternel) est suffisamment sain, le processus de séparation et la maturation psychologique permettra la construction d’un moi suffisamment sécurisé permettant d’affronter les vicissitudes du monde extérieur.
Si l’environnement est angoissant, insécurisant, l’identification et le sentiment d’exister seront défaillants. Cette défaillance entraînera une rupture dans la construction narcissique du sujet et plus particulièrement du narcissisme primaire entraînant une faible estime de soi.
Au moment de l’adolescence les processus de la construction identitaire vont être, après une période dite de latence, réactivé. L’identité va être bouleversée par les transformations physiques et psychologiques. L’identité est le sentiment d’exister dans une continuité et une unité, elle est liée à la connaissance de soi. Elle permet la différenciation, c’est ce qui se joue lorsque l’enfant se reconnaît différent de sa mère (stade du miroir), cette différenciation met en jeu les mécanismes identificatoires. L’adolescent du fait des bouleversements internes et externes va vivre une phase où il ne se reconnaît plus. Il sera fragilisé pendant cette période, la parole de l’adulte va être prépondérante pour lui permettre de traverser cette phase où se modifie sa personnalité. La parole est à entendre au sens symbolique dans ce qu’elle induit de particulier chez celui qui en est le dépositaire.
Elle permet l’altérité, et est constitutive d’après Lacan [20] de l’inconscient. L’adolescent doit en même temps maintenir son identité et opérer un remaniement identificatoire. L’identification s’appuie sur la connaissance de soi renvoyée par le discours de l’autre. Les transformations qui se jouent pendant la puberté mettent en péril les limites du corps, de sa représentation (le schéma corporel) car elles produisent un doute sur la continuité de soi. C’est la sécurité narcissique qui va permettre de maintenir le sentiment de continuité tout en intégrant les modifications en jeu. L’adolescent se reconstruit une unité corporelle et une image de soi. C’est au cours de cette période que l’axe narcissique va prédominer.
Le narcissisme va permettre à l’adolescent d’assurer son identité et favoriser son investissement vers l’extérieur de la cellule familiale. C’est le sentiment de sécurité interne qui va donner accès à l’autonomie. Plus l’enfant se sentira en sécurité dans son environnement familial, plus son assise narcissique sera solide plus son accession vers l’autonomie sera facilitée.

Période et type d’étude

Il s’agit d’une étude de cas prospective, qualitative. Que nous avons effectué sur une période de neuf mois allant de septembre 2015 au 31 mai 2016.

Considérations éthiques

L’anonymat est garanti, le consentement des patients et de leurs familles requis et les surnoms utilisés sont choisis par les malades eux même.

Cadre de l’étude

Notre étude est menée à l’hôpital psychiatrique de Tanger « Arrazi ».
Elle concerne quatre cas, qui présentaient un faible score à l’évaluation de l’estime de soi à l’aide de l’échelle de Rosenberg, associé à une addiction modérée et/ou sévère selon les critères du DSMV.
Les informations sont recueillies durant l’hospitalisation des malades (cela concerne les deux malades qui ont été hospitalisés), et aussi durant le suivi en ambulatoire par des entretiens mensuels.
Nous avons effectué des entretiens semi directifs, en présence de la psychologue de l’hôpital, avec les patients et leurs proches. La taille réduite de notre l’échantillon a constitué une limite dans notre travail. Ceci nous interdit toute prétention statistique.

OBSERVATIONS ET COMMENTAIRES

Observation n°1 :
Monsieur Ayoub est âgé de 17 ans, sans domicile fixe.
Il est amené à l’hôpital psychiatrique Arrazi de Tanger par la police, avec une demande de placement judiciaire pour une évaluation de son état mental.
Nous l’avons suivi de novembre 2015 à mai 2016.
Eléments biographiques :
Ayoub est né le 10 / 09 /1998 à Rabat. Il est issu d’une grossesse non désirée, ses parents vivaient en concubinage. Ils se sont séparés dès l’annonce de la grossesse.
Trois ans après la naissance d’Ayoub, sa mère a épousé un de ses cousins qui a reconnu Ayoub. Il l’éleva comme son fils. Le couple a eu par la suite deux autres garçons, actuellement âgés de 11 et 8 ans.
Ayoub a eu un bon développement psychomoteur, il a commencé l’école primaire à l’âge de 6 ans après deux ans passés à la crèche. Il était un bon élève il a toujours eu de bonnes notes mais il a arrêté l’école à l’âge de 11 ans, quand il était en classe de 6ème primaire. En effet c’est à cet âge qu’il a appris qu’il est adopté par son père, il dit :« à partir de ce moment là je me suis senti exclu, lésé et trahi par les gens qui comptaient le plus pour moi. J’ai découvert que mon père n’est pas mon père, et mes frères sont plutôt mes demi- frères. En fait je vivais dans un grand mensonge ». C’est dans ce contexte qu’il a arrêté ses études et a commencé à fuguer de chez lui.
Il ne reconnait plus l’autorité paternelle ni maternelle, il dit « quand j’ai su pour mes origines, c’était comme si je n’étais plus rien. J’ai commencé à me sentir moche. J’ai compris pourquoi je ne ressemblais pas à mes frères. A la rue je suis accepté comme je suis, personne ne cherche à connaitre mes origines ».
Ainsi Ayoub a fugué plus de dix fois de chez lui, à chaque fois on le retrouvait et on le ramenait à la maison, il s’éloignait de son quartier, sans quitter la ville (Rabat). Sa dernière fugue remonte à un an, il est venu à Tanger et il y restait.
Ayoub ne connaissait personne sur Tanger, Il a intégré un groupe de toxicomanes avec lesquels il consommait de la drogue et il volait, il dit : « avec mes amis on fume, on rit, on vole aussi. On forme un vrai groupe unis ». Il lui arrive de vendre de la drogue mais il ne fait partie d’aucun réseau.
Antécédents :
Nous n’avons pas retrouvé d’antécédents personnels psychiatriques chez Ayoub, ni familiaux.
Conduites addictives :
Ayoub a commencé la consommation de cannabis à l’âge de 12 ans, en compagnie d’autres ‘amis de la rue’. Il dit : « mon premier joint est inoubliable, j’étais avec mes amis, depuis ce jour la je n’ai plus arrêté, ensemble on fume on se passe le joint on rit», «avec la drogue je suis heureux et j’oubli tout ». Actuellement il fume en moyenne 5 à 6 joints par jour. Selon le DSMV il présente une addiction sévère au cannabis.
La même année il commence la consommation du tabac « je fume deux paquets par jour, et je ne crois pas que c’est un problème », selon le DSMV il a une addiction sévère au tabac.
Et la consommation d’alcool, essentiellement de la bière, il dit : « ça me fait du bien de boire j’aime être ivre, ça m’aide à dépasser ma peur, je deviens courageux, et même agressif. Ça m’aide à participer à des bagarres avec mes amis, je ne peux pas les laisser seul, on forme un groupe unis». Selon le DSMV il présente une addiction sévère à l’alcool.
Les autres substances sont consommées en groupe, comme ça se présente : héroïne, cocaïne, médicaments.
Histoire de la maladie :
Ayoub a été impliqué dans une affaire de vol avec agression. au commissariat les policiers ont remarqué que son discours était incohérent, il ne se tenait pas sur place, et il avait une hétéro-agressivité physique et verbale. Ils ont décidé alors de l’emmener à l’hôpital pour un avis psychiatrique. Surtout que cela fait un an qu’ils le croisent dans les rues de Tanger.
Examen psychiatrique :
Il rentre dans le bureau accompagner de 4 policiers, les mains menottées derrière le dos, il refuse de s’assoir, et il dit « je ne suis pas fou, je préfère être en prison ».
Sa tenue vestimentaire était sale, il portait un jean et un tee shirt. Il avait un grand sac en plastique dans lequel il avait mis ses affaires. Il était réticent néanmoins le contact parvient à s’établir. Il a accepté le traitement mais il a refusé de nous parler de lui ni de sa famille. Il ne restait pas assis sur la chaise à chaque fois il se mettait debout, et il demandait de partir.
Son regard était triste, il n’avait pas arrêté de pleurer durant l’entretien. Il était bien orienté dans le temps et dans l’espace, son humeur était dépressive. Il avait des idées délirantes interprétatives de persécutions, il disait : « les gens n’arrêtent pas de me regarder, je sais qu’ils veulent me faire du mal, tout le monde veut me faire du mal », et aussi des idées de dévalorisation, il disait : « je ne vaux rien, je n’ai personne dans cette vie, je mérite de souffrir, je mérite la prison ».
Evaluation de l’estime de soi à l’aide de l’Echelle de Rosenberg : test d’Ayoub :
Score : 17, ce qui correspond à une estime de soi « très faible ».
Le diagnostic retenu chez Ayoub est une dépression délirante devant l’antériorité du syndrome dépressif par rapport au syndrome délirant, il dit : «Je me suis sentis malheureux quand j’ai appris la réalité concernant mes origines, en fait j’ai senti comme un trou noir dans mon coeur qui ne cesse de s’agrandir ». Ayoub présente aussi selon le DSMV une addiction sévère au cannabis, à l’alcool et au tabac.
A l’entrée Monsieur Ayoub a bénéficié d’un traitement injectable à base de la chlorpromazine et du diazépam, une ampoule de chaque en intramusculaire.
A J3 d’hospitalisation il a demandé à nous voir, il nous raconte qu’il a commencé à retrouver ses esprits, il disait : « j’ai passé deux semaines sans dormir, je vivais comme sur un nuage, j’avais consommé beaucoup de drogue, j’ai fumé énormément de cannabis, et j’ai pris de la cocaïne ». Ayoub refusait de reprendre contact avec sa famille, il disait : «dans la rue quoi que tu fasses, on te juge pas, on t’accepte comme tu es. Alors qu’à la maison mes parents veulent que je termine mes étude, pour donner une bonne image devant les gens, ils ne pensent qu’aux autres ils s’en fichent de moi je ne veux plus les voir ». à la fin de cet entretien il a accepté de nous communiquer le numéro de téléphone de sa mère à condition qu’il ne la rencontre pas.
Nous avons contacté sa mère par téléphone, et elle s’est présentée seule le lendemain de notre appel. Sa mère évoque son malheur à cause de son fils, elle dit « c’est un garçon impossible à contrôler, je me suis déplacée j’ai laissé mes deux autres enfants, je me demande quand tout cela va finir, j’ai même plus envie de le voir ».
Elle nous a parlé du père biologique de Ayoub, selon elle c’est un homme irresponsable, il a laissé tombé quand il a su qu’elle était enceinte. Elle a mal vécu cette séparation, mais la naissance de Ayoub l’avait aidé a oublié, elle disait « il m’avait fait oublier ma souffrance ». L’enfance d’Ayoub se déroule sans problème, excepté au début du mariage de sa mère avec son cousin à cette époque il avait 3ans, il a commencé à avoir des cauchemars et il pleurait sans raison.
Ayoub avait de bonnes relations avec ses frères et son père, jusqu’à l’âge de 11 ans quand ses parents lui parlent de l’histoire de la paternité, elle disait : « Chaque fois qu’il fugue on le cherche partout jusqu’à le retrouver, il traine avec des clochards, il se drogue, il vole, et il refuse notre aide. Je ne vous cache pas qu’actuellement je préfère qu’il reste loin» Sa mère est partie sans demander à le voir.
L’hospitalisation de Ayoub a duré deux semaines il a fugué à la fin, le relais per os est fait à j3 d’hospitalisation, à base d’antidépresseur IRS la sertraline 50 mg par jour, et de neuroleptique anti productif l’halopéridol 20 gouttes trois fois par jours. Avec une hyperhydratation par voie orale de 2 à 3 litres d’eau par jour.
L’évolution durant l’hospitalisation était bonne, à j 7 d’hospitalisation il a critiqué son délire, il disait : « je sais maintenant que je délirais, je voyais le danger partout, je crois que c’était à cause des drogues que j’avais pris en grandes quantité ». Le syndrome dépressif avait régressé et il n’avait pas réclamé la drogue durant toute la période de l’hospitalisation cependant il n’avait pas exprimé son désir d’arrêter. A j15 d’hospitalisation il remercie toute l’équipe un par un, il disait qu’il s’est senti comme entouré par sa famille, chose qu’il pensait ne pas mériter, il a disait « ce que je mérite c’est d’être à la rue avec les gens de la rue » et le lendemain il a fugué de l’hôpital.
Les jours sont passés sans aucune nouvelle de lui. Nous avons contacté sa mère pour l’informer de sa fugue. Elle nous a dit qu’elle s’en doutait et que s’il revient à la maison elle fera en sorte qu’il vienne en consultation.
Après 20 jours il s’est présenté seul dans notre bureau de consultation. Il avait les yeux cernés, le visage pale. Il nous a parlé de son manque d’appétit et du sommeil, il était chez des amis « toxicomanes ». Depuis sa fugue il n’a pas arrêté de consommer de la drogue. Il nous a demandé de lui prescrire les médicaments qu’il prenait durant son hospitalisation, il dit « je regrette d’avoir fugué de l’hôpital tout le monde était gentil avec moi j’ai vraiment honte. Les médicaments que vous m’avez donné durant l’hospitalisation m’ont beaucoup aidé, je ne veux pas vous fatiguer, j’ai juste envie de prendre des comprimés pour dormir ».
Antécédents :
Nous n’avons pas retrouvé d’antécédents psychiatriques personnels ni familiaux chez Khalid.
Dans ses antécédents médico-chirurgicaux on note qu’il est diabétique et hypertendu mal suivi. Conduites addictives:
Khalid a commencé la consommation d’alcool à l’âge de 27 ans, le plus souvent il boit seul. Il préfère la bière, et la vodka. Il a fait 3 tentatives de sevrage sans aide spécialisée ET sans succès. Selon les critères d’addiction du DSMV il présente une addiction sévère à l’alcool. Il a commencé la consommation du cannabis à l’âge de 27 ans il l’a arrêté il y a de cela 5 ans. Et il fume le tabac de façon occasionnelle.
Examen psychiatrique :
La présentation corporo-vestimentaire de Khalid était débraillée, ses cheveux et sa barbe étaient longs et négligés. Son visage était congestif, ses yeux cernés et globuleux, sa mimique était figée et il marchait à petits pas.
Le contact était difficile au début de l’examen, son attitude hautaine, il disait « c’est vrai j’ai choisi de venir à l’hôpital tout seul, mais je ne veux pas qu’on me dérange en me posant des questions. Tout ce que je veux c’est m’isoler un peu pour oublier l’alcool ». Sa voix était rauque, son langage était cohérent, mais ses réponses étaient courtes.
Dans ses conduites instinctuelles on notait une insomnie à type de réveils multiples depuis plus d’un mois, une anorexie. il disait : « je ressens plus la faim, mais j’ai tout le temps envie de boire,… l’alcool contrôle ma vie, sans l’alcool je ne peux pas dormir ». Il présentait une négligence corporo-vestimentaire, il est resté trois semaines sans se lavé. Dans ses conduites sociales on note un isolement. Il passe ses journées seul chez lui à boire, il dit : « je ne sors de chez moi que pour chercher l’argent du loyer et acheter avec des bouteilles d’alcool, que je stocke chez moi».
Il était bien orienté dans le temps et dans l’espace, il était euthymique, il rapportait des moments d’amnésie antérograde. Il trouvait des difficultés à se concentrer surtout quand il boit beaucoup. Il ne présentait pas d’hallucinations ce jour. Ses idées tournent autour de l’alcool surtout il craint de ne pas arriver à l’arrêter, et il manque de confiance en lui.
Evaluation de l’estime de soi à l’aide de l’Echelle de Rosenberg: Test de Khalid.
Le diagnostique d’une addiction sévère à l’alcool selon les critères du DSMV est retenu, Khalid est hospitalisé et il est mis sous :
 Anxiolytique alprazolam (Alpraz) 1 mg comprimés, 1 le soir.
 Vitamino-B-thérapie (princiB fort) trois fois par jour.
 Acamprosate (Aotale) 2 comprimés matin, midi et soir.
 Alimemazine (Théralène) sirop 2 cuillères à soupe le soir.
 Et une hyperhydratation en per os, 3 à 4 litres d’eau par jour.
Il se plaignait de douleur au niveau de l’oesophage, nous avons demandé l’avis d’un gastro-entérologue qui a effectué une endoscopie, qui a objectivé une oesophagite, et l’a mis sous IPP.
Un bilan biologique a été demandé (NFS, transaminases, ionogramme sanguin), a montré une élévation des transaminases ainsi qu’une anémie normo chrome normocytaire. Il a été mis sous TardyferonB9, 2 comprimés par jour.
Les entretiens ont été faits en présence de la psychologue de l’hôpital.
Au terme des 3 semaines d’hospitalisation l’évolution était bonne, il ne présentait plus de signes d’addiction physique ou psychique. Le contact avec toute l’équipe s’est amélioré progressivement, son sommeil s’est rétabli. A sa sortie il avait exprimé sa volonté de maintenir l’abstinence « j’ai vraiment peur c’est à l’intérieur de moi, mais j’ai décidé je vais plus récidiver ».
Il s’est présenté à son premier rendez vous deux semaines après sa sortie. Il avait une bonne présentation corporo-vestimentaire, il a pris quelques kilos, il dormait et il mangeait bien. Il ne s’isolait plus. Il est motivé pour revenir au travail. Cependant il s’est ré-alcoolisé, mais il est assez satisfait car, il dit : « maintenant j’arrive à me maitriser, je ne bois pas tout les jours. J’arrive à arrêter quand je veux. Je prends de petites quantités et j’arrête » Le même traitement médicamenteux a été maintenu, il est rassuré par ce suivi, il tire un bilan positif de son hospitalisation, et il demande un autre rendez vous.
En mi-décembre 2015, il avait une bonne présentation corporo-vestimentaire, sa mimique était adaptée, il était souriant, le contact avec lui était bon. Il nous parlait spontanément de son fils, il a repris contact avec lui. Il disait : « je le vois souvent, je ne compte pas le lâcher, pas cette fois en tout cas. Je sais qu’à la fin il va me pardonner », il a beaucoup diminué la consommation d’alcool « j’ai fait la promesse à mon fils de ne pas boire l’alcool les jours où on se voit. Du coup j’ai beaucoup diminué la fréquence et la quantité de ma consommation ».
Janvier 2016, il n’est pas venu au rendez vous.
Février 2016, il s’est présenté sans rendez vous, disant qu’il a perdu ses ordonnances. Sa présentation corporo-vestimentaire était négligée. Il avait une hypomimie et un ralentissement psychomoteur. Il parlait à voix basse les larmes aux yeux, il s’isolait, il avait une insomnie à type de réveils multiples mal supportée, et une anorexie. Il avait perdu 5 kilos en un mois et présentait des idées de dévalorisation.
Il a repris la consommation d’alcool, il buvait chaque jour jusqu’à l’ivresse, et il a arrêté son traitement médicamenteux. Il dit : « Je ne vaux rien, je ne peux même pas maintenir une promesse. J’ai honte de moi, chez moi je ne sais pas quoi faire de mon temps. Je m’ennuis seul. Je n’ai rien pour m’occuper. Je ne travaille pas. Alors qu’à l’hôpital j’étais bien, le temps passait plus vite, on avait des programmes et mes journées étaient pleines du coup je ne pensais plus à l’alcool », il se plaint de céphalées et de maux d’estomac.
Un traitement antidépresseur a été introduit à base de la sertraline (Nodep) 50 mg 1 comprimé par jour. Associé à l’Acamprosate (Aotale) 2 comprimés matin, midi et soir. Et la prazepam (Lysanxia) 10 mg 1 comprimé le matin et un comprimé le soir. Nous lui avons prescrit un IPP et du paracétamol pour ses maux d’estomac et ses céphalées.
Mi-Mars 2016, l’évolution était bonne, il dormait bien il mangeait bien, il avait une persistance de l’isolement, et de la dévalorisation, il parlait essentiellement de ses problèmes somatiques (des maux d’estomac, des céphalées, des douleurs au niveau du genou…), il buvait toujours de façon quotidienne, cependant il avait une bonne observance thérapeutique.
En avril, il est venu le jour de son rendez vous, l’évolution était bonne, il avait une bonne présentation corporo-vestimentaire, il était souriant, il a diminué la consommation d’alcool à deux bières le soir, il avait de plus en plus confiance en lui. Sa mère et son petit frère l’appellent régulièrement au téléphone.
En Mai, son état était stable, il avait une bonne observance thérapeutique, il était euthymique. Il ne buvait plus du tout d’alcool, et il en était très content. Il poursuivait ses démarches de recherche d’emploi tout en manquant toujours un peu de confiance en lui.
Commentaire du cas :
Les données anamnestiques et biographiques de monsieur Khalid mettent en évidence des frustrations précoces, tels que les conflits entre ses parents à cause de l’addiction à l’alcool de son père, le divorce de ses parents, l’autorité de son père et la passivité de sa mère, la relation conflictuelle avec son père. Cette situation engendre une souffrance chez Khalid, la présence et le soutien de sa grand-mère à cette époque est venu cachée ses failles. Après le décès de sa grand-mère il « plonge dans l’alcool ».
On peut voir dans cette addiction à l’alcool que présente Khalid une dimension identificatoire au père, apparemment oedipienne, sauf qu’il s’agit là d’une identification « par le bas » puisqu’il reprend le « symptôme alcool ».
En effet ce traumatisme psychique précoce a été désorganisateur pour Khalid a entrainé des failles narcissiques. Selon Bergeret [1], ce traumatisme aurait fragilisé un Moi qui a évolué jusqu’au début de l’oedipe. Ce Moi fragilisé se serait aménagé en refoulant les questions relatives à la sexualité de sorte que le conflit oedipien n’est pas traité et que la période oedipienne passe sans élaboration secondaire. La relation d’objet reste anaclitique, archaïque. La triade narcissique remplace la triangulation oedipienne.
Monsieur Khalid semble présenter « un vernis de surface », comme pour se donner une consistance. Cependant il souffre d’un manque de confiance en lui très important et qui va rapidement «s’effondrer » lors de l’hospitalisation et lors des entretiens psychothérapiques durant le suivi. Ainsi il nous a montré une partie de sa personnalité non authentique, que nous avons rapprochée du «faux-self » selon Winnicott. Il s’agit selon certains auteurs anglo-saxons du fonctionnement d’une instance prémoïque qu’il dénomme le « Self » et qui semble bien correspondre à cet état encore imparfait du fonctionnement du « Moi » [35].
Tant Winnicott que Ferenczi [6] soulignent l’importance du rôle de l’environnement parental dans la naissance psychique de l’individu et ses dérapages. Ils accordent à la réalité externe de l’objet un poids équivalent à celui de la réalité interne dans le devenir du sujet.

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Table des matières

INTRODUCTION
I- REVUE DE LA LITTERATURE
1- Addictions
1-1- Définition étymologique
1-2- Définition descriptive
1-3- Critères de l’addiction selon Goodman
1-4- Addiction à une substance selon DSMV
1-5- Psychopathologie des addictions
1-5-1- Les modèles psychologiques
1-5-1-1- Les conceptions cognitivo-comportementales
1-5-1-2- Le modèle de la recherche des sensations
1-5-1-3- Le modèle de Stanton Peele
1-5-2- Les modèles psychanalytiques
1-5-2-1- Le transitoire et l’échec de la transition
1-5-2-2- Les assises narcissiques et objet
1-5-2-3- Les pratiques de l’incorporation
2- Estime de soi et construction psychique de l’individu
2-1- La construction identitaire et estime de soi
2-1-1- La reconnaissance de soi
2-1-2- L’image de soi
2-1-3- L’environnement
II- METHODOLOGIE
1- Objectif de travail
2- Période et type d’étude
3- Considérations éthiques
4- Cadre de l’étude
III- OBSERVATIONS ET COMMENTAIRES
IV- SYNTHESE DES COMMENTAIRES
1- Choix et intérêt des cas
2- Aspects cliniques
3- Aspects psychopathologiques
3-1- Addiction et relation d’objet
3-2-Addiction et recherche d’élation et de sécurité
3-3- Addiction et temporalité
4- Aspects thérapeutiques
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES

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