Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : des structures adaptées à l’étude des EIAS

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Les enjeux de l’analyse des EIAS

Dans un premier temps, les enjeux concernent principalement le patient. En évitant la survenue des EIAS, on améliore ainsi la qualité de soins. En effet, les EIAS peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé des patients, mais également sur leur qualité de vie. Les répercussions peuvent être d’ordre physique (incapacité temporaire ou permanente, menace vitale, décès), psycho-affectives (stress, colère, dépression…) ou sociale (isolement).
Dans un second temps, nous savons également que la survenue d’un EIAS peut avoir des répercussions sur le médecin en cause. D’après Éric Galam, l’apparition d’une erreur médicale peut être assimilée à un accident du travail touchant le médecin lui-même et pouvant générer chez lui un sentiment de culpabilité, de dévalorisation et de peur des éventuelles conséquences (15)(16). La pression exercée sur le médecin qui se doit d’être infaillible devant les patients, fait souvent de lui la seconde victime lorsqu’une erreur est commise (17).
D’autres travaux ont pu montrer un impact majeur des EIAS sur la pratique des médecins généralistes, avec notamment des modifications des démarches diagnostiques et thérapeutiques, des 7 conséquences psychiques parfois importantes, l’induction de démarches formatives ciblées et l’intégration de la dimension médicolégale à leurs pratiques (18).
Il s’agit ici d’apporter quelque chose de constructif à la pratique clinique, l’homme apprend de ses erreurs et de celles des autres, c’est pourquoi la formation de groupe de travail dans l’analyse des EIAS, constitue une base pertinente pour l’amélioration des pratiques en soins primaires.
Pour finir, les EIAS ont également des conséquences sur le plan économique. A l’hôpital, ils seraient responsables d’un surcoût allant de 500 à 20 000 Euros par EIAS, soit environ 700 millions d’Euros estimés en 2007 (19). Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 15 % des dépenses et des activités des hôpitaux sont attribuables à la prise en charge de problème dus aux manifestations indésirables (20).
Ces surcoûts sont étroitement corrélés avec la durée des séjours et l’intensité des soins. Ces conséquences économiques ne font qu’accentuer le problème croissant des dépenses de santé en France et participent donc à la crise économique justifiant de son intérêt au cœur des problématiques de santé publique.

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : des structures adaptées à l’étude des EIAS

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont pour rôle de coordonner les professionnels d’un même territoire qui souhaitent s’organiser autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes.
Celles-ci peuvent concerner :
– L’organisation des soins non programmés,
– La coordination ville-hôpital,
– L’attractivité médicale du territoire,
– La coopération entre médecins et infirmiers pour le maintien à domicile.
Les CPTS sont composées de professionnels de santé, regroupés sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier et de second recours et  d’acteurs médico-sociaux et sociaux. Elles ont également une mission de prévention, ainsi que l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Tout cela rend les CPTS attractive pour les professionnels de santé. Par leur exercice coordonné, par leur travail en réseau ainsi que par leurs modalités de fonctionnement, les CPTS constituent des acteurs pertinents pour l’analyse des EIAS en soins primaires.
La structuration de la CPTS du Champsaur-Valgaudemar repose essentiellement sur les trois Maisons de Santé Pluriprofessionnelle (MSP) du territoire ainsi que deux cabinets de montagne. Les MSP regroupent des équipes pluridisciplinaires de Professionnels de Santé Libéraux (PSL) qui fonctionnent en exercice coordonné et exercent une veille permanente sur les besoins du territoire. Le travail en équipe est également valorisé et permet aux professionnels de santé des MSP de percevoir une rémunération spécifique après validation des projets par l’ARS et la Caisse primaire d’assurance maladie. Il implique une concertation des équipes sur les cas complexes et la mise en place de protocoles pluriprofessionnels. La CPTS du Champsaur-Valgaudemar participe à des réunions de coordination de chaque MSP afin de pouvoir prendre en compte les besoins du terrain et de transmettre les informations du réseau pour uniformiser les pratiques.

Caractéristiques du territoire du Champsaur Valgaudemar

Le Champsaur-Valgaudemar est un territoire rural de moyenne montagne situé dans le département des Hautes-Alpes, dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Sa superficie s’étend sur 760 km² et compte 11 047 habitants, au dernier recensement de 2012.
Le Champsaur-Valgaudemar est composé d’un canton réparti en 3 secteurs :
§ Celui de Saint-Bonnet-en-Champsaur pour le Champsaur
§ Celui de Saint-Firmin pour le Valgaudemar
§ Et celui d’Orcières pour le Haut-Champsaur

Type d’étude

Il s’agit d’une étude non interventionnelle à visée descriptive et appliquée comprenant deux étapes complémentaires.
La première consiste en la création d’un échantillon de patients âgés fragilisés non dépendants et le repérage des EIAS au sein de l’échantillon de patients constitué.
La seconde correspond à un travail en réunion pluriprofessionnelle sur l’analyse d’EIAS dans l’objectif d’émettre des préconisations.

Population étudiée

Le Champsaur Valgaudemar est un territoire où l’indice de vieillissement de la population est élevé (59), où la population vieillissante est particulièrement vulnérable par leur isolement socio démographique et leur fragilité, c’est pourquoi cette étude s’intéresse aux personnes âgées fragilisées. Il s’agit d’une population ayant un risque accru d’EIAS, du fait de leur polymédication et de leurs pathologies souvent associées. De plus la fragilité est souvent un état qui peut basculer vers la dépendance, d’où la nécessité de repérer et d’éviter la survenue d’EIAS dans cette population vulnérable.
Les critères d’inclusion concernent les deux premières étapes du projet : la constitution d’un échantillon de patients âgés fragilisés et le repérage des EIAS au sein de cet échantillon.
Critères d’inclusion :
• Patients âgés de 65 ans à 95 ans ;
• Score à l’échelle de fragilité́(critères de Fried) ≥ 3 ;
• Score à l’échelle d’autonomie (ADL) ≥ 5 ;
• Avoir eu un EIAS non graves au cours des douze derniers mois
• Absence de pathologie sévère avec perte d’autonomie (Accident vasculaire cérébral (AVC), dépression sévère, démence, etc.).
Critères d’exclusion :
– Age < 65 ans ou > 95 ans
– Score à l’échelle de fragilité́(critères de Fried) < 3 ;
– Score à l’échelle d’autonomie (ADL) < 5 ;
– Absence d’EIAS au cours des douze derniers mois ;
– Évènement indésirable grave ayant entrainé le décès du patient ;
– Présence d’une pathologie sévère avec perte d’autonomie (AVC, dépression sévère, démence, etc.).
On estime la fréquence des EIAS à 22 pour 1000 actes (4). Un patient consulte en moyenne quatre fois par an. Il faudrait donc inclure environ 400 patients pour pouvoir identifier 30 EIAS, soit le nombre d’EIAS attendu dans le cadre de cette étude pour permettre une analyse diversifiée lors des réunions pluriprofessionnelle (étape 2 du projet). Si lors de cette étape, le nombre d’EIAS est supérieur à 30, nous effectuerons un tirage au sort aléatoire pour conserver 30 cas. Les 30 EIAS retenus pour l’analyse en réunion pluriprofessionnelle seront randomisés pour être répartis entre les différents médecins du territoire participants aux réunions.

Grille de repérage

La grille de repérage (Annexe 1) a été distribuée aux médecins et infirmiers des trois MSP ainsi qu’aux responsables de l’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR), de l’association Bien chez-soi, le Service de Soins Infirmier à Domicile (SSIAD) et de la Plateforme Territorial d’Appuie (PTA). Les grilles ont été remplies dans le cadre de l’activité des professionnels de santé (exemple : au domicile du patient à la suite d’une consultation pour les médecins, par consultation des dossiers des bénéficiaires des activités de soins pour les associations). Le repérage des patients s’est effectué sur une période de trois mois, de juillet 2019 à octobre 2019.
La grille d’identification comporte deux échelles spécifiques (l’échelle d’évaluation de la fragilité et l’échelle d’évaluation de l’autonomie), le recueil de données sociodémographiques (âge et sexe) et professionnelles (médecin traitant), et l’identification des EIAS.
Pour chaque patient, les professionnels de santé ont indiqué la présence éventuelle d’un EIAS lors des douze derniers mois. Trois modalités de réponses étaient proposées : non, oui et nsp (ne sait pas). En cas de doute relatif à la présence d’un EIAS, les professionnels de santé ont pu se référer à la vidéo de formation en ligne (http://esprit.openrome.org/video) développée dans le cadre de l’étude ESPRIT (4). Par ailleurs, dans un souci d’homogénéité des niveaux de connaissances et d’application d’une même définition des EIAS, une formation avec visionnage de cette vidéo par chaque partenaire a été réalisé avant le début de l’étude. En cas de réponse oui ou nsp, une procédure de validation de l’EIAS a été mise en œuvre. Cette procédure consiste en la validation de l’EIAS par deux experts : Dr Jeanblanc, gériatre au centre hospitalier de Gap et Mme Maëva Lignereux, Interne en médecine générale.
Les 2 échelles utilisées dans cette étude sont :
Échelle d’évaluation de la fragilité : le terme de fragilité est proposé en gériatrie pour définir la conséquence clinique du déclin de fonctions physiologiques au cours du vieillissement (22). La fragilité est un syndrome physiologique caractérisé par une réduction des réserves et de la résistance aux facteurs stressants, qui résulte d’un déclin cumulatif de multiples systèmes physiologiques et qui cause une vulnérabilité aux effets nocifs (23). Dans notre étude, la fragilité est définie selon les cinq critères de Fried (24) : perte de poids involontaire depuis un an (supérieur à 5 %), épuisement ressenti par le patient, vitesse de marche ralentie, baisse de la force musculaire, activités physiques réduites. La somme des critères permet l’identification de trois états facilement repérables : (1) non fragile (pas de critère) ; (2) pré-fragile ou intermédiaire (1 à 2 critères) ; (3) fragile (3 ou plus).
Échelle d’évaluation de l’autonomie : L’évaluation de l’autonomie s’effectue à l’aide de la grille Activities of Daily Living (ADL) de Katz (25) qui évalue l’autonomie pour les activités basales de la vie quotidienne. L’échelle ADL est une échelle reproductible, simple et de passation rapide pour mesurer le statut fonctionnel des individus. C’est une échelle de six points (allant de 0 à 6, le score le plus bas identifiant le patient le plus dépendant), mesurant la dépendance pour 6 activités basiques de la vie quotidienne (hygiène corporelle, habillage, toilettes, locomotion, continence, repas). Un score de 6 indique une fonction complète, un score de 4 une altération modérée et un score de 2 ou moins une altération fonctionnelle grave.

Analyse des EIAS

A la suite de l’identification des EIAS auprès de la population cible, des Groupes de Travail Pluriprofessionnels (GTP) ont été mis en place. Chaque GTP était composé du médecin traitant, des aides à domicile (ADMR, SSIAD, Association « Bien chez soi ») et de l’infirmière intervenant à domicile et/ou le kinésithérapeute et/ou le pharmacien et/ou l’ergothérapeute si possible. Les groupes devaient comporter un minimum de quatre personnes avec présence obligatoire du médecin traitant. Un même GTP pouvait travailler à l’analyse de plusieurs EIAS si les patients concernés avaient le même médecin traitant. Les GTP se sont déroulés dans les trois MSP du territoire.
L’analyse des EIAS repose sur une Revue de Mortalité et de Morbidité (RMM). Il s’agit d’une analyse collective, rétrospective et systémique de cas marqués par la survenue d’un décès, d’une complication ou d’un évènement qui aurait pu causer un dommage au patient et qui a pour objectif la mise en œuvre et le suivi d’actions pour améliorer la prise en charge des patients ainsi que la sécurité des soins (26). Une RMM a été réalisée pour chaque patient inclus. Les RMM constituent l’un des objectifs des maisons de santé, leur réalisation s’inscrit dans les recommandations qui s’appliquent aux MSP.
Les RMM ont été réalisées à partir de l’approche combinée de deux méthodes : la catégorisation des dysfonctionnements en ambulatoire avec la Grille Cadya (27) et la méthode Tempos (28) pour la classification des EIAS. Ces deux méthodes donnent un cadre à l’analyse des EIAS en proposant des classifications qui explorent autant de dimensions nécessaires au sein d’un groupe d’analyse d’EIAS.
La Grille CADYA (catégorisation des dysfonctionnements en ambulatoire ; cf. Annexe 2) : cette grille permet de caractériser un EIAS par les dysfonctionnements sous-jacents concourant à sa survenue. Plus qu’une typologie de l’erreur (comme la TAPS taxonomy), elle permet aux soignants de cibler les actions correctives à mettre en œuvre et se prête particulièrement à un usage pédagogique. Réduite à quatre dimensions principales, elle se distingue par son caractère transversal et pluriprofessionnel. Elle s’inscrit en complémentarité de la méthode des Tempos, en explorant plus précisément les processus relatifs à la décision médicale et à sa réalisation.
La Méthode Tempos (cf. Annexe 3) : Cette méthode privilégie le temps comme critère de classification des évènements en mettant en avant que le temps est à la fois un « prédicteur » constant des erreurs en médecine générale et un élément qui a du sens pour les médecins. La classification est structurée en cinq catégories : le tempo de la maladie et du traitement, le tempo du médecin, le tempo du cabinet, le tempo du patient et le tempo du système médical. Chaque tempo est décliné en deux ou trois types de dysfonctionnements à identifier et à contrôler également dans un créneau de temps. Le médecin, comme un chef d’orchestre, doit prendre en compte de façon synchrone l’ensemble des tempos afin de maitriser le parcours de chaque patient tout en contrôlant l’activité globale du cabinet et en ménageant son propre équilibre physique et mental (le temps est en effet un fort contributeur à la fatigue et au burnout). Chaque fois qu’un tempo particulier est privilégié, on assiste à une dégradation des autres éléments car les risques s’échangent (effet domino du risque lié à la maitrise du temps).

Analyse des données

L’analyse des données s’est effectuée en 3 étapes :
Étape 1 : Constitution d’un échantillon de patients âgés fragilisés et repérage des EIAS au sein de l’échantillon.
– Recueil des grilles, les données ont été anonymisées.
– Analyse des données épidémiologiques.
– Inclusion des patients, recueil des EIAS auprès des médecins.
– Validation des EIAS.
Étape 2. : Analyse des EIAS en réunion pluriprofessionnelle.
Pour cette étape la méthode utilisée est la suivante : pour l’analyse des causes profondes des EIAS, nous avons réalisé une analyse descriptive selon les items de la grille CADYA couplée à la méthode Tempos avec calcul de la fréquence des dysfonctionnements. Nous avons identifié un dysfonctionnement principal (DP) et un dysfonctionnement secondaire (DS) lorsqu’il existe. Ensuite nous avons calculé la fréquence des dysfonctionnements totaux (DT) (dysfonctionnement principal
+ dysfonctionnement secondaire). Et enfin, nous avons repéré un Tempos prédicateur d’erreur. Étape 3 : Formuler des préconisations pour la prévention des EIAS
Après avoir analysé les causes profondes des EIAS, nous pourrons formuler des préconisations sur les principaux axes de travail afin d’améliorer la sécurité et la qualité des soins sur le territoire du Champsaur Valgaudemar. Les préconisations pourront ainsi servir de base de travail pour la mise en place de protocole sur le territoire.

Éthique

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une recherche non interventionnelle (catégorie 3) au sens de l’article L.1121-1 alinéa 3. Il est soumis au nouveau dispositif réglementaire qui s’applique aux recherches « impliquant la personne humaine », à savoir la loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine (dite loi Jardé) telle que modifiée par l’ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016, et ses décrets d’application.
Une notice d’information a été distribuée aux soignants. Elle a été rédigée conformément aux recommandations règlementaires, rappelant notamment l’objectif de l’étude, les bénéfices et les risques liés à celle-ci, son déroulement et l’ensemble des dispositions légales auquel les soignants ont droit.

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Table des matières

1. Introduction
1.1. Définition
1.2. Contexte du projet
1.3. L’analyse des EIAS
1.2. Les enjeux de l’analyse des EIAS
1.4. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : des structures adaptées à l’étude des EIAS
1.3. Caractéristiques du territoire du Champsaur Valgaudemar
1.4. Objectifs
2. Matériel et méthodes
2.1. Type d’étude
2.2. Population étudiée
2.3. Grille de repérage
2.4. Analyse des EIAS
2.5. Analyse des données
2.6. Éthique
3. Résultats
3.1. Données générales
3.1.1. Caractéristiques de la population inclue
3.1.2. Caractéristiques des GTP
3.1.3. Analyse GTP
3.2. Fréquence des dysfonctionnements
3.3. Dysfonctionnements principaux
3.3.1. Processus de soins
3.3.2. Facteurs techniques
3.3.3. Facteurs humains
3.3.4. Facteurs environnementaux
3.4. Dysfonctionnements secondaires
3.5. Dysfonctionnements totaux
3.6. Analyse par la méthode Tempos
3.7. Synthèse des résultats
4. Discussion
4.1. Limites
4.2. Points forts
4.3. Résultats
4.3.1. Processus de soins
4.3.2. Facteurs techniques
4.3.3. Facteurs humains
4.3.4. Facteurs environnementaux
4.4. Ouverture
5. Conclusion
6. Bibliographie

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