Les ciments endocanalaires: revue de la litterature

Le succès du traitement endodontique passe par la gestion du facteur microbien au sein d’une anatomie canalaire complexe, particulièrement au niveau de la zone apicale. Ce résultat est obtenu par une préparation canalaire suivie d’une obturation tridimensionnelle du système canalaire [9, 84, 85]. La préparation canalaire se conçoit comme une préparation chimio-mécanique où, les limites des manœuvres instrumentales sont palliées par l’utilisation de solutions d’irrigation appropriées. Selon Laurichesse [59], la mise en forme canalaire est aujourd’hui le domaine exclusif d’une technologie mécanique et physico-chimique qui s’applique à redéfinir les parois canalaires pour aboutir à une cavité endodontique finale autorisant la mise en place d’une unité biocompatible de substitution, masse d’obturation dense, hermétique et durable respectant les structures anatomiques.

L’obturation canalaire, étape ultime du traitement endodontique, est un acte opératoire biologique principalement mécanique et secondairement médicamenteux. Elle consiste à combler l’espace vide laissé par l’élimination de la pulpe, par un matériau d’obturation [109]. Le matériau d’obturation canalaire le plus connu est le cône de gutta percha combiné avec l’eugénate. Par contre les ciments endodontiques restent le point faible de l’obturation canalaire car la plupart présente des variations dimensionnelles et plus précisément une rétraction de prise entraînant des hiatus ; futures voies de contamination bactérienne pouvant compromettre le succès du traitement à plus ou moins long terme d’où l’intérêt de l’étude des biocéramiques en endodontie. L’avènement des ciments biocéramiques avec ses nombreux avantages relatifs à leur stabilité dimensionnelle, permettrait de pallier les limites des ciments d’obturation classiques en plus de leur biocompatibilité et de leur facilité d’utilisation [75]. Ainsi la présente étude se propose comme objectif de faire une synthèse de la littérature sur l’actualité et les perspectives des ciments d’obturation canalaire.

LES CIMENTS D’OBTURATION CANALAIRE 

Le ciment endodontique utilisé lors d’un traitement canalaire est le matériau destiné à établir un joint le plus étanche possible entre la gutta-percha et les parois canalaires. Il participe également à l’obturation du réseau canalaire (canaux latéraux, isthmes, canaux accessoires, delta apicaux…) et assure une action lubrifiante sur les cônes de gutta-percha. Aucun des ciments endodontiques existant actuellement n’assure une herméticité apicale, clé majeure de toute réussite endodontique. Dans cette mesure, aucun ciment n’est idéal, mais tous présentent des avantages et des inconvénients [103, 104, 105]. Le choix du ciment canalaire doit répondre à un cahier de charge essentiellement basé sur des propriétés physico-chimiques.

Cahier de charge 

Le ciment de scellement doit :
– assurer la lubrification du canal et donc une meilleure mise en place des cônes de gutta-percha ;
– assurer un joint étanche entre la dentine et la gutta-percha pour supprimer toute porte d’enter aux micro-organismes et aux fluides organiques ;
– jouer le rôle de matériau de comblement des espaces mécaniquement non préparés (les canaux latéraux et accessoires ainsi que les tubules dentinaires) nécessaire à l’herméticité de l’obturation ;
– créer un milieu défavorable au développement des micro-organismes.

Ainsi le ciment canalaire idéal devrait présenter les propriétés physicochimiques suivantes :
– un temps de travail suffisant, mais un temps de prise relativement court car il est difficile de maintenir la siccité du canal préparé. Le temps de prise sera diminué in vivo (température de 37ºC) ainsi que lors de l’emploi d’une technique d’obturation en gutta chaude. Le temps de travail idéal semble se situer aux alentours de 15mn [58]. Tous les ciments présentent un temps de travail suffisant [64] même si le temps de prise annoncé par le fabricant est toujours inférieur à celui trouvé dans la littérature médicale .
– une plasticité et une viscosité correctes : la plasticité étant la propriété de ce qui peut être moulé, le matériau doit posséder cette qualité pour être modelé exactement sur les nombreuses irrégularités du canal. La tension superficielle et la fluabilité influencent la capacité du ciment à obturer les canaux fins, les canaux accessoires, les anfractuosités et les tubules. Lorsque la viscosité est trop faible, l’écoulement du matériau est difficile à contrôler. Au contraire, un ciment trop épais empêche la mise en place correcte des cônes de gutta-percha.
– une mise en œuvre et une introduction faciles. Il convient d’utiliser des matériaux et des techniques d’obturation reproductibles, en recherchant systématiquement la facilité de manipulation.
– la formation d’un film très fin lui permettant de fuser dans des irrégularités du système canalaire et les tubules dentinaires [110].
– une stabilité dimensionnelle à la prise pour prévenir la formation d’un hiatus entre le noyau obturateur et les parois dentinaires [76].
– une insolubilité aux liquides organiques pour éviter également la percolation et le développement de micro-organismes.
– une adhésion aux parois dentinaires et à la préparation d’un logement canalaire.
– une radio-opacité : elle est nécessaire à l’appréciation de la valeur de l’obturation en longueur et en volume et est soumise à une norme ISO.
– une désobturation aisée en cas de retraitement. Elle se fera à l’aide d’un ou de plusieurs solvants [19].
– une biocompatibilité car le matériau réalise un coiffage tissulaire à la jonction cémento-dentinaire. Il devra être accepté par l’organisme pour  permettre à cette zone une guérison spontanée ou favoriser une réaction cicatrisante du tissu conjonctif.
– une résorbabilité en cas de dépassement de ciment. Il est intéressant d’utiliser un ciment de scellement résorbable par l’organisme pour éviter un phénomène d’inflammation chronique.
– Une action bactériostatique pour prévenir le développement de microorganismes résiduels.
– Une ‘’stérilité’’ de la matière obturatrice. Le ciment endodontique doit être aseptique avant et pendant son insertion dans le canal et doit le demeurer après obturation.

Il existe actuellement deux grandes familles de pâtes/ciments de scellement :
– les ciments organiques (à base d’oxyde de zinc-eugénol ; à base de résine ; à base d’hydroxyde de calcium ; à base de verre ionomère ; à base de silicone) ;
– les ciments minéraux (les biocéramiques : MTA, biodentine etc).

Les familles de ciments d’obturation canalaire

Les ciments organiques 

Les ciments endodontiques à base de mélange oxyde de zinc eugénol
Les eugénates sont les ciments d’obturation canalaire les plus fréquemment retrouvés dans les cabinets, ils sont essentiellement composés par de l’oxyde de zinc (poudre), de l’eugénol (liquide) et de nombreux adjuvants [79]. Ils présentent une bonne biocompatibilité à moyen et long terme ainsi que des propriétés analgésique, anti-inflammatoire à faible dose, bactéricide et antifongique. Leur toxicité initiale due à l’eugénol diminue et disparaît avec le temps. Ils présentent de bonnes propriétés rhéologiques (déformation et écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée), une faible solubilité, une faible contraction de prise et une bonne étanchéité. De plus une liaison chimique s’établit entre l’oxyde de zinc contenu dans la gutta-percha et l’eugénol du ciment renforçant considérablement la stabilité du scellement. Leur inconvénient majeur réside dans leur faible adhésion avec les parois dentinaires. Ils peuvent également entraîner une coloration grise de la dent due à l’argent présent dans leur composition [56].

Les ciments endodontiques à base d’hydroxyde de calcium
Ces ciments d’obturation sont bien tolérés et favorisent la cicatrisation apicale par la formation d’un néo-cément. Ils pourraient cependant être à l’origine d’une inflammation apicale. Ils sont légèrement bactériostatiques. Leur inconvénient reste leur résorption à long terme qui conduit à une perte d’étanchéité.

Les ciments endodontiques à base de polymère résineux
Il s’agit de ciment de type bakélite ou époxy. Essentiellement composés de phénol et de formol, ils présentent une bonne biocompatibilité, une bonne étanchéité, de bonnes propriétés mécaniques d’adhérence et une bonne résistance à la résorption. Ce sont toutefois les plus cytotoxiques parmi les différentes familles de ciment. Leur inconvénient de taille est leur insolubilité en cas de nécessité de retraitement : ils sont alors très durs et impénétrables. Ils doivent donc être systématiquement utilisés en association avec une ou plusieurs pointes de guttapercha et non en remplissage canalaire.

Les ciments endodontiques à base de verre ionomère
Les ciments endodontiques à base de verre ionomère sont composés essentiellement par des aluminosilicates fluorés (poudre) et par des copolymères d’acide polyacrylique (liquide). Ils présentent une bonne biocompatibilité, de bonnes propriétés mécaniques d’adhérence et une bonne résistance même en faible épaisseur. Ils ont également un effet bactéricide par libération de fluorures (effet décroissant dans le temps). Leurs inconvénients sont leur sensibilité aux conditions de prise (état d’humidité des canaux lors de l’obturation par exemple) et leur faible résorbabilité et solubilité entraînant de grandes difficultés à reprendre le traitement endodontique. Les propriétés physiques du silicone (propriétés adhésives, insolubilité et stabilité chimique) ont conduit certains auteurs à utiliser un silicone additionné de sulfate de baryum pour obtenir la radio-opacité. Les études se poursuivent sur ce matériau récent. Il n’y a pas encore beaucoup de recul clinique mais les premiers résultats sont très encourageants. Ce serait la classe de ciment la moins cytotoxique [16].

Ciments résineux
Ils sont à base de résine époxy ou de résine méthacrylate. Ces ciments ont, d’après Orstavik [77], été mis au point en Suisse il y a 50 ans par Schröder. Les pâtes résineuses, sous la forme poudre-liquide, sont destinées à être utilisées en grande quantité dans le canal à l’aide d’un bourre-pâte. La poudre contient de l’énoxolone et du sulfate de baryum. Le liquide est composé de 2 liquides différents à mélanger extemporanément : le liquide de traitement qui contient du paraformaldéhyde et des excipients, et le liquide durcissant qui est composé de résorcinol, d’acide chlorhydrique et d’excipients. Les ciments de scellement à base de résine époxy possèdent de bonnes propriétés mécaniques et d’adhérence, une bonne étanchéité et une excellente résistance à la résorption. Ils libèrent peu de monomères mais peuvent montrer une toxicité initiale [15, 46]. Leur étanchéité est parmi les meilleures dans la plupart des études [82] mais semble diminuer avec le temps et n’est pas influencée par l’épaisseur du matériau [56].

Ciments oxyde de zinc-eugénol renforcés à la résine (OZnR)
Ces ciments ont été initialement indiqués comme matériau de restauration provisoire. Leur composition est issue des ciments à base d’oxyde de zinceugénol mais ils ont été modifiés afin d’en raccourcir le temps de prise, trop long, et d’en diminuer la solubilité [78]. Les modifications ont porté sur le remplacement d’une partie de l’eugénol par l’acide orthoétoxybenzoïque (EBA, ethoxy benzoic acid) et/ou en incorporant de la résine en plus grande quantité dans la poudre. A part l’obturation coronaire transitoire, l’indication la plus connue en endodontie concerne l’obturation des cavités rétrogrades. En effet, ces matériaux se sont imposés comme les solutions de remplacement de choix à l’amalgame pour les obturations à rétro en endodontie chirurgicale. Ils sont plus biocompatibles, de manipulation plus facile et, surtout, non corrodables.

Dans ces situations, la surface de contact entre le matériau et les tissus est plus importante et les effets tissulaires sont exacerbés. Par rapport à des ciments à base d’oxyde de zinc-eugénol classiques, les modifications dans la composition permettraient de limiter l’hydrolyse du ciment et la libération de l’eugénol et du zinc qui sont les composés toxiques [62]. Le Super-EBA® est particulièrement recommandé pour ses propriétés mécaniques et sa faible solubilité [21]. La présence de fibre de collagène observée à la surface du Super-EBA® a été décrite en 1978 [78] et interprétée comme un signe de biocompatibilité. Les ciments oxyde de zinc-eugénol renforcés à la résine ont une activité antibactérienne marquée et les oxydes de zinc en général ont une activité antifongique [30, 105]. Les valeurs d’étanchéité de ces ciments, bien que convenables par rapport à d’autres matériaux, sont inférieures à celles du MTA [35]. Leur biocompatibilité semble inférieure au MTA [35]. La résistance à la compression est similaire à celle du MTA (104). Leur étanchéité semble plus affectée par la contamination sanguine que le MTA [103]. Leur manipulation est décrite comme aisée, ils bénéficient de 50 ans d’antériorité, ce qui a contribué à l’élaboration de techniques de mise en œuvre codifiées.

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Table des matières

INTRODUTION
1ERE PARTIE : LES CIMENTS ENDOCANALAIRES: REVUE DE LA LITTERATURE
I. LES CIMENTS D’OBTURATION CANALAIRE
1.1. Cahier de charge
1.2. Les familles de ciments d’obturation canalaire
1.2.1. Les ciments organiques
1.2.2. Ciments minéraux
II. EVALUATION DU TRAITEMENT ENDODONTIQUE
2.1. La qualité technique du traitement endodontique
2.2. Quand et comment évaluer la qualité technique de l’obturation ?
2.3. Critères d’évaluation
2.3.1. Critères cliniques
2.3.2. Critères radiologiques
2.3.2.1. La position de la limite apicale d’obturation
2.3.2.2. La densité de l’obturation
2EME PARTIE : ACTUALITE ET PERSPECTIVES DES CIMENTS D’OBTURATION CANALAIRE: REVUE DE LA LITTERATURE
I. JUSTIFICATION
II. METHODOLOGIE
2.1. Stratégie de recherche pour la localisation des écrits
2.1.1. Recherche électronique
2.1.2. Recherche manuelle
2.2. Sélection des études
III. RESULTATS
IV. SYNTHESE ET DISCUSSION
4.1. Matériaux biocéramiques utilisés en endodontie
4.1.1. MTA
4.1.2. BiodentineTM
4.1.3. EndoSequence BCTM sealer et pâte d’obturation rétrograde
4.1.4. BioAggregateTM
4.1.5. Generex ATM
4.2. Caractéristiques des biocéramiques utilisées en endodontie
4.2.1. Force de liaison
4.2.2. Microfuite
4.2.3. Microbiologie
4.2.4. Cytotoxicité sur les fibroblastes du ligament parodontal
4.3. Applications cliniques
4.3.1. Recouvrement direct de la pulpe
4.3.2. Cicatrisation apicale
4.3.3. Régénération (revitalisation) des espaces canalaires
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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