Les caractéristiques des représentations sociales

Les caractéristiques des représentations sociales

Cadre théorique et d’analyse

Cette étude vise à mieux comprendre l’expérience vécue des « lecteurs » à leur participation à la BV à l’égard des représentations sociales des personnes vivant avec un TM et d’en évaluer les conséquences à court terme. Ainsi, les principaux concepts à l’étude, soit les troubles mentaux, la stigmatisation et la pleine citoyenneté sont définis dans un premier temps. La seconde partie de ce
chapitre présente le cadre théorique privilégié soit les représentations sociales, une approche permettant de mieux cerner le processus de la construction d’une pensée d’un objet partagée par les individus.

Définition des principaux concepts de l’étude

Troubles mentaux

Selon le rapport Aspect humain de la santé mentale et de la maladie mentale au Canada (Gouvernement du Canada, 2006), la nature de ces troubles est définie comme :
Une atteinte biologique du cerveau caractérisée par des altérations de la pensée, de l’humeur ou du comportement (ou une combinaison des trois) associées à un état de détresse et à un dysfonctionnement marqués (p. i). […] [Ces troubles] renvoient à des affections reconnues cliniquement, et elles donnent à entendre qu’il y a soit détresse significative, soit dysfonctionnement, ou un risque tangible de résultats néfastes ou indésirables (p. 2).La santé mentale, quant à elle, correspond à un concept différent du trouble mental :
La santé mentale est la capacité qu’a chacun d’entre nous de ressentir, de penser et d’agir de manière à améliorer notre aptitude à jouir de la vie et à relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Il s’agit d’un sentiment positif de bien-être émotionnel et spirituel qui respecte l’importance de la culture, de l’équité, de la justice sociale, des interactions et de la dignité personnelle (Gouvernement du Canada, 2006, p. 2).Selon le Gouvernement du Canada (2006), ces concepts de santé mentale et de trouble mental sont souvent utilisés de façon interchangeable, mais ils sont distincts. Ainsi, la santé mentale ne fait pas référence à l’absence de trouble mental, tout comme un problème de santé mentale ne signifie pas une maladie mentale. Un problème de santé mentale ferait plutôt référence à un déséquilibre ou à un écart par rapport au sentiment positif de bien-être mental ou psychologique (Gouvernement du Canada, 2006).
Les troubles mentaux peuvent prendre diverses formes, entre autres, les troubles anxieux et de l’humeur (dépression, stress post-traumatique, etc.), les troubles psychotiques (schizophrénie, etc.) ainsi que les troubles de la personnalité et ils se traitent pour la plupart (OSM, 2001).
L’OSM et le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), quant à eux, les troubles mentaux renvoient à tous ces types de troubles pouvant être diagnostiqués. Ces organismes englobent également la déficience intellectuelle, les troubles du spectre de l’autisme (TSA), les troubles du comportement, les troubles neurocognitifs, dont la démence. Néanmoins, ces derniers troubles ne sont pas désignés par l’appellation « trouble mental » dans la présente recherche.

Stigmatisation

Le terme stigmate a été créé par les Grecs pour désigner « des marques corporelles destinées à exposer ce qu’avait d’inhabituel et de détestable le statut moral de la personne ainsi signalée » (Goffman, 1975, p. 11). Cet auteur reprend ce terme et lui donne sa première définition moderne comme étant un « attribut qui jette un discrédit profond » sur une personne (Goffman, 1975, p. 13). L’OSM pour sa part, définit la stigmatisation comme étant « l’action de flétrir ou [de] condamner un individu en le rejetant, en lui imposant une discrimination et en l’excluant de différents domaines de la société » (2001, p. 17).La stigmatisation s’inscrit dans un processus complexe mettant en relation plusieurs notions, telles l’étiquetage social (Goffman, 1963), la discrimination, la déviance (Becker, 1985) et la normalité des comportements, la vulnérabilité, les rapports de pouvoir ainsi que la représentation sociale. Selon Link et Phelan (2001), ce processus franchit quatre grandes étapes. D’abord, il débute par l’étiquetage qui survient lorsqu’une caractéristique personnelle d’un individu est identifiée comme différente par rapport à la majorité. Deuxièmement, cette différence est ensuite associée à des stéréotypes qui représentent les croyances au sujet d’une personne. Ces dernières sont apprises par la majorité des membres d’un groupe social, souvent inconsciemment, et elles sont acceptées collectivement (Corrigan et Wassel, 2008). La connexion entre l’étiquetage et les stéréotypes peut s’illustrer par la croyance qu’une personne ayant un TM a un potentiel de dangerosité plus élevé, qu’il soit incompétent ou faible. À noter qu’une personne qui endosse les stéréotypes négatifs est une personne qui a des préjugés. L’étiquette sociale, liée à un stéréotype, engendre ensuite la troisième étape, soit la séparation entre les personnes qui jugent de celles qui sont jugées. Il s’agit en fait de faire une distinction entre le groupe dominant, « nous », et le groupe stigmatisé, « eux », en tant que personnes fondamentalement différentes. Finalement, la dernière étape du processus de stigmatisation fait référence à la perte de statut et à la discrimination vécue par les personnes stigmatisées. La perte de statut est une des conséquences immédiates de l’étiquetage négatif et de la stigmatisation. La personne étant liée à des caractéristiques indésirables réduit alors son statut aux yeux du stigmatisant (Link et Phelan,2001). Ce faisant, lorsque les personnes d’un groupe stigmatisé voient leur statut dans la hiérarchie sociale dévalué, il peut s’en suivre des formes très concrètes d’inégalités sur le plan des interactions sociales comme la discrimination.
Par ailleurs, dans le langage courant, les termes stéréotypes, préjugés, préjudices et discriminations sont souvent utilisés indifféremment et de manière interchangeable. Cependant, malgré leurs liens étroits, ces derniers constituent des concepts bien distincts. Je me base sur l’ouvrage de Sales-Wuillemin (2006) pour les distinguer. D’abord, le premier terme, les stéréotypes sont en quelque sorte des modèles préconçus d’organisation de la pensée qui sont utilisés pour classer les informations dans le cerveau, notamment des informations portant sur les humains. Ils sont purement cognitifs et dépourvus de valeurs affectives. Les préjugés, quant à eux, surviennent lorsqu’un sentiment ou une émotion est associé aux stéréotypes. Ils donnent lieu à l’émergence d’une attitude qui prédispose à l’action. En ce sens, les préjudices sont définis par Thornicroft (2006, p. xii ; traduction libre) comme « les attitudes négatives injustifiées que les gens détiennent en fonction de leurs propres croyances et préjugés plutôt que sur les attributs individuels et spécifiques ». Finalement, la discrimination est la mise en action des préjugés et des stéréotypes. Il s’agit de comportements. Ainsi, l’emploi de ce terme sert à définir les gestes, soit les gestes discriminatoires, par exemple ne pas vouloir entretenir de liens d’amitié avec une personne ayant un TM ou ne pas accepter de l’engager pour un employeur.
Enfin, les répercussions de contrecarrer la stigmatisation des troubles mentaux pour les personnes qui en sont atteintes ainsi que pour leurs proches sont multiples et variées. Un concept central couvre ces conséquences, soit la pleine citoyenneté. En effet, la diminution de la stigmatisation pourrait favoriser l’exercice de la pleine citoyenneté pour tous, notamment pour les personnes ayant un TM (AQRP, 2015). L’expression de la pleine citoyenneté dans une collectivité consiste, pour les personnes qui la composent, en la possibilité de jouer un rôle actif dans le respect de leurs droits, devoirs et capacités (Schnapper, 2000). La conception de la citoyenneté telle que définie par Clément peut se résumer ainsi : « un citoyen est une personne qui a une nationalité dans un pays où le système est démocratique. Cet individu a des droits, possède des obligations et participe à la société dans laquelle il vit » (2008, p. 6). Cette conception renvoie à certains enjeux de la pleine citoyenneté portés par les personnes et les groupes exclus, dont les personnes ayant un TM. Ces enjeux pouvant se définir en trois groupes concernant : 1) l’égalité devant les droits : avoir une place, 2) l’exigence de l’inclusion et de la participation sociales : avoir sa place et 3) la reconnaissance de l’individu exclu en tant que sujet : être quelqu’un (Clément, 2008). En ce sens, la réduction de la stigmatisation et de la discrimination favoriserait entre autres la personne atteinte d’un TM d’avoir une place parmi les autres (inclusion sociale), c’est-à-dire d’être et de vivre dans la société avec les mêmes conditions (travail, logement, éducation) et le même traitement par l’absence de discrimination et de stigmatisation. Elle lui faciliterait également d’avoir sa place dans la collectivité en ayant un travail, une famille, des amis, des projets, des espoirs et en contribuant activement à la société tout en ayant la reconnaissance des autres. Enfin, elle lui permettrait d’être un sujet, une personne autonome, capable de réfléchir à sa vie, à son existence et de s’autodéterminer. C’est-à-dire que la personne est reconnue comme un être humain qui ne se limite pas à son trouble et qui peut s’impliquer dans les décisions qui la concernent, se faire entendre, avoir ses propres idées ainsi que d’agir sur son monde.Ce faisant, la lutte contre la stigmatisation envers les personnes ayant un TM peut favoriser notamment l’exercice de la pleine citoyenneté de ces personnes, en « [faisant] en sorte que chaque être humain, quel qu’il soit, puisse acquérir le sentiment de son identité en tant que personne et être apprécié tel qu’il est et pour ce qu’il fait » (Clément, 2008, p. 8). L’inclusion des personnes ayant un TM renvoie donc à la possibilité réelle qu’elles puissent épanouir leurs capacités et contribuer activement à la société tout en ayant la reconnaissance des autres.

Cadre théorique : les représentations sociales

La perspective théorique des représentations sociales a servi d’angle d’approche à la recherche. Cette théorie, notamment utilisée en psychologie sociale, permet de mieux comprendre les individus et les groupes sociaux en analysant la façon dont ils se représentent eux-mêmes, les autres et le monde. Leurs analyses jouent un rôle essentiel pour l’étude du sens commun, mais aussi pour celle des relations sociales au sens large. Un cadre théorique favorisant la compréhension d’une pensée construite à l’égard d’un objet de l’environnement social, soit les troubles mentaux dans cette étude, qui est partagée par des acteurs sociaux par la communication et les interactions sociales (Moscovici, 1961) a donc été choisi. Les représentations sociales offrent des repères méthodologiques permettant la réalisation d’une étude concernant la stigmatisation envers les personnes atteintes d’un TM, ce sujet complexe qui est relatif à la personne, à l’environnement et aux relations qui se tissent entre eux. La présente section situe d’abord un portrait historique de la notion des représentations sociales en décrivant les trois grands courants de recherche s’y rattachant et en démontrant leurs principales spécificités. Ensuite, les trois dimensions et les caractéristiques des représentations sociales sont abordées ainsi que les fonctions de celles-ci. Les critères de reconnaissance d’un objet de représentation sociale et le processus de développement des représentations sociales sont exposés. Finalement, la pertinence de ce cadre théorique pour la présente étude est proposée.

Historique de la notion les représentations sociales

Le terme représentation sociale a été traité pour la première fois par le sociologue Durkheim à la fin du XIXe siècle (1895 ; cité dans Jodelet, 1994) où ce dernier a abordé le thème des « productions mentales sociales » lors d’une étude sur l’idéation collective. En 1961, Serge Moscovici a repris cette notion et a contribué à son élaboration. Ce dernier définit les représentations sociales comme : Des systèmes de valeurs, des idées et des pratiques dont la fonction est double : en premier lieu, établir un ordre qui permettra aux individus de s’orienter et de maîtriser leur environnement matériel, ensuite faciliter la communication entre les membres d’une communauté en leur procurant un code pour désigner et classifier les différents aspects de leur monde et de leur histoire individuelle et de groupe (1961; cité dans Semin, 1994, p. 243).En ce sens, les représentations sociales agissent comme des repères en fournissant une position ou une perspective à partir de laquelle un individu ou un groupe observe et interprète les situations ou les événements. Elles procurent donc des points de référence dans une communication envers autrui en leur rendant possible de se situer et de situer leur monde. Ainsi, en tant que repères, les représentations sociales orientent les individus en forgeant des interprétations particulières du monde autant au plan social que physique (Semin, 1994). Ces points de référence, permettant aux individus de maîtriser leur environnement et de faciliter leur communication, sont possibles en raison de l’existence d’un espace commun de significations, de prises de positions, de croyances et d’attentes. En effet, comme le précise Jodelet (1994, p. 31), l’environnement social est peuplé d’objets, de personnes, d’événements, l’individu n’est pas seul et n’est pas isolé dans un « vide social », cet environnement, il le partage avec les autres. Ayant « toujours besoin de savoir à quoi [s’en] tenir avec le monde qui [les] entourent », les individus élaborent un processus d’échange et d’interaction qui aboutit à la construction d’un savoir commun, un espace commun, propre à une collectivité, à un groupe social ou à une société tout entière (Moliner, 2001). Pour décrire et expliquer la formation de ce type d’espace commun, la théorie des représentations sociales a été formulée par Moscovici (1961).

Les différents courants de recherche

Cette notion qui, depuis plus de trente ans, a suscité de nombreux écrits et débats en psychologie sociale, tend à occuper une position centrale dans les sciences humaines et sociales, dont l’anthropologie, l’histoire, la psychologie sociale et la sociologie (Jodelet, 1994). Depuis l’apport des travaux de Moscovici (1961), plusieurs perspectives conceptuelles et méthodologiques ont vu le jour. Des auteurs comme Abric, Doise, Jodelet et Moliner ont repris certains aspects des travaux de Moscovici et les ont développés en apportant leur propre définition à cette notion en donnant lieu à trois courants de recherche qui se différencient notamment par leurs méthodes d’étude.Le premier courant résulte des travaux de Moscovici (1961) et de Jodelet (1986, 1994). Ce courant met l’accent sur le contenu des représentations sociales et sur leur formation. Renouvelant l’analyse de Durkheim dans laquelle ce dernier propose que les « représentations collectives » se séparent des « représentations individuelles », Moscovici, quant à lui, soumet plutôt l’idée qu’une telle distinction n’existe pas. En effet, selon l’auteur « il n’y a pas de coupure entre l’univers extérieur et l’univers intérieur de l’individu ou du groupe. Le sujet et l’objet ne sont pas foncièrement distincts » (Moscovici, 1969 ; cité dans Abric, 1994, p. 16). Il démontre alors que les représentations sont sociales, « en tenant compte d’une certaine diversité d’origine, tant dans les individus que dans les groupes », et en mettant l’accent sur le processus de communication qui implique les individus en permanence, font « [en] sorte que quelque chose d’individuel peut devenir social, ou vice versa » (Moscovici, 1994, p. 82). En reconnaissant que les représentations sont générées et acquises, Moscovici dissocie le côté préétabli et stable que les représentations avaient dans la vision durkheimienne et avance qu’elles sont dynamiques et évolutives. Ce faisant, dans une perspective dynamique, il affirme qu’une représentation sociale peut se transformer et évoluer en intégrant de nouvelles informations et en étant le produit de communications interindividuelles (Moscovici, 1994) développant ainsi un « univers d’opinions » (Moliner, 2001, p. 10), ce qui constitue l’ensemble tridimensionnel (information, attitude et champ de représentation ou image) de la représentation sociale.Pour sa part, Jodelet (1986, 1994), ayant réalisé des études qualitatives en milieu réel, s’intéresse au savoir issu du sens commun, au processus et à la dynamique des représentations sociales en tant qu’objet résultant d’une construction sociale. Pour cette auteure, la représentation sociale se caractérise par « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1994, p.36). Elle précise que ce type de connaissance, aussi nommé « savoir de sens commun », « savoir naïf » ou « naturel » (Jodelet, 1994, p. 36), se différencie de la connaissance scientifique. Toutefois, selon l’auteure, il est tout aussi justifié que cette forme de connaissance fasse l’objet d’études en raison de son importance dans la vie sociale et de la compréhension qu’elle fournit sur les processus cognitifs ainsi que sur les interactions sociales que la connaissance scientifique. En ce sens, les représentations sociales agissent comme des systèmes d’interprétation régissant la relation des individus avec le monde ainsi qu’avec les autres en orientant et en organisant les conduites et les communications sociales. Ce faisant, l’observation des représentations sociales est courante dans plusieurs situations. Celles-ci se véhiculent à travers les discours, les mots et circulent également dans les images et les messages médiatiques (Jodelet, 1994).
Le deuxième courant a été initié par Doise (1986 ; cité dans Doise et Palmonari, 1986) et ses collaborateurs de Genève en s’appuyant sur les travaux de Moscovici concernant les dynamiques des représentations sociales (processus d’élaboration et détermination) ainsi que sur les travaux de Bourdieu à propos de certains principes, dont les notions de « champs », de « dispositions », « d’habitus » et de « principe de division » (Doise et Palmonari, 1986 ; Viaud, 2005). Doise s’intéresse particulièrement « aux effets de l’insertion sociale sur l’organisation des représentations sociales » (Râteau, 2007, p.181). En fait, il (1986, p. 85) présente les représentations sociales comme des « principes générateurs de prises de position liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux et organisant les processus symboliques intervenant dans ces rapports ». D’après lui, les représentations sociales ne sont pas partagées de manière universelle puisqu’elles s’élaborent à partir des expériences quotidiennes de l’individu. Ainsi, l’insertion sociale des individus fait en sorte qu’il y ait prise de positions individuelles et différentes « à partir des principes organisateurs communs » d’agents sociaux (Doise, 1986, p.90). En ce sens, pour sa part, il confère la fonction de principes générateurs aux représentations sociales permettant une prise de position liée à un ensemble de rapports sociaux. Ce faisant, les variations quant aux prises de position, convergentes ou divergentes, s’expliquent par le fait que les représentations sociales sont activées dans des contextes sociaux ou relationnels particuliers (Guimelli, 1994). Ce courant se résume donc à étudier : (a) comment les rapports sociaux modifient les représentations sociales et;
(b) comment les représentations sociales se régularisent à travers les interactions entre les individus et les groupes (Rateau, 2007).
Le troisième courant, développé principalement par Abric (1994) et Flament (1994), accorde une place prépondérante à la structure de la représentation sociale. Abric, pour sa part, a repris les travaux de Moscovici portant sur la dynamique représentationnelle et sur l’organisation interne des représentations sociales (l’ensemble des systèmes cognitifs et la notion de noyau figuratif) pour exposer son approche structurale. Ce courant visant, entre autres, à déterminer le contenu des représentations sociales et les relations entre les éléments (Rateau, 2007), a également contribué à l’étude des représentations sociales en élaborant la théorie du noyau central (1976 ; cité dans Abric, 1994). Pour Abric (1994, p.188), la représentation sociale est : « un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation. Elle est déterminée à la fois par le sujet lui-même (son histoire, son expérience), par le système social et idéologique dans lequel il est inséré, et par la nature des liens que le sujet entretient avec ce système social ». Dans la définition proposée par Abric (1994), l’insertion du vécu des individus prend une place importante par le fait que la représentation sociale est le résultat et l’évolution d’une activité mentale par laquelle les individus reconstituent le réel auquel ils font face en lui attribuant une signification distinctive.
La notion de représentation sociale comporte son lot d’ambiguïtés concernant ses interprétations, ses courants et ses définitions. À cet effet, il est facile de confondre les notions suivantes : l’opinion, l’attitude, la représentation sociale et l’idéologie. Rouquette (1996) ainsi que Rouquette et Rateau (1998) ont entrepris des travaux visant à distinguer ces notions connexes. Selon ces auteurs, ces notions dont les représentations sociales constituent une des diverses modalités d’expression de la pensée sociale ont l’aspect d’une forme verticale. Cette dernière ordonne l’ensemble des modalités (opinion, attitude, représentation sociale et idéologie) selon un critère de variabilité et un critère de labilité pouvant être figuré sous le schéma suivant (figure 1).
Ce schéma illustre l’existence de quatre ordres d’intégration des notions relatives à la pensée sociale. Ainsi, cette hiérarchie conceptuelle expose qu’à chaque étape vers l’amont, il y a acquisition de généralité et de stabilité. L’ordre idéologique correspond aux éléments les plus stables et les plus généraux de la pensée sociale. À l’inverse se trouvent les attitudes et les opinions. Ces derniers éléments sont instables et portent sur des objets particuliers. Néanmoins, les attitudes, quant à elles, sont plus générales que les opinions. Par exemple, un individu peut avoir une opinion sur un objet « X » à un moment donné dans un contexte particulier, et une attitude, plus large, vis-à-vis de ces objets « X ». En ce sens, les opinions, tout comme les attitudes, sont individuelles même si elles peuvent être partagées dans certaines circonstances. Les représentations sociales, pour leur part, ont pour caractéristiques d’être sociales, et les idéologies sont collectives (Rateau, Ernst-Vintila et Delouvée, 2012). Selon cette logique, il ne s’agit pas de relations d’inclusion, mais de relations d’emboîtement d’un ordre à un autre : « ce sont les attitudes qui permettent de rendre compte des opinions ; ce sont les représentations fondatrices d’une culture ou d’une sous-culture qui rendent compte des attitudes ; et ce sont des composants idéologiques, encore plus généraux, encore mieux partagés, qui permettent de ‘’fabriquer’’ les représentations sociales (croyances générales, valeurs, modèles épistémiques) » (Rouquette, 2009, p. 7). En d’autres termes, le changement d’opinion n’indique pas forcément un changement d’attitude et encore moins de représentation sociale et d’idéologie. Ce faisant, à l’intérieur d’un ensemble social donné, les opinions sont plus diverses et plus changeantes que les attitudes. Ces dernières, quant à elles, sont plus dispersées et plus modifiables que les représentations sociales et enfin les idéologies évoquent l’ordre d’intégration des notions relatives à la pensée sociale le mieux partagé et le plus stable (Rouquette, 2009 ; Rateau et al., 2012).

Les trois dimensions du contenu des représentations sociales

Selon Moscovici (1961), l’ensemble structuré d’éléments sociocognitifs qui constituent les représentations sociales s’élabore sous trois dimensions, soit l’information, l’attitude et le champ de représentation ou l’image. Quant à Jodelet (1994, p. 55), elle a regroupé ces trois dimensions sous l’appellation de « contenu des représentations ». Abric (1994, p. 188), pour sa part, définit ce contenu comme étant un « ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation ». Or, certaines dimensions sont parfois étudiées de manière isolée, toutefois prise individuellement, elles n’ont en soi peu ou pas de sens (Jodelet, 1994 ; Rateau, 2007). En ce sens, la signification d’une représentation sociale ne peut pas se réduire à la somme du sens de chacune de ses dimensions pris séparément. Ces dernières entretiennent donc des relations entre elles. D’ailleurs, Moliner et ses collaborateurs (2002, p. 12) soulignent que ces éléments constitutifs peuvent indistinctement être qualifiés d’opinions, d’informations et de croyances, car « la frontière est souvent floue entre le je pense, le je sais et le je crois ». Enfin, le principal est de retenir que la signification émerge d’un ensemble structuré dont les différents éléments sont unis par les relations entre eux (Rateau, 2007).
Tout d’abord, la première dimension, l’information réfère à la somme des connaissances des individus à l’égard de l’objet social (Moscovici, 1961). L’ensemble de ces informations peut être plus ou moins stéréotypé, riche, varié et original (Herzlicht, 1972). Pour Jodelet (1994), ces connaissances ont une visée pratique, car elles influencent les comportements adoptés par les individus face à un phénomène ou aux situations qui se présentent à eux. L’utilisation de cette dimension dans cette recherche permet de cerner les connaissances des « lecteurs » à l’égard des troubles mentaux ainsi que l’influence qu’elle a sur leurs comportements. Elle est également utilisée pour explorer les sources de ces informations et la manière d’expliquer les troubles mentaux.
Quant à la deuxième dimension du contenu d’une représentation sociale, l’attitude exprime l’orientation générale, positive ou négative, à l’égard de l’objet de la représentation. Elle se caractérise donc à une position évaluative par rapport à cet objet. Selon Rateau (2007, p. 167), l’attitude représente « un état mental de préparation à répondre, organisé par l’expérience du sujet et exerçant une influence sur sa réponse à tous les objets et à toutes les situations s’y rapportant ». Ainsi, elle est une prédisposition à réagir d’une façon systématiquement favorable ou défavorable face aux objets qui entourent l’individu. L’attitude influence alors la disposition à agir du sujet envers un objet donné. Doise (1994) et Moscovici (1961 ; cité dans Doise, 1994), pour leur part, soulignent que les attitudes peuvent se modifier en fonction des expériences personnelles de l’individu et de ses rapports sociaux. En ce sens, les prises de position individuelles peuvent changer en fonction de certaines conditions comme le vécu de l’individu, le groupe d’appartenance auquel il appartient ou encore auquel il n’appartient pas encore, mais auquel il aspire à appartenir (Doise, 1994). Ce faisant, les attitudes peuvent apparaître, disparaître et se transformer à travers différents processus d’acquisition et de changement. Cette dimension, pour sa part, permet de connaitre la prédisposition à réagir des « lecteurs » à l’égard des personnes ayant un TM et, donc à mieux comprendre les rapports sociaux qu’ils entretiennent envers celles-ci. Elle favorise alors l’exploration des réactions circonstancielles et émotionnelles des « lecteurs » à l’endroit de ces personnes. Ce faisant, ces réactions facilitent la compréhension de l’orientation globale, favorable ou défavorable, des participants.
Enfin, la troisième dimension, le champ de représentation ou l’image se définit comme une structure intériorisée qui amasse, organise et hiérarchise les différents éléments d’information à l’égard d’un objet. Cette organisation structurante de l’ensemble des informations connues permet à l’individu de se constituer une image évocatrice de l’objet de représentation (Moscovici, 1961). En d’autres termes, les images que se font les individus par rapport à l’objet se sont formées à partir de l’information qu’ils avaient à l’égard de l’objet. Ainsi, ce champ de représentation, variant d’un individu à l’autre, permet, d’une part de décoder les informations subséquentes et, d’autre part de disposer à des comportements adaptés à l’environnement social. Ce faisant, dans ce projet, le recueil d’images que se font les « lecteurs » envers les troubles mentaux aide à discerner les connaissances que ceux-ci ont sur ces troubles, en plus de mieux saisir les conduites qu’ils ont à l’égard des personnes atteintes de ce trouble. Plus spécifiquement, cette dimension permet d’explorer la hiérarchisation des informations que disposent les « lecteurs » envers ces personnes en observant les images évoquées en ordre d’importance selon leur participation à l’activité À livres ouverts, dénommée la BV. Ce qui permet d’obtenir la définition spontanée du concept des troubles mentaux des participants.
Par ailleurs, ces éléments constitutifs sont variés en raison qu’ils peuvent être formés autant d’opinions, d’images, de croyances, de stéréotypes que d’attitudes (Jodelet, 1994) et sont déterminés par l’individu (son histoire, son vécu), par le système social et idéologique dans lequel il est inséré (Abric, 1994, 2011). En ce sens, les représentations sociales sont soumises à une double logique, soit une première d’ordre cognitif et une seconde d’ordre social (Abric, 1994 ; 2011). La première composante correspond aux connaissances du sujet à l’égard des objets, ce qui s’apparente alors à la dimension de l’information de la représentation sociale. Elle suppose un sujet actif qui acquiert et utilise des informations concernant les systèmes et les sous-systèmes environnementaux pour se modeler une représentation d’un objet. La représentation sociale est donc soumise aux règles qui régissent les processus cognitifs. Quant à la logique sociale où les sentiments, les attitudes, les normes et les valeurs, des individus sont considérés lors de l’expression du contenu, elle correspond davantage aux deux autres dimensions de la représentation sociale, soit l’attitude et le champ de représentation. Cette seconde composante implique que la mise en œuvre des processus cognitifs est directement déterminée par les conditions sociales dans lesquelles s’élabore ou se transmet une représentation. Les représentations sociales se présentent alors comme un système sociocognitif relatif à un objet social. Ainsi, il importe dans cette optique de considérer le contexte dans lequel les représentations sociales s’inscrivent, car comme Jodelet (1986) l’explique ces éléments du contenu varient en fonction de leur source, de leur référence et de leur contexte de production qui les relie les uns avec les autres. En effet, les représentations sociales s’expriment différemment en fonction des variabilités interindividuelles. Elles dépendent du vécu propre aux individus, de leur rapport social et de leur insertion dans des contextes particuliers (Jodelet, 1994, Doise, 1994). En plus, le contexte réfère autant à l’environnement immédiat dans lequel évolue l’individu qu’aux valeurs et idéologies communes à l’ensemble d’un groupe social auxquelles se réfère l’individu afin de se représenter un objet (Abric, 1994, 2011). Ce faisant, pendant l’analyse des données recueillies auprès des « lecteurs », le contexte dans lequel se déroule la recherche soit dans le cadre d’une BV a été considéré. Enfin, les trois dimensions décrites précédemment, qui seront détaillées ultérieurement dans le tableau d’opérationnalisation, ont également servi de cadre lors de la rédaction du guide d’entrevue et de l’analyse des données.

Les caractéristiques des représentations sociales

La présentation des différents courants démontre la complexité et la diversité des perspectives décrivant les représentations sociales. Néanmoins, il y a un consensus sur lequel la communauté scientifique s’est entendue, soit que les représentations sociales se présentent sous quatre caractéristiques. Moliner et ses collaborateurs (2002, p.13) les décrivent ainsi :
(1) La représentation sociale réfère à un ensemble structuré d’éléments cognitifs ;
(2) Elle est partagée par des individus d’un même groupe social ;
(3) Elle est collectivement produite à travers les interactions sociales (échanges interindividuels et exposition aux communications de masse) ;
(4) Elle est socialement utile puisqu’elle agit tel un système de compréhension et d’interprétation de l’environnement social.
Ainsi, la représentation sociale, se qualifiant par trois éléments constitutifs (information, attitude et image ou champ de représentation), est organisée. Cela signifie que ces éléments sont hiérarchisés et entretiennent des relations entre eux qui déterminent leur signification et leur place dans l’ensemble du système représentationnel (Moscovici, 1961). Ils ne peuvent pas être pris isolément pour comprendre la signification d’une représentation sociale (Moliner et al., 2002). Cette dernière est également partagée par des membres d’un même groupe. Néanmoins, elle ne fait pas toujours l’unanimité, mais, comme Jodelet (1994) le souligne, ce consensus est généralement partiel. Ce dernier dépend de la dynamique sociale qui le sous-tend dont l’appartenance au groupe (Jodelet, 1994), l’éducation ainsi que l’expérience vécue (Rateau, 2007) et le lien que chaque membre entretient envers l’objet (Moliner et al., 2002). Conséquemment, ce ne sont pas tous les membres d’un groupe donné qui partagent les mêmes valeurs, normes, idéologies ou expériences et, donc les mêmes représentations sociales des objets qui les entourent (Rateau, 2007). À travers ces diverses significations, « les représentations expriment ceux (individus ou groupes) qui les forgent et donnent de l’objet qu’elles représentent une définition spécifique » (Jodelet, 1994, p. 35). Cette dernière construit donc « une vision consensuelle de la réalité » (Jodelet, 1994, p. 35) pour les membres d’un même groupe. La représentation réside alors dans un mode de construction, elle est collectivement produite à travers un processus global de communication. Par ailleurs, cette réalité propre à chacun, qui se constitue notamment à travers les communications et les échanges sociaux en favorisant la transmission et l’acquisition de savoirs, de croyances, de valeurs, etc. communs, permet de partager une conception commune des objets (Rateau, 2007). Il est à noter que l’objet peut prendre différentes formes, comme une personne, un événement ou une idée, et qu’il soit réel ou imaginaire, ce dernier est toujours requis (Abric, 1994, 2011 ; Jodelet, 1994). La représentation sociale n’existe pas sans objet. Ce faisant, la vision consensuelle de la réalité pour un groupe donné, pouvant converger ou diverger avec celle d’autres groupes, fait office de guide pour les actions et les échanges quotidiens (Jodelet, 1994). En permettant à l’individu ainsi qu’aux groupes d’individus de maîtriser leur environnement et de se l’approprier en fonction d’éléments symboliques propres à son ou ses groupes d’appartenance, la représentation est socialement utile, ce qui concerne sa finalité (Moliner et al., 2002). Il s’agit alors des fonctions des représentations sociales.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1  Problématique de la stigmatisation envers les personnes atteintes d’un trouble mental
1.1 Introduction
1.2 La bibliothèque vivante
1.3 La stigmatisation envers les personnes atteintes de trouble mental
1.3.1 L’ampleur des problématiques reliées aux troubles mentaux et à la stigmatisation
1.3.2 Les types de stigmatisation
1.3.3 Les conséquences de la stigmatisation; une remise en question ouverte sur la crédibilité des personnes ayant un trouble mental
1.4 La réalité représentationnelle et les stratégies
1.4.1 Les représentations sociales des personnes ayant un trouble mental
1.4.2 Les programmes visant la lutte contre la stigmatisation
1.5 La synthèse critique des études présentées
1.6 La conclusion
1.7 L’objet d’étude
1.7.1 Les objectifs et questions de recherche
1.7.2 La pertinence scientifique et sociale de ce projet de recherche
CHAPITRE 2  Cadre théorique et d’analyse
2.1 Définition des principaux concepts de l’étude
2.1.1 Troubles mentaux
2.1.2 Stigmatisation
2.2 Cadre théorique : les représentations sociales
2.2.1 Historique de la notion les représentations sociales
2.2.2 Les trois dimensions du contenu des représentations sociales
2.2.3 Les caractéristiques des représentations sociales
2.2.4 Les fonctions des représentations sociales
2.2.5 Les critères de reconnaissance d’un objet de représentation sociale
2.2.6 Le processus d’élaboration d’une représentation sociale
2.2.7 La structure des représentations sociales
2.2.8 La pertinence de l’utilisation des représentations sociales comme cadre théorique
CHAPITRE 3  La stratégie méthodologique de la recherche
3.1 Introduction
3.2 Approche et type de recherche
3.3 La population à l’étude et l’échantillonnage
3.4 Outils de collecte des données
3.4.1 Les étapes de la collecte de données
3.5 Analyse des données
3.6 Défis et limites de l’étude
3.7 Considérations éthiques
CHAPITRE 4  Le portrait des personnes ayant un trouble mental
4.1 Introduction
4.2 Que représentent les troubles mentaux pour les « lecteurs » ?
4.2.1 L’image de la souffrance
4.3 Le portrait des personnes atteintes d’un trouble mental
4.3.1 La santé mentale ; l’équilibre, c’est fondaMental !
4.3.2 Un vécu marqué par la souffrance et par une remise en question collective
4.3.3 Les sources de connaissances et la manière de s’expliquer ce phénomène
4.4 La relation des « lecteurs » avec les personnes atteintes d’un trouble mental
4.4.1 Les réactions des « lecteurs » envers les personnes présentant un trouble mental
4.5 Synthèse critique : les représentations sociales des « lecteurs » envers les troubles mentaux
CHAPITRE 5  L’expérience vécue des « lecteurs » à leur participation à la BV
5.1 Introduction
5.2 La motivation à participer à l’initiative À livres ouverts
5.2.1 Curiosité, intérêt et autodiagnostic !
5.3 Les impressions et l’expérimentation de l’activité À livres ouverts
5.3.1 Tous dans le même bateau !
5.3.2 Coup de coeur de la BV
5.3.3 Le revers de la médaille
5.4 La bonification des prêts
5.4.1 Un plus grand rayonnement
5.4.2 Une planification bien articulée
5.4.3 Un service d’accompagnement continu pour les « lecteurs »
5.5 L’articulation des représentations sociales des « lecteurs » à partir de l’initiative À livres ouverts
CHAPITRE 6  Discussion
6.1 Introduction
6.2 Analyse représentationnelle de la problématique
6.2.1 Les caractéristiques des représentations sociales
6.2.2 La nomenclature des images évoquées ; un éventail d’épreuves ?
6.3 Les réflexions critiques de l’étude
CONCLUSION
RÉFÉRENCES

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