Les bryophytes et leurs besoins particuliers 

La dynamique d’une forêt est caractérisée par son régime de perturbation et par les changements de structure et de composition qui y sont associés. Au Québec, les perturbations associées aux activités de récolte forestière prennent de plus en plus d’importance et dominent sur les perturbations naturelles en termes de superficie affectée (Cyr & al., 2009). La compréhension des processus écologiques affectés par la récolte est donc essentielle pour assurer la durabilité de la ressource et pour maintenir la biodiversité des milieux. Les traitements sylvicoles traditionnellement utilisés enlèvent l’ensemble des arbres et modifient l’habitat en altérant les conditions microclimatiques et en réduisant la disponibilité des substrats (Ross-Davis & Frego, 2002). En plus, les forêts surannées disparaissent graduellement du territoire aménagé suite à la normalisation de la forêt (Bergeron & al., 2001).

L’aménagement écosystémique qui intègre la compréhension de la dynamique forestière aux préoccupations de rentabilité forestière des aménagistes forestiers est de plus en plus utilisé dans les plans d’aménagement et propose différentes alternatives de méthode de récolte. Certains traitements alternatifs proposés dans le cadre d’un aménagement écosystémique ne visent pas simplement à maintenir la structure, mais à favoriser un prélèvement qui s’approche de celui causé par la mortalité naturelle (Gauthier & al., 2008). Les forêts surannées étant un des habitats important à préserver dans un contexte d’aménagement écosystémique, certaines techniques, moins radicales modifient moins les conditions environnementales que les coupes totales, permettent de maintenir la productivité des sites tout en favorisant le maintien de la biodiversité typiques des milieux forestiers non perturbés. Ces traitements alternatifs engendrent des peuplements irréguliers ou inéquiens, proche des peuplements surannés, caractérisés par une abondance d’habitats et une structure complexe abritant une faune et flore variée (Gauthier & al., 2008).

L’ importance des débris ligneux grossiers pour la richesse spécifique des écosystèmes forestiers est une notion de plus en plus reconnue. Plusieurs auteurs (Harmon & al., 1986; Sôderstrôm, 1988a; Rambo & Muir, 1998; Ohlson & al., 1997; Cole & at 2008; Crites & Dale, 1998; Pedlar & al., 2002; Jansova & Soldan, 2006) rapportent que les débris ligneux grossiers sont une structure importante des vieilles forêts car ils contribuent à la diversité biologique en procurant les habitats essentiels pour de nombreuses espèces d’animaux, de plantes, de champignons et d’insectes. Les débris ligneux grossiers sont des composantes structurales dont les caractéristiques chimiques et physiques changent dans le temps à mesure que le bois se décompose (Harmon & al., 1986). Les vieilles forêts ont généralement une plus grande diversité structurale car celle-ci augmente avec le temps. Cependant, l’abondance du bois mort varie selon les écosystèmes et dépend de facteurs comme l’établissement des arbres, leur taux de croissance, leur taux de mortalité et leur vitesse de décomposition (Harper & al., 2005). Les débris ligneux grossiers sont un substrat de prédilection pour les lichens et les bryophytes (Rheault, 2007; Rambo, 2001) car ils assurent une humidité constante pour ces plantes poikilohydriques. Cependant, dans les milieux sujets à l’entourbement, comme on en retrouve dans le nord-ouest du Québec, les épinettes qui s’établissent aux stades avancés de la succession tendent à être plus petites et moins nombreuses, menant à une plus faible abondance de bois mort (Harper & al., 2005) pouvant avoir comme résultat des communautés moins riches en espèces.

Les bryophytes et leurs besoins particuliers 

L’établissement d’une communauté diversifiée de bryophytes épixyliques nécessite une variété de microhabitats comme en procurent les forêts matures (Lesica & al., 1991; Andersson & Hytteborn, 1991; Ohlson & al., 1997; Crites & Dale, 1998; Fenton & Frego, 2005; Cole & al. 2008). Les facteurs environnementaux les plus importants pour la succession des communautés de bryophytes sur les bûches en décomposition sont le microclimat et la qualité du substrat (Rambo & Muir, 1998; Sôderstrôm, 1988a, 1988b; Fenton & Frego, 2005). L’âge de la forêt (Crites & Dale, 1998) et son niveau de  (Andersson & Hytteborn, 1991; Pedlar & al., 2002) influencent la quantité et la qualité des débris ligneux grossiers donc sur les populations de bryophytes épixyliques. Les forêts n’ayant pas subi de perturbation anthropogéniques étant hétérogènes au niveau des microhabitats (Lesica & al., 1991, Jansova & Soldan, 2006; Kushnevskaya & al., 2007), le recouvrement général par les bryophytes y est plus grand (Sôderstrôm, 1988a; Gustafsson & Hallingback, 1988). L’aménagement de la forêt modifie la composition (Kruys & Jonsson, 1999) et la répartition (Andersson & Hytteborn, 1991) de la taille et des classes de décomposition des débris ligneux grossiers en diminuant la taille des débris et en modifiant la succession des classes de décompositions. Les débris des sites aménagés sont généralement plus petit et plus court les rendant potentiellement impropres à l’implantation et la survie de bryophytes épixyliques typique s des forêts matures (Fenton & Frego, 2005; Sôderstrôm, 1988a; Andersson & Hyttebom, 1991). Comme la capacité de dispersion et le temps nécessaire pour atteindre les habitats propices sont des facteurs déterminants dans l’établissement des populations de bryophytes (Sôderstrôm, 1987), les débris ligneux grossiers doivent persister suffisamment longtemps au sol pour permettre aux espèces pionnières de s’implanter.

La dispersion des bryophytes et les méthodes de colonisation 

Le potentiel de colonisation des débris ligneux par les bryophytes épixyliques dépend de la taille du débris qui agit sur le temps de résidence au sol via la vitesse de décomposition et la résistance à l’inondation par les sphaignes et les espèces humicoles. L’inondation est un phénomène de colonisation du débris ligneux qui survient suite à la croissance et au débordement des populations adjacentes. Les espèces inondantes colonisent les débris ligneux grossiers à partir de la partie supérieure du débris ligneux lorsque les stades avancés de décomposition sont atteints et qu’il y a beaucoup d’humus accumulé (Jansova & Soldan, 2006) ou en croissant depuis les côtés du débris ligneux (Sôderstrôm, 1988b) . Le diamètre du débris constitue alors un obstacle à l’inondation puisque la distance entre le sol forestier et la partie supérieure du débris ligneux s’accentue avec l’augmentation du diamètre du débris. Fenton & Bergeron (2006) soulignent cependant que l’effet d’échelle offert par les plantes vasculaires ligneuses, notamment les éricacées, aide les sphaignes à augmenter leur croissance annuelle et leur offre un support pour croître par-dessus les débris ligneux grossiers.

Les caractéristiques des débris ligneux grossiers 

La qualité du tronc lorsqu’il tombe, son diamètre, sa hauteur au-dessus du sol et son humidité, qui est fonction de sa hauteur et de son niveau de contact avec le sol, sont des facteurs qui affectent le rythme de décomposition (Sôderstrôm, 1988b). La fragmentation de l’écorce, la texturisation de la surface et les changements dans la densité du bois (Jansova & Soldan, 2006) sont des facteurs liés à la décomposition qui affectent l’assemblage des communautés de bryophytes épixyliques, particulièrement au moment de l’ implantation des spores et propagules sur le substrat (Sôderstrôm, 1988b). La réduction, lors des pratiques de récolte forestière, de la quantité ou de la qualité des substrats requis par certaines espèces est déterminante pour la composition de la communauté des bryophytes (Fenton & Frego, 2005).

Comme les caractéristiques physiques et chimiques des bûches en décomposition évoluent constamment, les changements de la communauté de bryophytes épixyliques reflètent les changements dans le stade de décomposition et la texture de surface (Rambo & Muir, 1998; Sôderstrôm 1988b; Crites & Dale, 1998). Les hépatiques, qui sont des bryophytes ayant conservé plusieurs caractères primitifs, sont des espèces qui débutent parfois la succession (Lesica & al, 1991, Sôderstrôm, 1988b, Fenton & Bergeron, 2008) et sont souvent associées aux débris ligneux car elles nécessitent un environnement humide (Rambo & Muir, 1998). Jansova & Soldan (2006) ont trouvé que les espèces proprement épixyliques apparaissent sur les bûches lorsque celles-ci ont atteint des stades avancés de décomposition et sur les côtés des grosses bûches sans écorce ni humus; alors que les espèces de sol inondent les bûches qui ont accumulées une certaine couche de matière organique. Les gros débris ligneux atteignent plus souvent les stades avancés de décomposition et supportent une riche communauté d’ épixyliques (Andersson & Hytteborn, 1991) car ils peuvent résister à l’inondation en offrant plus de surface à recouvrir (Sôderstrôm, 1988b; Rambo & Muir, 1998; Jansova & Soldan, 2006).

Aménagement forestier traditionnel vs aménagement écosystémique 

Dans les forêts exemptes de perturbations anthropiques, le recrutement en débris ligneux grossiers d’épinettes est relativement constant et faible et est causé par les perturbations primaires comme les feux de forêts et par les perturbations secondaires comme les épidémies et les chablis (Angers & al., 2010). Les activités sylvicoles modifient les conditions environnementales, affectent le recrutement des tiges et créent une rareté potentielle dans la ressource. Les techniques conventionnelles comme la coupe totale ou la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS), normalisées par le ministère des ressources naturelles et de la faune et largement utilisées par l’industrie, entrainent d’importantes modifications environnementale tant au niveau des dynamiques forestières que des attributs structuraux. La CPRS recrée en partie les conditions obtenues suite à une perturbation primaire comme le feu, la principale perturbation naturelle en forêt boréale (Perhans & al., 2009). Les modifications au niveau de l’ouverture de la canopée sont particulièrement flagrantes avec cette technique car celle-ci prélève l’ensemble des tiges de valeur marchande sur le site. Cependant, les CPRS négligent un aspect important des perturbations de type primaires car elles ne perturbent pas la couche de matière organique accumulée ce qui favorise la croissance des espèces associées au phénomène de la paludification et réduit la productivité du site (Fenton & al. , 2005; Fenton & Bergeron, 2006; Lafleur & al., 2010a).

Conclusions générales 

L’objectif principal de cette étude est de comparer les effets de deux techniques de récolte sur la disponibilité des débris ligneux grossiers et sur l’assemblage des communautés de bryophytes épixyliques. Les résultats ont démontré que les conditions microclimatiques sont plus limitantes que la disponibilité des débris ligneux grossiers pour la croissance des bryophytes épixyliques après la coupe. Les changements dans la composition de la population sont expliqués par l’évolution vers un microclimat plus défavorable suite à l’ouverture de la canopée (Schmalholz & Hylander, 2009). On a vu que les conditions micro environnementales étaient drastiquement modifiées après la CPRS (températures plus élevées, canopée plus ouverte, débris ligneux grossiers de petite taille). L’ouverture draconienne de la canopée suite au prélèvement de l’ensemble des tiges affecte non seulement les conditions environnementales, mais ces modifications se répercutent aussi sur la qualité des débris ligneux grossiers retrouvés sur le parterre. Comme la quantité et le type de débris ligneux grossiers sont des facteurs important pour la biodiversité dans les forêts boréales (Ohlson & al., 1997), les débris ligneux grossiers retrouvés dans la CPRS, typiquement plus desséchés et durs, sont peu propices à l’implantation des bryophytes épixyliques. De plus, le prélèvement des tiges hypothèque le bassin de recrutement de débris ligneux grossiers potentiels, compromettant la répartition et la disponibilité des débris ligneux des différentes classes de décompositions.

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Table des matières

Introduction générale
Contexte de l’étude
Problématique
État des connaissances
Aménagement forestier traditionnel vs aménagement écosystémique
Les bryophytes et leurs besoins particuliers
La dispersion des bryophytes et les méthodes de colonisation
Les caractéristiques des débris ligneux grossiers
Objectif global de l’étude
Chapitre 1  Effects of variable canopy retention harvest on epixylic bryophytes in boreal black spruce – feathermoss forests 
2.1. Studysites
2.2. Statistical analysis and model selection
3. Results
3.1 Forest management and CWD characteristics
3.2 Forest management and the bryophyte community
Conclusions générales 

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