Les blessés par accidents de la route

Construction de l’échantillon (plan de sondage)

     Nous imposons comme taille de l’échantillon un effectif total de l’ordre de 800 à 1000 individus, pour que cette enquête donne des estimateurs avec des précisions du même ordre de grandeur que l’étude symétrique « BAAC seulement » (cf. section 1.3) où la population source est limitée à 1300 personnes. Deux des objectifs de cette enquête sont l’estimation de proportions globales i.e. sur l’ensemble des blessés identifiés par le Registre et non identifiés dans les BAAC. Un troisième objectif de l’enquête est de caractériser les sous-groupes : forces de l’ordre alertées / présentes / avec PV établi, en fonction de la gravité, du type d’usager et de tiers (oui / non). Inversement, nous pouvons travailler sur les sous-groupes de MAIS, de type d’usager et de la présence / absence de tiers, et les caractériser en fonction des proportions d’alerte des forces de l’ordre, de présence des forces de l’ordre et de procèsverbaux établis. Nous avons tout intérêt à mettre en œuvre un plan de sondage stratifié. En effet, ce type de plan de sondage permet d’augmenter la précision de l’estimateur grâce à des strates homogènes vis-à-vis du caractère étudié ; cela implique que la variable de stratification soit liée à la variable étudiée (ce qui est le cas). Par ailleurs, les résultats par strate sont intéressants en soi. Nous décidons donc de réaliser un plan de sondage stratifié, en fonction des facteurs majeurs de biais de sélection : le type d’usager, l’implication de tiers (oui/non), et la gravité. Le type d’usager est regroupé en cinq catégories : les quatre les plus fréquentes (piétons / cyclistes / usagers de 2RM / automobilistes) et une catégorie « autre ». La gravité lésionnelle est mesurée par le MAIS regroupé en deux catégories : MAIS 1 et MAIS 2+ (pour des questions d’effectifs). Il faut s’assurer que les effectifs à la marge soient suffisants (pour avoir une bonne précision), c’est-àdire, pour les deux catégories de MAIS, pour les types d’usagers piétons / cyclistes / usagers de 2RM / automobilistes (la catégorie autre n’étant pas intéressante en soi car trop hétérogène), et pour les catégories avec ou sans tiers. Il y a là une hiérarchie des objectifs : il nous importe plus d’avoir une bonne précision des proportions par niveau de MAIS, que selon le type d’usager ou l’absence / présence de tiers. La précision dans une strate est celle d’un sondage aléatoire simple. Pour une strate donnée, il faut, pour estimer une proportion de l’ordre de 50 % (situation la plus coûteuse), un effectif de 400 pour obtenir une précision à 5 points (de pourcentage). Nous choisissons de répartir la taille de l’échantillon selon une allocation proportionnelle (aux effectifs observés), mais en imposant le même effectif dans les strates MAIS 1 et MAIS 2+, d’au moins 400 pour avoir une précision correcte. En d’autres termes, dans chacune des deux strates MAIS 1 et MAIS 2+, nous fixons l’effectif total à 400 sujets, et nous réalisons un tirage selon une répartition proportionnelle (aux effectifs observés dans la population dans la strate considérée).

Accès aux procès-verbaux

     Les procès-verbaux ont été fournis par TRANSPV (organisme qui centralise tous les PV d’accidents corporels pour les fournir aux compagnies d’assurance). Ils ont été transmis sous forme de fichiers électroniques images, qui sont des numérisations (« scan ») des procès-verbaux papiers. Un procès-verbal correspond à un accident et à ses impliqués (décédés, blessés et indemnes). Il n’y a pas de numéro d’identifiant unique de l’accident, ni de la victime, ce qui aurait permis de faire aisément la correspondance entre un enregistrement BAAC (un accident et une victime) et le procèsverbal duquel il est issu. Pour établir la correspondance entre BAAC et PV au niveau de l’accident, nous avons utilisé les informations : date de l’accident, force de l’ordre ayant rédigé le procès-verbal, et numéro de PV, puis nous avons vérifié que le lieu d’accident concordait. Une fois le PV identifié, l’identification de la victime parmi les impliqués recensés par le PV se fait sur le mois et l’année de naissance, le sexe, et éventuellement la lettre identifiant les véhicules et la place dans le véhicule (en sachant que la lettre identifiant le véhicule est peu fiable, car souvent modifiée lors de la saisie des PV vers les BAAC). Nous rappelons que le jour de naissance, les nom et prénom ne sont pas disponibles dans les BAAC et ne peuvent donc pas servir à l’identification des blessés entre BAAC et PV. Les fichiers contenant les procès-verbaux sont stockés sur une zone disque à accès très restreint. Les personnes qui y ont accès sont soumises aux règles de confidentialité des données. Un certain nombre de procès-verbaux manquait (pour des raisons techniques : « scan » illisible ou « scan » non réalisé car le PV était encore en cours de rédaction). Il faut donc vérifier la comparabilité des blessés avec PV exploitable et blessés sans PV exploitable.

Caractéristiques associées aux erreurs de classement de la gravité

     Dans les analyses univariées, la quasi-totalité des variables considérées sont significativement associées aux erreurs de classement de la gravité par les forces de l’ordre. Les exceptions sont la présence / absence de tiers et le type de jour (début / fin de semaine). Dans la construction du modèle multivarié, les caractéristiques suivantes ne sont plus significatives : le sexe, le type de réseau, l’environnement (en / hors agglomération), les conditions lumineuses (jour / nuit), les conditions météorologiques et la configuration de l’accident (intersection oui/non). Les caractéristiques significativement associées aux erreurs de classement de la gravité par les forces de l’ordre, dans le modèle multivarié, sont la gravité lésionnelle (mesurée par le NISS en cinq catégories), l’âge du blessé, le type d’usager, le type de force de l’ordre enregistrant l’accident et l’année. Les risques relatifs ajustés et les probabilités ajustées sont donnés dans le Tableau 26. La relation entre la probabilité d’erreur de classement et le NISS (en cinq catégories) est en forme de U renversé, avec un risque d’erreur de classement qui est 12,2 fois plus élevé pour les blessés NISS 9- 15 par rapport aux blessés NISS 1-3. La probabilité d’erreur de classement augmente légèrement en fonction de l’âge des blessés, avec un risque relatif de 1,3 pour les blessés âgés de 65 ans et plus par rapport aux blessés âgés de 0 à 13 ans. Les blessés piétons et usagers de 2RM ont une plus grande probabilité d’être mal classés avec un risque relatif de 1,4 et 1,3 respectivement, par rapport aux blessés automobilistes. Par rapport au corps des CRS, le corps de police est un peu plus susceptible de faire des erreurs de classement de la gravité (RR=1,2), mais le corps de gendarmerie encore plus (RR=2,3). Enfin, la probabilité d’erreur de classement est plus forte en 1997 qu’en 2001 (RR=1,3)

Synthèse bibliographique sur capture-recapture

     Trois articles (Hook and Regal 1995; IWGDMF 1995; Gallay, Nardone et al. 2002) fournissent une revue bibliographique particulièrement intéressante de la méthode de capture-recapture, et avec un point de vue épidémiologique ; nous présentons ici une brève synthèse bibliographique de son utilisation. La méthode de capture-recapture a été mise en place en écologie animale, pour quantifier des populations de poissons, d’oiseaux… Par exemple, s’il s’agit de quantifier la population de poissons dans un étang, le principe est de faire une première capture, de marquer les individus capturés, de les relâcher, puis de faire une deuxième capture, et parmi ceux capturés, d’identifier s’il s’agit de leur première capture, ou de leur deuxième (déjà marqués). À partir des effectifs de chaque sous-groupe (capturés seulement la 1ère fois, seulement la 2ème fois, ou les deux fois), et de calculs de probabilités, sous certaines hypothèses à vérifier, on estime l’effectif de ceux jamais capturés et donc l’effectif total. Par transposition des captures à des listes d’enregistrement, l’approche a été utilisée dans d’autres domaines : en démographie, pour mesurer la couverture d’un recensement (Fienberg 1992; Garton, Abdalla et al. 1996), en épidémiologie, surtout depuis les années 80 (Hook and Regal 1995; IWGDMF 1995; Gallay, Nardone et al. 2002). Elle sert à estimer des effectifs des populations, en particulier des populations « cachées » (Neugebauer and Wittes 1994) : séropositifs (Frischer, Bloor et al. 1991; Abeni, Brancato et al. 1994), personnes atteintes du SIDA (Bernillon, Lievre et al. 2000), toxicomanes (Hay, McKeganey et al. 1999; Maxwell 2000; Gemmell, Millar et al. 2004), prostituées (Bloor, Leyland et al. 1991), personnes sans domicile fixe (Fisher, Turner et al. 1994)…. Elle sert aussi à estimer le taux de couverture de registres ou encore à estimer des incidences corrigées de la sousdéclaration ou du sous-enregistrement. Les deux derniers objectifs sont essentiellement observés dans les domaines suivants : diabète (IWGDMF 1995; IWGDMF 1995), malformations congénitales, cancer (Sherman 1981; Robles, Marrett et al. 1988; Hilsenbeck, Kurucz et al. 1992; Brenner, Stegmaier et al. 1994; Schouten, Straatman et al. 1994; Brenner, Stegmaier et al. 1995; Crocetti, Miccinesi et al. 2001), VIH et SIDA (Frischer, Leyland et al. 1993; Abeni, Brancato et al. 1994; Johri, Kaplan et al. 1999; Bernillon, Lievre et al. 2000), traumatologie (Roberts and Scragg 1994; LaPorte, Dearwater et al. 1995; Johnson, Gabella et al. 1997; Rosenman, Kalush et al. 2006). La méthode de capture-recapture est aussi utilisée dans l’épidémiologie des traumatismes de la circulation routière. Elle a été appliquée sur les sous-populations suivantes : enfants (Roberts and Scragg 1994; Jarvis, Lowe et al. 2000), adolescents et jeunes adultes (Morrison and Stone 2000), piétons et cyclistes (Dhillon, Lightstone et al. 2001), conducteurs de poids lourds (Meuleners, Lee et al. 2006), mais aussi à des zones géographiques : villes (Razzak and Luby 1998; Tercero and Andersson 2004) ou une île (la Réunion) (Aptel, Salmi et al. 1999). L’application de la méthode de capture-recapture en épidémiologie est sujette à des prises de position très tranchées. Certains chercheurs sont très enthousiastes et pensent qu’il vaut mieux appliquer cette méthode que de ne rien faire, et que tout registre évaluant son taux de couverture doit l’utiliser. D’autres chercheurs sont franchement réfractaires et rejettent la méthode en bloc. Le sujet est polémique ; il faut dire que la méthode est victime de sa simplicité d’application : elle est parfois utilisée un peu trop vite, sans vraiment tenir compte des conditions d’application. D’autres chercheurs tentent de calmer la polémique, en discutant point par point les conditions d’application. Une liste de 17 recommandations a notamment été écrite (Hook and Regal 1999; Hook and Regal 2000) concernant l’application de la méthode, la vérification des conditions d’application, la présentation des étapes de l’analyse et des résultats. Dans le domaine de l’épidémiologie des traumatismes, une poignée de chercheurs se montre aussi très sceptique (Jarvis, Lowe et al. 2000; Morrison and Stone 2000) ; cependant, leur discussion des conditions d’applications n’apparait pas complète. Concernant les méthodes d’estimation, il y a eu historiquement les estimateurs « simples » (nommés estimateur de Petersen, de Sekar et Deming…) limités aux situations à deux sources d’enregistrement (avec notamment l’appellation de « méthode à deux listes »), où il suffit d’une calculette pour estimer le nombre de sujets non-observés. S’est ensuite développée la modélisation explicite. Celle-ci permet de prendre facilement en compte des variables liées à la probabilité d’enregistrement, mais aussi, des éventuelles interactions entre les listes, lorsqu’il y en a trois ou plus. La modélisation la plus répandue est celle basée sur une loi de Poisson, avec un modèle log-linéaire (Cormack 1989; IWGDMF 1995; Chao, Tsay et al. 2001) ; elle est liée à l’analyse des tableaux de contingence. Une autre modélisation se base sur la loi multinomiale et le modèle logistique (Alho 1990; Tilling and Sterne 1999). Il existe aussi des développements non-paramétriques, bayésiens (Madigan and York 1997; Hook and Regal 2000) et autres qui n’ont pas été explorés ici.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATÉRIEL
Données des forces de l’ordre
Le Registre des victimes d’accidents de la circulation routière
Données rapprochées
Exclusions
Période d’étude
Chapitre 1 Biais de sélection des données d’accidentologie
1.1 Biais de sélection des données des forces de l’ordre (analyse des blessés recensés par le Registre)
Introduction
Matériel
Méthode
Sous-enregistrement
Biais de sélection
Résultats
Discussion
Résumé
1.2 Enquête auprès des blessés identifiés dans le Registre seulement
Introduction
Matériel
Population d’étude
Méthode
Objectifs détaillés
Construction de l’échantillon (plan de sondage)
Recueil des données par questionnaire
Test des questionnaires
Analyse statistique
Résultats
Répartition des retours de questionnaires
Comparaison des répondants et des non-répondants
Blessés s’avérant hors critères BAAC
Alerte et intervention des forces de l’ordre
Taux de discordance sur les variables de chaînage
Discussion
Résumé
1.3 Étude des blessés identifiés dans les BAAC seulement
Introduction
Matériel
Population d’étude
Accès aux procès-verbaux
Méthode
Caractéristiques étudiées
Analyse statistique
Chaînage supplémentaire
Résultats
Population d’étude
Comparaison des blessés « BAAC seulement » avec PV exploitable et ceux sans PV exploitable
Caractéristiques des blessés « BAAC seulement »
Taux d’erreur sur les variables servant au chaînage
Chaînage complémentaire sur les noms et prénoms
Discussion
Résumé
Chapitre 2 Erreurs de classement de la gravité lésionnelle dans les données des forces de l’ordre
Introduction
Matériel et Méthode
Résultats
Erreurs de classement de la gravité
Caractéristiques associées aux erreurs de classement de la gravité
Caractéristiques associées aux erreurs de sur-classement de la gravité
Caractéristiques associées aux erreurs de sous-classement de la gravité
Discussion
Interprétation des résultats
Forces et faiblesses de l’étude
Conclusion
Résumé
Chapitre 3 Bilan rhodanien : nombre de blessés et gravité lésionnelle
Introduction
Synthèse bibliographique sur capture-recapture
Matériel
Données policières d’accidentologie
Registre des victimes de la circulation routière dans le Rhône
Données rapprochées
Trois scénarios de chaînage
Méthode
Capture-recapture
Conditions d’application
Agrégation des données et variables de stratification
Traitement des valeurs manquantes
Statistiques présentées
Résultats
Discussion
Conclusion
Résumé
Chapitre 4 Bilan national : nombre de blessés et gravité lésionnelle
Introduction
Matériel
Méthode
États de santé étudiés
Étape 1 : Construction et application d’un modèle de prédiction du NISS
Étape 2 : Amélioration du résultat du chaînage
Étape 3 : Modélisation du sous-enregistrement par capture-recapture
Étape 4 : Application des coefficients de correction aux données policières nationales
Statistiques présentées : effectifs et incidences
Intervalles de confiance
Validité des modèles et de l’ensemble de la procédure d’estimation
Résultats
Blessés toutes gravités
Taux de létalité
Blessés hospitalisés
Blessés graves
Taux de gravité (chez les blessés non décédés)
Blessés avec séquelles majeures prévues
Discussion
Forces et faiblesses
Interprétation des résultats
Résumé
CONCLUSION
Bibliographie

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