Les biofilms d’eau douce ou periphyton

La contamination globale actuelle des milieux aquatiques est la conséquence directe du développement des activités humaines (urbanisation, industrialisation, agriculture) au cours des siècles précédents, et en particulier du XXéme siècle avec l’essor de l’industrie chimique. Suite à la prise de conscience de cette contamination, l’écotoxicologie a émergé en tant que discipline scientifique au cours des quarante dernières années, pour mettre en évidence, comprendre, et si possible prévoir les perturbations des écosystèmes aquatiques sous pression chimique. En effet, si le devenir et l’impact de la charge organique (C, N, P) ont été largement étudiés (par exemple Even et al. 2007; Garnier et al. 2008; Tusseau-Vuillemin et al. 1998) et sont aujourd’hui plutôt bien compris (Schwarzenbach et al. 2006), la connaissance et la maîtrise de la contamination chimique des milieux aquatiques et de ses impacts sur les écosystèmes reste un enjeu environnemental majeur. Pour certains contaminants, comme les métaux, l’émergence, au cours de la seconde moitié du XXéme siècle, de techniques d’analyse suffisamment sensibles pour pouvoir doser les contaminants in situ, a graduellement permis la mise en place de normes de rejets dans les milieux aquatiques, entraînant une diminution des niveaux de contamination après des pics de pollution observés en général entre les années 1950 et 1980 (Meybeck 2003; Ricciardi et al. 2009). Ainsi, une décontamination progressive des sédiments de la Seine est observée depuis les années 1970 pour les métaux, les niveaux de contamination actuels étant maintenant de deux à six fois inférieurs aux niveaux correspondant aux années 1930 (Meybeck et al. 2007). Cependant, le problème de la contamination chimique des milieux aquatiques est loin d’être résolu.

Les contaminations actuelles se caractérisent par la présence de micropolluants, molécules présentes dans les milieux aquatiques à des concentrations très faibles voire à l’état de traces (concentrations de l’ordre du ng au µg/L). Il reste difficile de dresser un état des lieux précis de la contamination des cours d’eau, notamment du fait des difficultés analytiques liées à la détermination des concentrations des micropolluants en solution in situ (Elbaz-Poulichet et al. 2006). Par ailleurs, la diversité des composés chimiques rejetés dans l’environnement ne cesse d’augmenter, notamment avec les polluants dits émergents (produits pharmaceutiques, cosmétiques, etc.), dont les effets sur les organismes et sur les écosystèmes entiers ne sont pas connus à ce jour (Ricciardi et al. 2009). Ainsi, le suivi de la contamination de l’eau est en général loin d’être exhaustif pour les différents types de polluants.

En 2000, la Directive Cadre Européenne sur l’eau (DCE, Directive 2000/60/CE) a franchi un pas supplémentaire en imposant à tous les Etats Membres l’atteinte du bon état des cours d’eau d’ici 2015. Ce bon état repose autant sur le respect de normes de qualité environnementales (NQE) pour les substances classées comme “dangereuses prioritaires” (directive 2008/105/CE), à savoir un bon état chimique des milieux aquatiques, que sur le retour au bon état biologique des organismes. La DCE propose ainsi des descripteurs biologiques (macrophytes, phytoplancton, algues benthiques et ichtyofaune) de l’état des écosystèmes aquatiques permettant de mesurer un écart à la référence (le bon état écologique). Cependant, la mesure des abondances taxonomiques de ces descripteurs, demandée par la DCE, n’est qu’une pièce du puzzle à assembler pour évaluer l’état de santé des écosystèmes aquatiques (Geiszinger et al. 2009). Les travaux de recherche actuels portent donc sur l’amélioration des indicateurs biologiques de l’état des milieux aquatiques, notamment pour mieux appréhender la réponse des organismes impactés par la pression chimique.

La contamination urbaine se caractérise aujourd’hui par un cocktail de micropolluants: métaux traces et composés organiques (Bourgeault et al. 2010; Meybeck 2003; Tusseau-Vuillemin et al. 2007). En effet, les milieux aquatiques urbains sont contaminés par des substances diverses, issues par exemple des effluents industriels ou encore évacuées vers les rivières par les eaux de ruissellement. Le suivi de ce type de multi-contamination est particulièrement délicat du fait de la multiplicité des sources de perturbation, mais aussi des faibles niveaux de contamination. Les effets, chroniques, de la présence des micropolluants urbains sont ainsi difficiles à mettre en lumière sur les organismes exposés. En outre, les indices biologiques classiques sont généralement peu performants pour évaluer les impacts de ce type de contamination diffuse, notamment parce-qu’ils ne prennent pas en compte les phénomènes d’adaptation, ni la santé des individus présents en milieu contaminé (Morin 2006; Nahmani & Rossi 2003; Pollard & Yuan 2006). Dans ce contexte environnemental complexe, il paraît nécessaire de développer des outils méthodologiques adaptés pour évaluer la sensibilité et la vulnérabilité des milieux aquatiques sous pression urbaine.

Les biofilms d’eau douce ou périphyton

Définition et caractéristiques 

Définition du terme périphyton

Le terme périphyton désigne littéralement les communautés microflorales se développant sur des surfaces solides immergées. Certains auteurs (Aloi 1990; Lucey et al. 1987) ont utilisé cette définition en choisissant délibérément de ne pas considérer les champignons, bactéries, protozoaires et autres animaux se développant avec la microflore. En revanche, le terme allemand Aufwuchs permet de prendre en compte l’ensemble des micro-organismes sans distinction et rejoint en ce sens la définition du terme périphyton introduite par Cooke en 1956 (Austin et al. 1981; Cooke 1956; Lucey et al. 1987) : ces organismes (plantes et animaux) attachés ou accrochés aux tiges, feuilles ou plantes enracinées dans l’eau, ou aux autres surfaces présentes au-dessus du fond de la rivière .

Il est aussi possible de distinguer les organismes immobiles (attachés au substrat), parfois désignés par le terme “eupériphyton”, du “pseudopériphyton” ou “métapériphyton” constitué des organismes motiles qui se déplacent à l’intérieur ou sur le périphyton (Azim et al. 2005).

Dans cette étude, nous désignerons par « périphyton » ou indifféremment par « biofilm » l’ensemble des organismes se développant sur les supports immergés, qu’ils soient ou non fixés sur le substrat, ce qui correspond d’ailleurs à la définition du terme « périphyton » par l’APHA (1989). Ainsi, le périphyton sera composé d’algues, de bactéries, de Fungi, de protozoaires, de zooplancton, d’invertébrés et de leurs larves, et autres organismes benthiques.

Les biofilms

Le périphyton constitue ce que l’on appelle un biofilm, c’est-à-dire une structure biologique organisée se développant sur une surface, constituée de micro organismes et d’une matrice d’exopolymères sécrétés par ces derniers (Sabater et al. 2007). Le terme “biofilm” peut être utilisé dans des situations extrêmement différentes, allant d’un biofilm fin formé par quelques bactéries issues d’une souche pure cultivée en microplaque à un biofilm épais, prélevé en milieu naturel de composition taxonomique variée. D’après Wimpenny (2000), le terme “biofilm” doit toujours faire intervenir trois points :
– la présence d’une surface ou d’une interface sur laquelle se développent les microorganismes
– la présence d’une matrice de polymères extracellulaires sécrétés par les microorganismes qui unifie l’ensemble de la communauté
– l’émergence d’une communauté de micro-organismes avec, en général, l’idée que cette communauté possède ses propriétés propres.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. LES BIOFILMS D’EAU DOUCE OU PERIPHYTON
1. Définition et caractéristiques
1.1 Définition du terme périphyton
1.2 Les biofilms
1.2.1 Une structure microbienne organisée
1.2.2 La matrice d’EPS
1.3 Développement de biofilms périphytiques en milieu naturel
1.3.1 Le périphyton dans le continuum fluvial
1.3.2 Etapes de développement des biofilms
1.3.3 Facteurs structurants pour le périphyton
1.4 Rôle du périphyton dans la dégradation de la MO
1.4.1 Dégradation enzymatique de la MO
1.4.2 L’activité β-glucosidase
2. Le périphyton comme marqueur d’une contamination
2.1 Un matériel biologique de choix pour le scientifique
2.2 Biodescripteurs du périphyton
2.2.1 Modifications de structure
2.2.2 Approches métaboliques et physiologiques
2.3 Conclusion sur l’utilisation des biofilms pour évaluer l’impact des contaminations
II. L’APPROCHE PICT
1. Phase de sélection
1.1 Complexité du phénomène de succession
1.2 Durée de l’exposition et succession
1.3 Méthodes d’évaluation de la sélection
2. Phase de détection : mise en évidence de la tolérance acquise
2.1 Evaluation de la tolérance
2.2 Notion de tolérance de base (baseline tolerance)
3. Validation d’un effet PICT
4. Exemples d’application de l’approche PICT
5. Facteurs de variation de l’induction de tolérance des communautés
5.1 Interactions de paramètres environnementaux
5.2 Phénomènes de co-tolérance
5.3 Biodisponibilité des contaminants
6. Conclusion sur l’utilisation de l’approche PICT
III. L’ARISA POUR EXPLORER LA DIVERSITE GENETIQUE DES BIOFILMS
1. Explorer la diversité biologique
1. 1 Intérêt de l’approche moléculaire
1. 2 Utilisation de l’opéron ribosomique comme outil d’identification
2. Les techniques d’empreinte génétique
2.1 Principe général
2.2 Les différentes techniques d’empreinte génétique
3. Principe et utilisation de l’ARISA
3.1 L’ARISA : exploitation du polymorphisme de taille des intergènes
3.1.1 ARISA Bactérie
3.1.2 ARISA Eucaryote
3.2 Applications
4. Biais et limites des techniques d’empreinte génétique
4.1 Biais liés à l’extraction d’ADN
4.2 Biais liés à l’amplification de l’ADN par PCR
4.3 Seuils de détection des techniques d’empreinte génétique
4.4 Conclusion sur l’utilisation des techniques d’empreinte génétique
5. Interprétation des profils ARISA
5.1 Signification d’un pic ou d’une bande sur le gel
5.2 Quantifier les abondances relatives
5.3 Méthodes d’analyse des profils ARISA
5.3.1 Calcul d’indices
5.3.2 Analyses multivariées
5.4 Conclusion sur l’utilisation de la technique ARISA
PROBLEMATIQUE
OBJECTIFS DE L’ETUDE
DEMARCHE GLOBALE
CHAPITRE 2. MESURE DE LA TOLERANCE DES COMMUNAUTES PERIPHYTIQUES EXPOSEES EN MILIEU URBAIN
I. COLLECTE DE BIOFILMS EN MILIEU NATUREL ET DESCRIPTEURS CLASSIQUES DE LEUR COMPOSITION
1. Dispositif de collecte in situ
2. Descripteurs de la composition des biofilms
2.1 Estimation de la biomasse totale
2.2 Estimation de la composition élémentaire du biofilm
2.3 Estimation de la biomasse algale
3. Suivi de biofilms prélevés in situ
II. DEVELOPPEMENT METHODOLOGIQUE DU TEST DE TOXICITE AIGUË Β-GLUCOSIDASE SUR LES METAUX
1. Choix du test de toxicité hétérotrophe
2. Protocole de mesure de l’activité β-glucosidase
3. Protocole du test de toxicité β-glucosidase
3.1 Choix du médium pour fabriquer les suspensions de biofilm
3.2 Test de toxicité
4. Tolérance et normalisation par les MES
4.1 Inhibition de l’activité β-glucosidase par les métaux
4.2 Normalisation par les MES pour obtenir une mesure fiable de la tolérance
4.3 Le cas du plomb
5. Paliers d’inhibition
6. Conclusion sur l’utilisation du test β-glucosidase pour évaluer des niveaux de tolérance aux métaux
III. DEVELOPPEMENT DU TEST DE TOXICITE AIGUË Β-GLUCOSIDASE MIS EN ŒUVRE AVEC DES CONTAMINANTS HYDROPHOBES
1. Utilisation des échantillonneurs passifs pour la contamination hydrophobe
2. Protocole des tests de toxicité avec extraits de membranes LDPE et extraits de cartouches SPE
2.1 Support de colonisation des biofilms
2.2 Exposition de LDPE in situ après purification des membranes
2.3 Extraction des contaminants au laboratoire
2.4 Choix du solvant de reprise
2.5 Test de toxicité β-glucosidase avec extraits de membranes LDPE
3. Inhibition de l’activité β-glucosidase par les contaminants hydrophobes
IV. DEVELOPPEMENT METHODOLOGIQUE DU TEST DE TOXICITE AIGUË PHOTOSYNTHETIQUE
1. Mise au point du protocole de mesure de l’activité photosynthétique de biofilms naturels
2. Tests de toxicité
CHAPITRE 3. UTILISATION DE LA TECHNIQUE ARISA : MISE EN EVIDENCE DE CHANGEMENTS DE STRUCTURE DANS LES BIOFILMS
I. UTILISATION DE L’ARISA BACTERIE SUR LES BIOFILMS
1. Mises au point méthodologiques et protocoles
1.1 Cryoconservation des échantillons
1.2 Extraction de l’ADN
1.3 Amplification des intergènes par PCR
1.4 ARISA Bactérie
2. Modifications saisonnières des populations bactériennes de biofilms prélevés à SaintMaurice en 2008
II. DEVELOPPEMENTS METHODOLOGIQUES LIES A L’UTILISATION DE L’ARISA EUCARYOTE SUR LES BIOFILMS
1. Conception d’un couple d’amorces ciblant la région ITS1-5.8S-ITS2 chez les diatomées des biofilms
2. Mises au point méthodologiques et protocoles
3. Clonage et analyse phylogénétique sur un échantillon de biofilm de Saint-Maurice
4. Modifications saisonnières des populations eucaryotes de biofilms prélevés à SaintMaurice en 2008
III. CONCLUSION SUR L’UTILISATION DE L’ARISA SUR BIOFILMS
CONCLUSION

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