Les attitudes du travailleur social

Les attitudes du travailleur social

Choix de la thématique

Lorsque l’on m’a demandé de rédiger un pré-projet pour mon travail de Bachelor, au début de ma deuxième année à la HES-SO, la première thématique qui m’est venue à l’esprit a été celle des émotions. En effet, je me questionnais au sujet de leur rôle dans la pratique des éducateurs. J’étais convaincue que les émotions étaient un outil de travail fondamental et qu’elles pouvaient être une ressource, mais aussi un obstacle pour la pratique. Cette dichotomie m’intéressait, mais, à la suite des différents cours de méthodologie de travail de Bachelor et au fil de mes lectures, j’ai modifié mon thème de recherche. En effet, j’ai compris que la thématique des émotions était trop vaste pour pouvoir la traiter entièrement dans le cadre de mon travail de Bachelor. C’est pourquoi j’ai décidé de cibler mon thème en questionnant le rôle des émotions dans la création, le maintien et la réparation du lien de confiance unissant l’éducateur et le bénéficiaire. Néanmoins, à ce stade, l’idée que je me faisais de mon travail de Bachelor était encore floue et je ne savais pas réellement quels thèmes aborder. C’est suite à ma première rencontre avec ma directrice de travail de Bachelor que j’ai pu préciser encore plus le thème que je souhaitais travailler. En effet, j’ai pris conscience que la relation de confiance se construit dans un travail du quotidien.

Or, un professionnel va quotidiennement adopter certaines attitudes pour créer, maintenir ou reconstruire un lien de confiance, mais aussi pour accompagner les usagers. Parfois, le professionnel utilise un registre émotionnel pour approcher un bénéficiaire, entrer en lien avec lui, etc. Néanmoins, le professionnel doit aussi faire face au bénéficiaire en signifiant fermement quelles sont les limites à ne pas franchir et les règles à respecter. En conclusion, me questionner sur la place des émotions dans la pratique professionnelle, puis sur leur rôle vis-à-vis du lien de confiance établi avec les bénéficiaires m’ont menée à m’intéresser au travail du quotidien. C’est cet intérêt pour ce dernier, cadre de travail fréquent pour l’éducateur social, qui m’a menée à m’intéresser aux attitudes que le professionnel adopte dans sa pratique. C’est pourquoi deux attitudes vraisemblablement opposées, l’attitude normative et l’attitude clinique, seront au coeur de mon travail.

Motivations personnelles et lien avec le travail social

Pour moi, le travail de Bachelor présentait l’opportunité d’approfondir un thème me tenant à coeur. De plus, je trouvais important de pouvoir mettre du sens derrière ce travail en y intégrant les éléments de la pratique qui me passionnent le plus. Il est évident que l’origine de mon choix se situe dans ma pratique professionnelle. En effet, lors de mon stage probatoire, j’ai accompagné au quotidien des enfants et adolescents placés dans un foyer éducatif à cause de difficultés scolaires, sociales, comportementales et/ou familiales. Lors de cette première expérience dans le domaine du travail social, j’ai constaté que j’appréciais énormément travailler avec les adolescents. En effet, les enjeux identitaires, les confusions physiques et relationnelles ainsi que les conflits liés à cette période entre l’enfance et l’âge adulte me passionnent. Être confrontée à ces jeunes a été très enrichissant. J’ai énormément appris au sujet de l’éducation et de l’adolescence, mais aussi sur moi-même. Effectivement, ces adolescents remettaient bien souvent mon autorité, mes valeurs, ma vision du monde, mais aussi le cadre institutionnel en question.

Or, la jeune éducatrice en formation désireuse de bien faire que j’étais se questionnait énormément sur la manière dont elle devait agir. Je me souviens également que, au début de ce stage, j’avais beaucoup de peine à me détacher du cadre de l’institution, mais également de celui du groupe éducatif. Lorsqu’un jeune me faisait une demande qui impliquait une modification du cadre, je me référais immédiatement aux professionnels avec qui je travaillais et, lorsque c’était impossible, je refusais catégoriquement de déroger à la règle et je m’en tenais au cadre. Néanmoins, j’ai pu constater que, s’il est vrai que cette attitude fermée et rigide était dominante chez moi à mon arrivée dans l’institution, celle-ci s’est assouplie au fil du temps.

En effet, lorsque je commençais à mieux connaître le cadre institutionnel, à avoir une meilleure confiance en moi, à nouer une relation plus concrète avec les jeunes et à me sentir plus à ma place dans l’équipe éducative, je modifiais quelque peu ma manière de travailler et m’autorisais une plus grande marge de manoeuvre à l’intérieur du cadre. Je me permettais également, dans certaines situations, d’adapter ou de renégocier certains points du cadre avec les jeunes pour maintenir une relation de confiance ou encore pour atteindre un objectif éducatif. J’ai également compris, en observant mes collègues et en pratiquant que, parfois, en fonction des situations dans lesquelles je me trouvais, mais également des jeunes que j’accompagnais, une attitude était plus mise en avant que l’autre. C’est en suivant les cours de première année à la HES-SO que j’ai découvert que les comportements et attitudes que j’adoptais étaient liés à des attitudes théorisées par Jean- François Gaspar sous le nom de pôles clinique et normatif. C’est également lors de cette première année que j’ai appris que chaque travailleur social se situait par rapport à ces pôles. Ces différentes découvertes m’ont permis de comprendre que, lors de ma pratique, j’avais inconsciemment expérimenté ces deux postures fondamentalement opposées. A présent, je souhaite vérifier les dires de Gaspar en découvrant comment ces pôles se manifestent réellement dans la pratique, mais également quels sont les éléments, dans le parcours professionnel et le parcours de vie, qui mènent à adopter une attitude plutôt qu’une autre.

Les attitudes du travailleur social

Nanchen – axe affectif et axe normatif (2002) Maurice Nanchen est un psychologue et psychothérapeute suisse. Il oeuvre principalement en tant que conseiller en éducation et thérapeute des familles. Il a aussi travaillé à l’office médicopédagogique du Valais. Compte tenu de ce contexte, les recherches de Nanchen sont certainement transposables aux professionnels de l’éducation de Suisse et, plus précisément, du Valais. Dans son ouvrage, Nanchen (2002) affirme l’existence d’une évolution de l’éducation traditionnelle, qui se basait sur un axe défini comme normatif, à l’éducation moderne dont l’objectif est de privilégier un axe affectif. Cette transition est due au développement de l’industrialisation et du courant démocratique et a entraîné des modifications dans l’organisation du couple parental et des familles. Les motivations du faire famille ne sont alors plus les mêmes. En effet, la raison principale du faire famille n’est plus la production de futurs citoyens, mais la famille devient « […] une cellule privilégiée, où échanger de l’affection, venir se réconforter lorsque les coups de la vie publique sont trop rudes, où réparer peut-être les frustrations du passé » (Nanchen, 2002, p.32). Le modèle éducatif traditionnel s’articulait autour de concepts tels que la hiérarchie et le devoir. L’objectif « […] était de faire de l’enfant, dans les meilleurs délais, un adulte en miniature […] » (2002, p.14). Selon Nanchen (2002), il s’agissait alors, pour l’enfant, de prendre pour modèle l’adulte responsable de son éducation et de lui ressembler.

Ce modèle préconisait une certaine asymétrie entre l’enfant et l’adulte et nécessitait la mise en place de rapports de soumission et d’obéissance. Les désirs de l’enfant n’étaient pas au centre et il était impensable que celuici puisse contester la figure d’autorité, celle-ci étant considérée comme une experte détenant le savoir. La figure d’autorité, souvent incarnée par les pères de famille, ne devait laisser paraître aucune faille. Ce modèle éducatif devait être mis en place précocement dans le développement de l’enfant afin que celui-ci puisse l’intégrer. Si l’enfant résistait au modèle, il devait y être contraint par des moyens tels que l’ironie, l’humiliation ou la force. La valorisation et le développement de l’estime de soi n’étaient alors pas des priorités. Il fallait d’ailleurs que l’enfant apprenne à soumettre ses émotions et ses sentiments en réprimant leurs manifestations. En effet, ces éléments étaient apparentés à de la faiblesse. Il en allait de même pour le corps : « L’éducation habituait l’enfant à supporter la frustration et à différer, parfois très longtemps, les satisfactions attendues. Le corps devait être sous le contrôle de la volonté et les possibilités de plaisir qu’il recelait, refoulées » (Nanchen, 2002, p.18).

L’éducation nouvelle tranche avec cette vision traditionnelle. Cette rupture est, entre autres, due à une évolution de la vision de l’enfant. En effet, celui-ci n’est plus vu comme un adulte en miniature. L’enfance est considérée comme « […] un âge en soi qu’il faut vivre pleinement et dans la dignité » (Nanchen, 2002, p.39), mais aussi comme la période de la vie posant les jalons de la personnalité. Il est donc nécessaire de laisser l’enfant « […] s’exprimer librement dans toute sa singularité » (Nanchen, 2002, p.40). Un nouvel élément propre de l’éducation moderne est l’apparition d’une injonction à l’autonomie. On laisse ainsi de côté des éléments tels que la contrainte, la culpabilisation et les ordres. On préfère la discussion et la négociation afin de respecter la dignité de l’enfant et lui permettre d’acquérir une certaine autodiscipline (Nanchen, 2002).

Pôle clinique (Gaspar, 2012) Pour l’auteur, les travailleurs sociaux cliniques ont pour objectif ultime l’accompagnement et la réparation de la souffrance des bénéficiaires. Selon lui, ce travail de réparation implique une relation à trois pôles et rejoint, en ce sens, la vision de Goffman (1968, cité par Gaspar, 2012). En effet, ce dernier précise que, lors d’une action de réparation dans le contexte d’un service personnalisé, la relation est triangulaire. Ainsi, elle implique forcément un objet, le propriétaire de cet objet ainsi que le praticien-réparateur. Goffman (1968, cité par Gaspar, 2012) décrit également que « le monde, la société, se trouve en dehors de cette “relation triangulaire” tout comme l’institution sociale […] dans laquelle se déroule la relation » (Gaspar, 2012, p.51). Gaspar adapte le concept développé par Goffman en précisant que, dans le cadre du pôle clinique, les acteurs de la relation triangulaire sont le patient, sa souffrance et le travailleur social. Il se distancie néanmoins du point de vue de Goffman vis-à-vis des institutions. En effet, il pense que celles-ci constituent un quatrième pôle dans la relation de réparation, car elles sont celles qui permettent la rencontre entre les travailleurs sociaux et les bénéficiaires. « Il existe donc une dépendance de fait par rapport à l’institution […]

Cependant, ces travailleurs sociaux, dans leur économie professionnelle, accordent à ce quatrième pôle peu de considération, tant dans leurs discours que dans leurs pratiques » (Gaspar, 2012, p.52). L’auteur décrit que les travailleurs sociaux cliniques ont conscience de l’existence de ce 4ème pôle. Néanmoins, ceux-ci choisissent de se centrer sur la relation interindividuelle et l’institution retrouve son importance uniquement « […] quand le charme de la relation triangulaire est rompu » (Gaspar, 2012, p.52). Le travail de réparation décrit par Gaspar ne peut débuter que lorsque les professionnels cliniques ont pu identifier la nature de la souffrance vécue par les bénéficiaires. Pour ces professionnels, la distinction entre la souffrance vécue par les bénéficiaires et les demandes que ceux-ci peuvent formuler est capitale. En effet, selon les travailleurs sociaux cliniques, la demande est uniquement « […] un point de départ, un prétexte et le symptôme d’un mal-être, d’une souffrance souvent qualifiée de “profonde” » (Gaspar, 2012, p.34). Il est donc nécessaire de voir au-delà de la demande pour pouvoir identifier les éléments qui font souffrir le bénéficiaire. Ainsi, la communication entre le bénéficiaire et le professionnel prend toute son importance, car : « L’ensemble du travail nécessite un dialogue dans lequel l’usager prend la parole et “dépose sa souffrance” : “l’exposé de la souffrance [devenant de ce fait] partie intégrante de la prise en charge” » (Gaspar, 2012, p.53). Gaspar (2012) souligne que, pour pouvoir recueillir cet « exposé de la souffrance », il est nécessaire qu’un rapport de confiance existe entre le professionnel et la personne bénéficiaire.

La confiance du bénéficiaire est alors « […] envisagée comme une condition technique minimale du travail de réparation qui s’opère durant les entretiens » (Gaspar, 2012, p.52). De plus, cette confiance est considérée « […] comme une contrepartie “naturelle” de leur investissement dans la relation » (Gaspar, 2012, p.102). Cette confiance a aussi une autre fonction. En effet, elle permet aux travailleurs sociaux cliniques d’occulter « […] les rapports de force qui structurent cette relation […] » (Gaspar, 2012, p.102). Le fait de devoir apprendre mutuellement à se connaître, mais également les « […] discours psychologiques, marqués par un « personnalisme ordinaire », focalisés sur la souffrance de l’usager […] » (Gaspar, 2012, p.273) semblent mettre les deux parties sur un pied d’égalité. Or, la volonté d’égalité entre le professionnel et l’usager est fondamentale pour les travailleurs sociaux cliniques. En ce sens, ils feront d’ailleurs en sorte d’éviter tout ce qui peut faire référence à des rapports de domination. Cependant, ce désir d’égalité ne peut échapper à certains paradoxes. Tout d’abord, car « […] cette “volonté” de rapprochement […] est imposée au patient qui ne peut, au risque de désenchanter la relation, se prononcer sur ce rapprochement » (Gaspar, 2012, p.89). De plus, les rapports de force et de domination entre professionnels et bénéficiaires existent également, car « ces travailleuses sociales dépendent de l’investissement des patients dans la relation » (Gaspar, 2012, p.102).

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Choix de la thématique
1.2 Motivations personnelles et lien avec le travail social
1.3 Motivations professionnelles
2 Question de recherche, hypothèses et objectifs
2.1 Question de recherche
2.2 Hypothèses de recherche
2.3 Objectifs
2.3.1 Personnels
2.3.2 Méthodologiques
2.3.3 Professionnels
3 Cadre théorique
3.1 Les attitudes du travailleur social
3.1.1 Nanchen – axe affectif et axe normatif (2002)
3.1.2 Gaspar – pôle clinique et pôle normatif (2012)
3.1.3 Synthèse et enjeux liés aux attitudes professionnelles
3.2 Accompagnement éducatif des adolescents
4 Méthodologie
4.1 Terrain d’enquête
4.2 Public cible
4.3 Echantillon
4.4 Méthode de récolte de données
4.5 Enjeux éthiques
5 Analyse de contenu
5.1 Analyse des entretiens et présentation des résultats
5.1.1 Rapport de force et relation aux bénéficiaires
5.1.2 Focus sur le cadre ou sur la souffrance
5.1.3 La relation aux autres professionnels
5.1.4 Rapport entre sphère privée et sphère professionnelle
5.1.5 Education parentale et éducation professionnelle
5.2 Vérification des hypothèses et réponse à la question de recherche
5.2.1 Hypothèse n°1
5.2.2 Hypothèse n°2
Sasha Grippo Bachelor of Arts in Travail Social
5.2.3 Hypothèse n°3
5.2.4 Hypothèse n°4
5.2.5 Réponse à la question de recherche
6 Pistes d’action, limites de la recherche et bilans
6.1 Piste d’action
6.2 Limites de la recherche
6.3 Bilans personnels, professionnels et méthodologiques
7 Conclusion
8 Références
8.1 Bibliographie
9 Annexes
9.1 Grille d’entretien

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