Les ateliers philo en maternelle (moyenne section) et la decentration

Le boom des discussions philosophiques – débats philos – discussions à visée philosophique – à l’école a fait de nombreux émules et a provoqué beaucoup de réjouissances du côté de ceux qui prêchaient les bienfaits de cette pratique depuis de nombreuses années. Devant leur progressive et apparente démocratisation à de nombreux niveaux de l’enseignement, un regard critique quant aux attributs positifs souvent prêtés à celles-ci me paraissait de mise. A la croisée des chemins entre les « ateliers philo » et le pré-développement de l’empathie, j’ai mené des discussions autour du thème des émotions pendant un mois et demi dans la classe de maternelle (moyenne section) dont je suis le professeur à mi-temps à Paris. Idéalement, c’est un travail sur le long-terme que j’aurais souhaité réaliser : un comparatif entre un groupe témoin et un groupe sujet à ces « discussions » de la moyenne section au cycle 3 ; ce qui se rapproche davantage d’un travail de thèse et qui dépasse largement le cadre de cet écrit réflexif. Malgré cela, il y a amplement matière à décortiquer et analyser les quelques ateliers menés en classe et ce qu’y s’y est joué. A cette fin, chaque « discussion » a été rigoureusement enregistrée (parfois en vidéo, parfois en fichier audio).

MOTIVATIONS – BIAIS 

J’ai décidé de partager ici mes principales motivations afin d’être transparent et de faciliter l’appréciation de l’objectivité dont j’ai tenté de faire preuve, étant donné que celle-ci, dans toute recherche, est toujours au moins conditionnée par le ou les objectifs poursuivis. Pourquoi ai-je cherché à répondre à certaines interrogations au sujet des ateliers philo en maternelle ? Quelles motivations peuvent expliquer ce choix ? Quels biais pourraient influencer ce travail ? La cocasse homonymie entre « biais » et « billet » servira, ici, d’entrée en matière idéale puisqu’on ne saurait décrier une recherche plus aisément qu’en mettant le doigt sur les intérêts qu’elle protège ou sur la provenance de l’argent qui sert à sa production. Assurément, mes motivations ne sont pas financières (quoiqu’on pourrait en débattre étant donné que je suis payé à suivre cette formation en M2 MEEF et que sans l’élaboration de ce mémoire, des conséquences fâcheuses pour ma titularisation, voire mon salaire, pourraient avoir lieu). Disons-le autrement : je ne subis aucune pression par rapport au contenu. Aucun organisme ne subventionne directement la création de cette recherche. Ce qui m’a principalement motivé à conduire un tel travail peut se résumer en trois points :
– D’une part, il y a mon cheminement personnel et professionnel : j’ai été amené à animer des débats/discussions autour de thématiques sensibles (les rapports garçons/filles, la violence, le handicap, etc) dans des quartiers qui l’étaient tout autant (Nanterre, Bobigny, Vitry, etc) avec des enfants de primaires durant l’année 2013. Cette expérience m’a énormément rapproché de cette pratique qui m’a paru, dès lors, comme un moyen privilégié afin d’éveiller les enfants à des problématiques liées au vivre-ensemble et qui dépassent parfois/souvent le cadre scolaire. C’est avec l’antenne parisienne de l’association qui s’appelle désormais Pl4y intl. (et qui s’appelait à l’époque « Sport Sans Frontières ») que celle-ci a eu lieu.
– Puis il y a eu le visionnage de deux films documentaires qui m’ont poussé à considérer que des débats « philosophiques » pouvaient avoir des conséquences extrêmement positives sur l’esprit de jeunes enfants. D’abord, « Ce n’est qu’un début» paru en  2011 où l’on suit l’évolution d’une classe de grande section de maternelle (aux abords de Paris) pratiquant des discussions toute une année durant. Puis, « Le nom des choses », paru en 2011 également, dans lequel une enseignante anime des ateliers philosophiques avec des élèves bruxellois de 4 à 11 ans de manière à interroger les implications et l’influence du langage dans notre manière de concevoir le monde et nos pensées. Ces deux films et quelques lectures ayant aiguisées ma curiosité pour le sujet traité, j’ai voulu l’éprouver.
– Enfin, une fois l’engouement – suscité par ces films – évaporé, de nombreux doutes ont émergé en moi ; notamment concernant l’utilité d’organiser de tels ateliers avec des enfants d’un âge trop jeune (en maternelle). Les enfants de maternelle sont-ils assez mûres pour tirer tous les bénéfices généralement associés à la pratique régulière de discussion philosophique ? Leur faible concentration, leur égocentrisme, leur mince capacité d’écoute, leur naissante capacité d’abstraction, leur faible niveau de langage sont autant d’obstacles qui m’apparaissaient réduire à néant ou à pas grand-chose l’intérêt pédagogique de ceux-ci. Ce sont les doutes que je viens d’émettre qui constituent la pierre angulaire de ce mémoire.

LA CLASSE DONT J’AVAIS LA RESPONSABILITE A MI-TEMPS : 

– 28 élèves
– Une dizaine d’origine différente (France, Afrique noire, Maghreb, Asie, Portugal, Russie, Philippines…)
– Des niveaux sociaux variés (Certains peinent à payer les spectacles, d’autres se montrent généreux dans la coopérative)
– Deux enfants allophones
– Deux enfants qui voient un psychologue régulièrement
– Les enfants n’ont pas fait d’ « ateliers philo » en petite section et aucun autre professeur de l’école dans laquelle je suis ne s’y adonne.

LE PROFESSEUR (C’EST-A-DIRE MOI-MÊME) 

C’était donc ma première année en tant que professeur à l’Education Nationale, fonction que j’ai intégré sans passer par une licence en sciences de l’éducation ou le M1 MEEF : étant déjà titulaire d’un Master en sociologie, j’ai directement été propulsé en Master 2 MEEF après l’obtention du CRPE 2015 de l’académie de Paris. N’ayant que très peu travaillé avec des maternelles auparavant, je n’avais donc qu’une très faible connaissance pratique de ceux-ci avant le début de l’année. Celle ci est passée de « très faible » à « faible ». Je n’ai pas reçu de formation pour mener des débats philosophiques à proprement parler mais je suis fortement documenté à ce sujet. Et j’ai l’expérience que j’ai relatée dans mes motivations (page précédente) ainsi que celle dont je fais part dans la partie suivante de cette page. Malgré tout, on peut, sans doute, dire que mon expérience dans l’animation de discussion philosophique est « faible » également.

L’ESPE (L’ECOLE SUPERIEUR DU PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION QUI VEILLE A MA FORMATION)

Une difficulté rencontrée lors de la production de ce mémoire a été de trouver du temps dans une année scolaire et professionnelle assez chargée. Malgré cela, certains cours ont directement servi à une mise en place réfléchie des ateliers discussions dont je traite dans ce mémoire: les nombreux cours dispensés autour du thème du langage et de son acquisition et le cursus optionnel (que j’ai suivi au second semestre) nommé « Organiser et animer un débat réglé dans la classe ou bien l’établissement » dirigé par Anne-Claire HUSSER – qui est par ailleurs la directrice de ce mémoire. De plus, deux de mes maitres formateurs ont évalué les ateliers discussion que j’ai mis en place et m’ont aidé à améliorer ma posture d’enseignant, clarifier mes objectifs et affiner ma méthode.

De quoi parle-t-on ?

Définitions

Comment ça « philosophique » ?
Il est question de « philosophie » dans ce mémoire, mais qu’entend-on réellement par le(s) terme(s) « philosophie/philosophique » ? Qu’y a-t-il derrière cette étiquette ? N’est-ce pas un terme vaste et vague notamment empreint du souvenir de la classe de terminale pour la grande majorité des professeurs et pédagogues ? Les pratiquants de ces ateliers sont-ils tous d’accords au sujet de la définition de ce terme ? Une première définition est proposée par Pouyau qui pose la philosophie comme le développement de la pensée réflexive, c’est-à-dire le développement de l’esprit critique au travers l’expression de pensées personnelles (2012 : p5). Le qualificatif « réflexive » (suivant le terme « pensée ») revient abondamment chez les théoriciens de ce mouvement, comme si une activité cérébrale particulière était spécifiquement stimulée lors de ces discussions philosophiques : celle d’une pensée qui se regarderait dans le miroir pour s’auto-analyser. Puis, l’idée que ce miroir puisse être un groupe est suggérée par Marie-France Daniel qui pointe pour cause l’influence de Socrate :

Qu’est-ce que la philosophie : une activité solitaire ? Une discipline académique ? Une praxis de groupe ? A l’époque des pré-socratiques, la philosophie était un processus réflexif qui portait sur soi et sur le monde. Puis avec la contribution de Socrate, l’esprit humain a appris à analyser de façon méthodique des thèmes universels comme la justice, le bonheur, l’amitié… Grâce à la maïeutique socratique, la philosophie est devenue une occasion pour les jeunes de se questionner et de réfléchir avec l’autre. (Daniel, 2010 : p13) .

Aucune référence pour l’instant à ce qui constituait l’essentiel de la philosophie en classe de terminale c’est-à-dire l’étude de grands textes écrits par des grands penseurs qu’il fallait tenter de déchiffrer. Et c’est précisément sur ce point qu’un distinguo crucial est opéré par tous les défenseurs de la philosophie avec les enfants: en classe, « Il s’agit plutôt d’apprendre à philosopher que d’apprendre la philosophie » (Lalanne, 2002 : p17). Il n’est pas question d’aborder la philosophie comme discipline, mais plutôt « comme méthode, comme démarche, comme pédagogie » qui permettrait ainsi de « développer les compétences de chacun pour questionner, comparer, conceptualiser » (UNESCO, 2007 : p9). C’est en ce sens que l’UNESCO titre son ouvrage de 2007 « le philosopher » plutôt que « la philosophie ». Par « le philosopher » est sous-entendu l’action « d’éprouver sa pensée dans les approximations, les préjugés, les ambigüités du langage de tous les jours » (Lalanne, 2002 : p16) ou encore « l’effort de tenter d’organiser sa pensée pour la clarifier » (Pettier – Dogliani – Duflocq, 2010 : p14). C’est la « mise en route d’une gymnastique intellectuelle, construite sur le doute et l’analyse, […] et qui s’apprend » (Tharrault, 2007 : p173). Philosopher s’apparente donc à une action, à un mouvement analytique de ses pensées avec/et de celles des autres ; mouvement qui en modifierait la substance. Ce qui rejoint l’idée de Georges Canguilhem : « la philosophie n’est pas un temple, mais un chantier » (cité par Lalanne, 2002 : p3) : la philosophie est la perpétuelle reconstruction de la pensée, par l’action de la pensée elle-même. Finalement, L’UNESCO en donne une définition qui semble convenir à tous : « philosopher, c’est raisonner de manière critique, c’est juger avec raison et non exprimer de simples opinions » (UNESCO, 2007 : p9). Lalanne précise dans un même temps : « on peut avoir appris des doctrines philosophiques sans avoir philosophé une minute ! » (2002 : p17). Pour qu’elle soit philosophique, une pensée doit donc être raisonnable, propre et critique. « Il s’agira pour l’enfant de rechercher les raisons pour lesquelles il peut tenir ses représentations pour véritables et les exposer. Quel sera le critère de ses raisons ? » comme le dit Lalanne (2002 : p35).

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Table des matières

INTRODUCTION
MOTIVATIONS
CONTEXTE
CADRE THÉORIQUE
I. De quoi parle-t-on ?
A) Définitons
B) Historique
C) Référents
II. Implications et controverses
A) Les principales réticences
B) Un autre rapport au savoir
C) En réponse à une besoin de penser ?
III. Mise en place : comment et pourquoi ?
A) Descriptif d’un atelier philosophique basique
B) Les objectifs d’apprentissage poursuivis
C) Effets généralement constatés
MÉTHODOLOGIE
I. Organisation des ateliers
II. La décentration
III. Modalités d’évaluation
RÉSULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES
BILIOGRAPHIE

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