Les approches linguistiques relatives au sens du nom propre

Les approches linguistiques relatives au sens du nom propre

Dans la vie de l’Homme, l’acte de dénomination est un besoin. Nommer les êtres, les choses, les lieux, etc. constitue un moyen de les désigner, de les mémoriser et de les distinguer, mais avant tout et plus loin encore, de les faire exister, car « sans le langage, sans les noms, l’univers semblerait voué à l’inexistence » . C’est en cela que réside alors toute l’importance du nom, une importance directement palpable par le fait de la fréquencemême des noms propres dans notre usage de tous les jours.

Mais malgré cela, cette partie du lexique que constitue le nom propre s’est trouvée longtemps mise à l’écart des descriptions linguistiques, de par son statut généralement qualifié de problématique particulièrement sur le plan sémantique, qui divise les linguistes en deux principaux clans : l’un considérant le nom propre comme simple forme phonique, associée à un référent particulier. Donc remplissant une fonction purement désignative, le vidant de sens, et allant jusqu’à l’exclure du lexique ; tel que le soutiennent Lehman et Martin-Berthet, qui affirment que les noms propres « ne sont pas des mots de la langue, parce qu’ils n’ont pas de sens, mais seulement un référent » . L’autre allant dans le sens inverse, affirmant que les noms propres forment la catégorie nominale la plus chargée de sens, tel que l’explique Bréal : « si l’on classait les noms d’après la quantité d’idées qu’ils éveillent, les noms propres devraient être en tête, car ils sont les plus significatifs de tous».

Ce n’est qu’avec la naissance de l’onomastique, au 19e siècle, que le nom propre retrouve sa place dans le large champ des études linguistiques. Cette « science du nom propre » se charge de tous les aspects que ce denier présente. Elle se donne la tâche de le décrire et même de l’expliquer, de creuser dans son histoire, de déterrer ses racine, de retracer son étymologie. Ses deux branches principales sont l’anthroponymie « du grec antropos « homme » et onoma « nom » » , qui s’intéresse à l’étude des noms des êtres humains,quel que soit leur type, à savoir noms de familles, prénoms, sobriquets, hypocoristiques, etc. ; et la toponymie « du grec topos « lieu » et onoma « nom » » , qui étudie les noms de lieux, qu’ils soient des noms de villes, de villages, de rues, de montagnes, de cours d’eau, etc.

Méthodologie

Notre corpus sera soumis à une analyse descriptive sur les deux plans de la forme et du sens des prénoms qui le composent. Ainsi, notre travail sera automatiquement scindé en deux chapitres : un premier chapitre d’analyse morphologique et un deuxième chapitre d’analyse sémantique.

Dans le cadre de l’analyse morphologique, nous chercherons à démontrer toutes les caractéristiques formelles des noms de notre corpus. Ainsi, nous tâcherons de les classer selon leur type de formation, de façon à distinguer les noms simples des noms composés. Nous distinguerons aussi entre les formes masculines et les formes féminines. Nous ne manquerons pas également de signaler l’origine linguistique de chacun des noms du corpus. Comme nous tenterons d’établir notre analyse selon un certain classement en groupes morphologiques, groupes de noms à racine commune, par exemple. Ceci entrant dans le cadre de l’application de ce que Cheriguen appelle la « méthode de la racine », utilisée dans le cadre des études de familles linguistiques particulières telles que les langues chamito-sémitiques décrites comme « langues à racines apparentes ».

Le Printemps Noir, genèse et chronologie 

En l’an 2001, Sidi-Aïch, comme toutes les autres régions de la Kabylie, vivait dans une ambiance particulière sur le plan sociopolitique, marquée par les évènements du Printemps Noir. A deux jours de la commémoration du 21ème anniversaire du Printemps Berbère 1980, un jeune lycéen de Beni Douala, Guermah Massinissa, meurt dans le siège de la gendarmerie de sa région. A la propagation de la nouvelle, toutes les localités kabyles, l’une après l’autre, s’insurgent. En effet, la mort de ce lycéen a été vécue par la population kabyle comme « un réel sentiment d’injustice collective » , ce qui a mené les jeunes à sortir dans les rues, manifester leur colère par le biais de la violence, notamment contre les services de la Sureté Nationale, principalement la gendarmerie. Aït-Kaki explique cette attitude des jeunes Kabyles par le fait que « dans ce pays frondeur, réputé pour s’être opposé à tous les pouvoirs qui se sont succédé en Afrique du Nord, les gendarmes et les militaires, souvent d’origine arabe, sont perçus comme des occupants».

L’incident du 18 avril entraine ainsi une série interminable de violentes émeutes sur tout le territoire kabyle. Les diverses actions menées par les jeunes ont été accueillies par une « répression aveugle »  de la part des forces de l’ordre, qui ont mobilisé tout leur armement de guerre contre des jeunes « armés de cailloux et de cocktails Molotov » .

Analyse morphologique

Toute étude onomastique exige le passage par une première étape de description morphologique. Ainsi, dans ce premier chapitre, nous soumettrons notre corpus à un examen morphologique dans lequel nous analyserons minutieusement chacun des prénoms qui le constituent afin de dévoiler ses spécificités formelles. Celles-ci nous permettrons, nonseulement, de le classer dans une catégorie morphologique particulière, selon le fait qu’il soit simple, composé, hybride, masculin ou féminin, mais encore, de prouver son origine linguistique et même de révéler sa signification ; les deux parties étant fatalement liées comme le signale Chibout : « l’identification de l’origine linguistique d’un nom propre inconnu est conditionnée par plusieurs facteurs : d’une part, la structure morphologique du nom fournit des indices fiables quant à son origine ; d’autre part, le contexte d’apparition du nom permet généralement de résoudre les ambiguïtés que la seule analyse morphologique n’a pu éliminer » .

Il ne s’agira donc pas seulement d’un décorticage formel insignifiant, mais plutôt d’une inspection que nous espérons complète, allant du découpage des prénoms en question sur le plan de la forme, en vue d’en dégager les composantes (s’il y a lieu), la racine/ radicale, selon le domaine linguistique (chamito-sémitique ou indo-européen).Ces derniers seront en mesure de nous renseigner sur le sens et l’étymologie de chaque prénom, dont nous tâcherons de souligner toutes les possibilités d’interprétation proposées par les chercheurs spécialistes ou par notre humble réflexion .

Analyse sémantique

Après avoir consacré le précédent chapitre à l’analyse morphologique de notre corpus, nous toucherons dans le présent chapitre à un autre type d’analyse, qui concerne la dimension sémantique des prénoms objet de notre recherche. Comme nous l’avons signalé précédemment, les données recueillies et les résultats auxquels nous avons aboutis dans le chapitre antérieur nous seront d’une grande utilité dans celui-ci ; étant donné que l’étude des unités du corpus sur le plan morphologique s’est basée sur l’extraction des éléments lexicaux et grammaticaux les constituant, principalement les racines, et que cette opération nécessite un passage obligatoire par des indications relatives à l’étymologie et au sens. Nous avons alors pu, d’une manière ou d’une autre, parvenir à une certaine interprétation sémantique de la plupart des prénoms de notre corpus, excepté ceux datant de périodes très lointaines et qui, avec l’évolution des langues et l’écoulement du temps, ont perdu le lien avec leur sens initial ; point sur lequel nous allons revenir danscertains prénoms relatifs aux noms des personnages historiques (guerriers, rois et reines) berbères.

Les approches linguistiques relatives au sens du nom propre : 

Le nom propre vide de sens :
L’un des critères définitoires de base du nom propre en grammaire normative est la thèse selon laquelle ce dernier ne véhicule aucun sens et ne renvoie à aucun concept, mais se limite plutôt à une simple désignation d’un référent unique. Et que le lien unissant signifiant et référent dans ce cas est régi par une convention. Grevise et Goosse affirment à ce propos que « le nom propre n’a pas de signification véritable, de définition ; il se rattache à ce qu’il désigne par un lien qui n’est pas sémantique, mais par une convention qui lui est particulière ». Cette asémanticité du nom propre est alors l’une des caractéristiques principales le différenciant du nom commun qui, lui, a une définition précise, se rattache à un concept précis et noue des relations sémantiques de différents ordres avec les autres unités lexicales (synonymie, homonymie, antonymie, polysémie, etc.), ce qui n’est pas le cas du nom propre.

Le prédicat de dénomination :
Kleiber propose en 1981 une théorie allant dans un autre sens, admettant que le nom propre n’est pas doté de sens lexical, descriptif, mais affirmant qu’il n’est pas pour autant vide de sens, car il est doté d’un « sens spécifique, lié aux capacités de nomination individualisante particulières » . Selon ce principe de Kleiber, le sens du nom propre correspond à « l’abréviation du prédicat de dénomination être appelé /N/ » .Ainsi, le sens du prénom Massinissa est « le x appelé Massinissa ». La signification du nom propre se limite ainsi au seul fait de donner un nom, de dénommer une personne et non pas de la décrire .

Le contenu du nom propre :
En 1994, Gary-Prieur propose une autre approche de la sémantique du nom propre, dans laquelle elle distingue entre deux concepts qui sont « sens » et « contenu ». Dans son approche, Gary-Prieur adopte la théorie du prédicat de dénomination de Kleiber en envisageant la faculté dénominative du nom propre comme sens de ce dernier. Le sens étant une notion qu’elle distingue de celle du contenu qu’elle considère comme étant « un ensemble de propriétés du référent initial qui interviennent dans l’interprétation de certains énoncés contenant ce nom » .

Typologie référentielle :
Parallèlement au classement sémantique établi, nous tentons de dégager une typologie référentielle plus générale, permettant de mettre en évidence les prénoms du corpus ayant une origine référentielle autre qu’anthroponymique. Ce classement est une illustration sur corpus réel de l’instabilité référentielle du nom propre. Cette caractéristique lui permettant de passer d’une catégorie à une autre selon le type de l’usage que l’on fait. Ainsi, dans notre corpus, nous avons relevé des noms de plantes, d’astres, de villes, d’animaux, etc., que l’on emploie comme des prénoms, des anthroponymes.

Classement des prénoms selon leur fréquence :
Lors de la collecte du corpus, nous avons remarqué un nombre très important de redites. En fait, plusieurs prénoms s’y trouvent répétés deux ou plus de deux fois, ces répétitions sont plus ou moins flagrantes. Nous avons alors estimé que cette redondance ne devait pas être fortuite, car nous pensons que le fait qu’une communauté insiste sur l’emploi d’un prénom particulier, féminin ou masculin, devait véhiculer une signification quelconque. Ainsi, nous établissons dans ce qui suit un classement des prénoms selon leur fréquence dans le corpus intégral, séparément entre ceux de la gente masculine et ceux de la gente féminine, afin de déterminer les thématiques privilégiées pour chaque sexe.

L’analyse de notre corpus sur le plan sémantique a révélé l’appartenance des prénoms le constituant à un nombre dehuit catégories ou classes thématiques différentes, dont celle des prénoms connotant les qualités morales de l’Homme qui se trouve en tête du classement établi. Certaines de ces thématiques sont plus diversifiées que les autres, du fait qu’elles s’ouvrent sur des thèmes plus spécifiques au sein de la thématique générique. C’est le cas des catégories des prénoms à caractère religieux, des prénoms dénotant des qualités morales, des qualités physiques et prénoms de superstition.

Conclusion 

Dans cet immense univers terrestre que partagent des milliards d’êtres humains, hormis l’existence physique et le fonctionnement biologique, l’Homme a besoin d’identité, d’individualité. Afin de satisfaire ce besoin, ce dernier a fait usage de sa faculté langagière pour se créer des noms. Cet outil linguistique qui, comme toute autre unité lexicale, est basé sur des combinaisons de phonèmes et la production de sons, joue un rôle bien plus décisif dans la vie de l’être, car il est en quelque sorte l’abréviation de toute son existence, la marque de son identité et l’assurance de son individualité. Leroy souligne cet état de fait en affirmant que : « La nomination par le nom propre assure une catégorisation particulière, celle de l’individualité, par laquelle un élément du réel se voit reconnu comme individu singulier. Ceci est en soi signifiant : lorsque l’on veut nier l’individu, on le prive de son nom » . Le nom propre offre à son porteur certaines marques le différenciant de ses homologues. En fait, de par sa forme, son origine linguistique et sa charge sémantique, le nom peut offrir divers renseignements sur la personne le portant, car il ne peut se détacher de son environnement d’origine. La dynamique de ce dernier influe sur l’acte de dénomination d’une manière ou d’une autre. Et c’est en ce point-là-même que réside le centre d’intérêt de ce modeste travail.

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Table des matières

Introduction
Présentation du sujet
Motivation et objectifs
Problématique
Hypothèses
Présentation du corpus
Méthodologie
Présentation de la commune de Sidi-Aïch
Le Printemps Noir, genèse et chronologie
Chapitre I: Analyse morphologique
Analyse des prénoms composés
I.1. Les composés à base de « Abd »
I.2. Les composés à base de « Ben »
I.3. Les composés à base de « Bou »
I.4. Les composés à base de « Oum »
I.5. Les composés à base de « Ould »
I.6. Les composés de deux prénoms
I.7. Les composés de deux noms communs
I.8. Les composés d’un article + prénom
I.9. Les constructions syntagmatiques et phrastiques
II. Bilan et statistique de la catégorie des prénoms composés
II.1. Classement des prénoms selon leurs types de composition
II.2. Classement des prénoms composés selon leur origine linguistique
II.3. Classement des prénoms composés selon leur genre
III. Analyse des prénoms simples
III.1. Les prénoms masculins
III.2. Les prénoms féminins
IV. Bilan et statistiques de la catégorie des prénoms simples
IV.1. Classement des prénoms simples selon leur genre
IV.2. Classement des prénoms simples selon leur origine linguistique
IV.3. Classement des prénoms simples par racines
V. Bilan général et statistiques de l’analyse morphologique
V.1. Classement des prénoms selon leur forme
V.2. Classement des prénoms selon leur genre
V.3. Classement linguistique des prénoms
Chapitre II: Analyse sémantique
I. Les approches linguistiques relatives au sens du nom propre
I.1 Le nom propre vide de sens
I.2 Le prédicat de dénomination
I.3 Le contenu du nom propre
II. Classement sémantique des prénoms
Les prénoms à caractère religieux
Les qualités morales
Les qualités physiques
Prénoms de superstition
Prénoms à aspect temporel
Prénoms à caractère ethnique
Prénom à origine toponymique
Prénoms relatifs aux personnages historiques berbères
III. Bilan et statistiques de l’analyse sémantique
III.1. Classement des prénoms selon leurs thématiques
III.2. Typologie référentielle
III.3. Classement des prénoms selon leur fréquence
Conclusion

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