Les Alliances françaises en Chine à l’heure d’un fonctionnement d’entreprise dans une logique de réseau

L’actuel Ministre des Affaires Etrangères et du Développement International, Monsieur Laurent Fabius, introduisait par ces mots le dernier colloque international de la Fondation Alliance française en janvier dernier : « L’Alliance française, c’est, pour beaucoup de personnes dans le monde, l’un des visages de la France – parfois même le visage de la France. [On ressent souvent] un attachement profond pour notre pays [et les] deux missions essentielles qu’assume l’Alliance française sur tous les continents : faire résonner notre langue et faire rayonner notre culture.» .

Lors de ce même colloque, Monsieur Jérôme Clément, actuel président de la Fondation Alliance française , avait quant à lui cette formule : « L’Alliance est à la fois une vieille dame et une jeune fille, puisqu’elle a été créée sous la forme d’une fondation en 2007 » mais existe depuis 1883.

Vieille dame discrète et souvent méconnue, en tout cas en France, elle était pourtant sur les ondes le 1er février 2015, par la voix de son président, dans le cadre de l’émission Soft Power de France Culture sur la politique culturelle de la France, qui questionnait notamment la double composition du réseau culturel français constitué, pour des raisons historiques, à la fois d’Alliances françaises et d’Instituts français , aux missions proches mais aux fonctionnements lointains. A la rhétorique d’écoles « d’excellence » et de référence que l’on peut lire sur de nombreux sites d’Alliances françaises ou de Délégations générales nationales , cette émission renvoyait à des représentations d’institution « vieillissante, usée, ayant besoin d’un nouveau souffle ».

Contexte international, européen et national

Les instances intervenant au niveau de la francophonie ou de la diffusion du français étant nombreuses, je me limiterai à présenter celles que j’ai estimé pertinentes dans le cadre de cette recherche, à savoir le Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International – désormais MAEDI –, les Instituts français – désormais IF –, la Fondation Alliance française et les AF. Je développerai ensuite quelques brefs éléments de politique linguistique impliquant ces institutions.

Acteurs publics en matière de diffusion du français

Au sein du MAEDI, la Direction Générale de la mondialisation, du développement et des partenariats définit et met en œuvre la politique dans divers domaines sociétaux. Elle est ainsi en charge de développer l’action culturelle et artistique extérieure, ainsi que l’enseignement du français à l’étranger , notamment via la mission de la langue française et de l’éducation (DCUR/LFE) . L’IF est l’opérateur de son action culturelle : l’Etat exerce ainsi sur ce dernier un contrôle direct, que ce soit au niveau stratégique ou financier. Il a été créé le 27 juillet 2010 en remplacement de Culturesfrance, initialement chargé d’actions en matière d’échanges artistiques. Il s’est vu déléguer de nouvelles missions, notamment celle de la promotion de la langue française à travers le département « Langue française, livre et savoirs ». L’IF, comme nous l’indique la lecture du site Internet du MAEDI , agit « de concert et en soutien aux deux acteurs de l’action culturelle extérieure » que sont « l’IF » d’une part – ou plutôt les Instituts français hors de France ; la terminologie utilisée restant floue sur les sites mentionnés -, et « l’AF », institution privée, d’autre part, sur laquelle je m’attarderai plus longuement dans la suite de ce chapitre.

Références et perspectives pour les acteurs de la diffusion du français

Ma recherche ne se prête pas à un récit détaillé en termes de politique linguistique française. Afin cependant de la situer dans un contexte d’actualités, je développerai dans cette sous-partie des éléments tels que le programme présidentiel de 2012 ou le cadre de référence de toute institution enseignant le français langue étrangère, sans omettre certains développements quant au contexte chinois depuis 2012. Comme le rappelle Louis-Jean Calvet dans un article paru dans le Huffington Post en mars 2012 , deux engagements du candidat à la présidence François Hollande faisaient référence aux langues : l’engagement 56 sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et l’engagement 58 relatif à la relance de la francophonie. Ces engagements ont donné lieu à la rédaction de rapports, dont celui de Jacques Attali, remis en août 2014, intitulé « La Francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable ». Sans se faire apparemment d’illusion sur l’impact de ce dernier , qui met en parallèle, sur du moyen terme, les conséquences possibles d’un comportement proactif face à un immobilisme, J. Attali porte un projet global de cinquante-trois propositions, au sein desquelles les institutions du réseau culturel auraient un rôle à jouer, que ce soit en matière :

– de développement de « l’offre d’apprentissage du français professionnel » (proposition 7) ;
– ou de développement de leur mission [celles des AF et des IF], en en faisant « les ambassadeurs du tourisme en France » (proposition 22).

S’il y a donc des nouveautés dans les missions pédagogiques des AF, la pédagogie au sein des institutions du réseau culturel repose elle, depuis une quinzaine d’années, sur un document fondateur : le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) : apprendre, enseigner, évaluer, paru en 2001. Son impact a été particulièrement marquant en Chine depuis cinq ans, dans un contexte de très forte évolution des pratiques pédagogiques, communicationnelles, organisationnelles… et dans le cadre de la mise en place des diplômes du DELF DALF.

Ce contexte global posé, développons maintenant plus longuement le « système » AF.

De l’Alliance française à la Fondation Alliance française 

Historique, philosophie et valeurs

Créée en 1883 autour d’un futur ambassadeur et d’un géographe, l’Alliance française réunit dès son origine des hommes de tous horizons, confessions ou professions, ayant pour objectif de rendre à la France son prestige international après la défaite de Sedan, en créant une « association nationale de propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger ». « Affichant des prétentions civilisatrices qui font peut-être sourire aujourd’hui » , sa création s’insère dans un mouvement de progrès par l’instruction caractéristique de la fin du XIXème siècle.

C’est dès lors la naissance d’une action organisée, à vocation mondiale – prémices à que l’on nommera ultérieurement la politique culturelle extérieure – et portée, fait surprenant dans un Etat centralisé comme la France, par une organisation non seulement non étatique mais étrangère puisque reposant sur des associations de droit local, animées par des nationaux « amoureux » de la langue et de la culture françaises. Ainsi l’Alliance française sera-t-elle chinoise en Chine, américaine aux Etats-Unis ou mexicaine au Mexique, l’Alliance de Paris n’ayant qu’un rôle moral, de garantie de cohérence et de continuité, et un droit de regard dans le recrutement du personnel d’encadrement, rapidement mis en place par l’Etat français en soutien à ces nouvelles associations locales.

Le nombre de créations, fin XIXème, est fulgurant. L’Alliance invente alors ce qui constituera de nombreux fondements de la politique culturelle extérieure : elle met en place des cours de langues, organise des tournées de conférences, met en place des actions de soutien au livre et des journaux, crée des bourses pour étudiants étrangers. Des années 30 à la Libération, elle se trouve cependant confrontée à de nombreuses difficultés humaines, matérielles, financières et politiques, et l’idée de la mise en place d’un réseau culturel uniquement étatique se fait de plus en plus saillante. Toutefois, sous la direction de nouveaux comité et conseil d’administration, et bénéficiant d’une conjoncture économique favorable ainsi que du rayonnement émanant de grandes figures intellectuelles, l’activité redémarre pendant les « Trente Glorieuses » : une politique du livre et de nouvelles méthodes d’enseignement sont ainsi mises en place.

Si les années 1980 sont marquées par un soutien renforcé du Ministère des Affaires Etrangères, via l’envoi en détachement de nombreux fonctionnaires, souvent de jeunes professeurs, afin d’assumer les fonctions de directeurs, les années 90, dans un contexte économique en récession, marquent, elles, une phase de diminution des moyens alloués, qu’ils soient financiers sous forme de subventions, ou humains sous forme de mise à disposition de personnels expatriés. Cette situation perdure actuellement.

Face à ces évolutions historiques, certains éléments demeurent cependant immuables : la philosophie et les valeurs de l’Alliance française / Fondation Alliance française. Dès l’origine, elle se veut apolitique, et évoluant hors de toute considération religieuse ou idéologique. Son but de soutien à la diffusion de la culture et de la langue française cherche à dépasser tous les clivages. Ce positionnement reste aujourd’hui identique, comme le rappelle son site Internet14 qui indique que « chaque Alliance est gérée localement en tant qu’organisation indépendante à but non lucratif, dans un environnement étranger à toute préoccupation politique ou religieuse. » .

Fonctionnement du réseau et vision actuelle de la Fondation AF 

Réseau ne fonctionnant pas de façon hiérarchique mais « système neuronal, […] ensemble en interaction continue, chaque élément restant autonome et indépendant, à condition de s’inscrire dans le cadre de la Charte Fondation Alliance française » , la contrainte hiérarchique s’y veut faible et le statut d’égalité fort entre les AF. Toutefois, comme le rappelle Jean-Claude Jacq dans ce même article, et que je reprends très largement, si « les missions historiques de l’Alliance, enseignement du français, échanges culturels, offre documentaire, constituent toujours le « noyau dur » de ses activités, [ces dernières doivent désormais prendre] en compte quelques réalités contemporaines, la modernisation de l’économie et du marché de l’emploi, qui demande des travailleurs de plus en plus qualifiés […] ».

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Table des matières

INTRODUCTION
MON TERRAIN DE RECHERCHE : LES ALLIANCES FRANÇAISES
MA POSITION EN TANT QUE PROFESSIONNELLE ET CHERCHEUSE
PROBLÉMATIQUE ET ARGUMENTS DE LA RECHERCHE
MISE EN PLACE DE LA RECHERCHE ET LIMITES
PLAN DU MÉMOIRE
1. CONTEXTE
1.1. Contexte international, européen et national
1.1.1. Acteurs publics en matière de diffusion du français
1.1.2. Références et perspectives pour les acteurs de la diffusion du français
1.2. De l’Alliance française à la Fondation Alliance française
1.2.1. Historique, philosophie et valeurs
1.2.2. Fonctionnement du réseau et vision actuelle de la Fondation AF
1.3. Les Délégations générales et les Délégués généraux des AF
1.3.1. Des Délégations générales
1.3.2. Des Délégués Généraux
1.4. D’une AF en général aux AF en Chine en particulier
1.4.1. Statut, rôle et structuration générale des AF
1.4.2. Spécificités des AF en Chine
2. UN CADRE THEORIQUE SOCIOLOGIQUE ET JURIDIQUE
2.1. Associations et entreprises : entre différences et rapprochements, des limites parfois ténues
2.1.1. Les associations
2.1.1.1. Principes fondamentaux de l’association
2.1.1.2. De quelques considérations juridiques de fonctionnement
2.1.1.3. De la gestion, comme l’une des problématiques actuelles des associations
2.1.2. Les entreprises
2.1.2.1. Éléments clefs d’une organisation entrepreneuriale
2.1.2.2. De la constitution d’une base de concepts explicatifs des « fonctionnements d’entreprise »
2.1.2.3. De la gestion comme l’une des problématiques actuelles de l’entreprise
2.2. La question de la coordination et de la coordination d’équipes
2.2.1. La notion de réseau
2.2.1.1. Définition générale et déclinaison fonctionnelle
2.2.1.2. Définition et éléments constitutifs du réseau intégré
2.2.1.3. Des modalités de fonctionnement d’un réseau intégré
2.2.1.4. La question de l’animation / la coordination d’un réseau (réseau intégré)
2.2.1.5. Eléments complémentaires autour de la notion de réseau
2.2.2. La coordination pédagogique
2.2.2.1. Eléments de cadrage de la législation française
2.2.2.2. Une multiplicité de dénominations et d’activités
2.2.2.3. Les compétences en coordination pédagogique
2.2.2.4. L’animation d’équipes multiculturelles
3- EXAMEN DE LA SITUATION DU RESEAU AF CHINE A LA LUMIERE DU CADRE THEORIQUE
3.1. La construction du réseau des AF en Chine
3.1.1. Positionnement et démarche de la Délégation Générale
3.1.1.1. Positionnement
3.1.1.2. Démarche de la Délégation Générale
3.1.2. Réalisations effectives
3.1.3. Réalisations du réseau AF Chine et poste de RP
3.2. Mise en place d’un fonctionnement issu des méthodes de l’entreprise
3.2.1. Positionnement et démarche de la Délégation Générale
3.2.1.1. Positionnement du Délégué Général
3.2.1.2. Démarche de la Délégation Générale
3.2.2. Réalisations effectives, en cours et implications sur le poste de RP
3.3. Rôle et mission des responsables pédagogiques dans le réseau des AF en Chine
3.3.1. La fiche de poste réseau
3.3.2. Le référentiel de compétences
3.3.3. Le vadémécum du RP
3.3.4. L’exemple de l’AF Pékin
4- PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE
4.1. Questions de recherche et formulation des hypothèses
4.1.1. Questions de recherche
4.1.2. Formulation des hypothèses
4.1.2.1. Des premières hypothèses aux principes de reformulation des nouvelles
4.1.2.2. Reformulation des hypothèses
4.2. Opérationnalisation du cadre théorique
4.2.1. La notion de « mise en place »
4.2.2. La notion de « nouvelles logiques »
4.2.3. La notion de « vision du poste de RP »
4.2.4. Les notions de « facilitation de la réalisation de leurs missions » et de « bon fonctionnement d’un service »
4.2.4.1. Critères concernant le bon fonctionnement d’une entreprise
4.2.4.2. Le vécu au travail
5- METHODOLOGIE DE L’ENQUETE
5.1. Positionnement en tant que chercheuse
5.2. Mise en place de l’étude quantitative : aspects formels et méthodologiques dans la construction du questionnaire
5.2.1. Généralités de mise en place
5.2.2. Elaboration du questionnaire
5.2.3. Opérationnalisation des hypothèses
5.2.3.1. Opérationnalisation de la notion de « vision / représentations »
5.2.3.2. Opérationnalisation des notions « AF » et le « réseau »
5.2.3.3. Opérationnalisation des notions de « modification de la vision initiale » et « unification de la vision »
5.2.3.4. Opérationnalisation des notions de « améliorer la réalisation de leurs missions » et de « perception d’amélioration dans le fonctionnement du service pédagogique des AF »
5.2.3.5. Les variables
5.2.3.6. Les questions restantes
5.3. Mise en place de l’analyse qualitative : construction et évolution du guide d’entretien
5.3.1. Mise en place du guide d’entretien
5.3.1.1. Construction et méthodologie de mise en place
5.3.1.2. Echantillonnage
5.3.2. Evolution dans la rédaction du guide : chronologie des apports successifs à la réflexion
5.3.2.1. Premier entretien avec A (f), responsable pédagogique
5.3.2.2. Analyse des questions ouvertes des questionnaires
5.3.2.3. Deuxième entretien avec B (h), directeur
5.3.2.4. Troisième et quatrième entretiens avec C (h), professeur et D (f), responsable pédagogique96
5.3.2.5. Cinquième entretien avec F (f), responsable pédagogique
5.3.2.6. Sixième entretien avec G (f), directeur
5.3.2.7. Du septième au neuvième entretien
5.3.3. Technique de vérification de la qualité et de la pertinence du recueil de données
6- RESULTATS DE L’ENQUETE
CONCLUSION

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