Les albums pour enfants et l’acquisition de la langue maternelle

La thématique que j’ai choisie pour ce mémoire résulte d’une observation réalisée dès la dernière rentrée scolaire. J’effectue cette année mon stage dans une classe de petite section de maternelle, dans une école située dans un quartier dit « favorisé ». J’ai néanmoins pu constater de grandes disparités dans le niveau de langue de mes élèves, certains s’exprimant parfaitement dès le début de l’année tandis que d’autres n’employaient que des mots isolés. L’acquisition de la langue occupe une place centrale dans les apprentissages de l’école maternelle, comme en atteste « le Programme de l’Ecole Maternelle » publié au Bulletin Officiel du 26 mars 2015 et favoriser cette acquisition est la tâche principale de l’enseignant. Mais la langue est avant tout la clé de la pensée, de la communication et de la compréhension du monde. L’enjeu lié à l’acquisition de la langue s’est ainsi imposé à moi de même que la question des différents moyens que j’allais employer pour favoriser cette acquisition par mes élèves. Je me suis alors demandé comment les albums pour enfants viennent nourrir la construction de la langue maternelle. La lecture d’albums est une activité quasiment quotidienne à l’école maternelle et, outre l’entrée dans l’écrit que cette lecture permet, la fréquentation d’albums apporte une contribution évidente à l’acquisition de la langue par les élèves. En effet, la lecture d’albums met en jeu la compréhension, fournit aux enfants des phrases, des expressions et des mots en quantité importante et donc un modèle langagier riche, et apporte à l’enseignant un support pour la mise en place de situations langagières diverses en classe : questions de compréhension sur l’album, description des illustrations, discussion et échange sur le thème de l’album notamment. L’écrit étant utilisé pour construire l’oral, je me suis alors intéressée à l’activité de rappel de récit qui en est un exemple-clé. Si l’on prend la définition du rappel de récit donnée par Mireille Brigaudiot dans Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle, paru chez Hachette Education, il s’agit : « d’une activité langagière qui consiste pour un enfant à dire, avec ses mots à lui, à l’oral ce qu’il a compris d’une histoire qui lui a été lue ». Cet exercice implique ainsi le passage de l’écrit : l’album lu par le maître, à l’oral : l’histoire racontée par l’élève. Il est au cœur de l’articulation entre langue en réception et langue en production et il met en jeu, chez l’élève, la compréhension, la mémorisation et la reformulation d’un texte. Dans son article « Reformulation et acquisition de la complexité linguistique », Travaux de linguistique, n° 61, 2010, p.2, Claire Martinot définit la reformulation comme étant : « tout processus de reprise d’un énoncé antérieur, qui maintient, dans l’énoncé reformulé, une partie invariante à laquelle s’articule le reste de l’énoncé, partie variante par rapport à l’énoncé source ». Pour Claire Martinot, « c’est dans les énoncés qu’il entend – qui le concernent et qu’il retient – que l’enfant cherche à savoir comment il va dire ce qu’il veut dire » (Ibid. p. 7)., et « dans la mise en relation d’un énoncé-source et d’un énoncé reformulé, les enfants s’approprient progressivement le fonctionnement de leur langue maternelle » ((Ibid. p. 2).

DESCRIPTION D’UNE SEQUENCE D’APPRENTISSAGE PORTANT SUR LE RAPPEL DE RECIT

J’ai décidé de mettre en place une séquence d’apprentissage dont les objectifs principaux sont les suivants : construire la langue orale avec pour support des histoires lues, et, plus précisément, restituer un récit lu préalablement par le maître. Cette séquence a pour finalité l’enregistrement des restitutions des récits de mes élèves sur un CD qui sera donné en fin d’année à leurs parents, afin de donner du sens au travail que je vais leur demander, de leur montrer que la langue est un outil de communication et de les « enrôler dans la tâche », selon les termes de Jérôme Bruner, en leur donnant une motivation précise.

PRESENTATION DU CORPUS D’ALBUMS ET DESCRIPTION DES SEANCES DE LECTURE

Présentation du corpus d’albums 

J’ai choisi un corpus de contes permettant une lecture en réseau sur le personnage du loup, et ainsi identifié deux objectifs complémentaires : la construction d’une culture littéraire autour du personnage du loup dans la littérature de jeunesse et la découverte d’un type d’écrit : le conte. Les œuvres du corpus sont les suivantes : Les trois petits cochons (éditions Picolia), le Petit Chaperon Rouge (d’après Charles Perrault aux éditions Les Belles Histoires), Le loup et les sept chevreaux (d’après les frères Grimm aux éditions Deux Coqs d’Or), C’est moi le plus fort (Mario Ramos, éditions Ecole des Loisirs), Une soupe au caillou (Anaïs Vaugelade, éditions Ecole des Loisirs), Le loup qui avait peur de son ombre (Orianne Lallemand et Eléonore Thuillier, éditions Auzou), auxquels j’ai ajouté après quelques séances Pierre et le loup (collection Oralbums dirigée par Philippe Boisseau aux éditions Retz).

Mon choix s’est porté à la fois sur des contes traditionnels appartenant au patrimoine littéraire et sur des albums de littérature de jeunesse écrits par des auteurs contemporains pour les raisons suivantes : j’ai souhaité faire découvrir le stéréotype du personnage du « loup méchant » dans la littérature puis montrer que cette image n’est pas toujours vraie en proposant également des « loups gentils » et, dans l’optique d’un rappel de récit sur un conte choisi par mes élèves, voir quel type de personnage emportera leur préférence. Cet aspect a, je pense, quelque peu échappé aux élèves. En effet, la découverte d’un stéréotype suppose certainement plus de trois contes pour être complète et mes élèves n’ont aucunement été étonnés de rencontrer un loup gentil, un loup qui a peur du noir, etc… En ce qui concerne Pierre et le loup, j’ai choisi la collection des Oralbums, présentés par Philippe Boisseau comme étant « des albums pour apprendre à parler » après avoir constaté des difficultés importantes chez les petits parleurs face à la tâche de rappel de récit.

Chaque album du corpus a fait l’objet d’une lecture au groupe-classe.

Description des séances de lecture

Le déroulement de chaque séance de lecture a été le suivant, l’objectif étant bien entendu de permettre la compréhension de l’album par mes élèves :

– j’ai présenté la couverture aux élèves, je leur ai demandé de la décrire et d’émettre des hypothèses sur le contenu de l’histoire afin de créer un « horizon d’attente » selon les termes de H.R. Jauss. Ce schéma classique de présentation d’un album a bien fonctionné à chaque fois mais j’ai pu faire deux constats opposés : certains élèves reconnaissent l’histoire, ne peuvent par conséquent pas émettre d’hypothèses mais désirent en dévoiler l’issue aux autres, tandis que d’autres élèves s’en tiennent à la description de l’illustration figurant sur la couverture mais ne parviennent pas au stade de l’émission d’hypothèses.

J’ai compris à quel point l’enseignant doit porter un regard attentif aux illustrations lorsqu’il choisit un album, lesquelles peuvent s’avérer être une aide, un frein, ou une source de contresens parfois. Nous reviendrons plus loin dans ce mémoire sur la question des illustrations. Je citerai néanmoins un exemple que j’ai trouvé intéressant : j’ai présenté la couverture de Pierre et le Loup à mes élèves et une petite fille a dit : « C’est le Petit Chaperon Rouge ! ». En effet, le personnage de Pierre était habillé en rouge….Cet exemple montre que le simple choix d’une couleur par l’illustrateur n’est pas anodin et montre également la capacité de cette élève à prendre des indices sur une couverture d’album.

– j’ai ensuite lu l’album. Certaines lectures ont été accompagnées des illustrations, dévoilées au fur et à mesure et d’autres non.

– après la lecture de l’album, j’ai expliqué le vocabulaire que mes élèves ne possédaient pas.

Cette tâche s’est avérée complexe : outre les mots manifestement difficiles, je me suis demandé quels mots étaient inconnus de mes élèves ? Quels mots étaient accessibles aux uns mais pas nécessairement à tous ? Face à des élèves si jeunes qui n’avaient que rarement le réflexe spontané de demander le sens des mots incompris, que faire ? A l’inverse, est-ce si important de s’attacher à ce stade au sens exact de tous les mots ? Lorsque l’on lit ou l’on entend une langue étrangère, le sens global des phrases nous est généralement accessible même si certains mots nous sont inconnus.

J’ai donc pris le parti de n’expliquer que quelques mots que je qualifierai de « complexes » : c’est-à-dire des mots que mes élèves de trois ans ne rencontrent pas ou pas encore dans leur quotidien (par exemple, « paille » et « briques » dans Les trois petits cochons ou « farine » et « craie » dans Le loup et les sept chevreaux), ou des mots employés dans les contes mais plus dans notre langue de tous les jours (par exemple, « marmite » dans Les trois petits cochons ou « chaperon » dans Le Petit Chaperon Rouge). Je précise que j’ai expliqué les mots dits « complexes » uniquement lorsque la connaissance de leur sens était nécessaire à la compréhension de l’histoire. Ainsi, dans Une soupe au caillou, plusieurs légumes sont énumérés mais la compréhension globale n’est pas affectée si l’on n’a pas une image mentale de chacun de ces légumes.

DESCRIPTION DES SITUATIONS D’APPRENTISSAGE VISANT PROGRESSIVEMENT LA RESTITUTION DE RECIT

J’ai mis en œuvre différentes situations d’apprentissage qui ont impliqué pour mes élèves de recourir à une restitution partielle de récit pour accomplir la tâche demandée.

Mon objectif a été alors de créer des situations dans lesquelles mes élèves seraient amenés à reformuler en partie l’histoire concernée en enrichissant peu à peu leur langue. A cet effet, je me suis référée aux conclusions des recherches de Philippe Boisseau sur la langue chez les enfants de trois/quatre ans notamment décrites dans son ouvrage Enseigner la langue orale en maternelle (éditions Retz). Selon cet auteur, les éléments à mettre en place prioritairement sont les suivants : les pronoms personnels, le système des temps, les prépositions, les connecteurs, l’usage des propositions subordonnées et le marqueur de causalité « parce que ».

Ces différentes situations, présentées ci-après, ont été conduites avec des groupes de six élèves.

Remise en ordre de quatre images séquentielles de Le Petit Chaperon Rouge

Mon objectif ici visait, outre la remise en ordre chronologique des illustrations, la reformulation du conte avec l’utilisation de marqueurs temporels tels que « après », « ensuite », « à la fin ». J’avais en effet constaté que mes élèves pouvaient raconter une histoire en juxtaposant les événements et en les liant par la conjonction de coordination « et » ou par les locutions « et ben » ou « et puis » uniquement.

Par ailleurs, ce travail était aussi destiné à inciter les élèves à utiliser les temps du passé. Ainsi, j’ai essayé de faire passer mes élèves d’une formulation du type : « Le loup il se déguise en grand-mère. Et puis le petit chaperon rouge il frappe à la porte » à « Le loup il s’est déguisé en grand-mère. Ensuite le petit chaperon rouge a frappé à la porte ». J’ai donc introduit les adverbes et locutions marqueurs de temps cités ci-dessus ainsi que le passé composé et l’imparfait au fur et à mesure de la reformulation du conte de Perrault que mes élèves produisaient avec le support des images séquentielles en leur posant la question : « Que s’est-il passé après ? » ou « Et ensuite ?….. » ou encore « Que s’est-il passé à la fin ? » et en incitant les élèves à commencer leur réponse par « Après », « Ensuite » ou « A la fin ». Le fait de poser les questions avec un temps du passé a induit la plupart du temps de la part des élèves une réponse avec un temps du passé. Certains élèves ont pensé à utiliser un ou deux connecteurs, d’autres non.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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