L’ÉRABLE À SUCRE (ACER SACCHARUM MARSH.)

Expansion de l’Érable à sucre

   Au centre de son aire de répartition, dans les forêts de chênes du centre des ÉtatsUnis, l’expansion de l’ERS est documentée depuis le début des années 1980. Les études paléoécologiques indiquent qu’à l’Holocène , la majorité des forêts feuillues de l’est des États-Unis étaient dominées par différentes espèces de chênes (Quercus spp.) (Abrams 2006). Ces forêts étaient maintenues par le régime de feux implanté lors du retrait des glaciers puis par les feux anthropiques des autochtones et plus tard, des colons européens (Abrams et Downs 1990, Nowacki et Abrams 1990, Fralish et Mcardle 2009). Ainsi, au début du XXe siècle, l’intervalle de feux était de 5 à 10 ans sur les hauts versants et les sommets de collines. Dans ces forêts, l’ERS était confiné aux fonds des vallées, plus humides et moins susceptibles aux feux, il parvenait à coloniser le sous-bois des chênaies grâce à une régénération abondante et a des graines facilement dispersées, mais était sans cesse éliminé par les feux répétés (Fralish et Mcardle 2009). Le contrôle des feux après 1920-1930, a ensuite permis a ces érables en sous-bois d’atteindre une plus grande taille et de mieux résister aux feux devenus plus rares. Cette raréfaction des feux constitue, aussi, un des principaux facteurs à l’origine des difficultés de recrutement des chênes dans la forêt tempérée des États-Unis, si bien qu ‘au début des années 1980, le sous-bois des forêts de chênes étaient fréquemment caractérisés par une régénération en ERS (Host et al. 1987 , McCarthy et al. 1987). La capacité de l’ERS à combler rapidement les ouvertures créées dans le couvert a ensuite entraîné une succession progressive vers cette espèce au sein de plusieurs forêts autrefois dominées par les chênes (Nowacki et Abrams 1990, Lin et Augspurger 2008, Helmig et Fralish 20 Il). On documente aussi une expansion de l’ERS à sa limite nord de répartition, dans un contexte différent. Dans les dernières décennies, l’augmentation de la fréquence et de la dominance de l’ERS est survenue aux dépens des conifères (Archambault et al. 1998 , Dupuis et al. 2011 , Fisichelli et al. 2013). Deux éléments seraient à l’origine de ces expansions. Les interventions sylvicoles, ciblant essentiellement les résineux créeraient les opportunités d’établissement nécessaires à l’ERS qui possède la capacité de s’établir rapidement après une coupe (Saunders et Wagner 2008, OIson et Wagner 2010). L’augmentation de la température moyenne annuelle est aussi un argument soulevé pour expliquer une colonisation par l’ERS de nouveaux sites vers le nord. Cependant, l’augmentation des températures ne peut à elle seul expliquer la distribution actuelle de l’ERS et la compétition interspécifique doit aussi être prise en compte (Fisichelli et al. 2013). La compétition serait une contrainte importante à l’établissement de l’ERS au-delà de la limite nord de son aire de distribution (Fisichelli et al. 2013, Graignic et al. 2014, Vanderwel et Purves 2014). Les perturbations du couvert forestier auraient donc un impact important sur l’expansion de l’ERS puisqu’elles éliminent la compétition interspécifique, dernière contrainte, dans un contexte de réchauffement du climat, à l’établissement de l’ERS à des latitudes plus nordiques (Buma et Wessman 2013).

Caractérisation des placettes

   Le drainage , le degré d ‘inclinaison et l’altitude ont été déterminés au centre de chacune des placettes principales. La classe de drainage du sol a été déterminée à l’aide de la clé simplifiée d’identification du drainage du « point d’observation écologique » (Saucier et al. 1998), comportant 6 classes de drainage, d ‘excessif à très mauvais. Le degré d’inclinaison a été mesuré en utilisant une boussole munie d’un clinomètre. L ‘ altitude (m) de chacune des placettes a été extraite des cartes numériques hypsométriques fournies par le MRN , à l’aide du logiciel ArcGIS version 10.2 (ESRI 2012). Au centre de chacune des sous-placettes de type « A », un densiomètre a permis de mesurer l’ouverture du couvelt forestier, tandis que la densité latérale du couvert arbustif a été mesurée avec une planche à profil. La surface terrière du peuplement a été mesurée à l’aide d’un prisme de facteur 2 et le diamètre à hauteur de poitrine (DHP) de chacun des arbres comptabilisés lors du point de prisme a été mesuré afin de calculer la densité moyenne des tiges par placettes (Rondeux 1983). La profondeur de la litière (cm) a été mesurée à l’aide d’une règle . Une analyse de corrélation de Pearson effectuée sur l’ensemble des variables explicatives a démontré que ces dernières ne sont pas redondantes (Crawley 2007). La diversité herbacée, mesurée une seule fois par site, à partir du début du mois de juin jusqu’au début du mois d’août. Il s’agit d’un simple décompte du nombre d’espèces herbacées présentes à l’intérieur des sous-placettes de type « A ». L’inventaire exhaustif des semis a été fait dans les sous-placettes de type « A ». Pour chaque essence, la hauteur d’une tige sur 5 a été mesurées et son âge estimé. Pour les plus jeunes semis, l’âge a été estimé en comptant le nombre de cicatrices de bourgeons terminaux qui indique chacune des années de croissance. Avec le temps et l’élargissement de la tige , les cicatrices de bourgeons apicaux tendent à disparaître, pour les tiges sur lesquelle ces cicatrices n’étaient plus visible, une section transversale de la tige a été prélevée à 5 cm de hauteur afin d ‘en compter les cernes annuels de croissance au laboratoire à l’aide d’un binoculaire (Bilodeau 1992). Le taux de croissance (cm/an) des semis a ensuite été estimée en comparant la hauteur de l’individu avec l’ approximation de son âge . Seul le décompte des semis a été effectué dans les sous-placettes de type « B » .

Historique de perturbation et de couvert

   Les perturbations étant souvent responsable des changements de composition forestière (Seymour et al. 2002, Boucher et al. 2009, Gasser et al. 2010 , Oison et Wagner2010), la documentation des perturbations de notre aire d’étude au xxe siècle est une étape primordiale dans l’étude de la dynamique d’expansion de l’ERS . Les coupes effectuées sur l’aire d’étude au début du XXc siècle ont été identifiées à partir d’ une carte produite par la compagnie Price en 1930 comprenant la localisation des zones de coupes effectuées depuis le début du siècle (Boucher et al. 2009). Pour identifier les perturbations subséquentes, des photos aériennes de 1941 (Photothèque nationale de l’air, Canada) et de 1977, 1979, 1980, 1985 et 2004 (© gouvernement du Québec), en plus d’images satellitaires SPOT (CNES 20 Il) de 20 Il provenant de Google Earth v7.0 .1.8244 (2012) ont été numérisées et/ou géoréférencées en format vectoriel à l’aide d’ ArcGIS version 10.2 (ES RI 2012). Seules les perturbations de grande envergure et identifiables hors de tout doute , (i.e. une majorité d’arbres matures ont été retirés ou sont morts), ont été considérées. Afin de distinguer les chablis des coupes forestières, trois éléments ont été considérés: la forme des ouvertures de la canopée, la proximité d’un chemin forestier et laprésence ou non de troncs d’arbres morts. Les chablis ont été associés à des ouvertures de formes irrégulières, sans chemin forestier et avec des troncs d’ arbre morts visibles. Les ouvertures de formes régulières avec des bordures abruptes, sans tronc mort visible et traversé par des chemins forestiers, ont été considérées comme étant issues de coupes forestières. Puisque les chablis ont tous été identifiés sur les photos aériennes de 1977 , 1979, 1980 et 1985 , à l’époque de la dernière épidémie de tordeuses du bourgeon de l’épinette [1975-1995] (Boulanger et Arseneault 2004) et qu ‘ils sont tous survenus dans des forêts à dominance résineuse, ils ont tous été attribués à l’épidémie. La distance euclidienne (m) entre chacune des placettes et la perturbation récente (depuis 1928) la plus proche a été mesurée à l’aide d’ Arc GIS version 10.2 (ESRI 2012). Les données recueillies lors des inventaires sur le terrain, telles que la présence ou non d’arbres plantés et l’âge des semis, ont permis d’estimer les années de coupes postérieures à 1985 .

Composition du couvert actuel

   Les hauts versants et les sommets de collines de notre aire d ‘étude sont majoritairement occupés par les placettes des groupes TG et G , tous deux dominés par l’ERS (Figure SC). Les zones résineuses, recoupant largement les groupes P et S sont confinés aux fonds de vallées (Figure SC).Le groupe TG rassemble les placettes dans lesquelles les tiges d’ERS de plus de 70 cm de DHP ont été inventoriées. Ces placettes sont nettement dominées par l’ERS. Lesplacettes de ce groupe contiennent les plus grandes densités et les plus grandes surfaces terrières de tiges d’ERS pour toutes les classes de DHP (Tableau 1). Ces placettes présentent aussi la fraction résineuse la plus faible des 4 groupes de placettes (EPB, THO et SAB : 22,2 tiges/ha). Les résineux sont dominés par le sapin baumier qui y forme 5 ,3% de la densité moyenne totale et 4,4% de la surface terrière moyenne totale . Bien que l’ERS soit moins important dans les placettes du groupe G que dans celles du groupe TG, le groupe G est aussi dominé par l’ERS qui y forme , en moyenne 71 % de la densité et 68,1 % de la surface terrière . La fraction résineuse est ici aussi dominée par le sapin baumier et est plus importante que dans le groupe TG. La fraction résineuse forme 17 ,9% de la densité moyenne totale (50 tiges/ha) et 18 ,8% de la surface terrière moyenne totale (3,6 m2 /ha) (Tableau 1). Les deux derniers groupes (P et S) sont retrouvés dans les classes d’altitudes les plus basses (Figure SC) et sont dominés par le sapin baumier et le thuya de l’est. Le groupe P est tout de même plutôt mixte, les feui llus y occupant 53 ,6% de la densité et 36,8% de la surface terrière . Dans le groupe P, le bouleau blanc domine la fraction feuillue alors que l’ ERS arrive au troisième rang de densité avec 64 tiges/ha, soit 16,7% de la densité moyenne totale . C’est la plus faible densité en ERS parmi les 3 groupes contenant des tiges d’ERS (Tableau 1). Les placettes du groupe S sont nettement dominées par les résineux qui y occupent 83 ,3% de la surface terrière moyenne totale. Le thuya occidental correspond à 38 ,9 % de la surface terrière moyenne totale , contre 33,3% pour le sapin baumier et Il ,1 % pour l’épinette blanche.

Patron d’expansion de l’érable à sucre

   Plusieurs éléments de notre étude confirment les études précédentes qui proposent que les érables du Bas-Saint-Laurent, dans l’est du Québec , ont augmenté leur fréquence et leur dominance depuis l’époque pré industrielle et que cette augmentation a eu lieu à partir des hauts versants, vers les bas de pentes originellement occupés par des forêts à dominance résineuse (Boucher et al. 2008, Dupuis et al. 2011, Terrail 2013). L’analyse encomposantes principales ainsi que la distribution de la densité des tiges nous indiquent que le diamètre et la densité des ERS augmentent avec l’altitude dans les placettes de l’aire d’étude (Figures 6 et 7 A). On retrouve , par ailleurs, les plus grosses tiges d’ERS , soit celles de 70-90 cm de DHP, exclusivement à plus de 280 m d’altitude (Figure 7A), laissant entendre qu ‘il s’agit des plus vieux peuplements d’érables de notre aire d’étude . Les données des inventaires forestiers les plus récents (Gouvernement du Québec [données du 4e inventaire de la région 4f]), ainsi que des données supplémentaires retrouvées dans la documentation scientifique (Godman 1965 , Burns et Honkala 1990, Lorimer et Frelich 1997) indiquent que les ERS de plus de 70 cm de DHP ont, en général , plus de 170 ans, même en considérant des taux de croissance exceptionnels (Nolet et Bouffard 2005). Ainsi, si ces tiges avaient un minimum de 170 ans lors des inventaires de20 Il, elles étaient alors âgées au minimum de 85 ans lors des coupes de 1926-1927 dont elles ont été épargnées, un âge où l’ERS produit généralement des graines en grandes quantités (Prasad et al. n.d .). L’absence d’ERS , de plus de 3 pouces de DHP (7,6 cm), dans les placettes de 1930 n’indique donc pas l’absence d’ERS dans la zone d’étude à cette époque, mais plutôt, que ces tiges d’ERS déjà matures étaient trop localisées pour recouper les placettes d’inventaires de l’époque. Il est aussi possible que les placettes de 1930 contenaient des ERS de moins de 3 pouces de DHP qui n’ont pas été comptabilisés. Quoi qu’il en soit, les peuplements d’ERS que nous observons de nos jours sont certainement issus de la régénération par graines de semenciers isolés ou en petits groupes se trouvant à l’extérieur des placettes de 1930.

Potentiel d’expansion des érables

   L’expansion de l’ERS semble en voie de se poursuivre vers les fonds de vallées (groupes P et S) de notre aire d’étude. Dans les plus basses altitudes, où se situe actuellement le front d’expansion des ERS, la représentation des plantules d’ERS est disproportionnée par rapport à sa représentation dans le couvert (Figure 8). De plus, le taux de croissance des plantules d’ERS ne présente pas de différence significative entre les bas de pentes et les érablières sommitales. Une telle disproportion des semis d’ERS par rapport au couvert a aussi été documentée dans la zone de transition entre la forêt tempérée et la forêt boréale à l’ouest du Lac-Supérieur et pourrait être due , en partie , aux températures plus chaudes des dernières décennies (Fisichelli et al. 2013). Il n’est pas rare que les graines ailés, tel que la disamare de l’ERS , voyagent sur plusieurs centaines de mètres et certains événement climatiques exceptionnels leurs permettent même de voyager sur plusieurs kilomètre (Nathan et al. 2002). Ainsi, aucune placette de notre zone d’étude n’est située à une distance assez grande d ‘un semencier pour y expliquer l’absence de semis d’ERS. L’effet conjoint de la distance et des mauvaises conditions de drainage, cependant, contribuent aux plus faible taux d’établissement de l’ERS dans les placettes des groupes P et S. L’ analyse en composante principale indique que les placettes du groupe P, dans lesquelles l’érable occupe une place secondaire dans le couvert, sont situées sur des sites mieux drainés avec une litière moins profonde que la majorité des placettes du groupe S, dans lesquelles l’ERS est absent du couvert (Figure 6). Le pourcentage d’ERS dans la banque de plantule du groupe S (6,6%) est, par ailleurs significativement plus faible que dans les placettes mieux drainées du groupe P (34,1 %) (Tableau 2) suggérant que les sites mal drainés avec une litière profonde offrent de moins nombreuses opportunités d’établissement pour les semis d’ERS . La distribution de l’ERS dans les différents écosystèmes d’Amérique du Nord est effectivement dépendante de la distribution des milieux mésiques car l’érable présente de plus grandes difficultés à s’établir dans les milieux mal drainés (Farrar 1996, OMNR 1998 , Boulet et Nolet 201 3).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
1. INTRODUCTION
1.1. MISE EN CONTEXTE
1.2. EXPANSIOI DE L’ÉRABLE A SUCRE
1.2.1. Au BAS-SAINT-LAU RENT
1.3. OBJECTIFS ET HVPOTHESES
2. MATÉRIEL ET MÉTHODE
2.1. AIRE D’ ETUDE
2.2. SELECTION DE L’AIRE D’ETUDE
2.3. ÉCHANTILLONNAGE
2.4. CARACTERISATION DES PLACETTES
2.5. HISTORIQUE DE PERTURBATION ET DE COUVERT
2.6. TRAITEMENT DES DONNEES
2.6.1. FORMATION DES GROUPES
2.6.2.ANALYSES STATISTIQUES
3. RÉSULTATS
3.1. HISTORIQUE DE PERTURBATION ET DE COUVERT
3.2. VEGETATION ACTUELLE
3.2.1. COMPOSITION DU COUVERT ACTUEL
3.2.2. CARACTERISTIQUES DES STATIONS
3.3. DENSITE DE TIGES D’ERABLE A SUCRE EN FONCTION DE L’ALTITUDE 
3.4. PATRON DE RECRUTEMENT
4. DISCUSSION
4.1. CONTEXTE DE L’EXPANSION DE L’ERABLE A SUCRE
4.2. PATRON D’EXPANSION DE L’ERABLE A SUCRE
4.3. POTENTIEL D’EXPANSION DES ERABLES
4.3.1. IMPACT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
5. CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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