L’envers du décor, une réalité plus complexe et plus large 

LA VILLE, UN ESPACE HOMOGÈNE

Histoire d’Addis : une ville nomade qui se sédentarise. La terre appartient au souverain, et est divisée en différentes parcelles que celui-ci distribue aux personnalités importantes de l’État. Chaque parcelle, sefer (quartier) était séparée ; on y accédait en traversant des rivières, des collines et en suivant des sentiers. La ville était donc une multitude de « petits villages ». Malgré cette évolution, les sefer sont restés et sont devenus des « quartiers », mais en vérité ce sont juste des villages qui se touchent. Il n’y a pas de zoning.
En France et en Occident, quand tu veux visiter une ville, tu choisis le quartier historique ; tu travailles dans le centre des affaires ; tu manges dans le quartier chinois ; tu vas faire tes courses dans la zone d’activités. etc.
Ici, on trouve des petits commerces partout : marchands de légumes, (où tu peux boire des jus de fruits et manger des salades), magasins de bricolage, centre commercial (vide), tout petits supermarchés (où tu achètes des boîtes de conserve, de la vache qui rit, des yaourts, et des produits ménagers), bars – boucheries, etc. Tous les magasins sont identiques, selon leur utilité. Au moins, tu n’as pas de surprise. Mêmes jus, mêmes prix, mêmes chaises, même décoration, même présentation des fruits dans tous les magasins de légumes, tous ! Et cela se répète pour les bars, les centre commerciaux, etc. C’est bizarre non ? Je me suis longtemps demandé : vous n‘avez pas envie d’un truc différent, d’innover ? Non. Ils sont attachés à leur quotidien.

LA RUE, UNIQUE ESPACE PUBLIC

La rue est un espace public, contrairement à ce que nous pourrions en dire en France. Pendant la journée, de 6h de matin à 20h, la rue grouille, mais les maisons et les parcs demeurent vides.
L’effervescence de la rue donne lieu à une multitudes de situations et d’opportunités pour la population, sous les yeux aveugles des quelques touristes. Il y a tellement de choses différentes qui se passent en une minute que parfois tu t’arrêtes à un bar, tu te poses, prends une St Georges (biète locale) et tu regardes. Nécessité oblige, les Éthiopiens sont très inventifs quand il s’agit de gagner leur vie, même si parfois ils n’en récoltent que quelques birrs. Tous appartiennent à la fourmilière laborieuse ou oisive, en perpétuel mouvement, tendue vers on ne sait toujours quel impératif, vaguement lié à la survie, c’est-à-dire souvent à l’exploit quotidien.
Il y a évidemment les vendeurs à la sauvette proposant de tout, en passant par la semelle unique, les autocollants pour enfants, les posters de Jésus, les lavabos, les sacs à main, les robes de nuit, etc. Tout doit partir dans la journée ! Il y a aussi les marchands de nourriture : des femmes avec des grosses casseroles qui vendent des patates chaudes, du maïs sur des petits cuiseurs à charbon, et les immanquables fritures : frites (souvent très très mauvaises) et petits biscuits. Devant chaque magasin, à chaque coin de rue, des gens nettoient et réparent les chaussures. A Piazza (centre historique) un grand nombre de vendeurs et de réparateurs de lunettes en tout genre étalent leur marchandise et leur stand. Dans le quartier des facs, les tas de journaux régalent la population en nouvelles ; toute la journée les gens s’y assoient et lisent. Partout dans les rues les gens t’invitent à partager leur assiette à l’heure du midi.
Les mécaniciens réparent tout sur le trottoir ; le chantier s’y étale ; un troupeau de moutons passe ; un âne tente d’arrêter sa misérable vie au beau milieu d’un boulevard, au grand mécontentement des chauffeurs ; les odeurs fusent de partout : café, pots d’échappement, friture, pisse, cigarettes, SDF, encens, cuisine. Puis plus rien.
La nuit, le seul bruit que tu peux entendre est le souffle de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un toit. Dans la nature, chaque animal se fabrique ou trouve un nid pour dormir, un endroit de confort et de sécurité. Un homme qui doit dormir dans sa jungle à lui, créée pour lui, la jungle urbaine, ne trouve pour sol que de grandes avenues couvertes de béton dur, pour confort des morceaux de bâches. Et s’il est chanceux, de gros tubes en béton préfabriqués lui offriront un toit. Nid urbain, parfois calfeutré de feuilles et de branches. Et le pire est que cette jungle attire de plus en plus de malheureux.

LA FAUNE URBAINE : TEMOIN DU MONDE RURAL

La plupart des villes sont remplies de pigeons et de chats errants ; à Addis-Abeba le regard neuf capte les aigles et les chiens. Ces derniers sont partout. La journée, quand le soleil est à son zénith, les ‘’sacs d’os’’ font la sieste sur les trottoirs. Le soir, à la nuit tombée, les femelles essaient d’attraper les restes des boucheries pour alimenter leurs mamelles dégoulinantes. La nuit, la ville leur appartient et personne ne peut faire cesser les aboiements incessants des meutes qui règlent leurs comptes.
A Addis-Abeba, la considération de l’animal est peu présente. Si celui-ci n’a acquis en France son statut juridique d’être vivant que depuis peu, par sa place de choix dans les contes et récits de notre enfance, l’iconographie, les peluches notamment, il s’apparente le plus souvent à l’ami de l’homme.
Dans la rue là-bas, à part les chiens, on trouve en permanence tout ce qui se mange, car les animaux sont considérés comme tels : chèvres, moutons et même taureaux. En outre, avant les grandes fêtes comme Noël ou Pâques, les paysans viennent avec leur troupeau pendant quelques jours dans la capitale. Parfois les gens doivent s’écarter pour laisser passer les énormes taureaux.
Sinon toute l’année, les ânes encombrent les routes, en attendant que leur misérable vie prennent fin. En Éthiopie, le rapport à l’animal est très différent du nôtre ; il est de la nourriture ou rien, l’âne’ n’est donc rien. Il est utilisé ‘’jusqu’à à la corde’’ pour transporter des marchandises, et quand il est ‘’usé’’ les gens le jettent. Quant aux autres animaux, cela dépend de leur utilité. Mon colocataire m’a a raconté qu’à 10 ans, il avait tué un mouton avec deux de ses cousins à mains nues, uniquement parce que celui-ci lui avait marché sur le pied et fait mal !
Avec l’urbanisation, la diversité animale de départ s’appauvrit aussi (singes, oiseaux), et les seuls restants sont relégués au rang d’utilitaires, même s’il n’est pas improbable de trouver des tortues géantes dans certains parcs et sur les terrasses de bars.

EAU : UTILISATION PARADOXALE

Taitu, la femme de Ménélik allait souvent se réchauffer dans les sources chaudes, situées en contrebas de l’emplacement originel de la ville. Les eaux thermales avaient des propriétés médicinales, et la végétation luxuriante rendait l’endroit paradisiaque. Elle commença à y installer un campement ; puis quand son mari partit en expédition, de réelles constructions. Elle finit par le convaincre de changer la capitale à cet emplacement et l’appela Addis-Abeba (la nouvelle fleur), en s’inspirant des champs de mimosas qui longeaient le lieu. Par la suite les eaux thermales ont été intégrées à l’hôtel d’Europe, où les gens aisés venaient prendre leur bain. Aujourd’hui celui-ci sert de bain public, presque seul lieu où il est possible de prendre une douche chaude, et pour un prix modique.
Contrairement à la qualité de l’eau dans la plupart des pays en développement, celle du robinet à Addis-Abeba est ‘’potable’’. Servie en pichet au restaurent et dans les petites baraques, elle est bue par tout le monde, hormis les touristes par précaution usuelle. En revanche, elle fait l’objet de restrictions fréquentes. L’Éthiopie, souvent appelée le « toit de l’Afrique », a de grands plateaux qui récupèrent une large partie des précipitations du continent : 80% des eaux du Nil viennent d’Éthiopie. Pourtant le pays souffre d’un manque de couverture par le réseau. De 1998 à 2004 environ 30% de l’eau distribuée était perdue pour cause de fuites. l’État alterne donc chaque jour le quartier qui sera privé d’eau, mais parfois la coupure dure une semaine, voire deux. Dans notre quartier, nous subissions une semaine sans eau courante, tous les deux-trois mois, nous privant de douche, toilette, vaisselle, etc. Au départ, mal préparés, déconcertés, nous achetions quantité de bouteilles d’eau, toujours insuffisantes pour combler nos besoins courants. Cette eau, dont nous usions sans compter (une chasse d’eau en utilise 10 l) auparavant, était devenue une denrée rare et précieuse, qu’il fallait gérer avec soin et parcimonie.
Par la suite, nous avons appris que des garçons s’occupent d’aller remplir et livrer des bidons pour 0,50 cents dans le quartier, ou dans celui d’à côté pour 1 euro. Parfois la coupure (accidentelle ou volontaire ?) peut aussi provenir d’un tuyau de canalisation cassé qui sort du sol, une aubaine pour les gens de la rue. Toute la journée, vieux, jeunes, enfants viennent remplir leurs bouteilles, laver leur linge, leur voiture, voire eux-mêmes, etc. Ainsi, certains se mettent complètement nus pour un bain de minuit dans les rues désertées.
La propreté occupe une place très importante dans la sociabilité. Tout le monde entretient ses chaussures quasiment tous les jours ; d’où la quantité de personnes qui proposent ce service et participent à l’économie d’échange. Les vêtements aussi doivent être impeccablement propres. La dame qui s’occupait de la lessive de nos vêtements nous a fait remarquer que nous en prenions moins soin. Beaucoup posent par exemple un mouchoir sur un muret poussiéreux avant de s’y asseoir. Tous les jours, à l’école d’architecture, les femmes de ménage nettoyaient le campus : elles en balayaient la totalité, intérieur comme extérieur, enlevaient les feuilles tombées dans les gouttières, et ensuite aspergeaient d’eau la route et les murs des bâtiments. C’est impressionnant la quantité d’eau que la ville utilise à la propreté. Néanmoins, il n’y a pas de rivière à proprement parler, juste un tout petit filet qui descend de la montagne, semblable à un égout, utilisé comme poubelle, et donc privé de vie. Le passant ne croise pas non plus de plans d’eau ou bassins à Addis-Abeba, et de nombreuses fontaines trônent vides.

MOBILITE : DE LA VOITURE INDIVIDUELLE AU TRANSPORT EN COMMUN

Les transports en commun occupent une place très importante dans la ville d’Addis-Abeba, car la voiture individuelle reste inaccessible. Tout d’abord l’aspect financier n’est pas négligeable : 2000 euros pour la voiture la moins chère, auxquels s’ajoutent les 200 euros du permis. Ensuite la circulation chaotique. Très peu verbalisés, les Éthiopiens ne respectent ni les signalisations ni les priorités. Leur conduite peut donc s’avérer très dangereuse, malgré leur étonnante dextérité au volant. Enfin, la peur. Ici quand tu renverses quelqu’un, c’est la prison, tout de suite, sans que tu n’aies ton mot à dire. Les gens fortunés prennent donc un chauffeur qui ira en prison à leur place.
Pour les taxis, il y a de nombreuses disparités : du taxi jaune, neuf pour l’aéroport jusqu’au bleu, cabossé, avec plus d’un million de kilomètres au compteur. Tu te mets d’accord avec le chauffeur pour le prix de la course, plutôt élevé pour un pays en développement, et ne dépendant pas seulement de la distance. Par exemple, pour aller à l’ambassade française très haute en altitude, le chauffeur demande un surplus. Je n’utilisais que très rarement le taxi.
Les alternatives sont donc ce que la majorité de la population utilise : les différents transports en communs, accessibles (quelques centimes le trajet) et très développés, même si personne n’est à l’abri des accidents fréquents.
Le minibus est mon moyen de transport préféré. Chacun nécessite deux personnes, le chauffeur, et le « weyala » qui s’occupe d’ouvrir la porte, de prendre l’argent et d’indiquer la direction de sa course. Le principe est simple : chaque minibus emprunte une route prédéfinie, par exemple Piazza-Bôle, et s’arrête n’importe où entre ces deux points pendant que le weyala crie « Bôle, Bôle, Bôle ! ». Le coût de la route dépend de la distance que tu parcours, donc le weyala doit savoir à chaque instant combien il reste de places, et depuis combien de temps est présente chaque personne. Quand tu veux t’arrêter, tu dis « Weradj ale », et le chauffeur s’arrête sur le bas-côté. Le minibus est assez confortable car contrairement au autres bus, tu es assis mais très très ‘’entassé’’ : bien moins de sièges qu’il n’y a de passagers. Chaque fois que tu penses celui-ci super complet, ils arrivent encore à faire rentrer de nouveaux venus. Aux deux arrêts prédéfinis, les gens attendent les uns derrière les autres pour ne pas laisser de chance aux voleurs discrets. Les trottoirs débordent donc très souvent pendant les heures de pointe. C’est l’une des raisons de la création du tram, pour désengorger les trottoirs.
Pour le métro, c’est la guerre. Comme les deux lignes viennent d’être mises en place, il n’y a qu’un tram toutes les vingts minutes. Quand celui-ci arrive, tout le monde court pour réussir à avoir les quelques places assises. Et tous les coups sont permis : les grands-mères te tapent avec leur cane, les jeunes te bousculent, tout le monde se pousse ; il n’y a plus aucune courtoisie ni respect de l’espace intime.

RENCONTRE AVEC LA CULTURE TRADITIONNELLE

Voyager dans un pays, c’est découvrir sa culture. Très surprenante au début, celle-ci exige beaucoup de temps pour se donner à connaître et comprendre. Après six mois, nous commencions à nous fondre dans le paysage éthiopien : régime alimentaire apprécié, discussions adéquates, danses maîtrisées.

UNE CULTURE PLEINE DE FIERTÉ

La culture traditionnelle est très importante pour les habitants d’Addis-Abeba, et ils en sont fiers. C’est pourquoi, ils ne manquent aucune occasion d’en louer les principaux aspects, que ce soit la religion, la langue, la danse, la nourriture, les boisson, ou même les cigarettes. Ils t’interpellent pour te demander ton avis, attendant bien sûr que tu confirmes la qualité du sujet. Par ailleurs, ils continuent de manger tous les jours de l’injera sans se lasser, vendent leur cérémonie du café dès qu’ils en ont l’occasion, prônent les bienfaits de cette culture et n’hésitent pas à en faire la promotion, comme au Yod Abyssinia. Ce restaurent à Bolé, proposant danse, musique et nourriture traditionnelles, représente une place de choix pour tous les touristes mais aussi de nombreux citadins.
La fierté des Éthiopiens se voit et se verbalise : ceux-ci te rappellent tous les jours que tu n’as jamais réussi à les coloniser, qu’ils se sont soulevés contre l’envahisseur et l’ont battu. En effet, l’Ethiopie est le seul pays d’Afrique à n’avoir jamais été colonisé, malgré l’essai raté de l’Italie, lors d’une bataille mémorable, la bataille d’Adoua. Celle-ci s’est déroulée près du petit village du même nom, en mars 1896, suite à la signature d’un traité mal traduit, entre l’Italie coupable, et l’Éthiopie forcée de se soumettre au rang de protectorat italien. Malgré de nombreuses tentatives diplomatiques, l’Italie continua d’étendre son contrôle sur les territoires du Nord. Les Éthiopiens, très fiers, rassemblèrent hommes, femmes et même enfants et gravirent les montagnes qu’ils connaissaient si bien pour repousser l’envahisseur. Gagnée, la bataille consolida la position de l’Éthiopie comme pays africain indépendant, contribuant ainsi à sa reconnaissance internationale. Ménélik, l’empereur, put traiter d’égal à égal avec les puissances coloniales européennes qui contrôlaient les régions africaines limitrophes ; celles-ci durent négocier avec l’empereur sur la délimitation de leur frontière avec l’Éthiopie.

LE PLAT TRADITIONNEL : ENVERS ET CONTRE TOUT

Les Éthiopiens orthodoxes sont ceux qui jeûnent le plus au monde : presque un jour sur deux par semaine, et durant deux mois avant Noël et Pâques. Mais jeûner ici signifie ne pas manger de viande ou de produit animal. Donc mercredi et vendredi, c’est ‘’légumes’’, alors que lundi, mardi, jeudi et week-end, c’est ‘’viande’’, mais ils ne mélangent jamais les deux !
C’est assez frustrant, quand tu manges de la viande, tu n’as droit qu’à cela – même pas la moindre petite salade en accompagnement !
Tous les plats sont servis avec de l’injera, la galette traditionnelle éthiopienne. La veille, des femmes en préparent par centaines sur de gros biligs. La pâte est composée d’une farine de graines de ‘’teff’ fermentées et d’eau, ce qui lui donne un goût acide. Le teff, plus petite graine du monde, possède de nombreuses vertus nutritives ; elle permet d’apporter tous les nutriments nécessaires sans faire grossir.
C’est notamment pour cette raison que les Éthiopiens sont très fins. L’injera est la base de quasiment tous les plats, servis sur de grands plateaux. Cette galette, souple et plus épaisse que sa soeur bretonne, fait à la fois office d’accompagnement, de plat et de couverts. Ici on mange avec la main (la droite précisément), tous assis autour du plat, et il n’est pas rare de se faire ‘’gourchatter’’. La ‘’gourcha’’ désigne la bouchée que tu vas former avec ta main pour ensuite la mettre dans ta bouche ou dans celle de quelqu’un que tu apprécies ! La nourriture est très sociale ici : à l’heure du midi, quand le travail s’arrête pour le déjeuner, il suffit de jeter un petit coup d’oeil dans les plats appétissants des groupes d’ouvriers pour qu’ils te proposent de les rejoindre.
Chacun te proposera toujours de manger avec lui, dans son plat, avec ta main. Il m’est même arrivé dans un supermarché que la caissière me fasse goûter son plat pendant qu’elle passait mes articles ! Quant à la diversité des plats, elle n’est pas réellement au rendez-vous : seulement une dizaine, tous avec de l’injera bien-sûr. Au moins, quand tu vas dans un restaurant, tu n’as pas de (mauvaise) surprise ! Au début, tu choisis et commandes sur les menus, illustrés de photos – types d’internet, des plats internationaux qui n’existent pas. Ensuite, tu comprends vite que les menus sont là pour faire bien, que les Éthiopiens ne s’en servent jamais, qu’il suffit de demander directement à la serveuse ce qu’ils ont dans le panel de leurs dix plats.

VIANDE : PRÉSENCE INÉDITE EN AFRIQUE

Le boucher occupe une place très importante dans la culture éthiopienne : tous les coins de rues ont leur boucherie. Leur devanture fait face aux terrasses de cafés ou bars, pour que les gens accompagnent leurs bières de bouts de viande vendue au kilo. Il y a trois façons différentes de manger la viande, grillée, marinée ou crue, quelle qu’elle soit : boeuf, mouton, ou chèvre. En effet, la religion n’autorise strictement que les animaux à sabots fendus. Il est aussi coutumier de déguster le chameau, plus cher dans les régions du Nord. Le cochon est quasiment inexistant par respect pour les Musulmans. Le boucher découpe le morceau devant toi, à même la carcasse de l’animal, suspendue derrière lui, et le passe au serveur pour qu’il aille le préparer. En France, le boucher découpe les morceaux de façons précise pour séparer les différentes parties de l’animal (côtes, épaule, flanc, poitrine, etc) qu’il ne vendra pas au même prix. Ici, tout est viande, et tu ne précises jamais quel type de morceau tu souhaites, mais juste quelle quantité. Étonnamment en Éthiopie, il est possible de manger de la viande crue. Le ‘’courte’’ se déguste au bar avec une bière ; le serveur t’apporte juste un plateau métallique avec ton bout de viande posé à même dessus, deux petites sauces (un mélange d’épices et d’huile) et des couteaux. Rappelons qu’il est très rare de manger de la viande crue en Afrique. Même les Ethiopiens pensent qu’ils sont les seuls à le faire, car les conditions hygiéniques ne le permettent pas. Mais ici, les animaux sont tués le jour d’avant dans des abattoirs de la ville, puis livrés le soir dans chaque boucherie à l’aide de camions réfrigérés. Chaque boucherie selon sa taille achète un ou deux animaux entiers, qu’elle vendra au détail pendant la journée. Les devantures sont toutes blanches avec une croix rouge, à l’image du style graphique du monde médical.

LE CAFÉ : UNE TRADITON QUI RESTE FIGÉE DANS LE TEMPS

A l’EIABC, il est interdit de fumer dans tout le campus et la cigarette est très mal vue dans la rue. Cela n’arrêtait pas les étudiants ; il fallait juste traverser la route et descendre sur le bas- côté. Une femme, Emu, en faisait son métier. Elle y avait installé un petit coin pour vendre des cafés à 1 birr et des cigarettes à l’unité toute la journée. Autour de son cuiseur à charbon, des troncs d’arbres y étaient déposés. Cet endroit, à l’abri des jugements accueillait toute la journée, dès 6h du matin, les étudiants fumeurs. C’était la pause café.
Premier exportateur de café en Afrique et septième du monde, le café fait partie de rites traditionnels depuis des siècles. Cuit dans le jebena, (carafe en terre cuite) il rythme la vie de tous les jours des Éthiopiens. Le mode de préparation mérite le nom de rituel, voire de cérémonie religieuse, non seulement car on ne saurait l’abréger, mais aussi parce qu’il comporte des gestes et des éléments rituels. Dans chaque bar et restaurent, une femme sur un petit tabouret devant un plateau s’occupe du café. Ce mode opératoire, plutôt long, est le même dans les foyers. Le café appelé ‘buna’ n’est pas torréfié à l’avance mais pour chaque utilisation. Dans la tradition, après qu’il soit pilé, les participants de la cérémonie sont invités à sentir son parfum directement dans les mains de sa préparatrice. Il est ensuite bouilli et servi dans de petites tasses sans anses (tu te brûles les doigts à chaque fois).

UNE RELIGION OMNIPRÉSENTE

A Addid-Abeba, quoi que tu fasses, quelle que soit la conversation, tu finis toujours par parler de religion. « De quelle religion es-tu ? est presque la première question que l’on te pose dans la rue. Même Ethio Telecom le demande à ses abonnés pour les inscrire. La religion étant très présente, l’agence de téléphonie souhaite cibler ses voeux pour chaque type de pratiquant. Les Éthiopiens sont très respectueux de toutes les religions. En effet, le mariage entre musulmans et orthodoxes est très courant et même dans certaines rues, mosquée et église se font face.
Le christianisme orthodoxe, principale religion du pays à 52%, est introduit dès le début du IVème siècle et l’islam la seconde religion qui regroupe 33% des fidèles éthiopiens, est introduite par les disciples de Mahomet dès le début du VIIème siècle. Ces deux religions ont depuis lors cohabité. On raconte même dans la légende que Mahomet et la reine de Saba entretenaient une relation amicale.
Donc peu importe ta religion, du moment que tu en as une. Je n’hésitais pas à leur dire que nombre de Français étaient agnostiques ou athées, même si cela leur semblait incompréhensible. Une discussion interminable commençait donc. Ils essayaient en vain de comprendre et de me convaincre, en utilisant parfois des méthodes très douteuses , comme celle du dentiste armé d’une turbine dans ta bouche immobilisée : ‘’Comment faites-vous pour vivre ? Que faites-vous pour savoir quoi faire ? Moi, c’est Dieu qui me dit ce qui est bon, ce qui est mauvais. Et si je fais toutes ces bonnes choses, c’est pour avoir ma place au Paradis’’. Il m’était très difficile de leur faire comprendre que je n’en avais pas besoin. J’ai tenté de leur expliquer en quoi les croyances et les peurs incontrôlées peuvent bloquer la rationalité et le progrès.. . Un exemple significatif : en quête de fraîcheur, nous proposions souvent des excursions hors de la ville à nos colocataires. Ils refusaient toujours, préférant rester sous la pluie à Addis-Abeba pendant leurs deux mois de vacances. Pourquoi ? Parce que Dieu les a placés là, dans cette ville, pour une raison, et s’il avait voulu qu’ils aillent à Gondar, ils les aurait fait naître à Gondar. C’est aussi simple que cela.

POTENTIELS HUMAIN, UNE JEUNESSE ENTHOUSIASTE ET SOLIDAIRE

On croit à une erreur : en Ethiopie, la moyenne d’âge est de 17 ans. La jeunesse, force vive de la nation, est donc non seulement omniprésente, mais porteuse de promesses et d’avenir. Par son travail, sa vivacité, son potentiel, ses aspirations à appartenir au monde, elle contribue à dynamiser le pays et à le tirer vers le haut. Armés de leur smartphone et ordinateur, les jeunes, nouveaux prescripteurs voyagent dans le monde entier. Enthousiastes, fiers de leur pays, ils y apportent leur contribution en essayant de se créer un monde meilleur.

LA NOUVELLE JEUNESSE : ENTRE INTERDITS ET INTERNATIONALISATION

Grâce à la jeunesse de sa population, la culture s’internationalise à tous les niveaux, avec une vitesse croissante. Le vêtement traditionnel, naguère porté au quotidien, puis seulement les jours de célébration, est devenu complètement obsolète, et a laissé place à la mode occidentale et internationale : jeans délavés de Bangladesh, tee-shirt indiens, vestes chinoises, etc. Les Ethiopiens sont aussi de grands consommateurs de l’industrie américaine du cinéma. Et certains m’ont même dit avoir regardé des films français. Stromae est une star là-bas, et sa musique passe dans tous les bars du pays. La jeunesse s’ouvre au monde, par le biais d’internet. En revanche, la connexion est vraiment mauvaise, l’une des pires au monde, et seulement entre 0 et 20% de la population y a accès. De plus, cet outil, qui permet très rapidement d’avoir les informations du monde entier sur tout et n’importe quoi, mais aussi d’avoir accès à la presse, et donc d’ouvrir les yeux sur les inégalités dans le monde, est contrôlé par l’Etat. Celui-ci censure de nombreux sites et coupe même la totalité du réseau de temps à autre. Par exemple, quand les examens de fin d’année avaient fuité plusieurs fois sur les réseaux sociaux, l’accès à internet a été bloqué pendant une semaine. Un tel pouvoir étatique utilisable à tout moment interroge. Aujourd’hui, à la suite à de nombreuses manifestations, avec des affrontements sanglants entre la population et les forces de l’ordre, l’Etat a décrété la situation d’urgence. Après avoir coupé l’accès à internet pendant plusieurs semaines, un système de surveillance à grande échelle y a été discrètement mis en place, utilisant une technologie qui permet d’espionner l’ensemble des communications Web du pays, débouchant in fine sur l’interdiction de tous les services de communication par internet. L’utilisation de skype par exemple serait aujourd’hui passible de quinze ans de prison.
En Ethiopie, l’éducation est gratuite. Le seul frein est le coût de l’uniforme et des livres. L’école est donc accessible à presque tout le monde, et permet aux jeunes de profiter des études supérieures. L’Etat finance une large partie des études et la vie qui y est liée. Pendant toute leur durée, l’étudiant choisit entre un financement total (logement et nourriture compris) ou un peu d’argent de poche. Une somme médiocre (environ 20 euros par mois), mais le coût du repas dans les universités ne s’élève qu’à un euro par jour et l’internat à 2,5 euros par mois. A la fin de leur cursus, quand ils acquièrent un travail, ils remboursent une partie du coût total (environ 2000 euros) pour recevoir leur diplôme. L’Etat investit donc en direction d’une jeunesse instruite, qui réfléchit par elle-même. Du moins, il le lui laisse croire, car tout ne va pas dans ce sens-là. En effet, les étudiants à Addis n’ont pas bénéficié des retombées de notre mai 1968. Et bien qu’ils soient majeurs, ils sont considérés comme des enfants qui doivent respecter l’autorité (souvent contestable), et faire leurs exercices sans dire un mot. Peu habituée à cette ‘’neutralité silencieuse’’, ne fût-ce que dans des projets architecturaux, j’en ai récolté de mauvaises notes.
Ici la réponse aux manifestations est très violente, et la police n’hésite pas à tirer à bout portant sur ceux qui cherchent à s’exprimer. A l’école, nous avons tenté de nombreuses fois de sensibiliser les étudiants aux injustices qu’ils subissaient. Par exemple, il était impossible pour eux de trouver un endroit décent et équipé pour travailler, alors que les professeurs s’installaient confortablement dans leur bureau privé. A l’internat, ils fermaient les toilettes quand il y avait des coupures d’eau, laissant parfois les étudiants pendant une semaine sans pouvoir se laver ou se soulager. Français nourris à la culture de la contestation et du débat, nous étions révoltés mais nos camarades subissaient leur sort sans broncher. Nous avons même imaginé poser des affiches dans toute l’école sur le thème “si j’étais directeur, je ferais …” , mais nous nous sommes vite découragés face cette réalité qui n’était peut-être pas notre combat. Quoi qu’il en soit, l’éducation peut-être gratuite permet de former une génération de « bons travailleurs » pour le pays en pleine croissance.

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Table des matières

INTRODUCTION 
PARTIE 1 : GROS PLAN SAISSISSANT : COHABITATION ENTRE TRADITION ET MONDIALISATION 
1.1 L’ARRIVÉE
1.1.1 LA DESCENTE
1.1.2 DEUX TERMINAUX BIEN DISTINCTS
1.1.3 LE QUARTIER DE L’AÉROPORT : BÔLÉ
1.1.4 NOUVEAUX REPÈRES TEMPORELS
1.2 IMMERSION DANS L’ESPACE PUBLIC
1.2.1 LA VILLE, UN ESPACE HOMOGÈNE
1.2.2 LA RUE, UNIQUE ESPACE PUBLIC
1.2.3 LA FAUNE URBAINE : TEMOIN DU MONDE RURAL
1.2.4 EAU : UTILISATION PARADOXALE
1.2.5 MOBILITE : DE LA VOITURE INDIVIDUELLE AU TRANSPORT EN COMMUNS
1.3 RENCONTRE AVEC LA CULTURE TRADITIONNELLE
1.3.1 UNE CULTURE PLEINE DE FIERTÉ
1.3.2 LE PLAT TRADITIONNEL : ENVERS ET CONTRE TOUT
1.3.3 VIANDE : PRESENCE INEDITE EN AFRIQUE
1.3.4 LE CAFE : UNE TRADITON QUI RESTE FIGEE DANS LE TEMPS
1.3.5 LES FETES RELIGIEUSES
1.3.6 UNE RELIGION OMNIPRÉSENTE
1.4 POTENTIELS HUMAIN, UNE JEUNESSE ENTHOUSIASTE ET SOLIDAIRE
1.4.1 LA NOUVELLE JEUNESSE : ENTRE INTERDITS ET INTERNATIONALISATION
ANNEXE 1 : FASHION SCHOOL 
1.4.2 JEUNESSE SOLIDAIRE : RECIT D’UNE COLOCATION PARTAGEE
ANNEXE 2 : UN SKATEPARK À ADDIS-ABEBA 
1.4.3 RAPPORT A L’AUTRE
CONCLUSION
PARTIE 2 : L’ENVERS DU DECOR, UNE REALITE PLUS COMPLEXE ET PLUS LARGE 
2.1 ENTRE PAYSAGES INEXPLOITÉS ET SUR-EXPLOITÉS
2.1.1 UNE FAUNE DIVERSE TRES PRESENTE
2.1.2 ENVIRONNEMENT ET VERDURE
ANNEXE 3 : ETHIOPARC 
2.1.3 ENERGIES VERTES, MAIS CONTROVERSEES
ANNEXE 4 : SOL-UBIA 
2.1.4 AGRICULTURE ET FAMINE
ANNEXE 5: MARKET’S SEED 
2.2 ENTRE ARCHITECTURE TRADITIONNELLE ET GLOBALISATION
2.2.1 ARCHIECTURE HERITEES : TECHNIQUES DE CONSTRUCTIONS INGENIEUSES
ANNEXE 6 : AMBASSADE PAYS-BAS 
2.2.2 ARCHITECTURE VERNACULAIRE : RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT ET DES TRADITIONS
ANNEXE 7: MARKET’S SEED 
2.2.3 ARCHITECTURE GLOBALE : LA FIEVRE DE DUBAÏ
ANNEXE 8 : CONCOURS POUR LE QUARTIER GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE DE COMMERCE 
2.2.4 ARCHITECTURE DE MASSE : UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA VILLE
ANNEXE 9 : SECU, SICU ET MACU 
2.3 QUELQUES PISTES ARCHITECTURALES EN GUISE D’ILLUSTRATION
2.3.1 UNE VOIX POUR LA JEUNESSE
2.3.2 UNE JEUNESSE SOLIDAIRE
2.3.3 UN PARC ETHIOPIEN
2.3.4 UNE ENERGIE PROPRE
2.3.5 UNE AGRICULTURE DE PROXIMITE
2.3.6 UNE IDENTITE LOCALE
2.3.7 UNE ARCHITECTURE ADAPTEE
2.3.8 UNE ARCHITECTURE GLOCAL
2.3.9 UNE REPONSE RAPIDE
CONCLUSION 
TABLE DES ILLUSTRATIONS 
BIBLIOGRAPHIE

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