L’entrepreneuriat par nécessité et par opportunité

« L’entrepreneuriat est au cœur des politiques publiques et des interrogations des chercheurs et praticiens » (Chabaud & Degeorge, 2016, p. 19), parce qu‘il contribue à la création d‘emplois et à la croissance économique. L‘importance de l‘entrepreneuriat et de ses contributions sont variées selon les niveaux de développement économique des pays, de la taille des entreprises et de leurs âges. Ainsi, les rapports du Global Entrepreneurship Monitor (GEM dans la suite du texte) montrent annuellement depuis 2008 que le niveau d‘activité entrepreneuriale des économies tirées par les facteurs représente le double voire le triple de celui des économies tirées par l‘innovation (cf. Annexe 25). En ce qui concerne les contributions de l‘entrepreneuriat, Ayyagari, Demirguc-Kunt, & Maksimovic (2014) indiquent par exemple que la création nette d‘emplois des petites entreprises formelles de moins de 20 salariés (versus plus de 100 salariés) est de 58,3% (versus 4,6%) dans les pays à revenus faibles contre 39,8% (versus 6,3%) dans les pays à revenus élevés (cf. Annexe 24).

L‘entrepreneuriat recouvre donc de nombreux enjeux. Ils semblent être désormais compris par tous les pays y compris ceux ayant des revenus faibles. Ainsi, le rapport sur les perspectives économiques de l‘Afrique 2017, co-rédigé par la Banque Africaine de Développement (BAfD dans la suite du texte), l‘Organisation pour le Coopération et le Développement Economique (OCDE dans la suite du texte) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD dans la suite du texte) indique que la plupart des pays africains élaborent des stratégies d‘industrialisation qui s‘appuient sur l‘entrepreneuriat. Mais l‘entrepreneuriat n‘est pas toujours un phénomène homogène. Plusieurs types d‘entrepreneuriat existent. On a entre autres l‘entrepreneuriat dit de nécessité et d‘opportunité, typologie proposée par Reynolds et al. (2001) en se basant sur les motivations entrepreneuriales initiales. L’entrepreneuriat d’opportunité fait référence aux individus qui se sont engagés dans la création et/ou la croissance de nouvelles entreprises afin de poursuivre des opportunités d‘affaires pour en tirer profit. Il s‘agit d‘une participation entrepreneuriale volontaire (Reynolds et al., 2001, p. 8), une auto motivation (McMullen, Bagby, & Palich, 2008). À côté de l‘entrepreneuriat d‘opportunité, Reynolds et al. (2001) mettent en évidence l’entrepreneuriat de nécessité. Ce dernier renvoie aux individus qui se sont engagés dans la création et/ou la croissance de nouvelles entreprises et qui perçoivent cette action entrepreneuriale comme la meilleure option disponible pour s‘employer, mais qui ne préféraient pas nécessairement ladite option. Ces individus se sont engagés parce qu‘ils n‘avaient pas de meilleurs choix (Reynolds et al., 2001, p. 8).

ENJEUX PRATIQUES DE L’ENTREPRENEURIAT DE NECESSITE ET D’OPPORTUNITE

L‘entrepreneuriat de nécessité prévaut dans les pays en développement (cf. les rapports du GEM). Cette section expose donc les enjeux de l‘entrepreneuriat de nécessité/opportunité dans ces pays avant d‘aborder le contexte particulier du Burkina Faso.

Enjeux de l’entrepreneuriat de nécessité et d’opportunité dans les pays en développement 

L‘entrepreneuriat de nécessité et d‘opportunité paraît comme un phénomène ordinaire dans les pays en développement à faible revenu. Le GEM propose le taux d‘activité entrepreneuriale (TAE dans la suite du texte) comme un indicateur de mesure de la dynamique entrepreneuriale. Le TAE est défini comme le pourcentage de la population adulte âgée de 18 à 64 ans qui est en train de créer une entreprise ou qui a créé une entreprise ayant moins de 3 ans et demie. Un panorama des TAE de nécessité et d‘opportunité en fonction des types d‘économie permet d‘apprécier les niveaux d‘entrepreneuriat de nécessité et d‘opportunité selon le niveau de développement économique. Pour ce faire, des données ont été extraites des rapports du GEM de 2009 à 2018.

À travers ces observations, on comprend l‘entrepreneuriat constitue un enjeu pratique pour les économies tirées par les facteurs. Relever ce défi permettrait à l‘entrepreneuriat d‘assumer les attentes économiques et sociales dont il fait objet pour le développement desdites économies. Cependant, d‘une manière générale, on tend à conseiller l‘exclusion des entrepreneurs dits de nécessité des politiques publiques au profit des entrepreneurs d‘opportunité. Ainsi, en Allemagne, Hessels & Van Gelderen (2008) suggèrent de décourager la participation des individus motivés par nécessité à l‘entrepreneuriat car ils contribuent peu à la croissance économique. Dans le même sens, aux États-Unis, Shane (2009) recommande d‘exclure ces types d‘entrepreneurs des politiques publiques d‘accompagnement. C‘est aussi le cas pour certains auteurs dans des économies tirées par les facteurs, qui tendent à être dominées par l‘entrepreneuriat de nécessité. La BAfD, l‘OCDE et le PNUD, partenaires importants du développement économique de l‘Afrique prennent également parti pour l‘entrepreneuriat d‘opportunité. Leurs rapports sur les perspectives économiques de l‘Afrique 2017 (BAfD/OCDE/PNUD, 2017) préconisent aux états africains de ne pas intégrer l‘entrepreneuriat de nécessité dans leurs stratégies d‘industrialisation. Les entrepreneurs de nécessité doivent être plutôt soutenus dans leurs efforts d‘accès aux marchés du travail défendent-ils. À l‘inverse de ces recommandations, d‘autres auteurs en France (Chabaud, Messeghem, & Sammut, 2010; Couteret, 2010; Nakara & Fayolle, 2012) appellent plutôt à adapter les politiques d‘accompagnement aux besoins et aux profils des entrepreneurs.

Compte tenu de l‘importance de l‘entrepreneuriat de nécessité pour les économies tirées par les facteurs comme celles de l‘Afrique, il semble pertinent de réinterroger le phénomène d‘entrepreneuriat de nécessité/opportunité, en particulier dans le contexte d‘une économie tirée par les facteurs. D‘abord, parce que comprendre les phénomènes entrepreneuriaux de ces pays revêtent une importance pratique du fait de la pauvreté qui y sévit (Naudé, 2010, 2017) et qui les expose à des taux plus élevés d‘entrepreneuriat par nécessité (Acs, 2006; Acs & Amorós, 2008). Ensuite, parce que les pays en développement sont peu connus (Eijdenberg & Masurel, 2013) et peu étudiés (TessierDargent, 2015). De ce fait, les recommandations managériales scientifiquement assises semblent réduites. Ainsi, cette recherche choisit d‘étudier le phénomène de l‘entrepreneuriat de nécessité/opportunité dans le contexte du Burkina Faso, pays considéré comme ayant une économie tirée par les facteurs.

Burkina Faso : les enjeux de l’entrepreneuriat de nécessité et d’opportunité 

L‘entrepreneuriat revêt une grande importance pour le Burkina Faso. En effet, les burkinabè sont très impliqués dans les processus de démarrage entrepreneurial. Ainsi, en 2016, pour 65 pays couverts par le GEM, le Burkina Faso apparaissait comme le leader de l‘activité entrepreneuriale émergente avec un TAE global de 33,5%. À titre indicatif, la Malaisie dont l‘économie est tirée par l‘efficience était le dernier sur ce critère avec un TAE global de 4,7% (GEM, 2017; Song-Naba & Toé, 2017). Au-delà des populations, les gouvernements du Burkina Faso semblent aussi avoir conscience de l‘importance de l‘entrepreneuriat pour le pays. C‘est pourquoi, la promotion de l‘entrepreneuriat est devenue une option politique qui semble faire l‘unanimité aujourd‘hui au Burkina Faso (Song-Naba & Toé, 2015) particulièrement depuis le début des années 1990. Dans ce sens, le Gouvernement du Burkina Faso a signé en 2018 (Ministère du Commerce, de l‘industrie et de l‘artisanat, 2018) la charte sur les Petites et Moyennes Entreprises (PME dans la suite du texte) au Burkina Faso. Celle-ci fait suite à l‘adoption par l‘Assemblée Nationale du Burkina Faso (2017) de la loi d‘orientation des PME en 2017. L‘objectif de cette charte est de contribuer à l‘amélioration des performances des PME du Burkina Faso en facilitant leur accès aux financements et aux commandes publiques. Ces entreprises (naissantes, nouvelles ou établies) burkinabè sont portées par des entrepreneurs qui ont des motivations diverses. Là aussi, des études réalisées dans le cadre du GEM au Burkina Faso (Song-Naba & Toé, 2015, 2016, 2017) indiquent la présence d‘entrepreneurs motivés par nécessité et par opportunité. En 2014, 2015 et 2016, le TAE de nécessité du Burkina Faso était respectivement de 22,30%, 27,50% et 29,90%. À titre de comparaison, le TAE de nécessité de la Suède, économie tirée par l‘innovation, était au même moment respectivement de 7,9%, 9,2% et 4,5%. On constate que le TAE de nécessité du Burkina Faso est non seulement important, mais aussi qu‘il croît. Au-delà de ces constats, d‘autres éléments concordent sur le fait que l‘entrepreneuriat de type nécessité est un phénomène important au Burkina Faso. Deux études commanditées par le Ministère de l‘Industrie, du Commerce et de l‘Artisanat (MICA) du Burkina Faso en 2012 décrivent déjà de fort taux de motivation de nécessité d‘entrepreneurs burkinabè en phase de démarrage : L‘une pour la création de pépinière d‘entreprises dans le secteur des services (Ouédraogo, 2012b) et l‘autre pour la mise en place d‘un incubateur d‘entreprises dans le secteur agroalimentaire (Ouédraogo, 2012a). Évaluant les motivations et statuts des potentiels entrepreneurs et des entrepreneurs existants dans ces secteurs dits porteurs (Damiba et al., 2007), les deux études montrent que plus de 76% sont (pour les potentiels entrepreneurs) ou étaient (pour les entrepreneurs ayant déjà créés) en recherche d‘emplois au moment de leur création. Ces situations professionnelles font écho à l‘entrepreneuriat de nécessité, précédé généralement par une situation d‘absence d‘emploi du potentiel entrepreneur (Tipu, 2012). En analysant la structure de la démographie, du système éducatif et de la structure des emplois au Burkina Faso, plusieurs éléments semblent indiquer que ces motivations de nécessité ne seraient pas des résultats fortuits. D‘abord, sur le plan démographique, l‘Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD dans la suite du texte) du Burkina Faso indique une population de plus de 19 000 000 d‘habitants dont environ 81% de celle-ci a moins de 35 ans (INSD, 2014, p. 16). Cette jeune population est de plus en plus éduquée et formée. Les taux brut de scolarisation au primaire et au postprimaire (y compris le secondaire) sont passés respectivement de 61,4% et 15% en 2005/2006 à en 88,5% et 36,2% en 2016/2017 (INSD, 2016, 2017) (voir Annexe 26). Cependant le système éducatif de nature principalement généraliste paraît inadéquat. Les diplômés ne seraient pas adaptés aux besoins du marché de l‘emploi burkinabè (Gouvernement du Burkina Faso, 2016, p. 19). Il en résulte alors une problématique d‘employabilité des jeunes burkinabè. La session 2017 des concours directs de la fonction publique illustre la pression de l‘emploi au Burkina Faso. Elle a enregistré 905 166 candidats (âgés de 18 à 35 ans) pour environ 11 096 postes à pourvoir .

La structure générale des emplois de l‘économie burkinabè peut aussi concourir à développer des motivations de nécessité pour les individus qui s‘engagent ou veulent s‘engager dans l‘entrepreneuriat. Des études du Centre d‘Analyse des Politiques Economiques et Sociales (CAPES dans la suite du texte) et des auteurs comme Calvès & Schoumaker (2004) et Calvès & Kobiané (2014) montrent que les emplois sont précaires d‘une manière générale. Illustrant la précarité des emplois de l‘économie burkinabè, Siri (2012) souligne que seulement 4% de ceux-ci sont couverts par l‘économie structurée. 11% des emplois relèvent du secteur informel et sont considérés comme non décents. Les 85% restants sont des emplois ruraux et particulièrement agricoles. Dans un pays où l‘agriculture est peu mécanisée et dépend surtout des conditions pluviométriques naturelles, les emplois ruraux ne durent pas plus de sept mois l‘année (Somé, 2004). C‘est pourquoi, Siri (2012) qualifie ces emplois ruraux de précaires. En dehors de la précarité, le chômage est aussi un mal que connaissent les burkinabè en particulier la frange des plus jeunes (Calvès & Schoumaker, 2004 ; Calvès & Kobiané, 2014). Le CAPES (2012) situe à 14% le taux de satisfaction des demandes d‘emplois au Burkina Faso.

Ainsi, chômage, insatisfaction des demandes d‘emplois, emplois indécents et précarité sont des facteurs auxquels sont exposés les burkinabè et particulièrement les jeunes (81% de la population) en quête d‘opportunité de travail. L‘économie burkinabè ne pouvant absorber les demandes d‘emploi, la survie économique de nombre de burkinabè passerait par l‘entrepreneuriat de nécessité. La croissance du TAE- de nécessité burkinabè (GEM, 2017; Singer et al., 2015; Xavier et al., 2013) ainsi que l‘état de nécessité de plus de 76% des entrepreneurs des secteurs des services et de l‘agroalimentaire (Ouédraogo, 2012a, 2012b) indiqués par les études descriptives ne sont donc pas surprenants.

Dans ce contexte, l‘entrepreneuriat en général et celui de type de nécessité en particulier semblent susciter un enjeu majeur au Burkina Faso. Ainsi, le gouvernement a lancé dans le cadre du Programme National de développement Économique et Social (PNDES dans la suite du texte) (Gouvernement du Burkina Faso, 2016) deux programmes de promotion de l‘entrepreneuriat pour la période 2016-2020. Ces programmes énoncent des buts similaires qui résonnent avec l‘entrepreneuriat de  type nécessité. Ses buts sont la réduction du chômage et de la pauvreté des jeunes et des femmes en promouvant leur auto-emploi/auto entrepreneuriat Le premier programme, dénommé programme d‘autonomisation économique des jeunes et des femmes (Système d‘Information du Gouvernement du Burkina Faso, 2017) a été lancé en juin 2017. Doté d‘un budget de seize milliards et demi (16,5 milliards) de FCFA (soit 25 154 087 euros), il vise à créer 30 000 micro entreprises qui généreront 90 000 emplois directs. Le second est le programme « Burkina Start-ups » qui a été lancé en juillet 2017. Ce programme a un budget de dix milliards (10 milliards) de FCFA (soit 15 244 902 euros). Il a pour objectif de permettre la création ex-nihilo de 500 entreprises qui engendreront 10 000 emplois directs (Dandjinou, 2017). Ces deux programmes sont mis en œuvre durant la période 2017-2020 et représentent environ 0,20% du budget total du PNDES. Au travers de ces programmes, certains pourraient entreprendre/poursuivre volontairement, donc par opportunité des processus entrepreneuriaux. Beaucoup d‘autres pourraient également s‘engager justement parce qu‘ils sont obligés de le faire pour sortir du chômage et de la pauvreté.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
ENJEUX PRATIQUES DE L‘ENTREPRENEURIAT DE NECESSITE ET D‘OPPORTUNITE INTERETS SCIENTIFIQUES ET PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE DESIGN DE RECHERCHE ET ORGANISATION DE LA THESE
PARTIE 1 : UNE REVUE POUR PROBLEMATISER
CHAPITRE 1 : RECHERCHES SUR LE CONTENU DES MOTIVATIONS DE NECESSITE/OPPORTUNITE
CHAPITRE 2 : RECHERCHES SUR LE PROCESSUS DES MOTIVATIONS DE NECESSITE/OPPORTUNITE
PARTIE 2 : UNE METHODOLOGIE COMPREHENSIVE
CHAPITRE 3 : PARADIGME EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIE GLOBALE DE RECHERCHE
CHAPITRE 4 : CONTEXTE ET METHODE DE RECHERCHE
CHAPITRE 5 : COLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES : DES METHODES A LA REALISATION
PARTIE 3 : D’UNE DESCRIPTION DYNAMIQUE A LA COMPREHENSION DES DYNAMIQUES
CHAPITRE 6 : DE L‘HISTOIRE DES PROJETS A LA SAISIE DES MOTIVATIONS
CHAPITRE 7 : DES MOTIVATIONS DYNAMIQUES POUR DES PROCESSUS DIFFERENTS
CHAPITRE 8 : DES DIFFERENCES DE TRANSITIONS ET DE PROCESSUS MOTIVATIONNELS : QUELLES CLES DE COMPREHENSION ?
DISCUSSION ET CONCLUSION GENERALE
DISCUSSION
CONTRIBUTIONS ET IMPLICATIONS DE LA RECHERCHE
CONCLUSION
GLOSSAIRE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXES

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