L’entrée apicale des produits de digestion des lipides dans l’entérocyte

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L’entrée apicale des produits de digestion des lipides dans l’entérocyte

Les lipides entrent dans l’entérocyte soit par diffusion passive, à travers la bicouche phospholipidique de la membrane, soit par un transport facilité.
Les acides gras non-ionisés traversent beaucoup plus rapidement la bicouche phospholipidique, par un mécanisme de flip-flop, que les acides gras ionisés à longues chaînes, et n’auraient donc pas besoin de transporteur pour effectuer leur passage transmembranaire (Kamp et coll. 1995). Cependant, plusieurs travaux indiquent que l’entrée des acides gras dans la cellule se fait par l’un ou l’autre de ces mécanismes en fonction de la concentration en lipides. Ainsi, en faible concentration (de l’ordre du μM), le linoléate (Chow and Hollander 1979), comme l’oléate (Murota and Storch 2005), sont absorbés via un transporteur tandis qu’à des concentrations plus fortes (de l’ordre du mM), ce ou ces transporteurs peuvent être saturés et les acides gras seront majoritairement absorbés par diffusion passive.

Les lipoprotéines riches en triglycérides d’origine intestinale

Contrairement aux monosaccharides et acides aminés, les lipides sont sécrétés dans le milieu intérieur sous forme de molécules complexes, les lipoprotéines. Après re-synthèse intracellulaire, les triglycérides, les phospholipides et le cholestérol estérifiés sont associés à des apolipoprotéines pour former des lipoprotéines, dont les lipoprotéines intestinales riches en triglycérides, les chylomicrons, qui passeront dans des espaces intercellulaires situés au pôle basal des entérocytes (les espaces de Grünhagen) pour pénétrer dans le chylifère central et aboutir au canal thoracique, court-circuitant ainsi le foie.

Métabolisme intracellulaire des lipides constituant les lipoprotéines riches en triglycérides

Après le passage de la membrane plasmique apicale, c’est au niveau du réticulum endoplasmique (RE) que vont être adressés les produits d’hydrolyse des triglycérides. En effet, cet organite assure différentes fonctions, notamment la synthèse des phospholipides et du cholestérol pour la production de membranes, ainsi que la synthèse de TG.

Métabolisme du cholestérol et des phospholipides

Chez les vertébrés, le cholestérol existe sous forme de cholestérol libre et sous forme de cholestérol estérifié. Le cholestérol libre est principalement retrouvé dans les membranes où il participe à la fluidité et à la perméabilité membranaire. L’homéostasie du cholestérol dans l’organisme nécessite qu’il soit éliminé. Ceci est réalisé en grande partie sous forme d’acides biliaires produits par le foie ainsi que par desquamation de la muqueuse intestinale et une possible sécrétion dans la lumière intestinale de cholestérol néosynthétisé par l’entérocyte (pour revue (Wang 2007)). Après absorption, le cholestérol libre alimentaire peut être estérifié dans les entérocytes par l’action de l’acyl-coenzymeA cholestérol transférase (ACAT) (Chang et coll. 1993). Deux enzymes, l’ACAT1 et l’ACAT2, produits de deux gènes différents, sont capables d’estérifier le cholestérol. La topologie des ACAT dans la membrane du réticulum endoplasmique indique que l’ACAT1 a son site actif du côté cytosolique, suggérant un rôle de cette enzyme dans la formation du cholestérol estérifié au sein de gouttelettes lipidiques cytosoliques de stockage, structures que l’on observe transitoirement en période post-prandiale dans les entérocytes. L’ACAT2, au contraire, a son site actif à la face luminale du réticulum endoplasmique et serait, d’après les auteurs, à l’origine de la synthèse des esters de cholestérol sécrétés associés aux lipoprotéines (Joyce et coll. 2000). Ce rôle d’ACAT2 a été conforté par les travaux de Buhman et coll., (Buhman et coll. 2000), montrant que les souris ACAT2-/- ont un défaut d’absorption et d’estérification du cholestérol par les cellules intestinales, ce qui les rend résistantes à l’hypercholestérolémie induite par l’alimentation. Ces résultats sont en faveur du rôle d’ACAT2 dans la synthèse de cholestérol estérifié pour la formation des chylomicrons.
Les phospholipides, composants majoritaires des membranes, sont apportés par la bile et en moindre quantité par l’alimentation. Le phospholipide majoritairement présent dans l’intestin est la phosphatidylcholine qui est hydrolysée en lysophosphatidylcholine pour être absorbée par l’intestin (Ganong 1999). Des travaux anciens, réalisés sur de la muqueuse intestinale de rat, ont montré que la moitié de la phosphatidylcholine absorbée est hydrolysée en lysophosphatidylcholine puis réacylée pour être incorporée dans les chylomicrons (Scow et coll. 1967) alors que l’autre moitié est totalement hydrolysée, par une lécithinase présente dans la muqueuse intestinale, en AG servant à la re-synthèse des triglycérides et des phospholipides retrouvés dans les chylomicrons (Le Kim and Betzing 1976).

Re-synthèse des triglycérides

A l’intérieur de la cellule, les produits d’hydrolyse des triglycérides, notamment les acides gras, sont transportés par des protéines cytosoliques, les FABP (Fatty Acid Binding Protein), jusqu’au réticulum endoplasmique. Les TG sont re-synthétisés selon deux voies, la voie de la MGAT (monoacylglycérol acyltransférase) majoritaire dans l’entérocyte et la voie de la GPAT (glycérolphosphate acyltransférase) retrouvée dans tous les tissus (Coleman and Lee 2004) (Figure 14).
L’importance respective de chacune de ces deux voies dans la synthèse de triglycérides dépend de l’apport en 2-monoglycérides. En période d’absorption lipidique, donc en présence de 2-monoglycérides, la voie de la MGAT est prépondérante pour la formation de triglycérides (Mansbach and Parthasarathy 1982). A l’inverse, en période inter-prandiale, la voie du glycérol-3-phosphate, intermédiaire formé au cours de la glycolyse, est majoritaire.

Formation des lipoprotéines riches en triglycérides

Les lipoprotéines riches en triglycérides (LRT) représentent des assemblages supramoléculaires complexes comprenant : un coeur hydrophobe, composé de triglycérides (TG), de cholestérol, d’esters de cholestérol, recouvert d’une monocouche de phospholipides, et une partie protéique constituée par des apolipoprotéines (apo) (Figure 17A). Les apos associées aux LRT intestinales sont essentiellement l’apoB, indispensable à la structuration et à l’assemblage de la lipoprotéine (Davidson and Shelness 2000), et des apolipoprotéines échangeables, comme les apos AIV, CIII ou A1, dont les rôles sont encore mal caractérisés, mais qui ne sont pas strictement indispensables à l’assemblage des LRT. Les différentes classes de LRT se caractérisent par leur densité, dépendante de l’enrichissement en TG, les chylomicrons (CM, LRT intestinale) étant plus riches en TG que les VLDL (Very low density lipoprotein). Les CM, dont la taille peut varier de 75 à 1000 nm, sont constitués à 98% de lipides (Figure 17B).

Rôle des lipoprotéines riches en triglycérides

Le rôle des LRT intestinales est de transporter les lipides d’origine alimentaire dans le compartiment plasmatique, permettant ainsi leur disponibilité (notamment sous forme d’acides gras, de phospholipides, de cholestérol), mais aussi des vitamines liposolubles vers les différentes cellules de l’organisme, pour des besoins structurels ou énergétiques. En situation post-prandiale, l’apport des lipides alimentaires permet la synthèse et la sécrétion des CM dans les canaux chylifères puis dans la circulation sanguine. Les chylomicrons sont transformés dans la circulation (ajout et échanges d’apolipoprotéines) et les lipides sont partiellement hydrolysés par la lipoprotéine lipase : il en résulte la formation de CM « remnants » (de taille plus petite: 50-100 nm), déplétés en TG et donc enrichis en cholestérol. Ces particules sont captées par tous les tissus, et principalement par le foie, grâce à des récepteurs comme le récepteur aux LDL (LDLR) et le « LDL-receptor related protein » (LRP) (May et coll. 2005). A l’instar des CM, les VLDL sécrétées par le foie sont progressivement hydrolysées par l’action de la lipoprotéine lipase, ce qui conduit à la formation de LDL. Les acides gras libres produits seront stockés par le tissu adipeux et utilisés par les tissus périphériques comme le muscle, ou re-captés par le foie (Karpe 1999; Kawakami and Yoshida 2005) (Figure 20).
Dans ce cycle, les lipases sont responsables de l’apparition d’un stock plus ou moins important d’acides gras libres qui seront stockés par le tissu adipeux, utilisés par les tissus périphériques ou re-captés par le foie.
Certaines pathologies métaboliques sont directement liées à des anomalies de composition, de structure ou de sécrétion des CM. Des maladies d’origine génétique se caractérisent par des perturbations de la synthèse ou de la sécrétion des CM (Figure 21).
L’abétalipoprotéinémie est une pathologie génétique récessive induisant une déficience en lipoprotéines intestinales, conduisant ainsi à une accumulation massive de TG dans les entérocytes. Cette pathologie entraîne des troubles sévères de malabsorption des graisses et des vitamines liposolubles, accompagnés de retards de croissance, de syndromes de malnutrition et parfois de signes de rachitisme. L’absence de lipoprotéines d’origine intestinale observée lors d’abétalipoprotéinémie est due à des mutations dans le gène mttp, codant la protéine MTP ( dans la Figure 21). L’assemblage et la sécrétion de lipoprotéines hépatiques sont également abolis dans ces conditions (Hussain 2000).
La maladie de rétention des CM et la maladie d’Anderson sont des pathologies caractérisées par l’absence de vitamines liposolubles, des niveaux bas de cholestérol plasmatique et une absence de CM dans la circulation sanguine, associés à des diarrhées et des stéatorrhées. Ces maladies diffèrent des abétalipoprotéinémies, dans lesquelles manque l’étape initiale d’assemblage des CM, et se caractérisent par une rétention massive des CM dans les entérocytes. De plus, la sécrétion de LRT hépatiques n’est pas touchée dans la 40
maladie d’Anderson. Les protéines apoB, apobec-1 et MTP ne sont pas impliquées dans ces maladies (Dannoura et coll. 1999; Hussain 2000). Jones et coll ont mis en évidence que ces pathologies de rétention de chylomicrons sont associées à une mutation sur les deux allèles du gène SARA2, qui code la protéine Sar1b (Jones et coll. 2003). Cette petite GTPase participe à l’assemblage des vésicules de transport du réticulum endoplasmique à l’appareil de Golgi (vésicules COPII) et est nécessaire au transport intracellulaire des CM (Shoulders et coll. 2004). Dans ces 2 types de pathologies, l’apolipoprotéine B est bien adressée au réticulum endoplasmique, mais dans un cas s’arrête à ce compartiment ( dans la Figure 21); alors qu’elle est transportée jusqu’à l’appareil de Golgi dans la maladie d’Anderson. Ceci suggère que la maladie d’Anderson est causée par un défaut de sécrétion au niveau du transport vésiculaire post-Golgien (Berriot-Varoqueaux et coll. 2001) ( dans la Figure 21)

CD36: un récepteur du goût du gras

On peut imaginer qu’il existe un avantage physiologique à une détection orale des lipides pour une préparation fonctionnelle du tractus digestif à leur arrivée et à leur prise en charge, qui nécessite, comme nous l’avons vu précédemment, la fonctionnalité de voies métaboliques très complexes. En théorie, une perception gustative de lipides alimentaires peut être générée par l’interaction d’un acide gras à longue chaîne avec un récepteur spécifique localisé au niveau des bourgeons du goût.
La protéine CD36 (Cluster of Differentiation 36) appelée également FAT (Fatty Acid Translocase) appartient à la famille des récepteurs « scavengers » de classe B. CD36 est une protéine transmembranaire de 88 kDa, fortement N-glycosylée, exprimée dans de nombreux types cellulaires, notamment les plaquettes, les monocytes, les cellules endothéliales capillaires, les érythroblastes, les adipocytes, et les cellules épithéliales intestinales, mammaires et de la rétine. La structure prédictive de CD36 oriente la quasi-totalité de la protéine du coté extracellulaire, à l’exception de deux courtes extrémités cytoplasmiques (de 9 à 13 acides aminés) qui peuvent être palmitoylées (Gruarin et coll. 2000).
La protéine CD36, qui lie les acides gras à longue chaîne (AGLC) avec une très haute affinité (Baillie et coll. 1996), a été identifiée au niveau de la papille caliciforme chez le rat (Fukuwatari et coll. 1997) et chez la souris (Laugerette et coll. 2005). CD36 présente les caractéristiques structurales et fonctionnelles requises pour être un récepteur gustatif aux lipides (pour revue (Glatz and Lagarde 2007; Laugerette et coll. 2007):
1) dans l’épithélium lingual des rongeurs, l’expression du gène CD36 est strictement restreinte aux bourgeons du goût. Elle est particulièrement élevée dans la partie postérieure de la langue, au niveau des papilles caliciformes et dans une moindre mesure des foliées (Figure 25). En revanche, CD36 n’est que faiblement exprimé dans les papilles fongiformes. La protéine CD36 est localisée au niveau de la partie apicale de certaines cellules sensorielles bordant le pore gustatif. Ce positionnement est particulièrement adéquat pour générer un signal gustatif, puisque la lipase linguale peut libérer des AGLC à proximité immédiate des bourgeons du goût, et donc de CD36, dans les papilles caliciformes et foliées.
CD36 (B), exprimé à la surface apicale des cellules du goût. D’après (Abumrad 2005).
2) CD36 a une structure de type récepteur avec une large poche hydrophobe extracellulaire flanquée de deux courts segments transmembranaires plongeant dans le cytoplasme (Figure 25). Son extrémité C-terminale peut s’associer avec des kinases Src constituant ainsi un ensemble fonctionnel pouvant potentiellement permettre la transduction d’un signal lipidique.
3) Les AGLC induisent de façon sélective, rapide et importante, une élévation de la concentration intracellulaire de Ca2+ dans les cellules gustatives isolées à partir de papilles caliciformes. Or ce changement est connu pour être à l’origine de l’activation des voies nerveuses gustatives afférentes. Cet effet est dépendant de CD36 puisque l’inhibition pharmacologique de son site de liaison supprime totalement la réponse calcique induite par les AGLC. En accord avec ce processus, les acides gras à chaîne moyenne, qui ne sont pas des ligands de CD36, sont incapables d’induire un changement calcique dans les cellules gustatives (Gaillard et coll. 2006). Le mécanisme moléculaire à l’origine de la transduction du signal dans les cellules gustatives est actuellement inconnu. Une implication de la voie des tyrosines kinases est cependant plausible. En effet, certaines kinases Src comme lyn ou fyn, connues pour contrôler les flux calciques intracellulaires, peuvent également interagir avec CD36 (Huang et coll. 1991). De même, les résultats récents obtenus avec l’invalidation du canal calcique TRPM5, similaires à ceux obtenus avec l’invalidation de CD36 (Laugerette et coll. 2005) concernant l’abolition de la préférence spontanée des rongeurs pour le gras, suggèrent que TRPM5 peut faire partie de la voie de signalisation activée par la liaison d’acides gras sur CD36 (Sclafani et coll. 2007b).
4) Les souris dont le gène codant pour CD36 a été invalidé n’ont plus de préférence pour une solution enrichie en AGLC par rapport à une solution aqueuse. En revanche, leur attirance pour le sucré et leur aversion pour l’amer restent équivalentes à celles de souris de type sauvage. En absence de CD36, le système gustatif semble donc fonctionner normalement sauf pour la détection des AGLC (Laugerette et coll. 2005).
5) L’augmentation du flux pancréato-biliaire et du contenu en protéines du suc pancréatique induit par le dépôt oral d’AGLC chez les souris de type sauvage n’existe plus chez les souris dépourvues de CD36. La présence de CD36 au niveau lingual semble donc indispensable pour préparer l’organisme à recevoir des graisses (Laugerette et coll. 2005).
6) La présence d’AGLC au niveau oral entraîne une activation neuronale du noyau du tractus solitaire dans des zones connues pour être en relation avec le nerf IX et le nerf VII. Une fois encore, cette activation est dépendante de CD36 puisque l’activation neuronale observée chez les souris sauvages soumises à un stimulus lipidique oral n’est plus reproduite chez des animaux dont le gène codant pour CD36 a été invalidé (Laugerette et coll. 2007).
Figure

L’intestin endocrine

L’intestin et le système nerveux central synthétisent l’apoA-IV, qui joue un rôle important dans le métabolisme lipidique intestinal et constitue un signal de satiété. Mais l’intestin sécrète aussi des peptides pouvant agir sur la régulation de la prise alimentaire. Il ne s’agit pas ici de traiter de façon exhaustive des sécrétions endocrines intestinales, mais plus d’appréhender l’importance de cet organe dans sa participation au contrôle de la prise alimentaire, notamment par sa capacité à sécréter des peptides en réponse à l’apport de nutriments et des conséquences physiologiques ou physiopathologiques qui en résulteront.
La capacité de l’intestin à percevoir le contenu luminal en nutriments après un repas est d’une importance fondamentale, cette perception permettant d’orchestrer la digestion et d’optimiser l’assimilation des nutriments. De plus, la détection des nutriments par l’épithélium est essentielle pour le contrôle, à court terme, de la prise alimentaire via les voies de signalisation allant de l’intestin vers le cerveau.
Après un repas, plusieurs peptides gastro-intestinaux sont sécrétés par les cellules entéroendocrines (CEE). Ces sécrétions sont conditionnées par le contenu luminal en nutriments. Les cellules entéroendocrines sont classées en fonction de la morphologie et du contenu de leurs granules de sécrétion (voir Chapitre I, section I.1.2.1: Les différents types cellulaires de l’épithélium intestinal). Les mécanismes moléculaires précis de détection des nutriments par les CEE sont encore mal caractérisés.
Le peptide PYY (peptide tyrosine tyrosine) est une hormone intestinale, synthétisée et sécrétée par les cellules endocrines L dans l’intestin grêle distal en réponse à l’ingestion d’aliments (pour revue (Ueno et coll. 2008)). L’apport lipidique est un stimulus fort de relargage de PYY qui, converti par la dipeptidyl peptidase IV en PYY3-36, se lie au récepteur Y2 de la famille des récepteurs NPY. Ces récepteurs Y2 sont distribués dans l’hypothalamus, principalement dans le noyau arqué, et aussi dans l’hippocampe, dans l’intestin, dans les corps neuronaux du ganglion nodal du nerf vague (Koda et coll. 2005). L’hypothèse que PYY3-36 agit comme un facteur de satiété est basée sur l’observation que ce peptide peut inhiber la sensation d’appétit et inhiber la prise alimentaire quand il est administré aux animaux (Batterham et coll. 2002) ou à l’Homme (Batterham et coll. 2003), même si les résultats chez l’animal sont très controversés (Boggiano et coll. 2005; Beglinger and Degen 2006). Récemment, en utilisant un antagoniste du récepteur à la CCK (CCKR1), une interrelation entre l’apoA-IV, CCKR1, l’activation des afférences vagales par le PYY3-36 et l’inhibition de la vidange gastrique a été mis en évidence chez la souris, sans pour autant relier cette voie à l’inhibition de la prise alimentaire médiée par PYY3-36 (Whited et coll. 2007).
Dans l’intestin grêle proximal, le Glucagon-like peptide 1 (GLP-1), le gastric inhibitory peptide (GIP, glucose-dependent insulinotropic polypeptide) et la 5-hydroxytryptamine (5-HT) voient leur sécrétion stimulée par le glucose alors que les acides aminés induisent la sécrétion de gastrine, et les acides luminaux celle de sécrétine. De tous les mécanismes cellulaires responsables de la sécrétion d’entéro-peptides par les CEE, les plus analysés et les mieux compris sont ceux impliqués dans le relargage des incrétines GLP-1 et GIP, induit par le glucose au niveau des cellules L (pour revue (Drucker 2006) et (Todd and Bloom 2007)). Le nombre impressionnant de travaux qui leur sont consacrés est à relier à l’importance de ces mécanismes dans le contrôle de l’homéostasie glucidique et à l’impact de leurs dysfonctionnements dans le diabète de type 2. Récemment il a été montré qu’un apport en lipides peut également stimuler la sécrétion de GLP-1, mais il n’y a pas de mécanismes décrits pour le moment (Lu et coll. 2007). Cela démontre que les concepts évoluent au fur et à mesure des travaux et qu’il est aujourd’hui impensable de lier un seul nutriment à un seul effet, mais qu’on doit traiter aujourd’hui plus du métabolisme glucido-lipidique que de chacun de ces métabolismes séparément.
La détection des lipides est nettement moins expliquée que celle des sucres jusqu’à présent. En effet, les acides gras, et les lipides en général, sont des nutriments plus difficiles à étudier, du fait de leur comportement complexe d’un point de vue physico-chimique dans un environnement aqueux. De par leur nature hydrophobe, dès que l’on dépasse la limite de solubilisation les acides gras forment préférentiellement des agrégats, sauf s’il y a présence de produits biliaires. La CCK, entéro-peptide majoritairement sécrété par les CEE en réponse aux acides gras libres, stimule la sécrétion biliaire. Ceci suggère l’existence d’un événement précoce capable de détecter les acides gras non solubilisés afin de stimuler rapidement la sécrétion de la CCK. Ces mécanismes moléculaires ont été étudiés chez l’Homme (McLaughlin et coll. 1998b) et sur des lignées murines entéroendocrines, entre autres la lignée STC-1 (McLaughlin et coll. 1998a). Les acides gras (>12 carbones) augmentent le calcium intracellulaire (Ca2+) pour stimuler le relargage de CCK des CEE (McLaughlin et coll. 1998a). L’entrée de Ca2+ extracellulaire induit par les acides gras se fait via des canaux Ca2+ de type L (McLaughlin et coll. 1998a) mais les acides gras mobilisent également le Ca2+ intracellulaire stocké dans le réticulum endoplasmique (Hira et coll. 2004). La co-existence de deux types de voies, mais avec des cinétiques différentes, est donc envisagée: une voie initiée à la membrane plasmique qui déclenche l’influx de Ca2+ extracellulaire et une autre voie au niveau du réticulum endoplasmique qui, après l’entrée des acides gras, relargue le Ca2+ stocké. Dans les deux cas, on peut envisager l’implication des récepteurs membranaires de surface ou des transporteurs spécifiques, exprimés par les CEE, dans ces mécanismes (Hira et coll. 2004). Si ces descriptions mécanistiques sont relativement récentes, les effets centraux de la CCK sont, en revanche, étudiés depuis longtemps. Dès 1973, Gibbs démontrait l’effet inhibiteur de la CCK sur la prise alimentaire chez le rat (Gibbs et coll. 1973).
On peut considérer que la détection des produits d’hydrolyse des lipides alimentaires au niveau de l’intestin provoque l’activation de voies de signalisation générant un signal qui sera transmis au système nerveux central et participe ainsi au contrôle, à court terme, de la prise alimentaire. Je n’aborderai pas ici les contrôles à long terme, en fonction de l’état d’équilibre énergétique, éminemment plus complexes, par l’intervention des tissus périphériques, principalement le tissu adipeux, et la sécrétion d’hormones, telles que la leptine et l’adiponectine, qui vont également agir au niveau central pour contrôler l’appétit et le métabolisme.

Les acides gras et l’hypothalamus

Il a été montré, ces dernières années, une détection des acides gras libres au niveau du système nerveux central capable de réguler la balance énergétique au niveau central (cerveau) et/ou au niveau périphérique.
Les acides gras libres, issus du métabolisme des lipoprotéines, peuvent passer la barrière hémato-encéphalique contrairement à ce qui était admis dans les années 40 (Sperry et coll. 1940). Les études récentes montrent que celle-ci n’est pas imperméable aux acides gras circulants mais plutôt sélective (Edmond 2001; Watkins et coll. 2001); de plus, cette barrière est quasiment inexistante au niveau de l’hypothalamus et plus particulièrement du noyau arqué qui représente la véritable « porte d’entrée » et le lieu principal de détection des hormones et des nutriments vers le système nerveux central (Migrenne et coll. 2007).
La présence de neurones sensibles aux variations des niveaux de glucose extracellulaire est bien démontrée au niveau du cerveau et particulièrement au niveau de l’hypothalamus (pour revue (Levin 2002; Penicaud et coll. 2002)). Il y a maintenant également de nombreuses études qui montrent l’existence de neurones réagissant à des variations de la concentration en acides gras libres (Oomura et coll. 1975; Clement et coll. 2002; Obici et coll. 2002; Wang et coll. 2006). Ainsi, tout comme le glucose, les acides gras peuvent jouer le rôle de molécules informatives au niveau de l’hypothalamus. Les variations de concentration plasmatique des acides gras libres en fonction du statut énergétique seront donc détectées et interprétées au niveau central, entraînant en retour une régulation du métabolisme lipidique et glucidique, et plus largement du métabolisme énergétique, incluant notamment le comportement alimentaire (Migrenne et coll. 2007). Il a ainsi été montré qu’une perfusion intra-cérébro-ventriculaire d’acide oléique chez le rat provoque une baisse de la production hépatique de glucose et une diminution de la prise alimentaire (Obici et coll. 2002). Cet effet de l’acide oléique s’accompagne d’une diminution de l’expression du neuropeptide Y (neuropeptide contrôlant la prise alimentaire) au niveau de l’hypothalamus (Obici et coll. 2002). De même, une augmentation excessive de la concentration plasmatique d’acides gras libres, notamment dans des situations pathologiques, pourrait également altérer le contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique via des modifications des activités nerveuses parasympathiques et orthosympathiques. Il a été montré qu’une surcharge en lipides, provoquée par un régime hyperlipidique, ou une perfusion intraveineuse de triglycérides conduisant à un doublement de la concentration plasmatique des acides gras libres, induisent des modifications de l’activité du système nerveux central chez le Rat. Chez l’Homme, une surcharge pondérale s’accompagne bien souvent d’altérations du tonus sympathique (pour revue (Cruciani-Guglielmacci et coll. 2006)). Les mécanismes moléculaires de cette détection d’acides gras libres ne sont pas encore précisément élucidés, mais il y a cependant des éléments permettant d’impliquer le métabolisme des acides gras dans ce mécanisme. Il est maintenant établi que les principales enzymes du métabolisme des acides gras, telles que la FAS (Fatty acid synthase) qui catalyse la synthèse d’acides gras à longues chaînes, la CPT1 (carnitine palmitoyltransferase-1), l’enzyme limitante de l’entrée des acides gras dans la mitochondrie pour l’oxydation, et l’ACC (acetyl-CoA carboxylase) qui génère le malonyl-CoA substrat de la FAS, sont exprimées dans les neurones hypothalamiques (Figure 27). Il est suggéré que le malonyl-CoA est, avec les acyl-CoA, l’un des principaux détecteurs énérgétiques de l’hypothalamus. Cette hypothèse repose sur de nombreuses données expérimentales étudiant l’effet de l’inhibition de la FAS, au niveau de l’hypothalamus, via notamment l’inhibiteur de synthèse C75, qui provoque l’accumulation de malonyl-CoA et inhibe fortement la prise alimentaire (voir pour revue (Dowell et coll. 2005)).

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre I. Le métabolisme lipidique intestinal
I.1 Structure et fonction de l’intestin grêle
I.1.1 Anatomie de l’intestin grêle humain
I.1.2 L’épithélium intestinal
I.1.2.1 Les différents types cellulaires de l’épithélium intestinal
I.1.2.2 Les modèles de cellules entérocytaires
I.2 Digestion des lipides alimentaires
I.2.1 Généralités sur la digestion des nutriments
I.2.2 Transformation intra-luminale des lipides alimentaires
I.2.3 La solubilisation micellaire
I.2.4 L’entrée apicale des produits de digestion des lipides dans l’entérocyte
I.3 Les lipoprotéines riches en triglycérides d’origine intestinale
I.3.1 Métabolisme intracellulaire des lipides constituant les lipoprotéines riches en triglycérides…
I.3.1.1 Métabolisme du cholestérol et des phospholipides
I.3.1.2 Re-synthèse des triglycérides
I.3.2. L’apolipoprotéine B
I.3.3 Formation des lipoprotéines riches en triglycérides
I.3.4 Rôle des lipoprotéines riches en triglycérides
Chapitre II: La détection des lipides alimentaires
II.1 La perception du goût
II.1.1 Les récepteurs du goût
II.1.2 CD36: un récepteur du goût du gras
II.2 L’apoA-IV
II.3 L’intestin endocrine
II.4 Les acides gras et l’hypothalamus
II.5 Les récepteurs nucléaires: des « senseurs » intracellulaires
Chapitre III. Détecteurs potentiels des lipides alimentaires micellaires au niveau de la membrane apicale des entérocytes
III.1 La cavéoline-1
III.2 Le récepteur CD36
III.3 Les transporteurs FATP4 et FABPpm
III.4 Le transporteur ASBT
III.5 Le transporteur NPC1L1
III.6 Le récepteur « scavenger » SR-BI
III.6.1 Structure, expression et localisation de SR-BI
III.6.2 Régulation transcriptionnelle de l’expression de SR-BI
III.6.3 Rôle de SR-BI dans le métabolisme du cholestérol
III.6.4 Les voies de signalisations intracellulaires déclenchées par SR-BI
Etude transcriptomique des effets des lipides sur les entérocytes
1-Profils transcriptionnels des gènes modulés en fonction du mode d’apport des lipides
2-Identification des gènes spécifiquement modulés par les lipides alimentaires apportés au pôle apical des cellules sous forme de micelles lipidiques post-prandiales
Article 1: Etude des événements précoces de la détection des micelles post-prandiales par les entérocytes
CONCLUSION GÉNÉRALE
DISCUSSION

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