L’enregistrement de l’action policière par les citoyens : nécessaire dans une société démocratique

Le passage d’une visibilité exemplaire à une visibilité axée sur le recours à la force

Si à l’origine la visibilité des forces de l’ordre est une visibilité « de rue » qui renvoie à la présence des policiers dans l’espace public (A), celle-ci s’est peu à peu transformée en une visibilité tournée vers l’usage de la force en manifestation (B).

La visibilité de rue : la présence des policiers dans l’espace public, mission générale de police

La présence des policiers au sein de l’espace public constitue une des différentes missions qui incombent à leur fonction. Plus particulièrement, le maintien de l’ordre public et la tranquillité publique sont les raisons de l’intervention de police au sein de cet espace public. La notion d’ordre public a été définie par la loi du 5 avril 1884, dont les termes ont été repris dans le Code Général des Collectivités Territoriales à l’article L. 2212-2, comme « le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique ».
Cette présence physique policière dans l’espace public inclue ainsi une forte visibilité de la police dans celui-ci. En effet, cette visibilité renvoie à une présence accrue au sein des villes afin d’exercer leurs missions de police et d’être au contact de la population. Ainsi, ceux-ci doivent et sont « disponibles » pour la population. Il s’agit pour eux de prévenir les troubles et d’assurer la sécurité des personnes.
Tout d’abord, l’on pense aux patrouilles à moto, cheval, ou encore à pied qui parcourent la ville à toute heure afin de pouvoir répondre aux attentes des citoyens, et par conséquent de prévenir les troubles à l’ordre public. Surtout, cette visibilité se constate également dans le port d’un uniforme, le véhicule ou encore l’arme à feu, ce que Michael Ball appelait « Visual availability » , autrement dit les manifestations visibles d’une culture. En effet, l’uniforme constitue l’élément central de cette visibilité et permet directement au policier d’être observable et identifiable : « c’est d’abord l’apparence physique, l’uniforme, les accessoires de la fonction qui caractérisent le policier » . En 1829, le préfet de police de Paris Louis Debelleyme estimait ainsi que l’uniforme sert à « signaler incessamment au public la présence des inspecteurs sur les points où ils seront de service, de les forcer en même temps à intervenir et à rétablir l’ordre au lieu de se dérober dans la foule (…), de les contraindre à faire leur service avec régularité et à apporter dans leurs actes, sans cesse contrôlés, du sang-froid et de la modération » . En ce sens, qui n’a jamais eu peur lors de la présence de patrouilles policières alors même que nous n’avions rien à nous reprocher ou au contraire qui ne s’est pas senti rassuré lors de la présence de celles-ci, ou encore, qui n’a jamais voulu rester sur les lieux d’une intervention pour observer ce qu’il se passait. Ces ressentis communs ou encore cette curiosité, ne sont que le fruit de cette culture policière, culture rendue visible par cette disponibilité au sein de l’espace urbain. Pourtant, cette culture visuelle présente des faiblesses particulières qui vont de soi avec ce qui s’associe à voir, être vu, observer, être observé. En effet, l’on sait une fois de plus tous qu’être vu, regardé, observé influe sur nos comportements et actions. Par exemple, être interviewé et être filmé engendre un comportement différent que s’il s’agissait d’une simple discussion.
Ainsi, cette fonction rend nécessaire pour eux d’être un « exemple » au sein de la société, et de renvoyer une image positive de la police, sans le moindre faux pas. En effet, l’uniforme ou l’arme à feu représentent un certain privilège, une autorité qui suppose alors de se comporter de façon irréprochable, de manière exemplaire puisque ceux-ci sont dès lors soumis au regard et au jugement des citoyens en raison du caractère identifiable voir supérieur que leur procurent ces attributs. A chaque instant, la police doit veiller à ce que sa mission soit bien perçue comme un service rendu à la population. D’ailleurs, selon le Code de déontologie « le policier ou le gendarme est au service de la population […] Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toutes circonstances d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération » , exemplarité confirmée par le Ministre de l’Intérieur qui a déclaré que « pour être respectée la police doit être respectable ».
Cette visibilité n’est autre que le reflet de l’expression du pouvoir étatique, dans le but notamment de légitimer ce pouvoir. En effet, la visibilité n’est autre que se faire connaître et rendre légitime une cause auprès du public. A cette fin, « la police de l’espace public assure la prééminence des institutions représentatives étatiques sur toute forme de représentation concurrente du peuple » . Il est possible de rattacher cela avec la théorie développée par Malesherbes, la « loi d’obéissance » , qui suppose que cette protection nécessaire des institutions passe par une certaine obéissance de la part de la société. Cetteobéissance traduit ce rapport hiérarchique entre l’Etat et les citoyens : policiers, acteurs de surveillance et représentants du maintien de l’ordre étatique et la population, les surveillés et « obéissants » aux lois. Ainsi, l’institution policière est perçue comme « intouchable » dans l’idée où celle-ci représente le maintien de l’ordre dans un Etat de droit. Ils sont les représentants les plus visibles de l’État dans la rue. Egalement, cette intervention policière dans l’espace public peut se comprendre comme un « phénomène de rassemblement » . Rassemblement constitué non seulement des forces de l’ordre, de la victime, et parfois du suspect, mais également de toutes les personnes présentes au moment de l’intervention. D’ailleurs, cette présence visible était l’un des points clés de la volonté de mise en place d’une police de proximité dans les années 1990 afin de rapprocher la police de la population : « une présence policière accrue, assurée par un maillage territorial resserré et des agents ancrés dans leurs territoires, disponibles et à l’écoute des citoyens, faciliterait les échanges avec toutes les catégories de la population ».
En effet, leur tâche première consiste à protéger les citoyens et les droits de l’homme.
Les policiers entrainent alors avec eux sur la voie publique cette visibilité continuelle, qui se traduit chez eux d’une part par leur qualité d’observateurs, par leur mission de surveillance de la population et d’autre part, d’observés, en jetant les regards sur eux, du fait du pouvoir qu’ils emmènent avec eux. En effet, l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen prévoit que les forces de l’ordre doivent rendre compte de leur action aux citoyens. En ce sens, le droit de demander des comptes aux agents est de nature constitutionnelle.

Une visibilité de force : le maintien de l’ordre par les forces de l’ordre, problèmes récents de légitimité

Le maintien de l’ordre s’effectue donc dans un « domaine visible » où les officiers sont scrutés à des degrés divers par différents publics. La police offre un spectacle qui se remarque, qui vient « perturber » le flux social et amène certains à dire : « c’est à cause de la police, c’est eux qui foutent le bordel ». Surtout, la nature distinctive du travail de la police réside dans sa capacité à utiliser la force en matière de maintien de l’ordre. C’est ce possible usage de la force qui la rend d’autant plus visible au sein de l’espace public. Ces dernières années, la police est passée d’une visibilité dite de rue d’agents en patrouille à une visibilité d’usage de la force en manifestation. En effet, depuis peu, le maintien de l’ordre soulève de sérieux problèmes vis à vis de sa légitimité. Il s’agit d’ailleurs d’une problématique qui se retrouve de façon plus universelle, aux quatre coins du monde, comme l’on peut en effet le constater à travers les nombreuses révolutions intervenues notamment dans les pays arabes, voyant la police comme proche du régime autoritaire. Problématique, qui, d’ailleurs interroge sur la définition donnée par Max Weber : « l’État revendique le monopole de la violence physique légitime ».
La réelle problématique réside dans la délimitation de la notion du maintien de l’ordre : savoir ce qui relève et ce qui ne relève pas de cette notion. En effet, à titre d’exemple, toutes les opérations relatives à la défense, mettant en oeuvre des moyens militaires ne sont pas des opérations de maintien de l’ordre. Par exemple, au cours d’une manifestation, les policiers qui interviennent afin de disperser la foule exercent une mission de maintien de l’ordre tandis que ceux qui assurent la protection des policiers en place et de la foule relèvent de l’armée

L’essor d’internet : l’essor des nouvelles technologies et de leur utilisation au carrefour des années 2000

L’essor des nouvelles technologies et de leur utilisation est la raison pour laquelle le journalisme citoyen s’est développé de manière considérable afin de remédier à ces faux pas policiers vus comme intolérables par les citoyens. Cette visibilité s’est médiatisée de façon considérable avec le développement des nouvelles technologies de communication et d’information portatifs, notamment des appareils photos, caméras portatives, ainsi que les smartphones. Ces nouvelles technologies, accompagnées du développement d’internet, ont en effet profondément bouleversé les sociétés : elles ont permis la mise en place de nouvelles formes de communication telles que les mails, les réseaux sociaux, la messagerie instantanée, les blogs, ou encore les sites internets. Ainsi, Internet apparait comme une « machine à communiquer permettant l’épanouissement de l’individu démocratique. ».
Ces nouvelles technologies ont en effet permis d’offrir et offrent encore aujourd’hui de nouveaux canaux d’expression et d’action. En somme, 95 % de la population est désormais équipée d’un téléphone portable, dont 77% sont des smartphones.
Le développement des nouvelles technologies a alors permis depuis quelques années un nouveau type de surveillance, et ce de manière plus abondante qu’auparavant. En effet, les moyens technologiques se multipliant, ceux-ci se sont dotés d’une certaine efficacité ainsi qu’un vaste champ d’application augmentant de manière considérable leur puissance et la puissance de l’Etat et des forces de l’ordre vis à vis de la surveillance de la population. Ceuxci  disposent d’un grand nombre d’outils leur permettant de collecter les données et informations de chaque citoyen au quotidien se présentant alors comme des instruments de surveillance et de fichage : on peut penser à la vidéoprotection, la biométrie, les bases de données ou encore l’interception des communications, ou la géolocalisation, l’IMSI Catcher.
Cependant, chaque utilisateur d’internet dispose également d’un grand nombre d’outils afin de produire, collecter et diffuser un certain nombre d’informations à tout moment : comme Twitter, Periscope, Facebook etc. La particularité est alors que chacun peut disposer d’internet à tout moment grâce à leur téléphone. En effet, les smartphones ont placé le web au cœur de notre quotidien et permis l’essor des réseaux sociaux et des objets connectés, et donc de la communication en temps réel. YouTube, Twitter ou Linkedin deviennent des services incontournables voir indispensables de notre quotidien.
Egalement, des plateformes d’échange, de création et de diffusion d’informations publiques sans contrôle préalable existent telles Indymedia qui a été créé par divers organismes indépendants, et militants pour couvrir les manifestations de Seattle en 1999, et a permis à des journalistes d’échanger et d’envoyer en temps réel des renseignements, photos, audios, vidéos.
Cet essor d’internet et des nouvelles technologies a permis une véritable « culture du numérique », « caractérisée par des valeurs comme la participation, la collaboration, la transparence et des pratiques parfois qualifiées de « bricolage » ». Dominique Cardon, sociologue spécialisé dans cette culture du numérique, considère que « le centre de gravité des démocraties occidentales se situerait désormais dans une « démocratie Internet » ».

L’essor du copwatching 2.0 : l’émergence d’un débat sociétal sur les violences policières

Cependant, ces tentatives de censure n’auront pas abouti et, auront même laissé place au développement accru de ce mouvement, notamment à travers tout un débat sociétal.
En effet, de nos jours, ce n’est plus tant un copwatching se développant à travers des sites internet recensant toutes informations à propos du policier concerné, et demandant aux partisans des initiatives populaires sur ces dérives, mais plutôt un copwatching dit individuel.
Celui-ci s’est évidemment amplifié avec l’apparition, le développement du téléphone portable dit « smartphone », mais aussi des réseaux sociaux. Equipé de son téléphone, le citoyen se transforme alors, de façon individuelle et autonome, en véritable journaliste à la quête des dérives quel qu’elles soient, racistes, sexistes, liberticides…
En effet, les vidéos la plupart du temps présentent les points communs d’une captation improvisée, en direct et sans montage s’inscrivant toujours dans ce rôle de veille citoyenne.
Il s’agit de la forme la plus courante de sousveillance : une intervention policière, un témoin qui sort son smartphone, filme la scène et la diffuse immédiatement sur les réseaux sociaux.
Mais surtout, ce copwatching individuel, « copwatching 2.0 » se retrouve à travers tout le débat sociétal exercé de façon universelle, sur ces « violences policières ».
En effet, ces dernières années et de façon universelle également, se tient un débat sociétal à propos de ces emplois de la force disproportionnés de la part des policiers. Ce sont surtout les vidéos relatives à la mort de Georges Floyd, étouffé par un policier de Minneapolis sous les yeux de ses collègues, qui ont entrainé la tenue d’un mouvement protestataire aux EtatsUnis, où des milliers de personnes se sont rassemblées à travers le pays, condamnant fermement le traitement discriminatoire des minorités ethniques par la police. Peu de temps après, c’était en France que des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Tribunal de Paris, à l’appel du comité Vérité et justice pour Adama, en mémoire d’Adama Traoré, mort après avoir été interpellé par des gendarmes en 2016. Ces deux affaires sont à l’origine du fameux mouvement « Black Lives Matter », et de la multiplication récente de vidéos relatant des violences commises par les forces de l’ordre lors des manifestations contre la « loi travail » en 2016, ou encore le mouvement des Gilets Jaunes.
Ainsi, ce copwatching 2.0 a donc permis de montrer de manière plus visible l’usage de la force de la police, qu’il soit justifié ou non : en effet, de par ces mouvements de contestation, chaque individu n’hésite pas avant de filmer toute scène d’intervention policière, estimant qu’il y aura forcément des dérapages qui seront captés. C’est ce que le réalisateur Ladj Ly, célèbre partisan du copwatching, déclarait lors d’une interview « pendant 5 ans, (…) je filmais tout ce qui se passait, et surtout les flics, je faisais du “copwatch”. Dès qu’ils débarquaient, je prenais ma caméra et je les filmais, jusqu’au jour où j’ai capté une vraie bavure ». En effet, il a transmis cette vidéo à la presse ce qui a permis la condamnation des policiers concernés. C’est de cette histoire qu’est né le film les Misérables, qui a été couronné aux César et à Cannes. Le film raconte qui raconte l’histoire de policiers découvrant les affaires de la cité, les compromis, et qui un jour lors d’une mission tire un  coup de flash ball dans la tête d’un jeune. Or, la situation s’envenime dès lors que les policiers comprennent qu’ils ont été filmés. Ils cherchent alors par tous les moyens à dissimuler leur « bavure » et à récupérer les images les incriminant. Ainsi, l’on constate que ce film met bel et bien  en avant les problèmes actuels relatifs au copwatching et les enjeux relatifs à la volonté actuelle de réprimer cette diffusion des images policières.
Pour les partisans du copwatching, la vidéo « est la seule arme citoyenne sinon il n’y a jamais de poursuite » . En effet, sans vidéo de Georges Floyd par exemple, il n’y aurait probablement pas eu cette révolte mondiale et volonté de « justice pour tous ».
Faute de vidéo dans l’affaire Adama Traoré, cette pratique n’a alors fait que se répandre.
Nous pouvons évoquer, depuis, la vidéo de l’interpellation sur le livreur Cédric Chouviat, mort des suites d’un étranglement par les policiers, qui a été filmée à Paris et sans laquelle la responsabilité des policiers n’aurait pas été prouvée, et sans laquelle ce mouvement ne continuerait pas de prospérer. Aujourd’hui, de nombreuses associations encouragent ce recours à la vidéo, pour avant même dénoncer, se protéger. Plus encore, en plus des associations de victimes de bavures, il existe de nos jours des associations spécialement dédiées à la pratique du copwatch : par exemple, l’association Copwatch ou encore HelloAsso « Soutien à Copwatch ».
Également, des applications ont été spécialement créées afin de filmer les actions des forces de l’ordre, comme « Urgence violences policières », qui permet de filmer en direct les interventions des forces de l’ordre afin de récolter des « preuves » en cas de manquements ou de bavures, ce qui n’a d’ailleurs pas plu aux syndicats de police qui ont jugé que cette application était dangereuse. Cette application a été téléchargée plus de 1000 fois en quelques jours seulement : le concept réside dans le fait que les vidéos sont géolocalisées et envoyées en temps réel à l’association. Parfois, des citoyens en font même leur « métier » : l’on peut penser à des adeptes tels David Dufresne, écrivain et journaliste, qui est connu pour sa « sousveillance » continuelle des forces de l’ordre. En effet, observateur quotidien du maintien de l’ordre, il a d’ailleurs créé le Twitter Allô @Place_Beauvau suite à « l’inaction des médias » dit-il, dans lequel il répertorie les vidéos, témoignages de manifestants blessés et donc les manquements à la doctrine légale du maintien de l’ordre. Depuis janvier 2019, Mediapart recense une datavisualisation interactive de tous ces signalements.
Cette compilation a en peu de temps été citée au sein de plusieurs rapports d’organismes internationaux comme ceux du Conseil de l’Europe, du Parlement Européen ou de l’ONU, et a par la suite remportée le Grand prix du journalisme de 2019. David Dufresne a également réalisé un documentaire nommé « Un pays qui se tient sage », qui opère une retrospection sur le mouvement des Gilets jaunes pour « amener à réfléchir sur les violences policières ». Ce documentaire a ainsi été réalisé à l’aide des nombreuses vidéos provenant des téléphones portables des copwatchers afin de mettre en perspective la violence et montrer que ce débat est un débat républicain, partagé par un spectre très large de la population rassemblant : écrivains, syndicats de police, manifestants, sociologues, juristes, historiens.

L’enregistrement de l’action policière à l’heure des réseaux sociaux

La diffusion de l’action policière par les citoyens s’opère principalement sur les réseaux sociaux représentant ainsi un réel bastion de résistance (A), et un tribunal de l’opinion (B).

La diffusion sur les réseaux sociaux : bastion de résistance

De par l’arrivée de toutes technologies permettant de filmer ou de photographier, cette pratique qu’est le copwatching n’a cessé de croitre.
Ce mouvement citoyen passe en effet par l’enregistrement de l’action policière, mais également la diffusion en temps réel des images collectées sur des réseaux sociaux et plateformes participatives. Si les réseaux sociaux ne bénéficient habituellement pas d’une forte crédibilité en matière d’information, ils retrouvent avec le copwatching une autorité en se présentant comme les supports d’une information de terrain, où la publication et la diffusion ne laissent pas de place à la censure médiatique.
Ainsi, cette diffusion s’inscrit dans la volonté de centraliser ces images, informations, ou encore témoignages afin de constituer une « base de données » relative à l’action policière.
En effet, puisque les sites mis en place tels que Copwatch ou Indymedia ont été considérés comme portant atteinte au respect de la vie privée des policiers et par conséquent, supprimés, la volonté de dénoncer ces abus et dérives de la part des citoyens, s’inscrivant dans une démarche participative démocratique, s’est déplacée pour exister désormais sur les réseaux sociaux. Ainsi, les réseaux sociaux permettent une circulation sans précédent d’un nombre illimité d’informations dans un monde ouvert et en temps réel, qu’il devient alors difficile voire impossible d’empêcher. On parle de liberté d’expression « online », puisque tout partage d’informations voire prise de décision – par exemple le fait d’organiser une manifestation – se fait à travers ces réseaux sociaux directement sur son téléphone ou ordinateur.
Par conséquent, ces échanges de photos et vidéos sur ces réseaux sociaux comme Youtube, Facebook ou encore Twitter sont ainsi diffusées avant tout contrôle préalable par les autorités. « Les vidéos prises à la fois sur les téléphones portables des observateurs et sur les caméras de la police changent maintenant l’équation de transparence et de responsabilité ».
Ils deviennent alors de véritables « bastions de la résistance ». En effet, ces réseaux sociaux ont eu un véritable impact par exemple sur certains grands événements politiques ou sociaux à travers le monde entier. « Leur influence a été reconnue dans les récents troubles au Moyen- Orient et au Royaume-Uni ».
Cette absence de contrôle de l’Etat réside dans le fait que ces réseaux sociaux le dépassent : en effet, ces technologies contrôlent internet de manière autonome et permettent alors un regard sans filtre. Il en devient même difficile pour la police, l’Etat d’arriver à capter quelles informations posent problème pour leur sécurité. Un rapprochement peut alors être fait avec les attaques terroristes : nombre de celles-ci s’organisent et se construisent par le biais de ces réseaux sociaux, sans que personne ne s’en aperçoive.
Surtout, la grande avancée réside dans la possibilité de cette diffusion en temps réel : c’est à dire au moment T de la volonté de son auteur. A titre d’exemple, si un « direct » est déclenché par un manifestant et que l’on y voit une scène de brutalité d’un manifestant envers un policier ou d’un policier envers un manifestant, l’on peut être certain que celle-ci sera relayée à l’instant aux quatre coins du monde et déjà commentée. L’idée est donc la possibilité de ne pas attendre et ainsi laisser passer une possible dénonciation : il s’agit là d’une avancée hors norme, qui d’ailleurs se voyait entre autre remise en cause par l’ancien article 24 de la proposition de Loi sur la Sécurité globale qui venait prohiber la diffusion de l’image d’un policier dès lors qu’elle portait atteinte à l’intégrité physique ou psychique du policier en question, et par conséquent toute diffusion devait être analysée afin de constater la volonté ou non de porter atteinte au policier – critère toutefois assez flou, empêchant ainsi toute possibilité de diffusion directe. En effet la question des « lives » se posait étant donné qu’il n’y a pas réellement de véritable « diffusion », ceux-ci étant filmés en temps réel.
L’idée derrière est alors de pouvoir faire suivre les évènements à ceux qui n’y participent pas.
Ainsi, la diffusion d’une brutalité policière, par les réseaux sociaux devient de suite « un sentiment général et prend une dimension nationale ou internationale ».
Ils permettent à chacun de pouvoir diffuser ses propres vidéos et d’obtenir alors le point de vue de l’auteur de cette vidéo, de pouvoir se mettre à sa place, voir même s’identifier à lui.
Il s’agit ainsi pour ces auteurs de la sousveillance de médiatiser les faits qu’ils jugent nécessaire de rendre visible au sein de l’espace public, exprimant une véritable stratégie de résistance associée à l’espace public. Dominique Cardon estime qu’Internet constitue « un espace d’expérimentation démocratique pour des individus émancipés des nombreuses contraintes matérielles inhérentes à la prise de parole en public et capable de s’exprimer sans attendre l’autorisation des autorités et des gatekeepers traditionnels (politiques, journalistes…). » . En effet, il est loisible pour tous de pouvoir s’exprimer sur ces plateformes de la forme la plus simple qu’il soit, et en toute liberté : ainsi, des individus qui n’oseraient pas prendre la parole publiquement se retrouvent ainsi libérés et peuvent ainsi se sentir tout-puissant à travers un écran pour « faire le buzz ». En ce sens, en 2015 une association nommée « Information Anti Autoritaire Toulouse et Alentours » appelaient sur les réseaux sociaux à des violences contre les forces de l’ordre : « il est inutile de paniquer lorsque  les lacrymos tombent à proximité ; on peut plutôt les relancer vers les flics ; il est possible de dés-arrêter une personne qui s’est fait choper. Une arrestation aurait pu être évitée si tous-tes ensemble on était retourné chercher la personne ; à plusieurs, on peut rapidement mettre une voiture en travers de la route, voire l’enflammer ».

Un droit dans une société démocratique : liberté d’informer et de dénoncer

Qu’en est-il du droit au sujet de prendre en vidéo les policiers ? Frédéric Dupuch, le directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) l’a rappelé dans une note du 1er février 2018 diffusée à tous les chefs de service pour leur rappeler que les forces de l’ordre ne peuvent s’opposer à être filmés. En effet, cette note énonce que « dans l’exercice de leurs missions au quotidien, les policiers sont de plus en plus souvent confrontés à la captation de leur image ou de leurs paroles, et parfois à la diffusion de ces enregistrements dans les médias traditionnels ou sur Internet ». Or, ils « ne peuvent faire obstacle à l’enregistrement ou à la diffusion publique d’images ou de paroles à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».
En effet, la circulaire du ministère de l’intérieur du 23 décembre 2008 relative à l’enregistrement et diffusion éventuelle d’images et de paroles de fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions prévoit qu’en principe, les forces de l’ordre ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement ou à la diffusion des images captées par un journaliste ou par une personne privée . Par conséquent, qu’ils soient en uniforme ou en civil, ils ne peuvent les interpeller ni leur retirer leurs appareils ou détruire leurs vidéos ou images ou leur support. D’ailleurs, la Cour de cassation a autorisé par deux arrêts la diffusion de ces vidéos, à condition qu’ils soient en relation directe avec un événement d’actualité  et non retouchés, sauf atteinte à la liberté de la personne ou au secret de l’instruction. En effet, peuvent faire obstacle à ce droit, la protection de la vie privée ainsi que la préservation de traces ou d’indices dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction.
Ce droit de filmer la police fait partie de la liberté d’expression, celle d’informer et de s’informer, qui est consacrée, à l’article 10, paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l’Homme.

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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : L’enregistrement de l’action policière par les citoyens : nécessaire dans une
société démocratique
Chapitre 1 : Police et citoyen : l’ère de la sousveillance
Section 1 : Une nouvelle visibilité pour les forces de l’ordre
Section 2 : Le journalisme citoyen
Chapitre 2 : Les enjeux de la sousveillance et de l’enregistrement de l’action policière
Section 1 : Un élément démocratique probatoire
Section 2 : La volonté de réformes : vers un renouveau du Pacte Républicain
PARTIE 2 : L’enregistrement de l’action policière par la police : contre le danger de la
sousveillance citoyenne
Chapitre 1 : La volonté d’une réponse à la sousveillance
Section 1 : L’impact du journalisme citoyen pour la police
Section 2 : La modification du maintien de l’ordre : la volonté d’une visibilité différente
Chapitre 2 : L’enregistrement de l’action policière par la police
Section 1 : La tendance des contre-mesures : le policier comme faiseur d’images
Section 2 : La caméra piéton : une nécessaire réponse au copwatching à améliorer
Conclusion

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