L’enfant face à la télévision

Le développement cognitif

   Les thèses concernant le développement cognitif de l’enfant sont issues de nombreuses études. Déjà au XVIIe et au XVIIIe siècles, des philosophes tels que John Locke, David Hume ou John Stuart Mill développaient la perspective associationniste selon laquelle les nouveaux-nés possédaient seulement des capacités minimales, qui se réduisaient essentiellement à la capacité à associer des expériences entre elles. Bien d’autres brillants chercheurs (parmi lesquels Darwin) ont étudié les capacités cognitives dont sont dotés les jeunes enfants. Cependant, nous retiendrons surtout les travaux entrepris par Jean Piaget entre 1920 et 1970. Il s’agit de la perspective constructiviste. Pour Piaget, les bébés ne possèdent pas seulement des capacités associatives, comme le pensaient Locke, Hume ou Mill, ils détiennent également des capacités perceptives et motrices très importantes. Cela va leur permettre au fur et à mesure d’appréhender le monde qui les entoure. Les bébés vont, grâce à ces capacités, pouvoir explorer leur environnement et acquérir des concepts de plus en plus pointus. Ainsi, alors que pour le nouveau-né la notion de permanence de l’objet n’est pas acquise, cette capacité va peu à peu se développer grâce aux différentes manipulations et explorations des objets par l’enfant.

Les prémices du langage

   L’une des premières étapes par laquelle passe le bébé avant de parler est le développement de la phonologie. En effet, avant même de produire des mots, le bébé va d’abord produire des sons. Ces sons sont en général le reflet de la langue maternelle que le petit enfant entend. Kent & Miluo (cité dans l’ouvrage de R.S. Siegler, Enfant et Raisonnement, De Boeck, 2010) ont donné un aperçu général du développement de la phonologie du toutpetit.
1. Les pleurs : Les bébés pleurent dès leur naissance. Les pleurs leur permettent d’exprimer qu’ils aimeraient que quelque chose soit différent. La plupart des parents croient qu’ils peuvent inférer ce que souhaitent leurs enfants des types de pleurs qu’ils produisent. Cependant, à partir des enregistrements au magnétophone des cris de leurs enfants, les parents ne parviennent pas à déterminer ce que veulent leurs enfants (étude de 1974 par Muller, Hollien & Murray cités par Kent & Miluo, cette étude est nommée Perceptual responses to infant crying : Identification of cry, Journal of Child Language n°1). Ainsi, les parents infèrent la cause des pleurs à partir du contexte, plutôt qu’à partir du son précis.
2. Les gazouillis : A partir de 1 ou 2 mois, les bébés commencent à produire des sons autres que les cris. En particulier, ils gazouillent en plaçant leur langue près de l’arrière de leur bouche et en arrondissant leurs lèvres. Ces gazouillis ressemblent au son « uh » produit par les individus plus âgés lorsqu’ils prononcent le mot anglais « fun ».
3. L’articulation simple : Autour de 3 mois, le nombre de sons consonantiques produits par les bébés augmentent considérablement.
4. Le babillage : Aux alentours de 6 mois, les bébés commencent à combiner quelques consonnes et voyelles, leur permettant de produire des syllabes. Ces syllabes sont souvent répétées dans des séquences telles que « babababa ». Les intonations du babillage ressemblent de plus en plus à celles de la langue maternelle.
5. L’ajustement du langage au modèle : Vers la fin de la première année, les bébés produisent de plus en plus de sons propres à la langue de leur communauté au détriment des sons non caractéristiques de celle-ci. Autour de leur premier anniversaire (plus ou moins quelques mois), la plupart des enfants produisent leurs premiers mots. Les premiers mots du bébé ont souvent une relation directe avec le babillage. Les phonèmes les plus utilisés sont donc les occlusives [p, b, d, m, n]. Les enfants ont en général acquis tous les phonèmes lorsqu’ils atteignent l’âge d’être scolarisés en école primaire. Les phonèmes posant le plus de difficultés sont en général ceux qui demandent le plus de précision tels que [s, z, , ʒ], ou les plus postérieurs comme [R]. De plus, pour entrer dans le langage, l’enfant a besoin de compétences socles. Ce sont des pré-requis au langage. Ces compétences sont au nombre de 9 selon l’outil de dépistage orthophonique Dialogoris Orthophoniste de P. Antheunis, Fr. Ercolani-Bertrand et Stéphanie Roy, Ed Commédic, 2006 :
– La mise en place du regard : le bébé échange des regards avec ses parents.
– La poursuite visuelle : le bébé est capable de suivre des yeux un objet ou une personne en mouvement.
– L’attention conjointe : le bébé écoute une personne en même temps qu’il regarde un objet.
– L’attention et l’orientation aux bruits environnants : le bébé est intéressé par les bruits qui l’entourent.
– L’élan à l’interaction : l’enfant prend du plaisir à entrer en relation avec ses parents, a des demandes qui peuvent être interprétées.
– La capacité d’imitation motrice : l’imitation peut être immédiate ou différée ; il s’agit de voir si l’enfant est capable de reproduire des gestes que l’on fait devant lui.
– La capacité à utiliser des gestes à visée communicative apportant un complément d’informations et des gestes symboliques : l’enfant étaye ce qu’il dit avec des gestes, utilise des gestes symboliques tels qu’un geste de la main pour dire « au revoir »…
– La capacité à utiliser le pointage : l’enfant pointe pour qu’on lui donne des choses (premier type de pointage : directif) ou pour qu’on lui nomme les choses (pointage assertif).
– La capacité à être dans l’échange et le tour de rôle : l’enfant est en mesure de prendre du plaisir au cours d’un échange, d’attendre son tour lors d’un jeu de ballon par exemple. Ce sont les bases fondatrices du langage. L’entrée dans le langage se fait également par la stimulation de tous les organes bucco-faciaux. La langue, les joues, les lèvres, les muscles faciaux vont être utilisés et entraînés lors de l’alimentation par exemple. Cela permettra à l’enfant d’acquérir certaines positions et certains mouvements qui pourront être transférés au langage. La démonstration a aussi été faite que le bébé a besoin d’un bain de langage soustendu par les mimiques, attitudes, gestes de son interlocuteur, pour pouvoir acquérir son langage. L’enfant va en effet passer par une phase d’abord passive où il va s’imprégner de ce qui est dit autour de lui. Ensuite, il va aborder la phase active jusqu’à arriver au stade de l’explosion de son langage. Il comprend le langage avant de pouvoir l’utiliser. Ainsi, on constate l’importance de parler et de communiquer avec son enfant. Le développement du langage va se faire selon trois axes : lexical, grammatical et pragmatique.

Le développement de la morpho-syntaxe

  L’enfant va donc commencer à combiner les mots ensemble. Cela ne se fait pas de façon subite. En effet, l’enfant va d’abord pouvoir combiner ensemble un mot ayant du sens avec un mot qu’il aura inventé. Ce mot inventé ne se combinera pas avec tous les mots du stock lexical de l’enfant mais seulement avec certains. La prosodie fait son apparition à ce moment. L’enfant va changer son intonation en fonction de ce qu’il va vouloir dire. Entre 18 et 24 mois apparaissent les phrases à deux mots. Au départ il s’agit surtout d’un style télégraphique. L’enfant combine entre eux deux mots qui ont du sens (cela ne concerne donc pas les articles, les verbes ou tous les mots grammaticaux). L’ordre des mots semble être aléatoire. A partir de 24 mois commence à apparaître la « grammaire-pivot ». Cela signifie que l’enfant va utiliser des mots dits pivots pour construire ses phrases à deux mots. Là encore l’ordre n’a pas particulièrement d’importance. Le mot-pivot sera par exemple « apu » pour « il n’y en a plus » ; « ama » pour « à moi » ; ou la présence d’un verbe conjugué comme « veux », « vois » ou « pati » pour « parti ». A partir de 30 mois, les constructions sont plus nombreuses et plus variées. L’organisation des phrases de l’enfant semble avoir intégré à ce moment l’essentiel des règles d’ordre de la langue parlée par l’adulte. Cependant, les négations et les phrases complexes ne sont pas encore maîtrisées. Il n’y a pas encore d’adverbes, d’articles, de pronoms ou d’auxiliaires. Vers 36 mois, l’enfant va être capable de comprendre et de produire des questions comprenant certains mots interrogatifs (où, quoi, qui, à qui). Ces mots interrogatifs apparaissent dans un certain ordre. On trouve d’abord « qui, à qui et quoi » suivis de « où ». Les dernières acquisitions de l’enfant sont « comment, pourquoi, quand » car ces interrogations temporelles, motivationnelles ou causales nécessitent un développement intellectuel plus avancé. Ce n’est que vers 4 ans que l’enfant sera capable de produire des phrases où la structure négative sera utilisée correctement. A 5 ans, l’enfant pourra inverser l’ordre des mots pour énoncer une question. A 6 ans, le langage de l’enfant est structuré, même si de nombreuses acquisitions vont encore augmenter le niveau linguistique de l’enfant notamment entre 6 et 10 ans. L’enfant va intégrer les pronoms possessifs, la compréhension du sens et la production de certains adverbes et prépositions spatio-temporels. L’enfant va également de mieux en mieux utiliser la conjugaison, il va de plus comprendre comment utiliser la concordance des temps et parvenir à utiliser la voix passive. Enfin, un enfant à partir de 6-7 ans pourra montrer ses capacités métalinguistiques.

Les différents modes de pensée

   La pensée est un processus qui nécessite différentes capacités et qui va nous permettre de répondre à des questions que nous nous posons. Analyser, inférer, déduire, regrouper, comparer… tout cela représente les différentes structures de la pensée. C’est grâce à cela que nous pourrons résoudre des problèmes, qu’ils soient mathématiques ou qu’ils soient liés à notre vie quotidienne. La pensée se forge au cours des différentes expériences de notre vie. Cependant, la pensée n’est pas un concept exclusif et l’on dénombre différents types de pensée. Tout d’abord, la pensée dite positiviste (décrite par Auguste Comte au XIXè siècle). C’est grâce à ce mode de pensée que l’enfant va pouvoir résoudre des problèmes de mathématiques. On retrouve ici l’abstraction, l’expérimentation, la déduction ou l’induction. Cette façon de penser regroupe les concepts scientifiques. Il va s’agir de dégager des lois, des principes afin de retrouver des concepts immuables. Dans ce cadre, les sentiments et les événements subjectifs n’ont pas leur place. C’est grâce à ce type de pensée que les chercheurs ont extrait des formules mathématiques, des connaissances physiques ou chimiques, des lois qui ont permis l’invention de vaccins ou de théorèmes par exemple. Cependant, la pensée positiviste, si elle est très utile dans le domaine des inventions, ne permet pas aux êtres qui la possèdent de trouver des solutions à des problèmes ayant une origine sociale. Ainsi, si un enfant se dispute avec l’un de ses camarades de classe, la pensée positiviste ne lui sera d’aucun secours pour se réconcilier avec lui. Dans ce cas, l’enfant utilisera une pensée dite narrative. A l’inverse de la pensée positiviste, la pensée narrative n’est pas caractérisée par un ensemble de lois universelles. Au contraire, il s’agit de ce que l’individu a pu apprendre de la vie quotidienne grâce à ses expériences, ses objectifs, ses envies ou ses sentiments. La pensée narrative est donc propre à chaque individu. De plus, alors que dans le cadre de la pensée positiviste, l’individu cherche la certitude, il recherche à partir de la pensée narrative une forme de cohérence. Cette dernière forme de pensée est donc évolutive et va donc fluctuer et se construire au fil du temps. Selon Bermejo-Berros (L’enfant et la Télévision, De Boeck, 2007), on distingue trois composantes de la pensée narrative : des stratégies de résolution, des connaissances et des expériences et le schéma de l’histoire.

Télévision et attention

   Un enfant a très souvent l’occasion d’être en contact avec un écran de télévision. En effet, celui-ci est souvent placé au centre de l’espace de vie de la maison, au cœur de la salle de séjour et il n’est pas rare de trouver des postes allumés sans raison, juste pour obtenir un bruit de fond dans le foyer lors des repas ou pour combler un vide sonore. Durant ces moments, l’enfant ne va pas toujours prêter attention à l’écran. Prêter attention à l’écran, c’est mettre en route une série de processus cognitifs et activer des processus perceptifs, qu’ils soient visuels ou auditifs qui vont nous permettre de traiter des informations afin de les comprendre, de les analyser et ainsi d’acquérir des connaissances. Lorsqu’il va regarder la télévision, l’enfant ne va pas forcément se retrouver « scotché » à l’écran. En effet, Bermejo Berros, dans son ouvrage sus-cité, a montré que l’enfant peut arrêter de regarder l’écran jusqu’à 150 fois en une heure (étude d’Anderson et Levin parue dans une thèse de doctorat non publiée de l’Université du Massachusetts, 1976). L’enfant peut avoir une attention dite « duale », c’est-à-dire qu’il va sans cesse regarder autour de l’écran ou autour de lui pour voir ce qui se passe dans son environnement. A l’inverse, l’enfant peut être complètement happé par l’écran de télévision, en ne détachant pas ses yeux de l’écran, sans faire de pauses. Un troisième mode de visionnage est celui qui est considéré comme idéal par les experts. L’enfant va regarder la télévision tout en ayant une activité physique et verbale en adéquation avec ce qui est visionné. L’enfant va alors parler, raconter ce qu’il voit, commenter, rire, bouger… Bien entendu, un enfant n’utilise jamais exclusivement un seul mode de visionnage, il va pouvoir alterner, passant d’un état hypnotique à un état très agité pour finir par visionner une séquence idéalement, en commentant ce qui se passe à l’écran. Ces changements sont certainement dus aux processus attentionnels qu’engendre l’activité de regarder la télévision. L’enfant, pour regarder la TV, va utiliser divers processus qui peuvent s’avérer coûteux sur le plan cognitif. En premier lieu, l’enfant doit orienter son regard de façon adéquate. L’écran doit ensuite être fixé si l’on veut obtenir toutes les informations visuelles. Néanmoins, regarder la TV demande une bonne motricité oculaire, car on ne fixe pas un seul point unique. L’attention auditive joue également un rôle primordial. Même lorsqu’il ne regarde pas l’écran pendant une courte période, l’attention auditive est active et permet à l’enfant de continuer à suivre un programme. Enfin, l’intensité attentionnelle va varier en fonction de différents aspects liés au programme visionné, tels que l’intérêt de l’enfant pour le programme, sa bonne compréhension… L’intensité attentionnelle varie donc, certains éléments l’augmentent ou la diminuent. Les éléments pouvant augmenter l’intensité attentionnelle sont, par exemple, le rythme (un rythme plus soutenu renforce l’attention d’un enfant âgé de 6 à 8 ans), les changements de personnages, de thèmes ou de scènes ; des musiques particulières (des voix spéciales, des musiques entraînantes…). Les effets sonores sont importants car si l’enfant dévie son regard de l’écran, son canal auditif reste actif et il va même pouvoir contribuer à ramener l’enfant vers l’écran. A contrario, les éléments pouvant faire chuter l’attention sont l’ennui en général. Des plans longs, des conversations s’éternisant sont susceptibles de faire décrocher l’enfant.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Remerciements
INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
I. Le développement cognitif et le développement du langage chez le jeune enfant
I.1. Le développement cognitif
I.1.a. Le développement par stades
I.1.b. Les processus de développement
I.1.c. Les stades de développement selon Piaget
I.2. Le développement du langage
I.2.a. Les prémices du langage
I.2.b. Le développement lexical
I.2.c. Le développement de la morpho-syntaxe
I.3. Le développement psycho-affectif de l’enfant
II. L’impact de la TV dans le développement cognitif et dans la personnalité de l’enfant soumis aux écrans
II.1. La télévision : un impact sur le mode de pensée de l’enfant
II.1.a. Les différents modes de pensée
II.1.b. L’impact de la télévision sur la pensée narrative de l’enfant : étude comparative de deux programmes destinés au jeune public
II.2. Télévision et structures cognitives
II.2.a. Télévision et compréhension
II.2.b. Télévision et attention
II.2.c. Télévision et comportements sociaux
II.3. Comment les programmes retentissent sur l’enfant
II.3.a. La télévision et les bébés
II.3.b. Quels programmes pour quels enfants ?
PARTIE METHODOLOGIQUE
I. Réalisation d’un questionnaire
I.1. La population
I.2. Le questionnaire
II. Les résultats
II.1. Les résultats obtenus en crèche
II.1.a. La crèche La Petite Bulle
II.1.b. Le Multi-accueil Balthazar
II.2. Les résultats obtenus en école
II.2.a. Les écoles maternelles
II.2.b. Les écoles primaires
III. Réalisation de la plaquette informative
CONCLUSION
Index des figures
Annexes
Index des annexes
Bibliographie

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *