L’énergie embarquée dans les microsystèmes

La Micropyrotechnie 

L’énergie embarquée dans les microsystèmes 

Dans les années 80, la microélectronique élargit son domaine applicatif vers la réalisation de nouveaux dispositifs multifonctionnels appelés microsystèmes. Stimulés par le besoin toujours présent de miniaturiser les systèmes et de réduire les coûts de fabrication à l’échelle industrielle, les dynamiques de recherche se rassemblent autour de ce concept novateur dont l’invention la plus décisive est l’intégration du moteur rotatif sur puce de R. S. Muller à Berkeley [1,2]. L’objectif générique est d’intégrer sur une même puce de silicium plusieurs fonctions électriques bien sûr, mais aussi mécaniques, électromagnétiques, thermiques ou encore chimiques, afin d’accroître les performances de ces systèmes tout en réduisant les volumes et potentiellement les coûts. En Europe, le LAAS-CNRS a participé, depuis l’origine en 1990, à la conception et au développement des technologies de fabrication de ces dispositifs miniatures complexes et hétérogènes qui constituent les microsystèmes intégrés dits « intelligents » [3-5].

A partir des années 2000, les exigences microsystèmes se précisent peu à peu : les réalisations doivent être de plus en plus légères, compactes, performantes, « intelligentes » et fiables. On cherche à réaliser le maximum de puces électroniques sur une même surface de silicium tout en augmentant et diversifiant les fonctionnalités. Pour ce faire, de nouveaux matériaux et techniques d’élaboration doivent être développés. Très vite l’autonomie énergétique de ces dispositifs devient un objectif important pour résoudre le caractère ambulatoire et autonome des systèmes. Les agences de financement de la recherche en font un axe d’étude privilégié et depuis 10 ans environ, les scientifiques se rassemblent autour de cette thématique dans des conférences spécifiques comme POWERMEMS qui a débuté en 2000 et dont le but est de faire le point sur l’avancée des micro et nanotechnologies au service de la génération de puissance et des applications de conversions d’énergie.

Dans le cas de l’énergie électrique, la recherche a été très active, orientée principalement vers la miniaturisation des systèmes de stockage électrochimique (accumulateur possédant la plus grande capacité de stockage) et capacitif [7]. Des dispositifs innovants et performants ont été mis au point tels que: les batteries lithium/ion et lithium/polymère [8,9] ou encore les batteries intégrées sur puce [10]. Les progrès réalisés sur ce type de systèmes sont spectaculaires depuis la pile de Volta apparue en 1799 [7] : aujourd’hui, les batteries au lithium peuvent stocker des densités d’énergie allant de ~ 100 à 300 Wh/kg.

Mais, ces avancées technologiques innovantes ne résolvent pas tous les problèmes énergétiques rencontrés dans le développement des microsystèmes :
– Les énergies électriques restent limitées par le vieillissement des dispositifs et la densité d’énergie stockée (cf. figure 2). Les dispositifs capacitifs (condensateurs conventionnels électrochimiques) présentent une très grande densité de puissance (>10³ W/kg) et une densité d’énergie faible (entre 0,01 et 0,1 Wh/kg) : (cf. diagramme de Ragone [11], qui rassemble les principaux dispositifs de stockage existants classés en fonction de la densité de puissance et d’énergie). Leur temps de charge et décharge  est de l’ordre de la milliseconde et leur durée de vie exprimée en nombre de cycles de charge-décharge est de 10¹⁰ environ [12].

– Les dispositifs de stockage de l’énergie électrique, même performants (en terme de densité d’énergie et de nombre de cycles), ne peuvent pas répondre, à eux seuls, au problème de l’autonomie énergétique: il est évident que certaines fonctions énergétiques comme les actionnements mécaniques ou thermiques sont très demandeurs en énergie.

L’idée émergente pour remédier à ce problème est de permettre l’amélioration des performances (autonomie et compacité des systèmes) en répartissant les besoins en énergie entre de multiples sources embarquées et adaptées en fonction des objectifs d’application. Il existe, en effet, différents types d’actionnement qui peuvent faire appel à des sources énergétiques autres qu’électrique tels que les alliages à mémoire de forme. Une autre idée est de récupérer l’énergie disponible dans l’environnement extérieur proche, de la stocker et de la libérer de façon contrôlée à la demande. Les matériaux énergétiques peuvent apporter des solutions intéressantes pour la réalisation d’actionneurs puissants, avec des densités d’énergie des plus élevées : de l’ordre de 10 kJ/cm³ . L’avantage de ces matériaux, outre leur densité d’énergie, est basé sur le fait qu’ils offrent des solutions simples de stockage à long terme et d’actionnements diverses tels que les actionneurs mécaniques et thermiques.

C’est cette réflexion générale qui a conduit dans les années 94-95, le LAAS – CNRS à proposer un concept nouveau basé sur l’intégration de matériaux énergétiques dans des microsystèmes. C’est avec la thèse de C. Rossi [14] que les premiers dispositifs appelés « PYROMEMS », combinant la pyrotechnie et la microélectronique ont vu le jour [15,16] (cf. figure 3). Il s’agit initialement d’intégrer des matériaux énergétiques conventionnels de type propergol en couche épaisse (centaine de micromètres) sur des initiateurs en silicium pour répondre à une problématique d’injection de médicament dans le domaine de la santé. On peut dire que c’est ainsi qu’est née la MICROPYROTECHNIE avec la multiplication des équipes qui se sont intéressées au sujet.

La micropyrotechnie a depuis lors, été explorée pour de multiples applications telles que la soudure [17], la micropropulsion, la microfluidique, la microinitiation et les microfusibles pour la sécurisation de circuits… [18-22], mais également pour la génération de gaz dans les airbags par exemple [23-25] ou encore pour des applications ayant recourt à un chauffage localisé [26]. Le concept a été utilisé par des équipes internationales situées aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. Aux Etats-Unis, on trouve par exemple le « Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) » [27,28] et l’université de Berkeley en Californie [29,30], le « Los Alamos National Laboratory » [31] au Nouveau Mexique, Georgia Institute of Technology [32-35], l’université du Missouri [36- 37] et Sandia National laboratory [38-40]. En Europe, on retrouve notamment l’université de Neuchâtel [41-42] et le CEA – LETI [43] et en Asie, il existe des équipes telles que celle de Zhang et al. en Malaisie [44] et celle de Takahashi et al. au Japon [45].

Dans les premières années (95-2000), au niveau des dispositifs, l’effort technologique a porté essentiellement sur l’intégration par report des matériaux énergétiques de type propergol en couche épaisse (~100 µm) sur des initiateurs sur silicium. Des technologies de report comme le collage, la sérigraphie [15] ou encore le jet d’encre [13], ont été expérimentées sur des systèmes aux dimensions supérieures au millimètre. Depuis les années 2000, avec la miniaturisation croissante des systèmes, nous avons envisagé de mettre au point des matériaux énergétiques spécifiques et adaptés aux microsystèmes de manière à ce que les PYROMEMS puissent être complètement réalisés en salle blanche par voies de fabrication collectives. Par ailleurs, ces nouveaux matériaux doivent être peu sensibles au choc et à la friction mais suffisamment énergétiques pour avoir une combustion soutenue aux faibles dimensions et en couche mince.

Les matériaux énergétiques conventionnels 

Les matériaux énergétiques (composés chimiques ou mélanges de réactifs) stockent une grande quantité d’énergie chimique qui peut être libérée en un temps très court (inférieur à quelques fractions de seconde [48]) sous l’effet d’un stimulus tel qu’une élévation de température ou de pression ou encore un choc mécanique [48,49]. Ils peuvent être sous forme solide ou liquide. Seuls les matériaux solides sont considérés ici. Ces matériaux ont la particularité d’être à usage unique. Après initiation, il y a dégagement de chaleur et parfois dégagement de gaz incluant la production d’espèces chimiques spécifiques (telles que H2O, N2 ou CO2) [50]. Cette réaction fortement exothermique peut être apparentée à une combustion où l’oxygène nécessaire à la réaction n’est pas fourni par l’air mais par le matériau énergétique lui-même.

Généralement, les matériaux énergétiques sont classés en fonction de leur régime de fonctionnement, à savoir la combustion, la déflagration et la détonation :

1. La combustion : réaction dans laquelle le combustible réagit avec le comburant en dégageant une certaine quantité de chaleur sous l’effet d’un stimulus de type étincelle, flamme ou chaleur [51]. Cette réaction se propage par conduction thermique et rayonnement [52]. La vitesse de propagation est de l’ordre de quelques millimètres par seconde [52]. Parmi les matériaux dont le régime de libération de l’énergie chimique emmagasinée est régi par un mécanisme de combustion de type oxydoréduction, on trouve :

– La poudre noire, utilisée notamment comme poudre à canon, est le matériau énergétique sans doute le plus ancien. C’est un mélange de plusieurs réactifs : charbon de bois, salpêtre et soufre. Utilisée d’abord dans les carrières, la poudre noire arrive en Europe à la fin du XIIIème siècle pour percer des fortifications. Ce n’est qu’ensuite que son utilisation sera étendue dans les armes à feu [48].

– Les thermites sont des matériaux composites solides à base de métal et d’oxyde métallique ou non métallique [53].

2. La déflagration : réaction de combustion très rapide dont la propagation est régit par la chaleur apportée par le rayonnement, la conduction et la convection du matériau qui a déjà réagit [52]. La vitesse de propagation va de quelques millimètres par seconde à quelques milliers de mètres par seconde. Les propergols ont un régime de fonctionnement stabilisé en combustion/déflagration. Utilisés essentiellement pour la propulsion des fusées ou des missiles, les propergols solides sont des matériaux constitués généralement de nitrocellulose et nitroglycérine (propergol homogène [54]) ou d’un oxydant (typiquement le perchlorate d’ammonium), d’un réducteur et d’un liant organique (polymère – 10%) [48], on parle dans ce cas de propergols composites. Depuis plusieurs années maintenant, ils peuvent être dopés par des particules d’aluminium [55-58] pour en augmenter leur réactivité .

3. La détonation : réaction extrêmement violente avec propagation par une onde de choc. La vitesse de propagation du front de décomposition des matériaux énergétiques est dans ce cas de plusieurs milliers de mètres par seconde [52]. Il y a complète décomposition du solide initial en gaz, augmentation de la pression et de la densité de gaz [52]. Les explosifs sont des matériaux énergétiques très réactifs donc peu stables et dangereux [48] dont le régime de fonctionnement est la détonation.

Il existe d’autres catégories de matériaux tels que les matériaux bimétalliques qui, comme leur nom l’indique, sont des matériaux constitués de deux réactifs métalliques. La réaction exothermique dans ce cas est liée à la formation d’un alliage par inter-diffusion des atomes [59].

Du point de vue des technologues, il est intéressant de classer les matériaux énergétiques suivant leur structuration chimique : les matériaux énergétiques monomoléculaires organiques et les composites (organiques ou non organiques) dont nous allons donner quelques éléments de repère dans les deux paragraphes qui suivent.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : DE LA MICROPYROTECHNIE A LA NANO-ENERGETIQUE SUR PUCE : ETAT DE L’ART et PROBLEMATIQUE
Introduction
1. La Micropyrotechnie
1.1. L’énergie embarquée dans les microsystèmes
1.2. Les matériaux énergétiques conventionnels
1.2.1. Les matériaux monomoléculaires organiques
1.2.2. Les matériaux énergétiques composites
1.2.3. Résumé et analyse
2. La naissance de la nano-énergétique
2.1. Les matériaux énergétiques pour les microsystèmes
2.1.1. Les matériaux bimétalliques
2.1.2. Les thermites
2.2. Apport de la nanostructuration pour les matériaux énergétiques de type thermite
3. Les procédés technologiques pour la nano-énergétique
3.1. Le conditionnement des poudres
3.1.1. Mélange physique de poudres
3.1.2. Sol-gel
3.2. Dépôt chimique ou physique en phase vapeur
3.2.1. CVD et ALD
3.2.2. PVD
3.3. Autres procédés de nanostructuration
3.3.1. Procédé utilisant des matériaux nano-poreux
3.3.1.1. L’alumine nano-poreuse
3.3.1.2. Le silicium nano-poreux
3.3.2. Les matrices de nanofils
3.3.3. La nanochimie, ingénierie moléculaire
4. La problématique de cette thèse
Conclusion
CHAPITRE II : ELABORATION DE MATERIAUX ENERGETIQUES SUR SILICIUM
Introduction
1. Préparation du substrat et description des méthodes de caractérisation structurale
1.1. Préparation du substrat
1.2. Analyses structurales
2. Développement d’un procédé de structuration sous forme de nanofils
2.1. Etape 1 : choix de la couche intermédiaire entre le silicium et le cuivre
2.2. Etape 2 : technique de dépôt du film mince de cuivre
2.3. Etape 3 : procédé d’oxydation thermique
2.3.1 Température et durée du palier
2.3.2. Vitesse de chauffe et de refroidissement
2.3.3. Contrôle de l’atmosphère pendant l’oxydation thermique
2.4. Etape 4 : le Dépôt d’Aluminium
3. Procédé par Pulvérisation magnétron réactive
3.1. Développement et optimisation du procédé multicouches
3.1.1. Descriptif du procédé par pulvérisation cathodique
3.1.2. Mise au point du dépôt de CuO
3.1.3. Mise au point du dépôt d’Al
3.2. Dépôt de multicouches d’Al/CuO
3.2.1. La morphologie des couches
3.2.2. La rugosités de surface des couches
3.2.3. La contrainte dans les multicouches
3.3. La stoechiométrie des réactifs
Conclusion
CHAPITRE III : CARACTERISATION DESPERFORMANCES ENERGETIQUES – VALIDATION DE LA CAPACITE A INITIER D’AUTRES MATERIAUX ENERGETIQUES
Introduction
1. Les performances énergétiques
1.1. Etude de la stœchiométrie des réactifs
1.2. Apport de la nanostructuration
1.3. Effet de la nature de la couche de surface
1.4. Comparaison des analyses thermiques entre nanofils et multicouches
2. Réalisation d’un micro-initiateur à base de nanothermite
2.1. Procédé de fabrication
2.1.1. Niveau 1 : Réalisation des résistances en Cr/Pt/Au
2.1.2. Niveau 2 : Connections électriques en or
2.1.3. Niveau 3 : Isolation électrique entre la résistance et la nanothermite Al/CuO
2.1.4. Niveau 4 : Dépôt de la nanothermite
2.1.4.1. Nanofils de CuO/Al
2.1.4.2. Nanofeuillets de CuO/Al
2.2. Initiation de la nanothermite
2.3. Propagation de la réaction après initiation
3. Caractérisation de l’amorçage d’un propergol
3.1. Description de l’expérience et du montage
3.2. Résultats
3.2.1. Initiation au contact
3.2.2. Initiation à distance
Conclusion
CHAPITRE IV : STABILITE DE LA NANOTHERMITE : VERS UNE MAITRISE DES COUCHES BARRIERES
Introduction
1. Développement d’outils pour la maîtrise des nanomatériaux énergétiques : modélisation atomistique
1.1. Méthode de calculs
1.2. Résultats
1.2.1. Adsorption et incorporation d’un atome de Ni dans la surface Al(111)
1.2.1.1. Adsorption
1.2.1.2. Pénétration dans la sub-surface
1.2.2. Adsorption et incorporation d’un atome d’Al dans la surface Ni(111)
1.2.2.1. Adsorption
1.2.2.2. Pénétration dans la sub-surface
2. Développement d’une couche barrière nano-contrôlée par procédé ALD
2.1. Moyens et procédés
2.2. Résultats
2.2.1. Détermination des modes de vibration du CuO
2.2.2. Etude de la tenue en température de l’oxyde de cuivre (II) – CuO
2.2.3. Dépôt d’alumine par ALD
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES

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