L’encéphalopathie spongiforme bovine

L’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) a été décrite pour la première fois en Grande Bretagne en 1987 [Wells et al. 1987]. Les lésions anatomopathologiques observées sur les premiers cas ont alors permis d’apparenter cette maladie aux encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST). Les premières descriptions d’EST sont relativement anciennes (fin du 18ème siècle pour la tremblante et années 1920 pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob, [Prusiner 1993]), mais la nature exacte de l’agent pathogène responsable de ces maladies est restée longtemps inconnue, aucun virus ou bactérie n’ayant pu être isolé. En 1982, Prusiner, reprenant une idée émise quelques 15 ans auparavant [Alper et al. 1966; Alper et al. 1967; Latarjet and Muel 1970], proposa que l’agent infectieux responsable des EST était une protéine qu’il dénomma prion, anagramme de « proteinaceous infectious particle » [Prusiner 1982]. La « théorie du prion » est depuis communément admise, même si sujette à discussion quant à savoir si la protéine prion est l’unique agent pathogène, un des agents pathogènes ou simplement un marqueur de la maladie [Weissmann 1991].

Selon cette théorie, les EST sont définies comme des maladies neuro-dégénératives, évolutives et fatales du système nerveux central des mammifères, caractérisées par l’accumulation dans les cellules, d’une forme anormale d’une protéine cellulaire naturellement présente chez l’hôte. Les EST ne sont pas les seules maladies à prion connues, mais elles se différencient de la maladie d’Alzheimer et de la maladie de Parkinson par leur caractère transmissible. Actuellement quatre maladies humaines (maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) et son variant (vMCJ), syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheinker, insomnie familiale fatale et Kuru) et cinq maladies animales (tremblante, ESB, maladie du dépérissement chronique des cervidés, encéphalopathie du vison et encéphalopathie du chat) sont classées au sein du groupe des maladies à prion transmissibles. Une particularité de ces maladies est d’avoir, pour une même entité définie, des étiologies variées, tant génétique, que « sporadique » ou acquise [Prusiner 1993; DeArmond and Bouzamondo 2002; Collins et al. 2004]. Les formes génétiques sont associées à des mutations du gène PRNP codant pour la protéine prion et concernent l’insomnie familiale fatale, le syndrome de Gerstmann-Sträussler-Scheinker et la forme familiale de la MCJ [Prusiner 1993; Deslys et al. 1998; Collins et al. 2001]. Quant aux formes acquises d’EST, elles peuvent être d’origine iatrogène, comme la forme iatrogène de la MCJ (contamination via l’injection d’hormone de croissance entre autre), ou liées à une exposition alimentaire (Kuru, vMCJ, ESB, tremblante…) [Prusiner 1993]. Les formes « sporadiques », telle la forme sporadique de la MCJ et plus récemment les formes atypiques d’ESB et de tremblante, correspondent aux EST dont l’étiologie n’est en fait pas établie. Pour certaines EST sporadiques ou acquises, animales et humaines, une prédisposition génétique module l’expression de la maladie (tremblante classique et atypique, vMCJ) [Collinge et al. 1991; Partanen 2003]. Ainsi pour le vMCJ, lié à l’exposition à l’agent de l’ESB, la totalité des 212 cas cliniques, diagnostiqués jusqu’à présent, sont tous homozygotes méthionine au codon 129 du gène codant pour la protéine prion [Partanen 2003]. Cependant une inconnue demeure quant à savoir si ces personnes sont les seules sensibles à la maladie ou ont simplement une sensibilité accrue, qui s’exprimerait par une plus forte prévalence de la maladie, associée à une plus courte période d’incubation par rapport à des individus hétérozygotes méthioninevaline ou homozygotes valine [Ducrot et al. 2009]. La susceptibilité génétique des individus reste une question importante dans l’estimation du nombre de cas attendus de vMCJ lié à l’épizootie d’ESB et dans l’évaluation du risque sanitaire représenté par les EST animales et humaines.

Dès l’identification des premiers cas d’ESB, la possibilité de la transmission de cette maladie à l’homme avait été évoquée, du fait de la similitude des lésions histologiques et anatomopathologiques et du classement de l’ESB dans un groupe de maladies comportant des maladies humaines. Suite à une surveillance accrue de la MCJ, un variant de cette maladie fut identifié chez quelques sujets relativement jeunes. La signature moléculaire particulière de ce variant, différente de celles des formes de MCJ décrites jusqu’alors [Collinge and Rossor 1996; Collinge et al. 1996], la brutalité d’apparition des cas et leur répartition dans des pays infectés par l’ESB, suggérèrent l’apparition d’un nouveau facteur de risque et un lien possible entre ESB et vMCJ. La preuve de ce lien fut apportée par Bruce en 1997, qui conclut, après transmission de l’ESB et du vMCJ à la souris, que le même agent était à l’origine des deux maladies [Bruce et al. 1997]. L’évaluation du risque pour l’homme, la détermination du nombre de personnes exposées à l’ESB et/ou susceptibles de développer le vMCJ et par conséquent l’estimation de la taille de l’épizootie d’ESB, devinrent alors des questions prioritaires de santé publique.

Les premières estimations de l’ampleur de l’épizootie d’ESB ont été obtenues par la méthode du rétrocalcul, permettant de relier l’incidence de la maladie (cas observés), l’incidence de l’infection (nombre réel d’animaux infectés) et la période d’incubation de la maladie. A partir des cas ESB issus de la surveillance clinique -unique système de surveillance de l’ESB jusqu’en 2000- et d’hypothèses sur la distribution de la période d’incubation et du niveau de déclaration des cas, le nombre réel d’animaux infectés a été évalué une première fois en France et au Royaume-Uni [Anderson et al. 1996; Ferguson et al. 1997; Donnelly 2000]. Cependant, la méthode du rétrocalcul suppose qu’un certain nombre de paramètres est connu, tels la période d’incubation de la maladie, la survie des bovins et le niveau d’efficacité de la surveillance clinique. Lors de ces premières estimations, en France, peu de cas ESB avait été détectés par la surveillance clinique, et la dynamique de la population bovine française ainsi que le niveau de sous-déclaration des cas cliniques n’étaient pas connus avec précision. Les estimations ultérieures de Supervie et al [Supervie and Costagliola 2004; Supervie and Costagliola 2006] ont ainsi montré que les estimations de Donnelly [Donnelly 2000] avaient été trop optimistes et l’épizootie sous évaluée, probablement en raison d’une surestimation du taux de déclaration des cas et de l’utilisation d’une courbe de survie non adaptée à la population bovine française, ces paramètres influençant de manière importante l’estimation du nombre d’infections. En effet, plus la sous déclaration des cas et la censure par cause de mort compétitive (abattage et maladies) sont importantes, plus le nombre d’animaux infectés atteignant la phase clinique de la maladie et donc, détectables, est faible.

En 1999, le développement de tests de dépistage rapides, utilisables à grande échelle, permit d’améliorer considérablement la surveillance de l’ESB. Dès 2000, des programmes pilotes furent mis en place en France afin d’évaluer la prévalence de l’ESB dans des populations bovines à risque (animaux accidentés ou morts en ferme). Ces études révélèrent la faible efficacité de la surveillance clinique dans la détection des cas ESB. La surveillance active de l’ESB fut alors généralisée à tous les pays de l’Union Européenne. A partir de janvier 2001, le dépistage systématique des bovins de plus de 30 mois fut imposé à l’abattoir, avant d’être étendu à l’équarrissage six mois plus tard. Cette surveillance exhaustive accrut la qualité et la quantité des données disponibles. Ces données permirent ainsi d’améliorer et de réévaluer les estimations des modèles de rétrocalcul [Donnelly et al. 2002; Supervie and Costagliola 2007] et d’utiliser des méthodes plus simples, ne requérant pas les hypothèses nécessaires au rétrocalcul pour évaluer l’évolution, au cours du temps, de l’exposition des bovins à l’ESB [Cohen-Sabas et al. 2004; La Bonnardière et al. 2004; Morignat et al. 2004; Saegerman et al. 2006]. En effet, dès le début de l’épizootie au Royaume-Uni, des mesures de contrôle avaient été mises en place en France et dans un certain nombre de pays européens, afin de diminuer l’exposition des bovins à l’agent responsable de l’ESB. Les études épidémiologiques ayant démontré le rôle des farines de viande et d’os (FVO) dans la contamination des animaux [Wilesmith et al. 1988], puis, plus tard, le rôle des contaminations croisées entre aliments destinés aux ruminants et aliments pour animaux monogastriques [Hoinville 1994; Hill 2005; Sheridan et al. 2005; Jarrige et al. 2007], différentes mesures d’interdiction d’utilisation des FVO en alimentation animale et de sécurisation de ces farines furent mises en place entre 1990 et 2000 en Europe. En supposant que la contamination des bovins par l’ESB est essentiellement, sinon exclusivement, alimentaire, l’application de ces mesures devait avoir réduit l’exposition des bovins à l’ESB et par conséquence être à l’origine d’une décroissance de l’incidence de la maladie.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – L’ENCEPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE
1.1. Biologie des encéphalopathies spongiformes transmissibles
Etiologie, physiopathologie et diagnostic ; notions de souche et de barrière d’espèce
1.1.1. Un agent infectieux protéique ?
1.1.2. Anatomo-physiopathologie
1.1.3. Possibilités diagnostiques des EST
1.1.4. Caractérisation des EST
1.1.5. Notions de souche et de barrière d’espèce
1.2. Epidémiologie de l’ESB
1.2.1. Une origine controversée
1.2.2. Modalités de transmission de l’ESB en situation naturelle
1.2.3. Période d’incubation et âge des animaux à l’infection
1.2.4. Facteurs de risque de l’ESB/facteurs influençant la prévalence apparente
1.2.5. Les ESB atypiques : vers une origine bovine de l’ESB ?
1.3. Réglementation de l’ESB : contexte, évolution et état des lieux
1.3.1. Mesures de surveillance de l’ESB : mise en place et évolution au niveau européen et adaptation au niveau français
1.3.2. Mesures de contrôle de l’ESB : réglementation européenne et adaptation au niveau français
1.4. L’épizootie d’ESB en Europe : évolution et état des lieux en forme de conclusion
CHAPITRE 2 – LE MODELE AGE-PERIODE-COHORTE
2.1. Le diagramme de Lexis
2.1.1. Construction du diagramme de Lexis
2.1.2. Exploitation du diagramme de Lexis : présentation des données, calcul des taux et modélisation
2.2. Le modèle âge-période-cohorte
2.2.1. Les graphiques préalables à l’analyse
2.2.2. Formulations du modèle âge-période-cohorte
2.2.3. Estimation des effets d’âge, de période et de cohorte
2.2.4. Prise en compte des interactions dans le modèle APC
2.2.5. Inférence à partir du modèle APC
2.2.6. Impact du regroupement des données sur l’estimation du modèle APC
2.3. Proposition d’un procédé d’ajustement du modèle
CONCLUSION

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